Monsieur le ministre, avant toute chose, je voudrais saluer votre présence à la tête de l’important ministère de l’agriculture et de la pêche, dont l’action concerne l’ensemble de notre territoire, du littoral à la montagne en passant par la plaine.
Dans le Cantal, département proche de la Haute-Loire, vous vous êtes même présenté comme le « ministre des agricultures ». C’est au nom de l’une de ces agricultures, celle de montagne, que je veux m’exprimer à cette heure : elle ne demande pas de privilèges, mais voudrait simplement un traitement équitable, tenant compte des nombreux handicaps qu’elle rencontre. Le Savoyard que vous êtes a à cœur, je le sais, de comprendre et de défendre les intérêts des zones de montagne.
Chaque année, l’étude de ce projet de budget est un moment important. En effet, nous savons tous, sur les travées de cette assemblée, quelle place l’agriculture a tenue hier, tient aujourd’hui et tiendra demain dans notre pays, en assumant des vocations nouvelles et complémentaires, ainsi que des mutations successives. À cet égard, les récentes manifestations liées au prix du lait nous rappellent que les éleveurs laitiers traversent une période difficile et incertaine.
Nos agriculteurs doivent être prêts à faire face aux évolutions, en sachant s’adapter et réagir en permanence.
Le Grenelle de l’environnement montre combien l’agriculture occupe une place majeure en France et dans le monde. Plusieurs orateurs l’ont déjà souligné, elle doit répondre au défi alimentaire, c'est-à-dire nourrir près de 7 milliards de personnes aujourd’hui et, sans doute, 9 milliards en 2050. Elle a aussi une mission sanitaire, environnementale et sociale, sans oublier sa contribution indispensable à l’aménagement du territoire.
Cependant, le contexte budgétaire difficile que nous connaissons aujourd’hui impose de fixer des priorités. Les agriculteurs savent qu’ils ont un bon ministre, qui sait faire entendre sa voix au plan européen. En outre, nous apprécions la qualité des informations qui nous sont fournies par vos services lorsque nous les sollicitons.
Connaissant votre intérêt pour les problèmes de la montagne, je souhaite attirer votre attention sur cette agriculture spécifique, frappée de nombreux handicaps, qui mérite une écoute, un soutien et un accompagnement. Monsieur le ministre, la montagne souffre, et avec elle tous nos territoires ruraux.
Ainsi, nos éleveurs connaissent des problèmes de trésorerie. Au-delà, l’avenir manque de lisibilité pour les filières bovine – lait ou viande – et ovine, la filière porcine traversant de surcroît, à l’heure actuelle, une très grave crise.
L’agriculture de montagne ne demande rien d’autre qu’une prise en compte équitable de ses difficultés, afin que soit restaurée une certaine égalité de traitement, et la reconnaissance des nombreux handicaps qui la caractérisent. Par exemple, la faible densité des exploitations en zone de montagne entraîne un surcoût de la collecte du lait.
N’oublions pas non plus les normes spécifiques s’appliquant aux bâtiments d’élevage en zone de montagne, les mesures agro-environnementales particulières et la multiplication des contrôles, qui sont parfois pratiqués avec un manque de réalisme et de bon sens !
Évoquer les bâtiments d’élevage, c’est rappeler les efforts réalisés depuis 2004 avec une dotation de 42 millions d’euros pour les zones considérées. Cependant, si le succès rencontré par ce plan est incontestable, le nombre important des dossiers en attente montre ses limites.
Dans ce contexte, il faut, je le dis avec beaucoup de modération, simplifier, éviter de superposer les dispositifs, ne pas employer des moyens démesurés pour chercher une aiguille dans une meule de foin ! Appliquons les règles avec équité, certes, mais également avec bon sens !
Régulièrement, dans le cadre de mon mandat de sénateur, je rappelle combien il est important de favoriser l’installation de nos jeunes agriculteurs, afin de permettre à tous ceux qui ont œuvré une longue partie de leur vie avec beaucoup de courage et de détermination de pouvoir bénéficier d’une retraite bien méritée. Là aussi, il s’agit non pas d’accorder un avantage, mais de respecter une forme de parité sociale.
Sur ce sujet, reconnaissons les avancées obtenues avec l’instauration de la retraite complémentaire obligatoire. Pourtant, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que la disparition des préretraites déçoit quelque peu les agriculteurs à l’heure où l’on souhaite favoriser l’installation des jeunes. Certains d’entre eux pouvaient prétendre au bénéfice de ce dispositif.
Pour nos zones de montagne, la revalorisation de l’indemnité compensatrice des handicaps naturels est une nécessité. En effet, les objectifs annoncés à cet égard n’ont pu être atteints.
L’économie agricole en montagne ne peut être abandonnée au bord de la route : elle doit, comme toute activité économique, être accompagnée et soutenue. Le plan de modernisation des bâtiments constitue à ce titre un outil indispensable pour nos zones de montagne.
Il ne suffit pas de mobiliser nos énergies pour la mise en œuvre de plans de relance de différentes filières si, dans le même temps, les tracasseries administratives, les mesures de contrôle et les réglementations viennent contraindre chaque jour un peu plus notre agriculture de montagne et ses partenaires.
Monsieur le ministre, vous le savez bien, si l’on veut conserver une agriculture de montagne, il faut envisager son avenir et, comme l’a écrit Maurice Bourdel, « l’avenir ne se prévoit pas, il se prépare ».
Je vous remercie d’avoir écouté un ancien agriculteur devenu sénateur, mais qui n’a pas perdu l’amour de son métier ! Je voterai les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».