Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le formidable développement de l'intercommunalité au cours de ces dernières années constitue un phénomène marquant de l'évolution de l'organisation administrative et politique française.
Il s'agit d'une « révolution tranquille », qui a déjà permis à notre pays, et qui lui permettra plus encore à l'avenir, d'être doté de grandes métropoles, à la hauteur des grandes villes européennes. Il en va ainsi des communautés urbaines, qui rassemblent aujourd'hui, à elles seules, 10 % de la population et constituent un outil privilégié de l'aménagement durable de nos territoires et de nos agglomérations.
L'intercommunalité s'est imposée avec, désormais, 14 communautés urbaines, 169 communautés d'agglomération et plus de 2 500 communautés de communes. Toutes ensemble, elles regroupent 85 % de la population française.
Ce phénomène est à la source d'un dynamisme économique particulier. Véritables machines à investir, les communautés assurent désormais une grande part des services publics auxquels sont attachés nos concitoyens : de l'écologie urbaine, mise en exergue lors du Grenelle de l'environnement, aux transports urbains - à Lille, les autobus métropolitains roulent au méthane, phase ultime de la décomposition des déchets urbains -, en passant par le développement de l'activité économique et de l'habitat.
Ces structures assument des charges très lourdes qui, sous l'effet des exigences normatives de l'État, évoluent à un rythme supérieur à celui du coût de la vie.
Les communautés urbaines, par exemple, investissent au moins autant, et souvent davantage, que les conseils régionaux. Au total, en 2007, elles auront injecté 8, 3 milliards d'euros dans notre économie. C'est pourquoi la recherche d'un meilleur taux de croissance doit, à l'évidence, intégrer cette réalité.
Cependant, l'heure de la rigueur semble avoir déjà sonné pour les intercommunalités. La décentralisation est absente des discours de la majorité. En revanche, elle devient l'objet de toutes les attentions lorsqu'on évoque la contribution des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, à la résorption d'un déficit, celui de l'État, qui ne leur incombe pas.
Ainsi, les dispositions du projet de loi de finances pour 2008 les concernant vont entraîner une forte hausse de leurs charges, mais aussi une forte baisse de leurs recettes. La substitution, sans concertation, du contrat de stabilité à l'actuel contrat de croissance et de solidarité devrait entraîner une perte d'environ 440 millions d'euros pour l'ensemble des collectivités territoriales.
Entre 2007 et 2011, les intercommunalités vont perdre en volume 11 % de l'ensemble composé de la DGF et des dotations d'ajustement du contrat de stabilité. La perte de recettes en 2008, pour les groupements à fiscalité propre, est estimée à 100 millions d'euros et, pour les communes et leurs groupements, à 20 millions d'euros.
C'est pourquoi je souhaite attirer votre attention sur l'inquiétude grandissante des intercommunalités qui, à l'instar des Français qui s'alarment de la baisse de leur pouvoir d'achat, s'interrogent sur l'avenir de leurs ressources.
La première source de préoccupation est la taxe professionnelle, leur recette phare - surtout pour les communautés urbaines -, qui est en perdition. Remise en cause en janvier 2005 par le Président de la République lui-même, plafonnée, elle est aujourd'hui vidée de son sens et a perdu tout dynamisme. Elle est devenue une véritable « épave fiscale » qui repose sur des données économiques insuffisantes.
Seconde source de préoccupation : les intercommunalités souffrent d'une perte significative d'autonomie financière. Les règles régissant le lien entre les taux de la taxe professionnelle et des impôts des ménages, la faible évolution des bases de la taxe professionnelle due aux réformes successives ainsi que la participation au financement du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle viennent réduire considérablement leurs marges de manoeuvre.
Dans le contexte actuel d'augmentation des taux d'intérêt, ces différentes réformes dénaturent un principe auquel nous avions pourtant donné valeur constitutionnelle, et ce retour d'une certaine forme de tutelle de l'État sur les libertés locales nous préoccupe au plus haut point.
Monsieur le ministre, je veux devant vous réaffirmer la volonté, l'honneur et le droit des élus locaux de la nation à lever l'impôt. Ce droit est la marque d'une véritable démocratie locale, et nous l'avons défendu lorsque des services de l'État étaient tentés, parce que c'est toujours leur rêve, d'user de dotations pour alimenter les collectivités territoriales.
Notre liberté financière étant contrainte, nous pouvions nous attendre à un réel effort de l'État sur les concours qu'il octroie aux EPCI. Mais, dans ce domaine également, le présent projet de loi de finances nous alarme.
La dotation globale de fonctionnement des communautés urbaines, à l'instar de la dotation forfaitaire des communes, évolue très faiblement et en deçà de l'inflation attendue.
En outre, les compensations de taxe professionnelle sont dorénavant intégrées au sein des variables d'ajustement de cette DGF et évoluent donc de manière moins favorable aux EPCI : elles diminuent de 26 % en 2008, ce qui représente une perte de 62 millions d'euros pour l'ensemble des communautés urbaines.
Enfin, j'observe l'érosion des dotations de l'État hors DGF et le maintien d'une double discrimination imposée aux communautés urbaines. D'une part, ce sont les seules, parmi les EPCI, à ne pas bénéficier du fonds de compensation pour la TVA l'année de réalisation des investissements. D'autre part, exclues de la liste des bénéficiaires des dotations de péréquation, elles donnent sans rien recevoir.
Je ne peux imaginer que le Gouvernement continue à ignorer la réalité de l'intercommunalité alors que l'Assemblée nationale vient de mettre en place une commission de réflexion sur la clarification des compétences des collectivités et EPCI, alors que le Parlement s'apprête à délibérer dans quelques semaines de l'équilibre de nos institutions et alors qu'un nouveau pacte liant l'État et nos collectivités va être discuté.
Je forme le voeu qu'enfin une réforme ambitieuse et globale des finances locales soit mise en chantier.
Vous savez, monsieur le ministre, que, sur l'initiative de François Marc, les sénateurs socialistes ont déposé une proposition de loi visant à engager cette grande réforme : discutée par notre assemblée le 30 octobre dernier, elle a, hélas ! été rejetée, alors qu'elle ouvrait la voie à une reconstruction de la fiscalité locale.