Séance en hémicycle du 27 novembre 2007 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • DGF
  • autonomie
  • inflation
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La séance

Source

La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre annonçant, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 297 du code électoral, la fin, le 30 novembre 2007, de la mission temporaire sur la préservation de la biodiversité et les ressources naturelles dans le cadre du Grenelle de l'environnement, confiée à Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice du Nord, et M. Jean-François Le Grand, sénateur de la Manche, auprès du ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Acte est donné de cette communication.

À cette occasion, je tiens à saluer la participation, à divers titres, de treize membres du Sénat, pas moins, aux travaux du Grenelle de l'environnement.

J'y vois, si besoin était, une nouvelle reconnaissance de la qualité de l'expertise des sénatrices et des sénateurs, ici en matière d'environnement, expertise issue d'une solide expérience de terrain, souvent acquise à travers l'exercice de mandats locaux, au contact de nos concitoyens et de leurs préoccupations.

Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle le débat sur les recettes des collectivités territoriales.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre - je pense que Mme la ministre de l'intérieur nous rejoindra dans quelques instants -, mes chers collègues, il me revient l'honneur d'ouvrir notre débat consacré aux collectivités territoriales.

Comme vous le savez, ce débat constitue toujours, pour le Sénat, un moment particulièrement fort de l'examen des projets de loi de finances, et celui de cette année ne manquera certainement pas à cette règle. Au coeur de la discussion se trouvera en effet l'article 12 du présent projet de loi de finances.

Cette disposition vise à remplacer l'actuel « contrat de croissance et de solidarité » par un « contrat de stabilité », selon lequel les dotations de l'État aux collectivités territoriales contenues dans l'enveloppe normée seront indexées sur la seule inflation prévisionnelle, soit 1, 6 % pour 2008. Or, dans le même temps, la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui constitue à peu près 80 % du contenu de l'enveloppe normée, conservant son rythme propre d'évolution - c'est-à-dire l'inflation plus la moitié de la croissance prévue - augmentera d'au moins 2, 08 %.

Le nouveau système proposé nécessite donc un traitement particulièrement « abrasif » des variables d'ajustement : d'une part, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, et, d'autre part, la compensation des exonérations de TFPNB - taxe foncière sur les propriétés non bâties - agricole subissent ainsi, par rapport à 2007, des baisses de l'ordre de 25 % à 26 %.

Croyez bien, mes chers collègues, que la commission des finances, en particulier son rapporteur général et son rapporteur spécial en charge de ce dossier, aura fait tout son possible pour résoudre ce qui avait bien les apparences d'une véritable quadrature du cercle. Fidèles à notre vocation, nous nous sommes efforcés de limiter, pour les collectivités territoriales, les risques de conséquences par trop dommageables de la réforme. Un amendement vous sera donc présenté tout à l'heure en ce sens. Philippe Marini, avec son sens de la pédagogie et son talent, éclairera notre proposition, qui constitue, je le crois, dans le domaine du souhaitable, le « meilleur des possibles ».

À cet égard, je voudrais remercier M. le ministre du budget et ses collaborateurs de la disponibilité, de l'écoute et de la bienveillance qu'ils ont manifestées. Je tiens en outre à souligner que c'est aussi grâce aux services de la commission des finances que nous avons pu mettre au point un dispositif qui, s'il n'est peut-être pas des plus simples, est sans doute, je le répète, celui qui concilie le mieux le souhaitable et le possible.

Cette situation me conduit à formuler une observation de portée générale. Il s'agit de la conviction selon laquelle nous ne devons plus parler désormais de finances publiques en dissociant, voire en opposant les intérêts des collectivités territoriales et ceux de l'État. Au contraire, c'est bien leur solidarité et, dans une certaine mesure, leur interdépendance qui doivent être présentes à tous les esprits. Cette dimension sera en effet essentielle dans la perspective du retour à l'équilibre budgétaire qui a été tracée à l'horizon de 2012.

Par voie de conséquence - je m'adresse ici tout particulièrement au Gouvernement -, il nous faut plus que jamais veiller à être économes, non pas seulement en deniers publics, mais également en normes juridiques, en lois et réglementations de toutes sortes qui, sous prétexte d'attribuer de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, font surtout peser sur elles de nouvelles charges.

