Intervention de Joël Bourdin

Réunion du 3 décembre 2008 à 22h15
Loi de finances pour 2009 — Développement agricole et rural

Photo de Joël BourdinJoël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les intervenants qui vont se succéder au cours de la discussion des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » sont, comme à l’accoutumée, nombreux. Aussi me permettrez-vous de centrer mon intervention, monsieur le ministre, sur les principales questions que la commission des finances s’est posées au vu des crédits prévus pour 2009.

Nos débats ont pour toile de fond à la fois les difficultés que traverse le monde agricole et le bilan de santé de la politique agricole commune, la PAC. Ce contexte résume à lui seul la mission délicate de tout ministre de l’agriculture : mettre en œuvre une politique largement communautarisée, avec les contraintes réglementaires que cela emporte, au bénéfice d’un secteur économique stratégique, mais ô combien ! vulnérable aux aléas économiques, climatiques et sanitaires.

Votre mission budgétaire, monsieur le ministre, intègre désormais un programme consacré à la sécurité et à la qualité sanitaire de l’alimentation, et votre ministère a entrepris sa réorganisation, conformément aux préconisations de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Cette réorganisation est ambitieuse, puisqu’elle passe, entre autres, par le resserrement de l’administration centrale, la fusion des directions départementales de l’équipement, les DDE, des directions départementales de l’agriculture, les DDA, et des offices, ainsi que du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, CNASEA et de l’Agence unique de paiement.

J’ai cru comprendre que vos services étaient « en ordre de bataille » pour fonctionner, dès le 1er janvier 2009, selon ce nouveau schéma. Cela nécessitera pour partie, et dans les plus brefs délais, une traduction législative. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quand et dans quelles conditions cette traduction doit intervenir ? Par parenthèses, je forme le vœu que cette réorganisation administrative accélère les délais de réponse du ministère au questionnaire budgétaire, puisque, cette année, seulement 37, 7 % des réponses me sont parvenues dans les délais prescrits par la loi organique.

Pour la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » sont prévus, en 2009, 3, 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3, 5 milliards d’euros en crédits de paiement, dont la moitié de dépenses d’intervention. Nous nous doutons que les crédits de cette mission sont « budgétés au plus juste » ; l’exécution des années passées a souvent démontré le caractère insuffisant de certaines dotations, en particulier lorsqu’il s’agit de faire face aux nombreux aléas qui frappent le monde agricole.

À cet égard, monsieur le ministre, le plan d’urgence que vous venez d’annoncer en faveur de l’agriculture témoigne à nouveau des difficultés du pilotage budgétaire que vous devez assumer. Ce plan a fait débat au sein de notre commission et mes collègues ont formé le vœu que votre intervention à venir soit l’occasion d’en détailler le financement.

Nous nous sommes également interrogés sur la programmation pluriannuelle de vos crédits, qui prévoit une baisse des crédits de paiement du programme 154, soit votre principal programme d’intervention, de près de 17 % en 2010. Cette baisse semble gagée sur des redéploiements attendus de la réforme de la PAC, dont nous sommes désireux de connaître la teneur et les montants.

L’examen détaillé de vos crédits conduit à se demander si certaines « poches de sous-budgétisations » ne demeurent pas au sein de cette mission. Que penser des montants alloués à la gestion des crises et aléas climatiques, économiques et sanitaires ? J’observe, par exemple, et une fois de plus, qu’il n’y a pas de crédits pour le Fonds national de garantie des calamités agricoles, alors même que la commission des finances, qui est têtue, se voit régulièrement soumettre des projets de décrets d’avance venant abonder ce fonds en gestion.

Que penser, ensuite, des 13, 7 millions d’euros prévus au titre de la lutte contre la fièvre catarrhale ovine, la FCO, dont ma collègue Nicole Bricq, en sa qualité de rapporteur spécial, a souvent relevé la sous-budgétisation chronique ? D’après vos services, ce montant devrait être suffisant dans la mesure où les frais importants de vaccination de l’année 2008 seront dorénavant pris en charge non pas par l’État, mais par les éleveurs et, éventuellement, par l’Union européenne.

La même question se pose s’agissant plus particulièrement du montant prévu au titre des « indemnisations de mortalité », soit 1, 5 million d’euros. Cette prévision est fondée sur une hypothèse de prophylaxie basse dont nous nous demandons si elle est réaliste, compte tenu de l’ampleur de la reprise épizootique de l’automne 2008.

Je pourrais également évoquer l’absence de crédits dévolus au paiement des refus d’apurement communautaire, cette épée de Damoclès qui pèse annuellement sur votre budget et dont la loi de finances rectificative vient traditionnellement régler la facture. L’audition à laquelle la commission a procédé le 13 novembre dernier sur ce sujet a été pleine d’enseignements, et je persiste à juger nécessaire la budgétisation, en loi de finances initiale, de ces pénalités financières, au moins pour leur montant correspondant au taux d’erreur incompressible dans l’application de la réglementation communautaire.

