Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat tombe à point nommé puisqu’il me permet d’aborder le problème criant du secteur de la santé dans mon département, la Guyane. Je tiens donc à remercier le groupe CRC-SPG, qui est à l’origine de cette initiative.
Il est ici question de désertification médicale. En Guyane, malheureusement, nous avons dépassé ce stade : nous ne sommes pas dans un processus de déficit ou d’exode de médecins tout simplement parce que nous sommes déjà un désert médical !
Le diagnostic est sévère, et d’autant plus implacable que le département est confronté à une croissance démographique exceptionnelle, avec un taux de 3, 9 %, soit le plus important de France et l’un des plus importants au monde, et qu’il détient des indicateurs de santé parmi les plus mauvais de France, pour ne pas dire les plus mauvais.
En effet, en Guyane, l’espérance de vie – soixante-dix-neuf ans pour les femmes, soixante-douze pour les hommes – est inférieure de quatre ans à celle de la métropole. Le taux de mortalité infantile est de 10, 5 pour 1 000 naissances, au lieu de 4 pour 1 000 dans le reste de la France. Plusieurs pathologies – diabète, hypertension artérielle, sans oublier le virus de l’immunodéficience humaine, le VIH – y ont des prévalences plus élevées que dans le reste de la France. Le taux des maladies entériques, est important, surtout dans les communes de l’intérieur, ces maladies, telles que typhoïdes, gastro-entérites, diarrhées infectieuses, entraînant des retards de développement et des retards scolaires chez les enfants.
Cette situation sanitaire plus que dégradée nécessiterait une couverture sanitaire adaptée à des besoins croissants. Pourtant, force est de remarquer qu’en matière de démographie médicale la Guyane souffre toujours d’un déséquilibre important par rapport à la métropole. Le département est entièrement classé comme zone déficitaire en médecins libéraux, et la directrice de la caisse générale de sécurité sociale de Guyane n’a pas hésité à déclarer que le nombre de médecins était trois fois inférieur aux besoins.
La densité moyenne en médecins généralistes, médecins spécialistes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et dentistes est plus qu’alarmante.
Selon les données de 2009, on compte, pour 100 000 habitants, 38 médecins généralistes en Guyane contre 112 en France métropolitaine et, respectivement, 83 et 82 en Martinique et en Guadeloupe ; 22 médecins spécialistes contre 88 en France métropolitaine et, respectivement, 48 et 60 en Martinique et en Guadeloupe ; 38 chirurgiens-dentistes contre 62 en France métropolitaine.
Encore faut-il préciser que les médecins généralistes et spécialistes ont, pour 30 % d’entre eux, entre 55 et 70 ans et qu’ils sont concentrés sur l’île de Cayenne et sur Kourou. Beaucoup de communes ayant déjà une densité inférieure à trois médecins généralistes par tranche de 5 000 habitants se trouvent ainsi très éloignées d’un service d’urgence.
La sonnette d’alarme a été maintes fois actionnée. Les propositions ne manquent pas. Elles ont largement été développées dans des rapports, avis et plans divers, tant locaux que nationaux – le rapport de Mme Hubert a été remis le 23 novembre 2010 au Président de la République – mais ce sont les mêmes mesures qui sont toujours avancées.
La Guyane doit être dotée d’une véritable politique volontariste d’incitation à l’installation de médecins libéraux. Certes, il y a eu des avancées, notamment en ce qui concerne le tarif de la consultation et l’installation de médecins étrangers, exception guyanaise en France, mais il est des demandes locales, telles que la zone franche médicale et la réduction de l’octroi de mer pour le matériel professionnel et technique afin de faciliter l’investissement des spécialistes, qui sont restées lettre morte.
L’accent doit être également mis sur la continuité territoriale, qui doit être renforcée. Dans un territoire aussi grand que le Portugal, avec de très fortes disparités territoriales et une fracture entre la bande littorale, assez bien équipée, et l’intérieur enclavé, c’est un point essentiel.
L’absence d’avion sanitaire dédié ou d’hélicoptère pour la sécurité civile pose, autant que l’isolement de certaines populations, un problème majeur en matière d’égalité d’accès aux soins.
Certaines communes sont particulièrement démunies en infrastructures. Les délais d’intervention sont extrêmement longs. Les systèmes de communication en cas d’alerte restent insuffisants.
Je rappelle que le dispositif d’aide aux transports aériens et la définition des critères d’octroi constituent l’un des objectifs du plan « santé outre-mer ». Or, à ce jour, aucune initiative n’a été communiquée. C’est pourtant un élément crucial au titre de la continuité territoriale afin de réduire les importantes charges de transport des établissements.
Par ailleurs, de réels moyens financiers doivent être garantis pour améliorer la couverture sanitaire en équipements technologiques de pointe. Il est navrant de constater que, dans le plan Hôpital 2012, seuls 2, 2 % de l’enveloppe globale sont consacrés aux outre-mer.
Une autre mesure essentielle est le renforcement de la formation et son adaptation aux spécificités du département.
À ce sujet, la demande d’augmentation du numerus clausus par les outre-mer n’a été que partiellement entendue puisque, pour la rentrée universitaire 2010-2011, seulement trois places de plus ont été prévues pour l’université d’Antilles-Guyane.
La faculté de médecine d’Antilles-Guyane, créée en 1988, ne dispose, quant à elle, à l’heure actuelle que de vingt-trois personnels hospitalo-universitaires.
Sans une accélération du nombre de créations de postes, cette faculté ne parviendra au niveau du CHU de Limoges que dans soixante ans ! Pourtant, celui-ci est le moins pourvu de France après le CHU d’Antilles-Guyane !
Pour l’heure, nous sommes donc très loin des promesses du conseil interministériel de l’outre-mer, ou CIOM, du 6 novembre 2008, qui prévoyait la création d’un cursus complet des études médicales aux Antilles-Guyane et souhaitait, notamment pour la Guyane, faire de la santé une activité de pointe.
Une fois de plus, ces très bonnes intentions sont encore loin de la réalité.
Madame la secrétaire d’État, l’égalité devant les soins ne serait-elle qu’un vœu pieux ?