S’agissant de l’ancien Fonds de prévention des aléas de la pêche, le FPAP, la Commission européenne a notifié aux autorités françaises, en mai dernier, sa décision négative. Ce n’est pas une surprise.
Si une crise est survenue au Guilvinec et dans d’autres ports, c’est précisément parce que les versements de ce fonds s’étaient interrompus au moment même de la flambée du prix du pétrole et du gazole.
Quoi qu’il en soit, le remboursement des aides du FPAP doit donc être mis en œuvre, selon des modalités pragmatiques et progressives qui seront définies dans les prochaines semaines. Je tiens à dire aux parlementaires qui s’en sont inquiétés qu’il est, à mes yeux, impossible que cette récupération mette en péril la pérennité des entreprises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sur le chemin vers ce nouveau modèle d’une agriculture et d’une pêche durables, au-delà des horizons, des ambitions et des objectifs, il y a, nous le savons tous, des accidents, des crises, des risques.
Dans la récente négociation sur le bilan de santé de la PAC, j’ai voulu trouver les outils d’une meilleure couverture des risques climatiques et sanitaires. Nous en avions parlé ici même, le 29 octobre, avec Daniel Soulage, lors de l’examen de la proposition de loi du Sénat relative à l’assurance récolte.
Depuis dix-huit mois que je suis à ce poste, je dois affronter, chaque semaine, des crises de cette nature. Derrière ces crises, il y a des femmes et des hommes qui souffrent et qui sont parfois désespérés. Or les solutions ne sont à la hauteur ni de cette détresse ni de la gravité des situations économiques.
Les outils issus du bilan de santé de la PAC ne produiront leurs effets qu’en 2010.
D’ici là, de manière plus urgente, il nous faut travailler à des mesures plus conjoncturelles qui nous permettront de passer le cap. Le moment est venu d’évoquer ces situations de crise et les réponses que nous avons voulu y apporter.
Je commencerai par l’élevage. J’ai entendu l’appel profondément digne et responsable des 20 000 éleveurs qui ont manifesté à Clermont-Ferrand au mois de septembre.
Comme l’a très bien dit Gérard Bailly, l’élevage a subi de plein fouet, et plus tôt que d’autres secteurs, la crise économique avec l’envolée des prix de l’énergie et des matières premières.
Claude Biwer a eu raison de le rappeler, j’ai lancé, en accord avec le Premier ministre, le 12 novembre dernier, un plan de soutien à la trésorerie des exploitations agricoles en difficulté. Nous avons décidé de mobiliser immédiatement 250 millions d’euros. Ce n’est pas rien ! Cet argent, qui provient pour partie de l’État, pour partie de l’Europe, pour partie des banques et de la Mutualité sociale agricole, permettra des allégements fiscaux, sociaux et bancaires. Les préfets ont déjà commencé à mettre en place ce plan dans de nombreux départements.
Les principales mesures sont les suivantes : 70 millions d’euros viendront réduire la facture énergétique des agriculteurs, au titre du remboursement de la TIPP ; 4 millions d’euros permettront la reconduction de l’exonération des cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs ; 75 millions d’euros seront consacrés à l’amélioration de la trésorerie des exploitations et à des allégements de charges ; enfin, 50 millions d’euros sont destinés à consolider temporairement les revenus des éleveurs ovins en attendant la réorientation des aides que je vais proposer.
Je précise à M. Bourdin que 60 millions d’euros venant alléger les charges financières seront financés par le budget, tandis que le plan de 50 millions d’euros en faveur des éleveurs d’ovins sera financé à parts égales par des crédits communautaires – il s’agit, monsieur Pastor, des fameuses réserves de DPU – et par le projet de loi de finances rectificative.
L’élevage est en difficulté, particulièrement dans les zones de montagne. Jacques Blanc a rappelé le travail très intelligent accompli par le Comité des régions de l’Union européenne. J’ai examiné avec beaucoup d’attention ses propositions, qui m’ont été remises il y a quelques jours. Je ne suis pas choqué d’y retrouver la notion de cohésion territoriale : c’est moi qui l’avais introduite dans le traité de Lisbonne, alors que j’étais commissaire européen chargé des politiques régionales.
Je le dis à Jacques Blanc et à Jean Boyer, j’ai le souci que l’on retrouve, dans nos politiques agricoles et régionales, la traduction d’une politique spécifique pour les zones de montagne, qui n’intéresse pas, bien entendu, seulement la France.
