En ce qui concerne EDF, je me réfère à une analyse juridique dont j'ai eu connaissance, réalisée d'ailleurs à la demande de l'Agence des participations de l'État, et qui émane d'un grand cabinet juridique parisien, le cabinet Bredin-Prat. Cette étude, qui est disponible, montre en termes très argumentés que la fusion d'EDF et de GDF renforcerait la position dominante d'EDF et de GDF sur leur marché historique, en fait par élimination de leur principal concurrent potentiel.
Qui est le principal concurrent potentiel d'EDF dans un marché où se développera l'offre multi-énergies ? C'est GDF. Et qui est le principal concurrent potentiel de GDF sur un tel marché ? C'est EDF.
Si l'un et l'autre fusionnent, compte tenu de la force dont il s'agit, le principe même de la concurrence sera totalement privé d'effet sur le territoire de la République française. Et la capacité de ce nouveau groupe de s'imposer dans les offres commerciales « multi-énergies » renforcerait encore cet effet de domination.
Il en résulte, d'un point de vue juridique, que la Commission européenne, dans le cadre des compétences qui lui sont reconnues par les traités, ferait naturellement payer très cher - je ne juge pas, je dis le droit et les faits - la création d'une telle position dominante de marché. C'est pourquoi l'étude que j'ai citée, qui est publique, estimait que la Commission européenne ne pourrait autoriser une telle fusion qu'en cas de cession d'actifs majeurs. M. le ministre et M. le rapporteur ont donné des exemples concrets sur ce que cela pourrait signifier, M. le rapporteur aussi : 10 % à 15 % du parc nucléaire d'EDF, 15 % à 20 % de capacités de stockage de gaz compétitives de GDF.
Mes chers collègues, de telles conséquences seraient à l'évidence insupportables.
J'ajouterai à titre personnel, hors de l'analyse juridique, un argument supplémentaire pour récuser une telle issue.
Nous verrions aussi se constituer un véritable « empire énergétique » d'une puissance absolument considérable, un « État énergétique dans l'État », qui serait certainement bien difficile à orienter pour un État actionnaire beaucoup plus faible que son immense filiale avec les perspectives qui lui seraient ouvertes en France, en Europe et à l'extérieur.
Et si l'on veut rester dans un État bien administré, il faut quand même se préoccuper quelque peu de l'équilibre. Une telle concentration - 180 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 215 000 employés - est-elle véritablement une perspective soutenable ?