Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 9 mars 2006 à 9h30
Égalité des chances — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

... le tout assorti de milliards d'euros d'exonération et de cadeaux fiscaux.

Comme le MEDEF le réclamait, il restait le contrat de travail et les procédures de licenciement. Mais, avec le CPE et le CNE, c'est sûrement la mission de trop !

Pour servir un patronat toujours plus demandeur de flexibilité et de profit, vous acceptez de revenir sur l'ensemble des droits des travailleurs gagnés par des décennies de luttes syndicales, sociales et politiques.

Vous voulez sécuriser le parcours des employeurs dans un environnement économique hyperconcurrentiel, en faisant porter le risque d'entreprendre sur les salariés, et pas sur n'importe quels salariés, les jeunes.

Vous les condamnez à la précarité et à l'exclusion, et leurs possibilités d'intégration sociale, familiale et professionnelle sont compromises.

Depuis vingt ans, la tendance est à la mobilité sociale descendante d'une génération à l'autre. Les enfants ne sont plus assurés aujourd'hui de pouvoir maintenir un statut professionnel et un niveau de vie équivalent à celui de leurs parents. Pis encore, il faut qu'ils s'attendent à une position dégradée, même avec un diplôme supérieur à celui de leurs aînés.

Or, plutôt que de lutter contre cette tendance, vous l'amplifiez en faisant peser sur ces jeunes l'appétit dévorant des entrepreneurs.

Avec le CPE comme avec le CNE, un jeune, diplômé ou non, pourra durant les deux premières années de son contrat être licencié à tout moment, sans que son employeur ait à justifier d'un quelconque motif. Je me demande bien quel genre de vie il commencera à construire !

Votre discours de l'action ou de l'intégration des jeunes est inaudible, monsieur le ministre, pour toutes celles et tous ceux que vous condamnez à un tel avenir.

C'est la même logique qui est à l'oeuvre avec l'abaissement de l'âge de l'apprentissage à quatorze ans.

Au lieu de répondre aux échecs d'orientation ou aux échecs scolaires de certains enfants par des moyens financiers et de personnels conséquents, vous organisez la sortie des plus fragiles du système scolaire.

À la place du « plus d'école », vous répondez par « plus d'entreprise » pour des enfants encore en préadolescence, c'est-à-dire qui amorcent à peine leur transition physique et psychologique vers l'âge adulte, et, à quinze ans, vous rajoutez le travail de nuit !

Non, l'entreprise n'est pas le lieu d'intégration et de socialisation des enfants.

Finalement, sur ces deux dispositions, l'apprentissage et le CPE, nous n'avons eu droit qu'à un simulacre de débat parlementaire. Aucune discussion n'a été possible, malgré le nombre très important de propositions que, comme toute l'opposition, nous vous avons soumises.

La gravité de la mise en place de l'apprentissage « junior » a été à peine maquillée par quelques dispositions d'affichage pour se donner bonne conscience, mais rares sont les dispositifs réellement coercitifs pour les entreprises, en qui le Gouvernement a, bien évidemment, toute confiance.

À peine avons-nous réussi à faire entrer ces tout jeunes apprentis dans le droit commun, en les faisant bénéficier, comme leurs aînés, d'un droit à une visite médicale. Le texte ne prévoyait même pas ce minimum.

Quant au CPE, le vote conforme de l'article en dit long sur la position du Gouvernement.

Les arguments ne manquaient pourtant pas, ne serait-ce que parce que ce dispositif va à l'encontre des textes et règlements internationaux, par exemple la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, ...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion