Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, est-il utile de vous dire que, comme mes amis qui se sont exprimés précédemment, je m'insurge contre l'adoption du projet de loi relatif au secteur de l'énergie que nous examinons à partir d'aujourd'hui, à quelques mois d'échéances essentielles et déterminantes pour notre pays.
Oui, je me révolte en tant que citoyen contre le démantèlement de notre grand service public de l'énergie, acquis fondamental de notre histoire et de la République. Ce service public de l'énergie a donné naissance à deux grandes entreprises nationales, à la pointe des technologies, et que le monde nous envie.
Je suis aussi révolté, en tant que parlementaire, de voir le Gouvernement renoncer au contrôle de nos grandes entreprises nationales de l'énergie. Car, si l'énergie est un bien de première nécessité pour nos habitants, c'est aussi un facteur de compétitivité pour nos entreprises et, au-delà, pour la préservation de l'emploi.
Je me révolte enfin en tant que président d'un syndicat départemental d'énergie fort de 894 communes, celui du Pas-de-Calais. Ces communes risquent demain de se trouver dépossédées d'un patrimoine acquis à la Libération et qui avait fait la fierté des gouvernements issus de la Résistance.
Dans mon propos, j'évoquerai l'inquiétude qu'éprouvent les élus de nos collectivités territoriales, ce qui ne devrait pas laisser insensible la Haute Assemblée.
Le réseau de distribution assure la connexion entre le réseau de transport et les consommateurs. Gaz de France n'en est pas propriétaire : il appartient aux collectivités territoriales, qui concèdent son exploitation à GDF, sous un régime de concessions à long terme dont la durée moyenne restante est d'environ vingt ans. Ce réseau, long de 174 540 kilomètres, dessert 8 868 communes, où réside 76 % de la population française.
Comment donc ne pas se poser de questions ni vous en poser, monsieur le ministre ? Quelles seront les conséquences de la privatisation de GDF pour les collectivités locales concédantes ? Quel sort leur sera réservé dans le cadre du regroupement GDF-Suez ?
La maîtrise publique du réseau de distribution est indispensable pour assurer les missions de service public, telles que l'entretien des réseaux, le maintien de la qualité de service, la sécurité. Comment la nouvelle structure répondra-t-elle aux préoccupations des autorités concédantes que sont les collectivités territoriales ? Est-on sûr que les investissements permettant de garantir un niveau correct d'entretien et de renouvellement des réseaux seront maintenus ?
N'oublions pas, à cet égard, les multiples exemples de défaillance des réseaux observés lorsque la préoccupation était plutôt de rémunérer, sur le court terme, des actionnaires, au détriment d'investissements indispensables, sur le long terme, pour assurer la préservation et la modernisation du patrimoine. Est-on certain que ces investissements autorisant l'extension des réseaux, dans une logique, bien sûr, de rentabilité sur le moyen et le long termes, seront réalisés, afin de permettre le développement économique équitable du pays ?
Enfin, Gaz de France privatisé peut-il garder son monopole actuel sur les concessions de distribution publique de gaz ? Sans entrer dans des considérations juridiques qui seront développées demain, j'observerai qu'il semblerait que l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946, repris en 1958, ne soit pas respecté. Cet alinéa interdit explicitement tout monopole de fait pour une entreprise privée.
Il est donc fort peu probable que GDF, s'il devait être privatisé, ce qui n'est pas obligatoire pour réaliser la fusion - je lis la presse comme tout le monde et je prends connaissance de lettres ouvertes, adressées au ministre, visant à proposer d'autres montages permettant à l'État de rester majoritaire dans le capital de GDF -, puisse rester titulaire d'un monopole de fait sur les délégations de service public et conserver tous les contrats de concession signés du temps où il était un établissement public, concessionnaire obligé, et ce pour des durées incompatibles avec le plein exercice de la concurrence, au regard aussi bien de la Constitution française que de la Cour de justice européenne.