Pour répondre à une demande de MM. Gouteyron et Bailly, je confirme l’engagement que j’ai pris à l’Assemblée nationale d’affecter dès maintenant une redotation de plus de 12 millions d’euros à l’ICHN, dont 6 millions d’euros de crédits nationaux et 7 millions d’euros en provenance du FEADER.
En ce qui concerne l’équarrissage, j’apporterai à MM. Bourdin et Bailly une réponse écrite aux questions qu’ils m’ont posées. Je me contenterai ici de m’engager à couvrir une partie de la dette des éleveurs à l’égard du service public de l’équarrissage, à hauteur de 12 millions d’euros. Il s’agit de faciliter la réforme inscrite dans ce projet de budget, par le biais d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale.
Cette réforme concerne l’ensemble des filières, y compris celle du cheval. Un groupe de travail a été mis en place pour identifier les besoins des éleveurs, d’une part, et ceux des particuliers, d’autre part, afin d’élaborer des solutions adaptées aux attentes des uns et des autres.
Comme l’ont souligné Daniel Soulage et Antoine Lefèvre, l’élevage est également fragilisé par la plus grave crise sanitaire que notre pays ait eu à affronter, celle de la fièvre catarrhale ovine.
Avec les éleveurs, les vétérinaires, les laboratoires, nos services, nous faisons face. Des réunions hebdomadaires, voire quotidiennes, se tiennent pour faire le point sur le suivi de cette épizootie et sur la riposte à lui opposer.
Après une première vaccination massive – 40 millions de doses ont été utilisées –, une deuxième sera lancée, monsieur Fournier, le 15 décembre pour les sérotypes 1 et 8. Elle s’achèvera en avril. Je continue à me battre pour mettre en place une stratégie européenne. Nous y sommes presque parvenus.
Pour apaiser l’inquiétude de Gérard Bailly, j’indique que nous répartirons les doses département par département. Les préfets et nos services connaissent le nombre précis de doses de vaccins nécessaires.
Monsieur Pinton, la vaccination contre les sérotypes 1 et 8 est pratiquée dans tous les départements où la présence du sérotype 1 a déjà été constatée. Au 15 décembre, un plan national prendra donc le relais.
En Espagne, après la vaccination contre le sérotype 1, un plan national de vaccination contre le sérotype 8 est lancé. La vaccination a fait ses preuves.
J’ajoute que je suis d’accord pour engager une réflexion sur une politique de l’engraissement.
Notre projet de budget national met l’accent sur des mesures sanitaires indispensables et ses crédits progressent, à ce titre, de 2 millions d’euros à 13 millions d’euros. C’est un point sur lequel Mme Nicole Bricq m’avait interpellé l’an dernier.
De son côté, la Commission européenne vient de doter de 100 millions d’euros supplémentaires le financement de la vaccination en 2009 et le cofinancement à hauteur de 50 % des doses vaccinales et de la vaccination.
Enfin, nous avons ajouté 30 millions d’euros au titre des mesures de soutien économique.
L’élevage est également touché par une crise du prix du lait, dans un marché fragile, volatil et qui s’est retourné.
Je me suis attaché, avec Christine Lagarde et Luc Chatel, à recréer le cadre de discussions interprofessionnelles, dont nous avons besoin dans cette filière comme dans toutes les autres. Ce n’est d’ailleurs pas sans raisons que j’ai présenté à Bruxelles un mémorandum pour soutenir et faciliter l’organisation interprofessionnelle dans toutes les filières. Ce cadre a été consolidé par le biais de l’adoption d’un amendement du Gouvernement en première lecture à l’Assemblée nationale. Je souhaite que vous puissiez soutenir cette idée.
Après plusieurs semaines de discussions, les négociations interprofessionnelles ont abouti lundi dernier à un accord entre les trois familles professionnelles. J’en ai pris acte, et je salue l’esprit de responsabilité dont témoigne cet accord.
J’invite maintenant ces familles professionnelles à travailler ensemble à des propositions concrètes sur les modalités de contractualisation, qui permettront de garantir aux producteurs, sur la durée, des volumes et des prix déterminés sur la base d’indicateurs fiables.
J’évoquerai brièvement, pour faire écho aux propos de MM. César et Bailly, le secteur viticole, qui représente pratiquement un quart des exploitations agricoles de notre pays.
La viticulture traverse, dans plusieurs vignobles, de graves difficultés. Toutes les mesures conjoncturelles possibles ont été prises en faveur des exploitations en difficulté. Elles bénéficieront du plan de soutien à l’agriculture que je viens de décrire.
Nous pouvons nous appuyer sur une OCM solide, que nous avons négociée correctement eu égard aux propositions initiales de la Commission.