Mes chers collègues, les mesures que nous votons doivent être soutenables du point de vue financier tant par les collectivités, auxquelles nous demandons de les mettre en oeuvre, que par l'État. Tout texte qui n'obéit pas à ce principe reste à l'état virtuel, pour ne pas dire qu'il s'agit, ni plus ni moins, d'une forme d'« hypocrisie d'État ». Nos concitoyens nous appellent à un devoir de vérité. Nos votes doivent dorénavant porter un certificat de faisabilité et de soutenabilité financière.

Cela étant posé, on ne saurait dissimuler que les années à venir seront vraisemblablement difficiles pour les finances des collectivités territoriales comme pour celles de l'État. Dans ce contexte, une autre règle doit guider notre action de législateur : veiller à ne pas fragiliser l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, aspect central de leur autonomie financière.

Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales rejoint M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique au banc du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Madame la ministre, nous sommes heureux de vous saluer.

Cette autonomie financière a incontestablement été mise à mal dans la période récente du fait de l'essor des compensations versées par l'État en contrepartie des allégements d'impôts locaux qu'il a décidés. Parmi les cas les plus marquants, je citerai : en 1999, la suppression de la part « salaires » dans les bases de la taxe professionnelle et la suppression ou la réduction des droits de mutation à titre onéreux ; en 2000, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation ; en 2001, celle de la vignette automobile pour les particuliers ; enfin, en 2006, l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti à hauteur de 20 %, en faveur des terres agricoles, et le plafonnement des cotisations de taxe professionnelle à 3, 5 % de la valeur ajoutée.

Bien sûr, toutes ces mesures donnant lieu à une compensation de l'État, le niveau de ressources des collectivités territoriales ne s'en trouve pas affecté, au moins la première année. La suite, nous le savons bien, laisse souvent à désirer...

Toutefois, dans le cas des suppressions d'impôts locaux, la multiplication des passages d'une ressource propre à une dotation altère sensiblement les conditions de l'autonomie financière des collectivités au moment où cette autonomie leur est particulièrement nécessaire en vue de faire face aux difficultés que j'évoquais.

Au demeurant, une réforme des dotations de l'État aux collectivités s'avère inévitable, la situation des communes et des départements n'étant pas satisfaisante. En particulier, la contrainte d'enveloppes « normées » doit permettre la correction des inégalités entre collectivités. Et qui peut contester la réalité de ces inégalités ?

Convenons-en, la répartition de la DGF en 2008, du fait d'une forte régularisation négative, sera un exercice difficile, avec une progression globale de 2, 08 % et une croissance de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, de 90 millions d'euros au lieu de 120 millions d'euros. Cette situation souligne, si besoin était, la difficulté de renforcer la péréquation lorsque les ressources augmentent si peu.

Or, du fait du resserrement de l'enveloppe normée et des multiples mécanismes de garantie, la péréquation risque de devenir marginale et les injustices, de s'amplifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Parallèlement, il nous incombera de procéder enfin à la réforme en profondeur, trop longtemps différée, de notre système de fiscalité locale. Les défauts de ce système sont bien connus : obsolescence des bases de la fiscalité frappant les ménages, archaïsme des mécanismes d'imposition, sans parler de la faible lisibilité de l'organisation, dont la complexité est aujourd'hui devenue extrême.

Chacun de ces éléments nuit à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Nous aurons l'occasion d'en évoquer quelques-uns tout à l'heure, lors de l'examen des amendements.

Nous le savons, de nombreux rapports ont tracé les pistes de la réforme. Après cette phase importante de réflexion, le temps de l'action est venu. C'est naturellement dans cette optique, et dans un esprit de collaboration confiante, que le Sénat doit travailler avec le Gouvernement.

Dans ce cadre, comme je l'ai annoncé l'année dernière, la commission des finances travaille actuellement avec le service des collectivités territoriales du Sénat à la prochaine constitution d'une base de données relative aux finances locales. L'objectif, à terme, est que nous nous dotions de capacités minimales en matière de simulations. En effet, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire ici même, le Sénat, qui ne dispose que de moyens limités, notamment en termes d'effectifs et de compétences nécessaires pour utiliser l'outil, et qui doit surmonter un certain nombre de difficultés - je pense en particulier aux délais qui lui sont imposés - pour obtenir les données, ne peut pas se doter de capacités de simulation aussi efficaces que celles dont dispose le Gouvernement.

À ce jour, il nous reste encore à convenir avec le Gouvernement des modalités concrètes selon lesquelles les principales données en sa possession pourraient, dès à présent, être mises à la disposition du Sénat. Nous nous efforcerions ensuite de mettre en place une « capacité minimale » d'utilisation des informations financières et fiscales des administrations centrales, peu coûteuse et rapidement opérationnelle, qui pourrait connaître une montée en puissance ultérieure, de façon que nous accédions progressivement à une autonomie d'expertise. Si nous voulons assumer pleinement nos prérogatives, mes chers collègues, nous devons disposer d'une plus grande capacité d'analyse et de simulation.

Nous le savons bien, la réforme est difficile ; elle doit être expliquée avec patience. La détermination de la commission des finances à la mener de la manière la plus juste et la plus équitable sera sans faille. Je ne sais pas si - pour reprendre une formule sans doute abusivement employée ces temps derniers - un « Grenelle des collectivités territoriales » s'impose. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En revanche, il nous faut assurément mener à bien un « Grenelle des finances publiques » et convenir que le déficit public chronique contrarie la philosophie générale et les principes du développement durable en ce qu'il sacrifie l'avenir au profit du présent.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis jeudi dernier, nous cheminons dans le projet de loi de finances : c'est une route difficile, une sorte de parcours d'obstacles qu'impose la procédure parlementaire.

S'il a adopté, en bonne intelligence avec le Gouvernement, de nombreux amendements, le Sénat a voulu suivre, lui aussi, une démarche de maîtrise et de responsabilité. Nous sommes conscients de la difficulté des temps et de l'impératif de retour à l'équilibre de nos finances publiques en 2012.

Cet impératif, chacun le sait, s'applique à l'État, à la sécurité sociale, aux collectivités territoriales.

Chacun le sait également, le financement des collectivités territoriales repose pour une large part sur les concours de l'État - c'est-à-dire l'objet de notre débat d'aujourd'hui -, lesquels composent un système complexe qui voudrait répondre à toutes les conditions particulières, s'attaquer à toutes les difficultés que la diversité du terrain recèle, mais qui doit obéir à des contraintes et à des règles d'ensemble.

Autant dire, madame la ministre, monsieur le ministre, que le Sénat recherche d'abord l'équité. Je souhaite que cette notion devienne le maître mot de cette discussion budgétaire et soit appliquée aux collectivités territoriales, plus précisément aux relations financières budgétaires entre l'État et les collectivités territoriales.

Pour atteindre à cette équité, quatre conditions majeures doivent être réunies, quatre principes doivent être respectés.

Premièrement, la contrainte générale doit s'appliquer à tous. Ainsi, lorsque l'État s'assigne pour ses propres dépenses une règle stricte - rigoureuse, serais-je tenté de dire -, il ne peut s'exonérer de la même règle pour la part de ses dépenses qui alimentent les finances locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je ne reviendrai pas sur la discussion générale du projet de loi de finances et sur le petit écart que nous avons décelé, madame la ministre, monsieur le ministre, entre l'évolution de l'enveloppe normée pour les collectivités territoriales, qui obéit au plafonnement de l'inflation - 1, 6 % -, et, compte tenu des spécificités et des contraintes que nous connaissons, celle de l'enveloppe globale des dépenses de l'État, qui lui est supérieure de 0, 3 point. Je me borne à formuler de nouveau cette remarque, car nous avons eu un long échange à ce sujet. Il s'agit néanmoins de l'un des éléments du contexte qui s'impose à nous.

Deuxièmement, il faut compenser exactement les transferts de charges. Ainsi, lorsqu'une responsabilité est déléguée à une catégorie de collectivités territoriales, il faut compenser ce que cela coûte réellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

De ce point de vue, mes chers collègues, la commission se réjouit des deux amendements présentés par le Gouvernement, qui concernent notamment les personnels techniciens, ouvriers et de services, TOS, et joueront, pacta sunt servanda... - les pactes doivent être respectés -, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

M. Jean-Jacques Jégou. Il fait même les sous-titres !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

... sur la quote-part du taux de la taxe intérieure sur les produits pétroliers transférée aux régions et de la taxe sur les conventions d'assurance transférée aux départements.

