Intervention de Michel Barnier

Réunion du 3 décembre 2008 à 22h15
Loi de finances pour 2009 — Développement agricole et rural

Michel Barnier, ministre :

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai souhaité donner du sens et de la cohérence à ce projet de budget avec une stratégie que je défends depuis longtemps : promouvoir une agriculture et une pêche fortes et durables.

J’ai bien conscience que nous avons dû faire des choix difficiles, parce que l’engagement national de maîtrise des dépenses publiques nous concerne aussi.

La notion de durabilité évoque le renouvellement des générations, le prolongement, la transmission.

C’est pourquoi, messieurs Collin et Le Cam, je tiendrai l’engagement pris de donner la priorité, dans le budget, à l’installation des jeunes : c’est un axe de la politique de l’emploi dans les territoires, comme l’a dit avec force Jean Boyer.

Pour permettre 6 000 installations par an, nous avons augmenté de 13, 3 % les crédits afférents. J’ai également prévu un plan de professionnalisation personnalisée, afin de faire passer le nombre d’installations de 6 000 à 7 500 par an. Quant à la dotation aux jeunes agriculteurs, elle a été stabilisée. Ces engagements rejoignent très clairement les priorités énoncées par Marie-Hélène Des Esgaulx.

Favoriser une agriculture durable suppose également d’investir dans l’avenir et la recherche agronomique, évoquée par Daniel Soulage. Comme en témoignent nombre des programmes que nous lançons, la clef se trouve, en grande part, dans la recherche. C’est la raison pour laquelle, au-delà des mots, j’ai souhaité augmenter les crédits du programme 142 de 15, 8 millions d’euros. Que l’on m’en donne acte !

La politique agricole d’enseignement et de recherche change. Vous devez bien comprendre le sens du regroupement des établissements d’enseignement supérieur au sein de quelques grands pôles pluriels et de dimension européenne. Nous avons ainsi décidé le regroupement d’écoles vétérinaires avec des instituts supérieurs de recherche. De même, je soutiens le transfert d’AgroParisTech sur le plateau de Saclay, où nous créerons dans les prochaines années un pôle européen de recherche agronomique et des sciences du vivant.

L’enseignement agricole est une priorité, et nous avons eu l’occasion de la réaffirmer ensemble ici même au cours de ce débat.

Permettez-moi d’ailleurs, à cet instant, de réitérer les remerciements et les encouragements que nous devons aux équipes pédagogiques et administratives de nos maisons familiales et rurales, de nos collèges et lycées agricoles et de nos établissements d’enseignement supérieur.

Une agriculture durable, c’est aussi une agriculture qui travaille avec son secteur aval. Nous consacrerons aux entreprises agroalimentaires, en 2009, un budget de 12, 2 millions d’euros afin de mieux accompagner les centres techniques agroalimentaires, de soutenir, comme m’y encourageait Alain Chatillon, les pôles de compétitivité, dont l’intelligence est essentielle à l’avenir de nos territoires, et, avec OSEO, de favoriser davantage l’innovation.

Je m’attacherai, par ailleurs, à ce que les lignes budgétaires et de crédits ouvertes par le Gouvernement, au cours des dernières semaines, pour les PME prennent bien en compte de manière équitable les 60 000 petites et moyennes entreprises du secteur agroalimentaire. C’est le sens de la communication que j’ai présentée en conseil des ministres le 30 octobre dernier.

Installation et renouvellement, mais aussi recherche, éducation et industries : tels sont les deux premiers piliers d’une agriculture durable.

Un troisième pilier consiste en la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Jacques Muller le sait, il s’agit pour moi d’un engagement ancien, que j’affirmais déjà à cette tribune, il y a une quinzaine d’années, lorsque j’étais ministre de l’environnement. Je n’ai pas changé de conviction.

C’est pourquoi nous avons pris part dès le début, résolument et sans états d’âme, à ce grand rendez-vous du Grenelle de l’environnement. Cela était d’autant plus naturel que les agriculteurs, les éleveurs, les viticulteurs, les pêcheurs et les ostréiculteurs sont les premiers, dans notre société, et peut-être même les seuls, à travailler quotidiennement avec l’eau, l’air, la terre. Ils sont donc les premiers concernés par le réchauffement climatique et ses conséquences. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés de manière proactive dans le Grenelle de l’environnement.

