Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais me montrer moins optimiste que mon collègue del Picchia et aborder les crédits de cette mission de façon plus générale.
Le projet de budget pour 2009 me laisse à penser que la France considère de plus en plus l’aide publique au développement comme une B.A., c’est-à-dire que, comme un boy-scout, on peut faire un peu semblant. Or, selon moi, c’est l’un des trois piliers de l’action internationale en interaction avec la diplomatie et, quand les circonstances l’exigent, avec la défense.
Rien, pas même la visite éclair du Président de la République à Doha le week-end dernier, ne nous empêchera de constater que les chiffres de l’aide publique au développement mentent : la moitié de notre APD est factice, l’aide bilatérale stagne depuis 2001 à 1, 7 milliard d’euros et baisse de 12 % dans le projet de budget pour 2009. De surcroît, le décret du 28 novembre dernier annule plus de 27 millions d’euros en autorisations d’engagement et plus de 34 millions d’euros en crédits de paiement. Monsieur le secrétaire d’État, quels secteurs seront-ils frappés par cette annulation ?
Les chiffres mentent !
La France, acteur de premier rang des conférences internationales sur le développement, se présente comme le troisième bailleur mondial de l’aide publique au développement. Si l’on en croit les chiffres, elle est censée consacrer plus de 9, 5 milliards d’euros au développement en 2009. Mais ce n’est pas du tout ce qui apparaît sur le terrain.
En fait, ces 9, 5 milliards d’euros sont en grande partie le produit de la comptabilisation de dépenses sans relation avec le développement.
Vous me rétorquerez, monsieur le secrétaire d’État, que notre pays ne fait que se conformer aux règles de l’OCDE. Pour autant, il est quand même terrible d’avoir, d’un côté, une aide virtuelle énorme et, de l’autre, une aide réelle de plus en plus faible. L’abîme se creuse.
Comme l’a rappelé M. Vantomme, nous sommes critiqués par le CAD de l’OCDE, car nous déclarons plus de 1 milliard d’euros pour les frais d’accueil des étudiants étrangers ou des réfugiés. Ce chiffre ex post ne correspond à rien et est excessif.
Nous déclarons aussi des annulations de dette, comme celle de l’Irak ou du Nigéria, qui sont en fait des dettes commerciales, ce que nous ne devrions pas faire au titre de l’aide au développement. Le plus grave est que nous déclarons les mêmes annulations de dette plusieurs années de suite. Tel est le cas pour la Côte d’Ivoire en 2007 et en 2008, puis maintenant pour 2009. Retrouverons-nous cette somme dans le projet de budget pour 2010 ? Là, vraiment, les chiffres mentent !
Si nous entrons dans le détail, les crédits véritablement disponibles, ceux de la mission « Aide publique au développement » auxquels on peut ajouter les prêts de l’AFD, ne représentent plus que 6, 3 milliards d’euros. Les prévisions de prêts de l’AFD passent de 469 millions d’euros en 2008 à 927 millions d’euros en 2009.
Dans ces conditions, on pourrait penser que notre pays est un peu plus visible et un peu plus audible sur le terrain. Tel n’est pas le cas, car, comme plusieurs intervenants l’ont dit, nous avons fait le choix, et probablement d’une façon excessive, du financement des structures européennes et onusiennes d’aide. Or, faute d’une forte présence directe sur le terrain, en coopération bilatérale, nous n’avons plus ni les hommes ni les instruments qui pourraient orienter et évaluer les actions de ces grandes structures.
Pourtant, nous avons besoin des deux. L’action multilatérale n’est pas contre l’action bilatérale, et inversement. Sans action bilatérale sur le terrain, on est incapable de peser sur l’action multilatérale. C’est d’ailleurs ce qu’il nous arrive actuellement.
Je voudrais essayer de comprendre pourquoi nos financements multilatéraux ont augmenté à ce point. Ils représentent maintenant plus de 66, 7 % de la mission APD.
Une première raison est que les engagements pris n’ont pas été maîtrisés, comme c’est le cas de notre contribution au Fonds européen de développement, qui atteint 800 millions d’euros en 2009 et qui devrait croître encore dans les années à venir.
On peut aussi se demander s’il ne s’agit pas d’un choix délibéré, plutôt sympathique finalement, qui mettrait, d’une certaine manière, notre aide à l’abri des réductions budgétaires, puisque, en ce qui concerne la modalité multilatérale de l’aide, nous sommes contraints par nos engagements internationaux. À l’inverse, aucune contrainte ne s’exerce pour l’aide bilatérale, et nous voyons ses crédits baisser.
Trouvons donc le juste équilibre entre aide multilatérale et aide bilatérale.
Force est de constater que le paysage de l’aide multilatérale s’est singulièrement compliqué ces dernières années par la multiplication des créations de fonds fiduciaires chaque fois qu’une priorité semble s’imposer.
Prenons le cas du Fonds de lutte contre le sida, qui ne parvient pas à « décaisser », tout simplement parce qu’il a tout à coup reçu trop d’argent.
Le plus souvent, ces fonds ne sont même pas opérateurs des crédits dont ils disposent. On se retrouve alors dans une situation absurde, où le bailleur, qui a trop d’argent, cherche désespérément des projets à financer et des acteurs pour les mettre en œuvre – or il n’y a plus de coopération bilatérale française pour le faire – alors que des pans entiers des besoins sociaux et économiques sont orphelins de l’aide.
La crise alimentaire est venue nous rappeler cruellement à quel point le développement rural et l’agriculture avaient été délaissés par les grandes organisations multilatérales, alors qu’ils avaient été traditionnellement prioritaires dans notre coopération française bilatérale.