Je dirai un mot, à présent, de la traduction budgétaire des décisions prises dans le cadre de la RGPP. Ainsi que vous le faites valoir, les conseils successifs de modernisation des politiques publiques ont validé la plupart des dispositifs d’intervention nationaux que votre ministère met en œuvre en faveur du monde agricole.

La RGPP se traduit néanmoins, en 2009, par des baisses significatives ou des suppressions de crédits en matière d’hydraulique agricole, d’animation rurale ou de préretraites.

Au chapitre de la RGPP, permettez-moi de saluer la réforme du service public de l’équarrissage, le SPE. Celle-ci est réclamée depuis longtemps par la commission des finances, et ma collègue Nicole Bricq et moi-même y avons consacré par moins de deux rapports d’information.

Le fait que la réforme ait été opérée par voie d’amendement gouvernemental à l’Assemblée nationale a conduit la commission des finances à en examiner les contours dans une certaine urgence. Aussi, je serais heureux que vous y reveniez, monsieur le ministre, afin d’éclairer plus particulièrement le Sénat sur le calendrier de résorption de la dette du SPE, sur l’avenir de la taxe d’abattage et sur les négociations en cours concernant l’instauration d’une cotisation volontaire obligatoire pour financer, à l’avenir, les missions d’équarrissage.

J’en viens un instant à la situation de deux opérateurs du ministère chers à la commission des finances.

Les orientations annoncées pour l’évolution des haras nationaux sont conformes aux recommandations que nous avons formulées : recentrage des haras sur leurs missions de service public, évolution vers un « office du cheval permettant de mieux structurer la filière », plan de réduction des effectifs de l’opérateur à hauteur de 147 équivalents temps plein, ou ETP, sur 2009-2011, qui se traduira par la diminution progressive de la subvention pour charges de service public. Il ne reste qu’à matérialiser ces orientations dans le contrat d’objectifs 2009-2013 de l’opérateur, qui tarde un peu à paraître.

L’Office national des forêts verra, quant à lui, sa subvention diminuer à 167 millions d’euros en 2010 et 161 millions d’euros en 2011, et l’établissement devra verser un dividende à l’État en fonction de l’évolution des cours du bois. Il lui sera demandé de réaliser des gains de productivité et de réduire ses effectifs selon la trajectoire définie par son contrat d’objectifs 2006-2011, soit 1, 5 % par an et 458 ETP sur 2009-2011.

La commission des finances y sera attentive ; elle a confié à la Cour des comptes une enquête sur l’ONF en 2009. Cette enquête permettra d’évaluer à mi-parcours l’exécution par l’opérateur de son contrat d’objectifs et d’examiner comment il met en œuvre les décisions de la RGPP et les orientations du Grenelle de l’environnement et des Assises de la forêt.

Nous nous pencherons également sur la question du paiement par l’ONF de la taxe foncière sur les propriétés non bâties portant sur les forêts domaniales de l’État. L’Office semble désormais se considérer comme non assujetti, dans la mesure où il n’est pas propriétaire des forêts en question. Cela occasionne une perte de recettes potentiellement importante et non compensée pour les communes concernées ; l’avis du ministre de l’agriculture sur cette question nous serait précieux.

Je relève, enfin, que le ministère de l’agriculture est orphelin de l’un de ses opérateurs en 2009. En effet, l’Agence française d’information et de communication agricole et rurale, l’AFICAR, a prononcé sa dissolution le 11 septembre 2008, ce dont je me félicite compte tenu des insuffisances que j’ai pu relever dans le fonctionnement de cette agence au cours du contrôle que j’ai mené en 2008.

Le Programme d’action prioritaire 2009 prévoyait de redéployer les 1, 4 million d’euros de crédits de l’AFICAR au profit d’opérations de communication décidées sur l’initiative de la profession agricole. Notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a proposé d’affecter cette somme aux charges de bonification des prêts aux Coopératives d’utilisation du matériel agricole, les CUMA, et au bénéfice des associations œuvrant en faveur du monde rural. Nous vous proposerons de revenir sur une partie de cette affectation, car nous considérons que la suppression de l’AFICAR doit se traduire par une économie nette pour le budget du ministère.

S’agissant enfin du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », je maintiens, monsieur le ministre, que la justification des crédits doit être améliorée pour garantir que les subventions ne sont pas distribuées en vertu d’une logique « d’abonnement aux aides » des chambres d’agriculture et des instituts techniques.

Sous réserve des amendements qu’elle vous proposera, la commission des finances recommande l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », du compte spécial « Développement agricole et rural » et des articles rattachés.

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