Avec ce projet de budget, nous commençons à mettre en œuvre nos engagements.

Ainsi, le plan « agriculture biologique » permettra, d’ici à 2012, de tripler la surface agricole consacrée aux cultures biologiques. Le fonds de structuration des filières sera doté de 3 millions d’euros, et 12 millions d’euros par an pendant trois ans sont prévus pour inciter à la conversion des exploitations vers le « bio ».

Ainsi encore, nous engageons le plan ECOPHYTO 2018, visant à réduire de moitié, dans les dix années à venir, l’usage des produits phytosanitaires dans l’ensemble de l’agriculture française, tout en maintenant un niveau de production agricole élevé. Cela représente un véritable défi, comme l’a souligné Daniel Soulage.

Un autre engagement du Grenelle de l’environnement sous-tend le plan de performance énergétique. J’ai évoqué tout à l’heure la tyrannie du pétrole. À mes yeux, la réduction de la dépendance de nos entreprises agricoles et de pêche à l’égard des énergies fossiles n’est pas une option, c’est une nécessité.

Sur ce plan, M. Fortassin a parlé tout à l’heure de l’énergie photovoltaïque. Je cite souvent l’exemple de cette centaine de jeunes éleveurs de l’Aveyron qui sont parvenus à assurer leur autonomie énergétique en équipant les toits de leurs granges de 33 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques. Il est donc possible d’atteindre cet objectif partout.

Dès 2009, nous réaliserons, dans cet esprit, les diagnostics énergétiques des exploitations pour conseiller au cas par cas les agriculteurs, afin qu’ils puissent réduire leur consommation de fioul, d’intrants, d’électricité et produire leur propre énergie. Au terme de cette montée en puissance, mon objectif est de parvenir à financer, d’ici à 2013, 100 000 diagnostics énergétiques, grâce à des fonds européens du deuxième pilier et au concours de grandes entreprises comme Total, EDF et GDF, qui m’ont donné leur accord.

En ce qui concerne la forêt, mon intention n’est pas, madame Didier, de démanteler ou de privatiser l’ONF. Le versement compensateur, qui reste fixé à 144 millions d’euros, est la preuve de l’engagement de l’État.

J’ai bien noté que Gérard César et Philippe Leroy avaient déposé deux amendements concernant la forêt.

Notre objectif, ambitieux, est de remettre en production 12 millions de mètres cubes supplémentaires d’ici à 2012. Yann Gaillard le sait bien, pour avoir participé aux assises de la forêt. Le bois est le premier des écomatériaux ! Le Gouvernement est déterminé à réorienter les aides vers la desserte forestière pour mieux mobiliser la biomasse forestière. Nous recourrons aussi aux aides fiscales, notamment les DEFI, aux aides à l’aval et à la multiplication des contrats de travaux.

Je tiens à dire à Gérard César que les travaux réalisés bénéficieront d’une déduction revalorisée. Cette aide est étendue aux contrats passés par les forestiers pour l’exploitation. Il s’agit de mesures fortes permettant d’améliorer la gestion de la forêt privée et sa productivité.

Monsieur Collombat, je répondrai par écrit à votre question sur le Conservatoire de la forêt méditerranéenne.

Toujours à propos du Grenelle de l’environnement et de nos engagements, j’attache, en tant que ministre, autant d’importance au suivi qu’aux effets d’annonce. L’évaluation est donc une de mes grandes préoccupations.

Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avions confié une mission au député Martial Saddier, qui a présenté un rapport remarquable sur la pollinisation et la filière apicole, ce qui n’est pas un sujet mineur. Je me suis engagé à aider et à inciter à la structuration de ce secteur. Plusieurs des recommandations de ce rapport seront mises en œuvre.

Enfin, à la veille d’une visite de travail que je ferai demain en Guadeloupe et en Martinique, durement affectées par les cyclones Dean et Omar et par les graves conséquences de la contamination de certaines terres par le chlordécone dans le passé, je veux informer le Sénat du lancement d’un plan « banane durable ». Ce plan de cinq ans, qui sera mis en œuvre avec le concours des collectivités territoriales, de tous les professionnels et des fonds européens, est une vraie chaîne d’innovation pour éliminer l’essentiel des produits phytosanitaires utilisés jusqu’à présent dans la culture de la banane. Ce plan s’accompagnera d’engagements écologiques et sociaux.

