Intervention de Roland Courteau

Réunion du 10 octobre 2006 à 16h20
Secteur de l'énergie — Discussion générale

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Aucune privatisation n'a été réalisée sans compression des effectifs, première variable d'ajustement les coûts vers le bas, pour la plus grande satisfaction des actionnaires.

Convenons également que la construction que vous proposez, si l'on songe au service commun et aux quelque 50 000 personnes concernées, a de quoi nous alarmer. En effet, ce qui est proposé, en vérité, c'est la non-viabilité de ce service, qui sera dépourvu de la personnalité morale, où chaque filiale aura sa ligne de commandement. La concurrence entre Suez et GDF, d'un côté, et EDF, de l'autre, sera particulièrement exacerbée.

Nous pensons qu'en fait vous avez programmé la disparition de ce service et que, pour l'heure, vous ne procédez qu'à une sorte d'habillage destiné à rassurer provisoirement, afin de vous permettre de passer le cap sans encombre.

Non, ce projet n'est pas bon, car comment prétendre assurer la sécurité énergétique de la France en commençant par abandonner à un groupe privé l'ensemble des infrastructures lourdes qui en sont les outils ? Est-ce là la version nouvelle du patriotisme économique ? Quel sera le poids de l'État dans les orientations stratégiques alors que sa participation au capital se sera nettement réduite ?

L'on nous dit par ailleurs qu'on va créer un nouveau géant. Mais qui a dit que « loin de créer un géant du gaz, la fusion n'entraînerait qu'un grossissement de 25 % de GDF dans la distribution et guère plus dans le transport et le stockage » ? Ce sont certains de vos amis, monsieur le ministre, qui ajoutent cruellement que « croire que le nouveau groupe pourrait ainsi peser sur le prix d'achat auprès des producteurs est une douce illusion ou un argument fallacieux. » Je ne saurais dire mieux.

Ce projet de loi n'est pas bon, car il ouvre la porte à une remise en cause des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz. Or ces tarifs sont une expression de solidarité nationale et un outil de solidarité territoriale. Certes, le texte affirme le principe du maintien des tarifs réglementés, mais il ne s'agit là que de digues de papier. À terme, et à la suite de certaines dispositions, l'on risque d'assister à une disparition pure et simple des tarifs réglementés, notamment par un alignement progressif de ces derniers sur les prix de marché.

Au contraire, la construction d'un pôle public permettrait de conserver la maîtrise des évolutions tarifaires.

Non, mes chers collègues, ce projet de loi n'est pas bon car, quoi qu'on prétende, il ne met pas le nouveau groupe à l'abri d'une OPA hostile.

J'ai entendu dire que la participation de 34 % de l'État dans le nouveau groupe et la fameuse golden share nous en protégeraient. Mais, au cours de nombreuses auditions qu'a organisées le groupe socialiste, je n'ai rencontré personne qui ait pris au sérieux cette affirmation.

Alors que la structuration actuelle du capital de GDF assure quant à elle une vraie protection contre une OPA, puisque l'État en détient 80 % des actions, rien ne garantit en revanche qu'une entreprise comme Gazprom ne prendra pas demain le contrôle du nouveau groupe privé.

Ainsi, au nom du patriotisme économique, on nous suggère de privatiser GDF pour assurer la fusion avec Suez. Au nom de ce même patriotisme, on assisterait ainsi, impuissants, à la mainmise d'un groupe étranger sur nos infrastructures lourdes.

C'est à n'y plus rien comprendre !

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