En présentant au Sénat ces deux amendements qui sont lourds pour les finances publiques, le Gouvernement exerce ses responsabilités et tient sa parole. Il faut lui en donner acte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Troisièmement, il faut éviter, mes chers collègues, de favoriser une catégorie de collectivités par rapport à une autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela constitue en quelque sorte le contrepoint d'un autre principe selon lequel il ne saurait y avoir de tutelle d'une collectivité sur une autre.

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Très bien ! Il faut dire cela à M. Devedjian !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Lorsqu'on aborde les questions de finances communales, départementales ou régionales, il faut toujours garder cet impératif à l'esprit.

Monsieur le ministre, nous en avons fait hier soir la démonstration ensemble sur un point particulier, à l'occasion de l'examen d'une disposition proposée par l'Assemblée nationale, qui est certes excellente, mais dont l'un des aspects crée un écart entre communes et départements. Par la voix de notre collègue Louis de Broissia

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous nous sommes aussitôt efforcés d'en tirer les conséquences. C'est l'objet de l'amendement que la commission des finances présentera à l'article 12.

Quatrièmement, il s'agit de ne pas remettre brutalement en cause l'équilibre budgétaire d'une collectivité, c'est-à-dire de ne pas rendre la vie impossible à un maire, à un président d'intercommunalité, de conseil général ou de conseil régional, en perturbant les conditions majeures de l'équilibre de son budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est là qu'interviennent les variables d'ajustement.

Le président de la commission des finances vient d'y faire allusion et nous en avons déjà parlé, notamment en fin de matinée. Nous devons relever un défi purement arithmétique : l'augmentation de l'enveloppe normée est indexée sur l'inflation, alors que l'augmentation de la masse d'ensemble de la dotation globale de fonctionnement l'est sur l'inflation plus la moitié du taux de croissance prévisionnel.

Nous ne pouvons que nous en réjouir et reconnaître, madame la ministre, monsieur le ministre, que la parole de l'État est respectée, que la règle du jeu antérieure demeure en vigueur.

Vous le savez, la commission des finances a refusé d'entrer dans le jeu qui aurait consisté à chercher dans l'enveloppe de la dotation globale de fonctionnement les gages d'une forte réduction des variables d'ajustement.

En vertu de l'ensemble de ces principes, elle s'est efforcée, notamment à l'aide de simulations, de faire jouer autant qu'elle a pu les différentes variables les unes par rapport aux autres. Elle est donc en mesure de proposer aujourd'hui un amendement qui vise à réduire l'impact non seulement des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle, mais aussi des baisses de dotation de compensation des exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Vous le savez, ce sont des problèmes très délicats. Ainsi, la DCTP, qui est la vieille variable d'ajustement, baisse chaque année. Son assiette ayant fortement diminué en valeur absolue, la baisse qu'il faudrait pratiquer cette année se traduirait, en termes d'attribution individuelle dans chaque budget, par une diminution de 26 %. Nous connaissons des villes, des communes, des départements pour lesquels cette réduction est proprement insupportable. Dès lors, nous avons entrepris de rechercher une solution non pour supprimer cette contrainte, mais pour l'atténuer et, espérons-le, la rendre vivable.

La taxe foncière sur les propriétés non bâties concerne des collectivités de nature différente. Certes, nos collègues de l'Assemblée nationale ont « immunisé » les communes rurales. Tant mieux ! Grâce leur soit rendue ! Il reste toutefois un certain nombre de départements ruraux dont le potentiel financier est sensiblement inférieur à la moyenne et qui, si nous n'y prenons garde, seront confrontés à des problèmes de gestion budgétaire très difficiles à résoudre, sauf à augmenter brutalement la fiscalité locale.

Telle est, mes chers collègues, la démarche que la commission vous proposera de suivre à travers plusieurs amendements. J'insiste en particulier sur l'un d'entre eux, déposé à l'article 12 du projet de loi de finances, dont la commission demandera l'examen en priorité par le Sénat.