Nous pouvons également compter sur le plan de modernisation de la viticulture, dont je me suis entretenu la semaine dernière avec l’ensemble des professionnels de la filière. Ce plan, adopté par le Gouvernement le 29 mai dernier et qui concerne tous les aspects du secteur – pilotage et gouvernance de la filière, compétitivité des entreprises, formation et recherche – se met en place. L’objectif est de permettre à la viticulture française de retrouver sa place sur un marché mondial de plus en plus concurrentiel.
Un point particulier est celui de l’utilisation d’internet, évoquée par MM. Bailly et César. Il n’est pas juste que nos entreprises viticoles subissent une distorsion de concurrence par rapport à leurs concurrentes étrangères, faute de pouvoir utiliser ce support, au seul motif qu’il n’existait pas lorsque la loi Évin a été votée.
Après une concertation constructive avec Roselyne Bachelot, et avec le concours du Parlement, nous allons mettre en place, au début de l’année prochaine, un système raisonnable, tout en préservant l’esprit et les objectifs de la loi Évin.
Après avoir évoqué les risques, je ne vais pas, à cette heure, détailler les outils à notre disposition.
Comme je l’avais dit à cette tribune lors de la discussion de la proposition de loi relative à l’assurance récolte, nous souhaitons réformer profondément la gestion des calamités agricoles et mettre en place un véritable fonds sanitaire, y compris pour faire face à des menaces nouvelles.
Je ne reviens pas sur l’architecture du nouveau système national, sinon pour confirmer que nous pourrons prélever dans le premier pilier européen les crédits nécessaires pour financer une partie des nouveaux outils de prévention, de précaution et de mutualisation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, mettre en place une politique agricole et alimentaire plus préventive, plus équitable, plus durable, qui reste une politique économique et ne se réduise pas, comme certains en rêvent, à une simple politique de développement rural ; promouvoir un modèle agricole et une pêche durables en métropole et dans nos départements d’outre-mer ; développer une agriculture économiquement productive, écologiquement et socialement responsable : voilà la stratégie qui est la mienne, voilà les ambitions que j’ai voulu partager avec vous depuis dix-huit mois.
Permettez-moi de conclure en disant quelques mots du grand ministère que j’ai l’honneur d’animer. Ce sont ses équipes qui portent, assument, expliquent, à Paris et sur le terrain, nos politiques publiques pour l’alimentation, la nutrition, le développement rural, l’accompagnement européen des exploitations agricoles, la protection vétérinaire et sanitaire, la forêt, la pêche et l’aquaculture, l’éducation et la formation agricoles.
Je tiens à leur exprimer publiquement ma gratitude pour leur compétence, leur disponibilité et leur impartialité, dans un contexte administratif qui a été profondément modernisé, comme je l’ai voulu, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Cette modernisation trouve sa traduction dans la mutualisation des services départementaux, dans le renforcement de l’échelon régional – la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt sera le point focal de la nouvelle administration de ce grand ministère –, dans la réorganisation des directions centrales, des offices et de l’agence unique de paiement. J’indique à Joël Bourdin que le dispositif législatif ad hoc sera adopté définitivement au plus tard en février.
Nous prenons notre part à l’effort national de maîtrise des dépenses publiques, comme l’ont observé la commission des finances du Sénat et son rapporteur général.
Cette modernisation du ministère a été conduite et réalisée selon une conviction : les enjeux dont nous avons la charge sont au cœur de la société, pour aujourd’hui et pour demain, de ses attentes et de ses exigences en matière de souveraineté alimentaire, de sécurité de l’alimentation et de maintien de l’équilibre des territoires. J’ai d’ailleurs l’espoir que ce ministère ainsi réorganisé puisse un jour devenir le grand ministère de l’alimentation, du développement rural, de l’agriculture, de la forêt et de la pêche.
Le secteur agricole, dans la grande tourmente actuelle, représente pour notre pays une chance et une force, je le redis. Pour le soutenir, nous avons besoin d’un budget responsable et d’un ministère en mouvement, ainsi que d’une politique agricole européenne plus forte et plus équitable : j’y travaille avec vous. Nous devons également faire preuve d’une grande vigilance dans les négociations commerciales.
Nous avons, enfin, besoin d’une stratégie déterminée pour inscrire le travail des agriculteurs, des viticulteurs, des conchyliculteurs et des pêcheurs dans une perspective de développement durable. C’est, à mon sens, leur intérêt, et c’est aussi l’intérêt national, en fonction duquel le projet de budget que je vous soumets a été construit.