L’agriculture durable, c’est aussi la mémoire et la solidarité entre les générations. Il faut se tourner vers l’avenir tout en n’oubliant pas les générations précédentes, auxquelles nous devons la force de notre agriculture.

Le Premier ministre a ainsi annoncé, à l’automne, plusieurs décisions pour réduire les situations de pauvreté indignes, s’agissant notamment des veuves, et donner les mêmes droits à tous. Nous savons que 91 % des veuves d’agriculteurs sans droits propres touchent une pension de moins de 400 euros par mois : ces chiffres, cités par Yvon Collin et Claude Biwer, nous interpellent !

Nous avons décidé de garantir un montant minimal de retraite égal au minimum vieillesse. Cette garantie intéresse 233 000 personnes, dont 70 % de veuves. Nous mettons en place la réversion aux veuves de la retraite complémentaire obligatoire, acquise à titre gratuit par leur conjoint. Le coût de cette mesure s’élève à 40 millions d’euros et concerne 64 000 veuves.

Enfin, l’État apportera désormais sa garantie au FFIPSA pour que son financement soit pérenne.

Ce qui vaut pour l’agriculture durable vaut aussi pour la pêche.

La pêche est le métier le plus dangereux dans notre société : en moyenne, vingt marins pêcheurs meurent chaque année. Hier encore, un chalutier pêchant la coquille Saint-Jacques, l’Emmanuel-Jean, a coulé en Bretagne, ce qui a entraîné la mort d’un marin de Granville de quarante-deux ans, François Rémy.

La pêche est un métier vital pour l’activité des départements littoraux, qui contribue à relever le défi alimentaire. Elle constitue l’une des priorités du Président de la République, qui a voulu marquer l’engagement de notre pays à travers le plan d’action pour une pêche durable et responsable, mis en œuvre depuis un an.

Avec leurs enjeux environnementaux, économiques et énergétiques, la pêche et l’aquaculture mobilisent, au travers de ce projet de budget, un effort financier sans précédent. Je vous remercie, les uns et les autres, sur toutes les travées, de l’avoir souligné. Les crédits de la pêche passent ainsi de 62 millions d’euros à 160 millions d’euros en 2009.

Au total, les crédits du plan d’action pour une pêche durable et responsable, élaboré avec les professionnels, s’élèveront à 310 millions d’euros sur deux ans, crédits dont une part importante sera consacrée au programme de sauvetage et de restructuration de la flotte.

Mme Herviaux a évoqué les trois contrats bleus, dont je signale que le programme a été formellement approuvé par la Commission européenne. En l’absence de cet accord, nous ne les aurions pas instaurés.

La mise en œuvre de ces trois contrats, soutenus par deux structures, Ar Mor Glaz et le Fonds pour le développement durable de la pêche, le FDDP, est déjà engagée à hauteur de près de 10 millions d’euros. Toutes les façades maritimes doivent être équitablement concernées par cette initiative novatrice.

Cela fera l’objet d’une concertation, madame Herviaux, ce qui est d’autant plus naturel que l’idée de départ de ces contrats est née dans les ports, et non au ministère : ce sont les marins pêcheurs qui ont proposé de consacrer une partie de leur temps libre, en dehors des périodes de pêche, à des opérations d’intérêt public ou d’intérêt général.

Enfin, nous consacrons davantage d’argent à l’IFREMER, car le travail en commun des scientifiques et des marins pêcheurs doit être renforcé afin que nous puissions disposer de données plus objectives sur l’état des ressources halieutiques. Il est en effet temps de faire cesser les polémiques ou les malentendus sur ce sujet.

Le plan d’action pour une pêche durable et responsable met en œuvre, pour la première fois, un chapitre social et un chapitre concernant la sécurité. Je souhaite que l’on équipe, dans les deux ou trois années à venir, tous les marins pêcheurs et leurs vêtements à flottabilité intégrée d’une balise individuelle, afin que l’on puisse les secourir le cas échéant. C’est d’ailleurs ainsi que sont équipés les pisteurs-secouristes dans le département de la Savoie, dont j’ai présidé le conseil général pendant dix-sept ans. Une expérimentation sera lancée dans quelques jours ; elle concernera de 800 à 900 marins pêcheurs volontaires, répartis sur trois zones, une par façade maritime métropolitaine. Le retour d’expérience est attendu pour la mi-2009.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion