Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à une telle heure, l’exercice est difficile : je vais tâcher, sans abuser de votre attention, de vous répondre sérieusement et précisément.
Je tiens tout d’abord à saluer et à remercier les présidents des commissions, MM. Jean Arthuis et Jean-Paul Emorine, les rapporteurs, MM. Joël Bourdin, Gérard César, Jean-Marc Pastor, Daniel Soulage et François Fortassin, pour leur travail constructif et sans complaisance, comme il est habituel dans cette assemblée que je connais bien pour y avoir siégé.
Chacun selon sa sensibilité, les différents intervenants ont évoqué cette force que représentent pour notre pays, grâce à tous ceux qui les font vivre, qui se lèvent tôt, qui travaillent dur et qui gagnent mal leur vie, notre agriculture et notre pêche.
Comme l’a dit tout à l’heure M. Aymeri de Montesquiou, il faut bien prendre la mesure des défis qu’il nous appartient de relever. C’est en fonction de ce contexte que nous devons prendre des décisions, gouverner ou légiférer.
Le défi le plus global est sans doute celui de l’insécurité alimentaire : 900 millions d’êtres humains sont en danger de mort aujourd’hui parce qu’ils ont faim.
Nous devons également prendre en compte le réchauffement climatique, qui va bouleverser toutes nos habitudes.
Par ailleurs, le coût de l’énergie restera durablement une contrainte et, pour reprendre un mot du nouveau président américain Barack Obama, nous devrons nous libérer de la tyrannie du pétrole.
Le dernier défi est lié à la montée des risques sanitaires due à l’émergence de nouveaux pathogènes.
Pour relever ces défis, pour replacer la ligne d’horizon de l’agriculture et de la pêche à ce niveau, il faut, comme l’a dit Mme Herviaux tout à l’heure, investir dans ce secteur stratégique pour préparer l’avenir, accompagner ce secteur productif essentiel à nos équilibres économiques et sociaux par la solidarité, quand les crises le touchent. J’ai la conviction qu’exprimer une telle solidarité, ce n’est pas apporter une assistance, c’est investir pour l’avenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans l’incroyable tourmente qui emporte le monde depuis quelques semaines, venue des États-Unis et due à l’opacité, à l’amoralité et au manque d’éthique du système financier, la force de notre appareil productif est l’atout le plus solide, au fond, pour permettre à l’Europe et à la France de résister.
L’agriculture est au cœur de l’économie réelle, celle qui s’oppose à l’économie virtuelle et financiarisée. Elle en est la plus ancienne composante, même si, bien sûr, elle n’en est pas la seule.
Depuis dix-huit mois, à la tête du ministère de l’agriculture et de la pêche, je promeus, avec votre concours, une politique qui entend accompagner un secteur d’avenir. Elle s’adresse, d’abord, aux agriculteurs, mais pas seulement à eux, car c’est toute la société qui est concernée. En effet, ses enjeux sont la sécurité et la qualité de notre alimentation, l’emploi sur tous les territoires et le développement durable.
J’ai le souvenir d’avoir déclaré, à l’occasion d’un congrès syndical agricole – je n’étais alors pas du tout sûr de devenir un jour ministre de l’agriculture ! –, que la question de l’agriculture était, en définitive, une question de société.
Voilà pourquoi j’ai essayé de bâtir, cette année encore, un budget tourné vers l’avenir.
En 2009, les crédits de paiement, qui s’établiront à 3, 4 milliards d’euros, augmenteront de 2, 72 %, ce qui, dans les circonstances présentes, n’est pas anodin. Au-delà de la seule mission dont nous examinons aujourd’hui les crédits, l’ensemble du budget de l’agriculture mobilise plus de 5 milliards d’euros, y compris pour l’enseignement et la recherche.
Les autorisations d’engagement, quant à elles, atteindront 4, 8 milliards d’euros en 2009. Certes, comme l’a souligné Mme Herviaux, elles diminuent de 6, 7 %, mais cette baisse – je le dis très objectivement – est essentiellement liée au calendrier de la prime herbagère agro-environnementale, dont la plupart des contrats ont été signés pour une période de cinq ans, en 2008, pour un montant global de 450 millions d’euros.
Enfin, les crédits d’intervention, en augmentation de 7, 4 %, s’élèveront à 2, 2 milliards d’euros en 2009. Ces crédits nationaux pour l’économie agricole doivent être comparés, comme l’a très bien fait M. Pastor, avec le budget agricole européen.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut le rappeler, la France bénéficiera, en 2009, de 10 milliards d’euros de crédits européens pour accompagner son économie agricole, dont 9 milliards d’euros au titre du premier pilier de la PAC et le reste au titre du deuxième.
Aussi suis-je sans doute le seul membre du Gouvernement dont la politique et le budget sont presque complètement mutualisés à l’échelon européen.
À cet instant, je veux dire à M. Chatillon que cela explique la part qu’occupe l’agriculture dans le budget européen, soit 40 % aujourd’hui : il s’agit de la seule politique qui soit devenue totalement européenne, les budgets nationaux étant en réalité subsidiaires ou complémentaires.