Intervention de Jacques Muller

Réunion du 3 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — État b

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Cet amendement vise à affecter les crédits destinés à financer les heures supplémentaires dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », au rétablissement des 3 000 postes supprimés dans les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.

La volonté d’amputer fortement les RASED, en transférant 3 000 enseignants spécialisés sur un total de 11 000 et en les affectant dans les classes en tant que professeurs des écoles, suscite à juste titre de très fortes réactions dans notre pays.

Au sein de la communauté éducative, enseignants et parents sont unanimes. Dans le Haut-Rhin, tous les conseils d’école qui se sont tenus depuis l’annonce de la disposition c’est-à-dire plus d’une centaine, se sont exprimés clairement pour le maintien d’un dispositif qui a fait ses preuves sur le terrain.

Les témoignages de parents se multiplient tous les jours dans la presse locale.

S’agissant des élus, une fois n’est pas coutume, on retrouve la même unanimité. Les motions de soutien de conseils municipaux s’accumulent. Tous les conseillers généraux, sans exception, et quelle que soit leur étiquette, présents lors de la dernière séance du conseil général du Haut-Rhin, ont signé le texte d’appel en faveur du maintien et de la pérennité du dispositif RASED, ainsi que du retrait du projet de sédentarisation.

Trois sénateurs du Haut-Rhin sur quatre, plus de cent cinquante maires ont à ce jour adopté publiquement la même position. Et le président UMP de la région Alsace a fait appel aux parlementaires pour trouver une solution technique dans le cadre de la loi de finances.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le sujet qui nous préoccupe, il n’y a plus de majorité ni d’opposition ; il n’y a plus d’étiquette politique ; il y a un consensus, pour pérenniser un dispositif dont la présence sur le terrain, y compris en milieu rural, est jugée incontournable.

Le travail des RASED est un travail de réseau, d’abord en interne par l’existence des trois catégories de professionnels – enseignants spécialisés, rééducateurs, psychologues –, mais également en externe par les liens qu’ils tissent avec d’autres intervenants médico-sociaux.

Ils interviennent à la demande des professeurs et avec l’accord des parents pour proposer des aides spécialisées à des élèves rencontrant des difficultés sévères en classe, qui portent le plus souvent sur le comportement des enfants et leur adaptation à la classe et à l’école et auxquels la mise en place des deux heures de soutien scolaire hebdomadaire ne peut en toute rigueur pas répondre.

La spécialisation des professionnels des RASED permet ainsi à ces derniers de remettre sur les rails des enfants quand il est encore temps. Ils agissent en prolongement du travail des professeurs, qui reconnaissent là leurs compétences spécifiques.

Certes, les professeurs peuvent faire face à certaines difficultés qu’ils rencontrent avec leurs élèves, mais il en est d’autres devant lesquelles ils se trouvent totalement désarmés.

Pour celles-ci, le RASED, grâce à sa composition pluridisciplinaire, permet une prise en charge et un accompagnement spécifique et adapté, en liaison étroite avec les parents. C’est ce dont témoignent les enseignants et les familles qui ont été confrontés à des problèmes psychologiques de comportement ou aux répercussions scolaires de difficultés familiales et sociales.

Au regard des résultats remarquables observés sur le terrain, n’eût-il pas mieux valu apporter des améliorations au dispositif en place, plutôt que de tracer, comme vous le faites, la perspective de la suppression des RASED ?

Certes, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles du Sénat le 12 novembre dernier, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que la suppression des RASED n’était pas à l’ordre du jour, la sédentarisation des 3 000 maîtres ayant pour seule vocation de fixer une petite partie des enseignants de ces réseaux dans les établissements où l’on a le plus besoin d’eux.

Mais cette déclaration est en contradiction avec la décision d’arrêter les formations de maîtres spécialisés à partir de septembre 2009, qui programme implicitement la suppression des RASED à terme, en tarissant leur recrutement.

Elle est également en contradiction avec ce qui se passe sur le terrain. À titre d’exemple, dans le Haut-Rhin, on comptait voilà deux ans quarante-cinq rééducateurs en poste. Ils ne sont plus que trente-six aujourd’hui, chacun d’eux aidant cinquante enfants à trouver leur place à l’école. Le suivi de ces 1 800 enfants permet également de soutenir les maîtres d’école et les familles confrontées à des difficultés qui ne relèvent pas forcément de soins ou d’interventions sociales.

Ainsi, nous avons aujourd’hui un dispositif qui a fait ses preuves, gratuit pour les familles, et dont la suppression irait clairement à l’encontre de la réussite scolaire des enfants en grande difficulté, principalement ceux des milieux populaires et dans le monde rural.

Notre système éducatif est fondé sur l’accueil de tous les enfants, l’égalité des chances, le droit au savoir et à la réussite scolaire. La prise en compte des difficultés rencontrées par les plus faibles et leur accompagnement par des professionnels compétents pour les aider à trouver pleinement le chemin de l’école doivent rester une priorité absolue.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à déposer nos étiquettes politiques respectives et à donner un signal clair en faveur de l’école de la République. Adoptons cet amendement technique qui permettra de pérenniser un dispositif aussi emblématique qu’irremplaçable et qui respecte le cadre du budget, tel qu’il a été tracé.

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