Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » s’élèvent à environ 3 milliards d’euros. Nous pouvons donc considérer ce budget comme stable. Mais l’agriculture bénéficie d’une très faible part de l’effort public global : sur la période 2009-2011, on constate une baisse de 10 % en crédits de paiement et de 12 % en autorisations d’engagement.
À ce propos, je voudrais effectuer un rappel. L’argumentation qui est souvent apportée en faveur de cette diminution, en l’occurrence la baisse de la population agricole, n’est pas une justification valable. En effet, l’ensemble du volume financier tiré de l’agriculture est toujours en progression.
La société française doit continuer à définir une politique agricole active, car cela crée des mouvements industriels très importants. Cette réflexion paraît très importante à exprimer, car le ministère subit des restructurations au niveau des directions régionales et départementales, qui conduisent à des suppressions de postes. Cela suscite un sentiment d’incertitude sur l’avenir de la gestion du monde agricole et rural.
La mise en place du découplage des aides renforce encore ce sentiment : c’est la mort programmée, à plus ou moins long terme, de toutes les aides au monde agricole et rural. Ce serait dramatique pour toute l’économie française.
Ce démantèlement de la PAC est d’autant plus surprenant que les États-Unis ont encore accru leurs aides agricoles, au niveau de la farm bill, pour 2008-2012, portant les crédits de 55 milliards de dollars à 77, 5 milliards de dollars.
Les agriculteurs français appréhendent la relance prévisible des négociations du cycle de Doha, qui n’ont pas abouti jusqu’à présent. L’OMC voudrait nous arracher de nouveaux engagements qui pèseraient sur le sort de notre agriculture.
Là encore, monsieur le ministre, il faudra faire preuve de beaucoup de détermination pour résister à la pression internationale.
Après une période d’euphorie, les difficultés pèsent à nouveau sur le monde agricole depuis quelques mois. J’attire votre attention sur l’évolution du secteur de l’élevage français, touché par des crises sanitaires répétitives : la fièvre catarrhale apparue en 2006 fut la dernière d’entre elles.
Certes, vous avez accompli d’importants efforts financiers afin de lancer une vaste campagne de vaccination sur le sérotype 1 et 8, qui devrait se terminer le 30 avril 2009. Toutefois, les pertes financières d’exploitation sont énormes lorsqu’un élevage est touché par cette maladie. Les éleveurs ont besoin de se sentir soutenus et veulent bénéficier de la solidarité nationale et européenne dans ces circonstances sanitaires tout à fait exceptionnelles et violentes : malgré les témoignages de votre bonne volonté, le compte n’y est pas tout à fait.
Ces éleveurs sont aussi attentifs à l’avenir des quotas laitiers. Le dernier accord que vous avez négocié, monsieur le ministre, conduira, par l’augmentation régulière des droits à produire, à la suppression effective de ces droits. La dérégulation du marché du lait est en marche !
On peut penser que cette décision aboutira inévitablement à la concentration des élevages, avec d’énormes usines à lait, et à la disparition des élevages de petite et moyenne importance. Cette évolution aura des conséquences catastrophiques en termes économique, social et d’aménagement du territoire, aussi bien pour des régions de montagnes que pour des régions intermédiaires comme celle de l’Avesnois, dans le département du Nord.
Cette politique favorisera également la désertification agricole. Lorsque les éleveurs auront disparu, nous manquerons de lait, et nous regretterons alors amèrement d’avoir supprimé le système des quotas permettant d’assurer des prix relativement garantis. N’oublions pas qu’il faut beaucoup de temps pour former un éleveur.
Aujourd’hui, les agriculteurs s’interrogent sur la capacité à définir une politique liant intelligemment agriculture et environnement. Ils sont en effet conscients des problèmes auxquels ils sont confrontés, sans toutefois savoir si nous avons les solutions pour y remédier. Le plan d’action « Agriculture biologique : horizon 2012 » prévoit de tripler en trois ans les surfaces cultivées en produits biologiques. J’approuve cet objectif louable, qui pourrait d’ailleurs concerner prioritairement les zones de protection des champs captant.
Toutefois, il convient de former des agriculteurs, en particulier des jeunes, à ces techniques de culture. Nous connaissons un déficit en matière de formation et il faut donc susciter des vocations. Par ailleurs, il sera nécessaire d’assurer la rentabilité de la filière dans son ensemble, de la production à la commercialisation. Le pari est loin d’être gagné ! Atteindre ces objectifs demandera de la ténacité, de l’obstination, et des crédits. Au-delà, il s’agit de développer une agriculture intégrée, respectueuse de l’environnement.
Le plan ECOPHYTO 2018 constitue également un sujet d’inquiétude : il vise à réduire en dix ans l’utilisation des produits phytosanitaires. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la santé tant des agriculteurs eux-mêmes que des populations. On constate, depuis quelque temps, une résistance des plantes à certains traitements chimiques. Conserver les mêmes méthodes, c’est aller dans le mur !
La difficulté, c’est qu’il faut réorienter la recherche vers d’autres molécules moins dangereuses, mettre en œuvre des techniques culturales différentes, encourager les études sur des variétés de plantes, certes moins productives, mais plus résistantes aux maladies. Le choix est difficile ! Si la précipitation est à bannir, il faut néanmoins se fixer un nouveau cap et le tenir, afin de rassurer les paysans sur l’efficacité des moyens mis en œuvre.
Parallèlement, le temps presse pour nourrir trois milliards de personnes supplémentaires sur la planète : on risque, dans les décennies à venir, de connaître une pénurie alimentaire, voire la famine dans certaines régions.
Les politiques agricoles nécessitent une régulation et une aide soit de l’État, soit de l’Europe. Sinon, la volatilité des prix conduira à la ruine de l’agriculture, car les agriculteurs hésiteront à investir. Les mouvements erratiques du prix du lait ces derniers mois, qui ont fortement touché les éleveurs, montrent bien qu’il faut redéfinir les règles de fixation du prix du lait afin de le stabiliser, tout en tenant compte du marché mondial. De même, un rééquilibrage en faveur de l’herbe et des protéines végétales limitera notre dépendance au soja américain. Enfin, il importe de mieux gérer les stocks sur le long terme, car la décroissance des stocks favorise la spéculation.
Lors du Grenelle de l’Environnement, j’ai pu constater que la Commission européenne projetait de supprimer l’aide de 33 euros la tonne à la déshydratation de la luzerne, qui permet de compenser une partie du déficit de compétitivité de la luzerne par rapport au soja importé.
La luzerne est une plante écologique : elle fixe l’azote, remplace les engrais de synthèse et assure une couverture permanente du sol en évitant le ruissellement et l’érosion des sols. C’est également une plante mellifère qui intéresse les apiculteurs et apporte de la nourriture à l’élevage. Là aussi, il faut une volonté politique qui assure un revenu décent à nos agriculteurs et les oriente vers une agriculture intégrée.
Vos propositions sur le bilan santé de la PAC n’orientent pas l’agriculture dans la bonne direction. Sans reprendre les propos tenus par le président de la FNSEA, qui parle de décisions « irresponsables », la régulation des marchés est nécessaire. Le compromis auquel vous êtes parvenu ne me semble pas acceptable. L’Union européenne ne peut pas être une simple zone de libre-échange et la seule issue ne peut pas être la renationalisation des politiques agricoles.
C’est pourquoi nous ne voterons pas votre budget, monsieur le ministre. Même si j’en reconnais le sérieux, compte tenu du contexte national et international très contraint, ce budget comporte trop d’incertitudes et ne me paraît pas répondre aux enjeux auxquels notre agriculture doit faire face.