Intervention de Philippe Marini

Réunion du 10 octobre 2006 à 16h20
Secteur de l'énergie — Discussion générale

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur pour avis :

De plus, l'entreprise a versé à l'État, au titre de 2005, un dividende de 536 millions d'euros, en hausse de près de 50 % par rapport à 2004.

Gaz de France dispose en outre de « fondamentaux » solides. Du point de vue commercial, l'entreprise garde une position très large sur des marchés dorénavant ouverts à la concurrence, puisque sa part de marché en France, pour les clients ayant exercé leur éligibilité, reste à l'heure actuelle de 79 %. De plus, Gaz de France poursuit son développement à l'international, secteur dans lequel, en 2005, elle a réalisé 36 % de son chiffre d'affaires.

Gaz de France est par ailleurs une entreprise rentable. Son bénéfice net s'est établi à 1, 7 milliard d'euros en 2005, en augmentation de près de 30 % par rapport en 2004, pour un chiffre d'affaires consolidé de 22, 4 milliards d'euros.

Enfin, en termes financiers, Gaz de France est une entreprise peu endettée. Sa structure de bilan est saine puisque la dette financière nette des disponibilités à la fin de l'année 2005 ne représente que 20 % des fonds propres, ou encore huit mois et demi de cash flow opérationnel.

Vous me pardonnerez, mes chers collègues, d'avoir dû rappeler ces quelques chiffres, qui étaient nécessaires pour mettre en perspective le problème dont nous traitons.

Malgré ces éléments favorables dans l'instant, si l'on regarde les choses en termes de perspectives, il est clair que Gaz de France doit grandir, d'une part, pour pouvoir « peser » face à des fournisseurs de gaz puissants, de plus en plus puissants, voire surpuissants, et, d'autre part, pour ne pas rester isolé, enclavé, pendant les grandes manoeuvres qui s'opèrent sous nos yeux au sein de l'industrie européenne de l'énergie.

En ce qui concerne les fournisseurs, rappelons, mes chers collègues, et M. le ministre a évoqué ce point tout à l'heure, que 40 % du gaz commercialisé par Gaz de France provient de deux pays seulement : la Russie et l'Algérie, pays qui ont d'ailleurs conclu cet été un protocole dont nous ne connaissons pas encore toutes les conséquences concrètes.

Malgré les assurances que nous donne notre partenaire russe, la question se pose de la capacité de Gazprom à respecter dans l'avenir les contrats à long terme que cette entreprise a souscrits. Elle se pose non seulement pour des raisons politiques - nous devons les prendre en compte, notamment en référence à la crise russo-ukrainienne qui s'est produite voilà juste un an -, mais aussi pour des raisons techniques. Gazprom est aujourd'hui pour la Russie une extraordinaire pompe à finances dont la réalité économique permet à l'État russe, que l'on ne saurait bien sûr condamner pour cela, de se désendetter rapidement. Pour la Fédération de Russie, la priorité est là, plus qu'à la réalisation des investissements dans la branche exploration-production qui sont le seul gage, la seule garantie que Gazprom honorera tous les contrats à long terme actuellement signés, en cours de signature, ou qui seront signés dans un avenir proche par cette société.

Peut-être l'accord de coopération signé le 4 août 2006 entre Gazprom et la Sonatrach préfigure-t-il une « cartellisation » encore plus avancée du marché européen du gaz. Il est donc clair que Gaz de France se trouve devant l'urgente et criante nécessité de diversifier davantage encore ses approvisionnements et, à cette fin, d'atteindre une certaine « taille critique » par rapport à ses fournisseurs.

Par ailleurs, Gaz de France ne saurait rester isolé du fait de son actionnariat dans les « grandes manoeuvres » de l'industrie européenne de l'énergie.

Je rappellerai, bien que cela ait déjà été fort bien évoqué, qu'un mouvement considérable de fusions et d'acquisitions s'est déroulé depuis le début des années 2000 ; au demeurant, EDF, pour ce qui la concerne, y participe largement, et nous avons tout lieu de nous en réjouir.

Aujourd'hui, ce mouvement change d'échelle, ainsi que l'illustre, en particulier, la bataille entre l'espagnol Gas natural et l'allemand E.ON pour l'acquisition du grand électricien espagnol Endesa, valorisé à une trentaine de milliards d'euros.

Dès lors, si l'on est convaincu de cette nécessité de grandir et de se désenclaver, quelles alliances choisir ?

Cela a été dit très clairement par M. le ministre de l'économie, il n'appartient pas au présent projet de loi de trancher cette question, mais il lui appartient et il nous appartient de créer les conditions juridiques d'une bonne alliance.

Dans le passé, un passé relativement lointain - je suis d'ailleurs étonné que la mémoire soit si courte -, on évoquait des alliances entre pétroliers et gaziers. Voilà dix ans, les observateurs de ces secteurs raisonnaient en effet en ces termes, et l'on prédisait parfois un regroupement entre Total et Gaz de France.

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