Pour conclure, je veux évoquer l'avenir. Quelles règles du jeu établir pour le futur ? L'État est engagé dans deux exercices essentiels et stratégiques, à savoir la revue générale des politiques publiques et celle des prélèvements obligatoires.

La première d'entre elles concerne essentiellement l'État, mais les compétences étant souvent imbriquées ou complémentaires, si l'État fait évoluer ses modes d'action, naturellement, les collectivités territoriales devront aussi modifier les leurs.

Par ailleurs, la maquette de l'administration territoriale est appelée à évoluer. Dès lors, nos interlocuteurs vont relever d'une organisation différente et les collectivités territoriales que nous représentons devront en tirer toutes les conséquences sur leur propre mode de gestion.

En ce qui concerne la revue générale des prélèvements obligatoires, il serait logique qu'elle s'intéresse aussi à la fiscalité locale. Nous sommes bien placés dans cet hémicycle, mes chers collègues, pour savoir qu'il y a en la matière beaucoup d'archaïsme mais pas de miracle ! De surcroît, les propositions ou idées de réforme sont légion ; en général, elles sont séduisantes, mais, s'agissant d'un art d'exécution extrêmement délicat, quand on en vient aux simulations et aux projections sur la réalité, en général, l'unanimité n'est plus au rendez-vous !

Il faudra donc être en mesure de raisonner globalement et économiquement, et se demander quelles ressources prendre en compte pour ce qui concerne non seulement les impôts sur les personnes et sur les ménages, mais aussi les impôts sur les entreprises. Le raisonnement devra être effectué dans le cadre de l'impératif de compétitivité auquel la France, prise dans son ensemble, ainsi que chaque collectivité, sur son propre territoire, doivent répondre.

Madame le ministre, monsieur le ministre, nous sommes conscients qu'il va falloir aussi se livrer à une revue des dotations. Nous nous souvenons que la dernière réforme de la DGF n'est pas si vieille que cela puisque, si ma mémoire et bonne, elle a figuré dans la loi de finances de 2004. Alain Lambert, lorsqu'il défendait ce texte à l'époque, a porté ce projet. Nous avons beaucoup dialogué à ce sujet et nous pensions, en toute bonne foi, avoir déjà beaucoup simplifié le système. Mais nous constatons aujourd'hui que cela ne suffit pas et qu'il va certainement falloir procéder à une réforme plus générale et plus ambitieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour terminer, je souhaite faire deux remarques.

En tant que gestionnaires locaux, pour ceux d'entre nous qui exercent ces fonctions, nous sommes très attachés à nos responsabilités. Il est essentiel que l'on nous permette de les exercer en pleine autonomie, dans le respect de la loi républicaine. Il est essentiel aussi que le public, nos électrices et électeurs, sache bien identifier les responsabilités des uns et des autres...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

... et que l'État, une fois la règle du jeu définie ou redéfinie, tout en respectant les quatre conditions de l'équité que j'ai exposées au début de mon propos, sache faire vivre le nouveau système dans la durée et nous apporter la visibilité dont nous avons absolument besoin.

C'est donc animée par les principes que j'indiquais et en se référant aux analyses que j'ai brièvement résumées que la commission des finances aborde l'examen de la partie de ce débat budgétaire qui est consacrée aux collectivités locales.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme viennent de l'indiquer Philippe Marini et Jean Arthuis, nous entrons dans une nouvelle étape des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.

En effet, l'objectif de maîtrise des dépenses publiques est étendu aux finances locales. La norme de progression des dotations aux collectivités territoriales est ajustée sur celle que l'État applique à son propre budget. Au-delà de ces dotations, l'État doit également assurer la compensation des nombreuses compétences transférées aux collectivités territoriales depuis quatre ans. L'ensemble de ces paramètres doit être pris en compte pour apprécier la situation financière des collectivités territoriales.

Mes observations porteront donc sur l'évolution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, sur la compensation financière des transferts, créations et extensions de compétences et sur la maîtrise des finances locales.

Tout d'abord, l'évolution des dotations placées au sein de l'enveloppe normée fera désormais l'objet d'un contrat de stabilité.

