Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 10 octobre 2006 à 16h20
Secteur de l'énergie — Discussion générale

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

Nous avons aujourd'hui la certitude que ce bilan ne sera pas dressé. Et pour cause, il serait désastreux et condamnerait votre politique énergétique ! La libéralisation des marchés de l'énergie en Europe, c'est 250 000 emplois supprimés ou précarisés ; c'est la hausse des tarifs qui étrangle déjà les entreprises et, bientôt, les particuliers ; ce sont des ruptures d'approvisionnement, et j'en passe ! Vous n'ignorez pas ces effets dévastateurs. Pourtant, votre projet de loi met tout en oeuvre pour accélérer ce processus destructeur pour notre service public, pour nos emplois et pour notre industrie.

Les articles 1er et 2 ouvrent à la concurrence les marchés de l'électricité et du gaz aux consommateurs domestiques. Ils leur « offrent » donc la possibilité de sortir des tarifs régulés. Vous martelez que le consommateur a le choix ; la preuve serait que l'article 4 maintient les tarifs régulés. Mais, en réalité, ce que vous nommez « libre choix » n'est qu'une mascarade !

D'abord, la libéralisation transforme l'usager en consommateur et l'expose à la hausse des prix qu'elle entraîne. De quelle liberté dispose-t-on quand on sait que la facture de gaz a augmenté de 70 % depuis l'ouverture du marché en 2000, que l'écart entre les prix du marché et les tarifs réglementés pour l'électricité vient d'atteindre 61 % et, enfin, que les entreprises ont subi des augmentations de 70 % à 100 % de leur facture électrique depuis trois ans ?

Ensuite, l'article 4 ne permet pas aux consommateurs ayant exercé leur éligibilité de revenir aux tarifs réglementés. Pourquoi poser une telle interdiction si les tarifs du marché sont tellement avantageux ?

Enfin, quelle pérennité assurer aux tarifs réglementés si la volonté politique est de les voir disparaître ?

Il est assez édifiant de constater que, à côté de cet affichage à l'article 4, il existe, d'une part, une réelle volonté sur les plans national et européen d'alignement des tarifs réglementés sur ceux du marché et que, d'autre part, cette entreprise est facilitée par l'absence de transparence et de contrôle sur la formation des tarifs réglementés.

Cette volonté de convergence se ressent déjà. Normalement, les tarifs réglementés sont censés répercuter exactement la hausse des coûts d'approvisionnement. Or, dans les comptes de Gaz de France du premier semestre 2006, pour la première fois de son histoire, la marge gaz a continué à progresser, alors que les coûts d'approvisionnement augmentaient.

Dans son rapport de 2006, la Commission de régulation de l'énergie déplore d'ailleurs « les freins à l'ouverture du marché ». Citant la Commission européenne, elle indique ceci : « en imposant des tarifs réglementés tels que la part fourniture des tarifs soit particulièrement basse et sensiblement inférieure aux prix du marché, la France empêche l'entrée des concurrents ». Les tarifs réglementés sont également au banc des accusés de la lettre de griefs du Commissaire chargé de la concurrence.

L'opacité de la formule tarifaire contenue dans des accords secrets entre l'État et Gaz de France renforce encore nos craintes sur la pérennité de ces tarifs. Comment les garantir s'il n'y a aucun contrôle ?

Quand on vous parle d'indépendance et de transparence dans la formation des tarifs réglementés, l'idée court de les confier à la Commission de régulation de l'énergie, alors que cette dernière est contre !

En ce qui concerne le tarif transitoire d'ajustement du marché, il nous semble qu'on peut légitimement douter de son efficacité quand on sait, par exemple, qu'en 2005 GDF a augmenté ses dividendes de 48 %. Vous pensez réellement, monsieur le ministre, que les prix vont baisser sous l'effet de l'actionnariat privé ?

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