Le débat dans cet hémicycle a été d’une autre tenue qu’à l’Assemblée nationale. Entre-temps, la fièvre médiatique était retombée et le travail du rapporteur, suivi par la majorité de la commission des lois, a permis d’atténuer les surenchères de certains députés. Il est d’ailleurs un peu préoccupant de constater que de telles dispositions avaient été votées par la majorité à l’Assemblée nationale…
Le fond demeure néanmoins. Ce texte vise clairement à contourner l’avis du Conseil constitutionnel et à étendre rapidement l’application de la rétention de sûreté, autrement dit l’enfermement après une peine de prison généralement longue.
Appendice de la loi du 25 février 2008, ce texte est fondé sur la notion de « dangerosité criminelle », à laquelle on est tenté d’attribuer une valeur scientifique, alors que, chacun le sait, il n’en a aucune.
S’il n’y a pas eu, au Sénat, de dérapages à propos des traitements inhibiteurs de libido, ce texte n’en accrédite pas moins l’idée, illusoire, qu’il existe des remèdes absolus. Et si jamais les intéressés refusent de s’y soumettre, il n’y a plus qu’une seule solution : l’enfermement à vie… ou peut-être pire la prochaine fois !
Il est insupportable d’être ainsi sommé, comme législateur, d’élaborer quasiment une nouvelle loi après chaque acte criminel dramatique. J’ai d’ailleurs précisé d’emblée qu’il s’agissait pour moi d’une raison suffisante de voter contre ce texte.
En effet, avant même la loi de 2008, notre arsenal juridique comportait déjà bien des possibilités de répondre au problème des personnes qui, après avoir purgé leur peine de prison, éprouvent des difficultés pour se réinsérer. Je pense notamment au suivi socio-judiciaire. Or, vous le savez comme nous, ces dispositions ne sont pas correctement appliquées, faute de moyens : les médecins coordonnateurs sont insuffisamment nombreux, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, démunis, la psychiatrie publique, sinistrée, etc.
Année après année, le Parlement est condamné à voter des lois comportant des injonctions de surveiller, de soigner et de suivre les personnes criminelles dangereuses, tout en sachant pertinemment que les moyens financiers feront toujours défaut. Nous ne pouvons l’accepter ! À moins que le but ultime ne soit l’adoption d’une loi qui irait directement à la case finale, celle de la relégation définitive. Ce serait très grave, et nous craignons malheureusement qu’on n’en arrive là.
Avant de voter contre ce texte, je demande à la majorité et au Gouvernement d’évaluer les insuffisances actuelles de la prise en charge des personnes susceptibles de récidiver et de se donner effectivement les moyens d’une politique de prévention.