Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas obligatoirement sur ce que je vous ai déjà dit à propos de la PAC et de votre action, que je salue.
Je souhaite en fait dresser un constat plus général sur ce projet de budget qui nous est présenté au moment même où l’ensemble des productions agricoles françaises vivent une situation de crise quasiment généralisée. C’est presque une première, car, généralement, quand certains secteurs sont en crise, d’autres se portent mieux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Si les crédits de paiement augmentent, c’est simplement pour répondre aux engagements pris, notamment l’année dernière. L’important, en fait, ce sont les autorisations d’engagement, et sur ce point l’analyse n’est plus la même, ni pour cette année ni pour celles à venir.
Parmi les aspects plutôt satisfaisants de ce projet de budget, je citerai l’installation des jeunes agriculteurs, que plusieurs orateurs ont déjà évoquée, la sécurité alimentaire, l’enseignement supérieur et la recherche, la gestion des aléas. Je souligne le maintien de votre ligne de conduite sur ces sujets.
Toutefois, parallèlement, il y a aussi des manquements, des oublis, notamment en ce qui concerne les retraites agricoles, qui nécessitent une véritable solidarité nationale, démarche qui ne semble pas spécialement vous motiver… Je ne crois pas qu’ouvrir la perspective de travailler jusqu’à soixante-dix ans constitue cet acte de solidarité attendu par nos anciens !
Au chapitre des oublis, on trouve aussi la gestion des crises, la forêt et le grand plan de modernisation des exploitations lancé par votre prédécesseur. Qu’est devenu ce plan ? J’évoquerai également, à ce même chapitre, l’enseignement technique agricole, ainsi que le soutien au service public de l’équarrissage, sujet sur lequel plusieurs orateurs sont intervenus.
J’ai conscience qu’il est ardu de concilier les exigences de l’OMC et celles de la réforme de la PAC, pour laquelle les perspectives d’avenir au-delà de 2013 continuent de m’inquiéter. Comment commencera-t-on à lisser la participation nationale pour compenser les effets sur les revenus de nos agriculteurs de ce qui risque d’être un retrait de la politique agricole commune ?
En outre, d’autres problématiques interviennent, liées au Grenelle de l’environnement, à l’aménagement du territoire, sans oublier certaines questions fondamentales : l’agriculture doit toujours nourrir la planète, offrir des revenus décents aux agriculteurs et leur donner des perspectives de vie.
Certes, nous avons conscience que cette équation est difficile à résoudre. Néanmoins, en matière de soutien et d’accompagnement du monde agricole, permettez-moi de rappeler, si cela est nécessaire, que les Américains donnent sans aucun scrupule, au travers du Farm Bill, des avantages compétitifs à leurs agriculteurs, que le Canada, au sein du groupe de Cairns, n’hésite pas à avantager directement sa production laitière.
Assurément, monsieur le ministre, vous devez être encore plus agressif dans le débat européen, et surtout dans l’élaboration du budget national !
J’ai pris bonne note de votre méfiance à l’égard d’un système européen trop libéral et de votre souhait que notre agriculture s’inscrive dans un contexte soutenu et, surtout, régulé.
J’apprécie très sincèrement cette évolution du discours politique, mais ne couvrir qu’un tiers des besoins de notre agriculture dans le projet de budget pour 2009, sans prévoir un lissage du retrait quasiment inévitable de l’Union européenne dans les trois ou quatre ans à venir, me semble très risqué.
J’ai le sentiment que le monde agricole n’est pas toujours entendu. Aujourd'hui, on lui demande en quelque sorte de payer deux fois la note : d’un côté, les prix des intrants ont fortement augmenté ; de l’autre, ceux des matières premières agricoles sont repartis à la baisse, d’où les crises actuelles. Ce déséquilibre atteint de plein fouet l’élevage, notamment ovin. Que fait-on des droits à paiement unique dormants, monsieur le ministre ?
La notion de contractualisation par filière ne devrait-elle pas être soutenue afin de mieux mutualiser, de mieux protéger, en recherchant une meilleure valeur ajoutée, peut-être un nouvel équilibre des soutiens céréaliers au profit de l’élevage ?
En vue de l’après-2013, ne faut-il pas essayer de trouver une cohérence entre le périmètre de la PAC et la zone euro, plutôt que de s’engager dans une renationalisation de cette politique, ce qui représenterait pour nous un risque terrible ?
Le deuxième pilier évolue à nouveau pour contribuer à soutenir les revenus, alors qu’il n’est pas spécialement conçu pour cela. Ce point mérite une clarification, que je ne trouve pas dans le bilan de santé de la politique agricole commune.
Par ailleurs, l’OMC joue-t-elle correctement son rôle dans le désordre international actuel ?
Au regard de toutes ces interrogations, ce projet de budget est bien timide. La nécessité d’une cohérence entre la production agricole et les entreprises agroalimentaires en aval conduit à l’idée d’une contractualisation des filières. Mais il est vrai qu’il est difficile de jouer la carte du « tout-libéral » tout en voulant protéger l’agriculture.
Enfin, le foncier reste une véritable difficulté pour l’agriculture. Quelle cohérence européenne pouvons-nous espérer à l’avenir sur cette question ?
Mon intervention sur ce projet de budget me donne l’occasion de rappeler que nos campagnes françaises ne doivent pas être de simples espaces verts : elles doivent permettre à nos agriculteurs d’offrir à tous une alimentation suffisante et de qualité.
Cependant, les campagnes se gèrent non pas sur une année, mais à l’échelle d’une génération. Or nous ne retrouvons une telle perspective ni dans ce projet de budget ni en Europe.
Malgré les remarques positives que j’ai pu formuler, …