Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 3 décembre 2008 à 22h15
Loi de finances pour 2009 — Développement agricole et rural

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget entend placer la forêt sous le signe d’un développement « durable », mais pas résistant au feu… Ainsi, au sein de ce projet de loi de finances, l’action « Prévention des risques et protection de la forêt » est celle dont les crédits ont été le plus largement amputés par rapport à 2008 : 3, 2 millions d’euros de moins, soit une baisse de 7, 1 %.

Cela me conduit à vous parler d’une institution de plus en plus diaphane, le Conservatoire de la forêt méditerranéenne, le CFM, de l’évolution de ses crédits et de l’usage qui en est fait.

Je rappelle que le CFM, créé il y a une vingtaine d’années à la suite des grands incendies qui ont embrasé le sud de la France, avait alors été doté d’un budget de l’ordre de 15 millions d’euros, alimenté de manière spécifique par une taxe nouvelle sur les briquets et une hausse de la fiscalité sur les tabacs.

Au fil des années, c’est à un véritable détournement de ces fonds que nous allons assister.

En 2008, le budget du Conservatoire de la forêt méditerranéenne n’était plus que de 7, 5 millions d’euros, soit la moitié des crédits d’origine. Un bel effort sera consenti en 2009, puisqu’il atteindra 8 millions d’euros : sans doute s’agit-il d’une erreur ! Plus grave encore, non seulement les crédits du Conservatoire de la forêt méditerranéenne ont été amputés de moitié, mais ils ont aussi été détournés de leur objet.

À l’origine, la mission du CFM était de financer, en partenariat avec les collectivités locales dans quinze départements du sud de la France, les travaux de défense de la forêt contre les incendies, les travaux d’entretien, et de préfinancer l’exécution d’office du débroussaillement obligatoire, qui est de la responsabilité des maires.

Ce sont des actions de prévention au sens strict du terme, puisqu’elles visent à réduire le volume de la biomasse inflammable et à réaliser des ouvrages d’appui à l’intervention des pompiers. En résumé, il s’agit d’éviter que les centaines de départs de feu survenant en période critique ne se transforment en catastrophes sur des centaines, voire des milliers d’hectares.

Aujourd’hui, ces crédits servent à financer tout autre chose : des patrouilles de surveillance, des véhicules ou des constructions. La Cour des comptes le disait déjà dans son rapport de 2000 : « Le constat s’est donc confirmé que l’État négligeait la prévention, peu visible, et privilégiait l’achat d’un matériel destiné à une lutte active et plus spectaculaire contre les incendies. » Encore un rapport oublié de la Cour des comptes ! Constatons aussi que, accessoirement, LOLF ou pas, des crédits d’aménagement rural se trouvent ainsi métamorphosés en crédits de sécurité civile.

Agir de cette façon, c’est se préoccuper du détonateur et des secours en ignorant l’explosif. En effet, la forêt méditerranéenne n’est pas une poudrière qu’il suffirait de tenir sous haute surveillance pour qu’elle se tienne tranquille. Il faut plutôt la comparer à un dépôt de gaz qui fuirait. Comme le gaz, la biomasse produite à chaque instant qui n’est détruite ni par l’homme, ni par l’animal, ni par le feu demeure sur place, augmentant d’autant le risque. Plus tardive sera sa destruction, plus catastrophique sera l’incendie qui ne manquera pas de se déclarer. C’est exactement ce que l’on observe sur des périodes de dix ou quinze ans.

Se fixer comme indicateur de réussite de la prévention, comme le précise l’annexe budgétaire, « le nombre de départs des feux qui ont été éteints avant de dépasser la surface d’un hectare, sur le nombre total des départs de feux déclarés » n’a donc guère de sens ou est tout au moins largement insuffisant.

Aussi efficace l’intervention des pompiers sur feux naissant soit-elle, en période d’extrême sécheresse et de vent violent, quelques foyers leur échapperont. Le problème, comme je l’ai dit, est d’éviter que des centaines d’hectares ne s’embrasent. Tel devrait être l’objectif de la DFCI, la défense des forêts contre l’incendie.

Visiblement, cela n’intéresse pas les responsables de ce pays. Les communes forestières, très généralement sans grands moyens financiers et humains, se retrouvent donc bien seules quand il s’agit de réaliser, de financer et d’entretenir ces ouvrages, pour le coup durables, de protection contre l’incendie. Elles ne bénéficient d’aucun financement du Conservatoire de la forêt méditerranéenne, quand bien même elles se voient imposer des plans de prévention des risques naturels prévisibles d’incendie de forêt, les fameux PPRIF.

Le choix est alors simple : ne plus construire, voire ne plus reconstruire dans certaines zones, hors du secteur aggloméré, ou réaliser des travaux – pour le renforcement de la ressource en eau et des réseaux de distribution, l’élargissement de la voirie communale et des pistes DFCI – ou des équipements, tels que des pare-feux. Or toutes ces dépenses sont hors de portée de leur budget. Et pour ce qui est des prescriptions, on peut faire confiance aux services de l’État : la sécurité, cela n’a pas de prix quand ce sont les autres qui paient !

Ces mêmes communes sont aussi chargées de faire respecter les obligations de débroussaillement, sans avoir les moyens de préfinancer les travaux d’office.

Pour terminer, je voudrais prendre un exemple, celui de la commune varoise de Collobrières, située au cœur du massif des Maures, qui compte 1 710 habitants et 11 268 hectares de forêt. C’est la zone que vous traversez, monsieur le ministre, quand vous vous dirigez vers le golfe de Saint-Tropez.

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