Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 3 décembre 2008 à 10h30
Loi de finances pour 2009 — Enseignement scolaire

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le ministre, n’est- ce pas un tableau bien noir que vous dressez pour l’avenir de l’enseignement scolaire en nous proposant d’adopter ce projet de budget pour 2009 ?

L’enseignement scolaire, qui est au cœur de notre socle républicain, est pourtant un pari sur l’avenir, un investissement qui doit préparer nos enfants à relever les défis de la société de la connaissance et de l’information virtuelle.

L’éducation nationale, son bras armé, est l’un des derniers services publics régaliens de l’État. Elle doit garantir l’égalité d’accès à l’enseignement de tous les enfants sur l’ensemble du territoire et leur assurer un socle commun de connaissances qui leur permette de devenir des citoyens avisés, dotés d’un sens critique suffisamment aiguisé pour ne pas céder aux sirènes de notre société de consommation. Elle doit aussi faire de ces enfants des acteurs à part entière de notre société, capables de s’assumer financièrement quelle que soit leur origine sociale.

Selon l’expression consacrée, trop de réforme tue la réforme.

Après la suppression de la carte scolaire, le vote de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ou encore le service minimum d’accueil, voici la réforme des lycées, de l’enseignement professionnel, de l’IUFM, et donc du recrutement des enseignants ; la refonte de l’école primaire autour de nouveaux programmes et de nouveaux horaires ; la nouveauté concernant l’accueil des jeunes enfants ; et, j’ai gardé le meilleur pour la fin, la sédentarisation de 3 000 enseignants des réseaux d’aide spécialisé aux enfants en difficulté.

Comment comptez-vous réussir ce tour de force, sans y mettre ni la forme ni les moyens ?

Monsieur le ministre, je reviens sur la question du service minimum d’accueil délégué aux communes. Vous remettez en cause, dans un seul élan, à la fois le droit de grève des enseignants et la sécurité des élèves puisque, devant la difficulté de mise en œuvre de cette mesure, aucune garantie n’a été exigée quant au niveau des compétences des personnels d’encadrement qui pallieront l’absence des grévistes. Qui plus est, comme pour l’article 89, vous transférez des charges financières supplémentaires aux collectivités locales. Il en sera de même, je suppose, pour les structures chargées d’accueillir les enfants âgés de deux à trois ans.

Avec cet ensemble de mesures, vous remettez en cause les fondements qualitatifs de notre système éducatif. Quelles en seront les conséquences à long terme ? Que deviendra notre école laïque unique, celle qui doit aplanir les différences, et non les accentuer, liées au milieu familial ou à la richesse de la commune d’habitation ?

Je m’associe à l’inquiétude unanime des professionnels du secteur face à l’absence de concertation et d’évaluation préalables aux réformes.

Prenons l’exemple de la réforme des lycées : elle paraît justifiée par le taux élevé d’échecs ou d’abandons des étudiants inscrits en licence. C’est pourquoi vous proposez une scolarité sous forme de modules disciplinaires.

Ce choix pédagogique me semble pertinent, sous réserve que deux conditions soient remplies : l’éventail des matières proposées aux élèves doit rester très diversifié et ne doit pas être réduit à la seule logique d’entreprise – il faut que vivent les arts, la philosophie et les langues étrangères ; il convient de mettre en place un programme de formation pour les enseignants pour accompagner ce dispositif.

Mais pourquoi réformer si rapidement ? Avez-vous évalué les incidences réelles sur la vie des lycées ? Y aura-t-il plus d’adultes pour entourer et accompagner les jeunes dans leurs choix et les aider à tirer le meilleur parti de cette nouvelle façon d’enseigner ? Ou bien est-ce encore les meilleurs élèves qui tireront profit de la diversité des modules et les moins bons qui seront très vite dépassés et laissés pour compte ?

Concernant l’enseignement professionnel, réduire la durée de préparation du « bac pro » à trois ans peut attirer de vraies vocations si les collégiens ont accès, durant leur scolarité, à un parcours de découverte des métiers et à des formations de qualité. En revanche, il paraît difficile d’inciter des élèves en grande difficulté à suivre le même cursus sans être sûrs d’obtenir, à mi-parcours, un diplôme de type CAP ou BEP.

C’est pourquoi il me paraîtrait utile de développer davantage de passerelles entre la filière générale, la filière professionnelle et les entreprises. Il doit y avoir une souplesse dans l’orientation d’un élève qui envisagerait de changer de voie ou qui ne réussirait pas dans celle qu’il a choisie.

Enfin, pour dissiper l’image péjorative de l’enseignement professionnel, il faudrait développer une campagne d’information interne dès le collège qui serait principalement axée sur les débouchés de ces cursus en matière d’emploi, sans oublier de revaloriser l’image des enseignants de ces lycées.

En ce qui concerne l’enseignement agricole, véritable modèle pédagogique, je rejoins la position exprimée par Mme Férat, rapporteur pour avis, qui a déposé un amendement, au nom de la commission des affaires culturelles, pour que le ministère de l’agriculture et de la pêche vienne en soutien du ministère de l’éducation nationale pour financer les 51 millions d’euros manquants.

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