Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la crise, d’origine financière, gagne l’ensemble de l’économie. Plusieurs filières de l’agriculture, déjà fragilisées par des difficultés structurelles, risquent de souffrir des conséquences de la récession.
D’après les prévisions du ministère, les revenus agricoles subiront une baisse comprise entre 8 et 15 %. Une fois encore, les producteurs de fruits et légumes ainsi que les éleveurs seront les plus touchés, puisque leurs revenus, qui n’ont jamais cessé de se dégrader, connaîtront une chute supérieure à 20 %.
C’est pourquoi il est important que l’État soutienne le monde agricole. Si l’on peut se féliciter du plan d’urgence mobilisant 250 millions d’euros, que dire du projet de loi de finances qui applique la rigueur budgétaire à la mission agriculture ! En effet, comme l’a souligné le rapporteur spécial, la hausse des crédits de 2, 4 % est à relativiser, au regard du taux d’inflation et de la baisse de 6, 7 % des crédits d’engagement.
Dans ces conditions, un certain nombre d’actions vont être fortement contraintes. Même si l’essentiel des concours publics à l’agriculture provient des fonds communautaires, et même si l’OMC et la PAC orientent fortement les interventions, l’État doit répondre aux déséquilibres qui affectent le secteur par des mesures de soutien ciblées et pertinentes. Surtout, dans le contexte économique actuel, il doit jouer le rôle d’un amortisseur social en soutenant les plus menacés.
Parmi les mesures positives qui figurent dans ce budget – car il y en a quelques-unes –, je citerai l’installation des jeunes agriculteurs, qui est visiblement pour vous un poste prioritaire, puisque les crédits augmentent de 13, 3 %. Il est essentiel de contribuer au maintien des exploitations et de limiter la décrue de leur nombre sur notre territoire parce que le défi alimentaire est un enjeu à ne pas sous-estimer.
En revanche, il n’est pas très cohérent de considérer l’installation des jeunes comme fondamentale et de diminuer, dans le même temps, les crédits du programme « Enseignement technique agricole ». Heureusement, un amendement, discuté cet après-midi dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire », a rectifié la baisse initiale de 2, 5 % des crédits.
Aux côtés de la politique d’installation, ce sont les mesures en faveur de la modernisation des exploitations qui donnent les clés de la performance et de la vitalité du secteur. Sur ce volet, on peut apprécier le soutien, continu depuis 2005, au plan de modernisation des bâtiments d’élevage. En revanche, le plan végétal pour l’environnement est peut-être suffisamment doté pour répondre aux besoins, mais la baisse des crédits s’accommode mal des objectifs poursuivis par le Grenelle de l’environnement, notamment en matière d’indépendance énergétique.
La diminution des crédits consacrés au programme relatif à la conduite et au pilotage des politiques de l’agriculture conduit à négliger des outils pourtant essentiels au développement des exploitations ; je pense, notamment, aux CUMA, qui sont un levier important de la modernisation et dont les moyens inscrits en loi de finances pour 2009 ne permettront pas de couvrir les attentes de prêts bonifiés. D’autant que le redéploiement de 700 000 euros opéré par les députés au bénéfice des CUMA pourrait être remis en cause par la commission des finances, ce que je n’approuve pas.
S’agissant du soutien à la gestion des crises, je regrette, en particulier, la faiblesse des crédits consacrés à l’assurance récolte. Vous comptez beaucoup trop sur la manne communautaire, attendue seulement en 2010, pour couvrir la montée en charge du dispositif issu de la loi d’orientation du 5 janvier 2006.
Les rapporteurs pour avis l’ont très justement indiqué : l’assurance récolte ne reçoit pas les financements à la hauteur des besoins. La dotation, fixée en 2008 à 32 millions d’euros, est reconduite en 2009. À l’occasion de l’examen par notre assemblée de la proposition de loi tendant à généraliser l’assurance récolte obligatoire, que j’avais déposée en début d’année, nous avons pu discuter de l’intérêt d’une meilleure protection des exploitants contre les conséquences des aléas climatiques. Je ne reviendrai pas sur le bien-fondé du principe qui, je crois, est assez partagé ; vous aviez considéré ce texte comme une excellente loi d’appel.
En ce qui concerne le programme « Sécurité et qualités sanitaires de l’alimentation », désormais rattaché à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », le renforcement des crédits consacrés à la lutte contre la fièvre catarrhale ovine explique en grande partie la hausse de ses moyens. À cet égard, compte tenu de l’ampleur de la crise sanitaire qui touche les élevages, la dotation de 13, 7 millions d’euros sera probablement trop juste.
Je profite de ce programme pour évoquer la réglementation européenne destinée à sécuriser les denrées alimentaires. Si l’on peut naturellement adhérer à l’objectif de réduction des pesticides dans l’agriculture, le durcissement brutal des règles menacerait et déstabiliserait un grand nombre de productions, en particulier l’arboriculture fruitière.
Dans mon département, la filière de production des pommes est très inquiète. Le retrait des produits phytosanitaires doit être progressif et accompagné d’un plan de soutien à la recherche de solutions alternatives. D’ailleurs, notre collègue Daniel Soulage en a excellemment parlé tout à l’heure.
Enfin, je conclurai sur une question qui ne relève pas de votre ministère, en termes budgétaires, mais à laquelle vous êtes sans doute sensible, monsieur le ministre : je veux parler des retraités agricoles.
Le problème du financement structurel du régime social agricole a été évoqué dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Une solution pérenne doit être trouvée pour garantir l’équilibre du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, et permettre ainsi la mise en place d’une politique plus volontariste à l’égard des retraités agricoles.
Je ne sous-estime pas les mesures récentes visant à revaloriser les petites retraites des non-salariés agricoles et à augmenter le taux des pensions de réversion. Mais, vous le savez, monsieur le ministre, elles ne sont pas suffisantes. En effet, la revalorisation ne portera la retraite qu’à 633 euros, ce qui équivaut aujourd’hui à un revenu de survie. Nous rencontrons d’ailleurs tous quotidiennement d’anciens agriculteurs en situation de précarité, alors qu’ils ont fortement contribué à hisser l’agriculture française parmi les plus performantes !
C’est pourquoi l’effort de solidarité nationale doit être poursuivi en faveur des retraités agricoles.
Mes chers collègues, certes, la prépondérance économique de l’agriculture diffère d’un département à un autre, mais ce secteur mérite toute l’attention des parlementaires, même des plus urbains d’entre nous.
Avec encore près de 800 000 actifs, notre pays conserve une forte tradition rurale. Les agriculteurs, plus que les autres, ont affronté des crises de toutes sortes dans un contexte de forte concurrence. Ils ont toujours démontré leur capacité à s’adapter. En retour, il nous revient de renforcer les outils nécessaires à leur maintien. Le projet de loi de finances pour 2009 n’étant pas en mesure de le faire efficacement, les radicaux de gauche n’approuveront pas la mission.