Pourtant, le projet que l'on nous propose aujourd'hui est séduisant à plus d'un titre. Il permet de renforcer la capitalisation de GDF et de lui donner ainsi la possibilité de poursuivre sa croissance. Gaz de France disposerait d'une structure plus souple pour s'adapter aux lois du marché en pleine mutation. Le nouvel ensemble proposerait aussi une offre duale gaz-électricité, répondant sans doute mieux aux attentes des clients. En outre, cet ensemble deviendrait le numéro un européen de la vente de gaz et serait également le plus gros acheteur de gaz du continent. La répartition des approvisionnements du groupe à l'horizon 2007 se ferait à partir d'un portefeuille de fournisseurs plus diversifié. Enfin, le nouvel ensemble disposerait d'une position dominante dans le gaz naturel liquéfié.
Ces avantages sont indiscutables. Je regrette cependant que l'on n'ait pas pris le temps d'explorer d'autres solutions, comme la proposition de la CFDT visant à garantir une participation de l'État à au moins 51 %, ou des propositions d'actionnaires minoritaires de Suez suggérant une OPA de Gaz de France sur Suez, financée par l'emprunt.
Philippe Marini a tout à l'heure très bien développé les qualités du projet de rapprochement qui se prépare et qui nous est soumis. Je ne ferai pas mieux que lui, et n'insisterai donc pas sur ce point.
Il est primordial pour nous que la fusion entre les deux groupes ne se fasse pas au détriment de Gaz de France et n'aboutisse pas par ailleurs à créer des conditions de concurrence déloyale avec EDF.
Ainsi, dans la réponse des deux groupes à la Commission européenne, il semble bien que les actifs de GDF soient plus touchés que ceux de Suez. La Commission européenne recommande en effet la cession de Distrigaz, de la participation de GDF dans la Société de production électrique et la cession de volumes de gaz aux concurrents à hauteur de 50 térawattheures annuels, diminuant ainsi l'intérêt de ce rapprochement.
Le deuxième risque est de rendre GDF opéable.
Le facteur déclenchant de cette fusion - la menace d'une OPA d'Enel sur Suez avec, à court terme le risque de démantèlement du groupe - reste d'actualité. Le rapporteur de la commission des finances a souligné dans son rapport que le futur groupe bénéficierait d'un « actionnariat stable limitant considérablement les risques de prise de contrôle non sollicitée », c'est-à-dire, en clair, les risques d'une OPA !
Certes, la part cumulée de l'État, de la Caisse des dépôts et consignations et d'Areva s'élèverait à 37, 4 %. Mais le noyau des actionnaires stables de Suez sera très dilué dans le groupe.
Par ailleurs, permettez-moi d'émettre quelques doutes sur la fiabilité d'Albert Frère, actionnaire important de Suez. En effet, même s'il s'est prononcé publiquement en faveur de la fusion, est un investisseur généralement guidé par une logique plus capitaliste qu'industrielle.
Le capital flottant du nouveau groupe, s'il est de 53, 5 %, est donc inférieur au capital opéable. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je pense qu'il ne faut pas sacrifier GDF pour mettre Suez à l'abri. Il ne faut négliger ni la puissance financière des fonds de pension anglo-saxons ni celle des producteurs de gaz, comme Gazprom.
Par ailleurs, monsieur le ministre, que se passera-t-il en cas d'augmentation du capital de la future société ? L'État se laissera-t-il diluer ou bien suivra-t-il l'augmentation de capital, et avec quels moyens, compte tenu de l'état actuel de nos finances nationales ?