Après les travaux du Conseil économique et social et de Pierre Richard sur les dépenses publiques locales, le premier rapport du Conseil d'orientation des finances publiques, paru au mois de février dernier, recommandait que le rythme d'évolution des dotations aux collectivités territoriales soit rendu compatible avec celui des dépenses de l'État.

Certes, en première analyse, les collectivités territoriales paraissent échapper aux préoccupations relatives à la situation d'ensemble de nos finances publiques, marquée par une augmentation continue de la dette depuis vingt-cinq ans.

En effet, comme vous le savez, mes chers collègues, les collectivités territoriales sont faiblement endettées. En 2005, la dette des administrations publiques locales ne représentait que 10 % de la dette publique. Elle a même connu une diminution entre 1996 et 2002.

Par ailleurs, comme le rappelle Pierre Richard dans son rapport, les collectivités locales obéissent à des règles financières nettement plus strictes que celles que s'applique l'État. Elles doivent, en effet, financer l'ensemble de leurs dépenses de fonctionnement par des recettes propres et ne peuvent recourir à l'endettement que pour financer leurs investissements.

Mais les difficultés rencontrées par l'État sont aussi celles des collectivités, dans la mesure où l'État est, de manière croissante, leur premier financeur.

Ensuite, l'augmentation structurelle des dépenses sociales oblige l'État comme les collectivités à agir sur leurs propres niveaux de dépenses, afin de limiter la progression du taux de prélèvements obligatoires, qui a atteint, je vous le rappelle, 44, 2 % du PIB en 2006.

Le rythme d'évolution rapide des dépenses et de la fiscalité invite également à s'interroger. Ainsi, à périmètre constant, les dépenses publiques locales ont crû de plus de 40 % depuis 1996, soit presque deux fois plus vite que les dépenses publiques totales.

Le projet de loi de finances pour 2008 inaugure, par conséquent, un nouveau partenariat financier entre l'État et les collectivités.

L'article 12 institue un contrat de stabilité, visant à indexer les dotations aux collectivités territoriales sur la seule inflation, hors tabac. Ces dotations connaîtront donc la même progression que les dépenses de l'État.

Cependant, comme l'ont indiqué Jean Arthuis et Philippe Marini, l'indexation de la dotation globale de fonctionnement est préservée. La DGF progressera donc au rythme de l'inflation majoré de 50 % de la croissance du PIB, soit de 2, 725 %.

Le rapport Richard proposait la mise en place d'une procédure de diagnostic partagé entre l'État et les collectivités locales ; à partir de ce diagnostic, les collectivités territoriales et l'État négocieraient un contrat pluriannuel.

Il est vrai que le principe de l'annualité budgétaire ne permet pas l'inscription dans la loi de finances d'un engagement pluriannuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Cependant, la définition d'un partenariat à moyen terme entre le Gouvernement et les collectivités paraît nécessaire pour donner à celles-ci un horizon.

À cet égard, je rappelle que les collectivités territoriales réalisent plus de 70 % des dépenses d'investissement public dans notre pays. Ce rôle moteur ne peut être maintenu que si les collectivités connaissent leur horizon financier à moyen ou long terme.

De même, la remise en cause des conditions d'indexation de la DGF aurait des conséquences lourdes sur l'objectif de péréquation, qui doit pourtant être poursuivi.

Depuis 2007, le comité des finances locales dispose d'ailleurs de marges de manoeuvre élargies en matière d'indexation des différentes parts de la dotation forfaitaire des communes, des départements et des régions, afin de dégager davantage de ressources en faveur de la péréquation, et il les a déjà utilisées.

Ces mécanismes ont permis, en 2007, un gain de plus de 21, 5 millions d'euros au profit de la péréquation. Ils doivent être préservés.

S'agissant, ensuite, de la compensation des transferts de compétences, il convient de saluer les efforts accomplis par l'État.

La compensation financière des charges résultant des transferts de compétences inscrits dans la loi du 13 août 2004 doit être intégrale, concomitante aux transferts de compétences, soumise à l'avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges.

La compensation doit, par ailleurs, être conforme à l'objectif d'autonomie financière inscrit au sein de l'article 72-2 de la Constitution.

Ainsi, la loi du 13 août 2004 prévoit que la compensation financière s'opère, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toutes natures.

Il s'agit, pour les départements, de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance et, pour les régions et les départements, de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers.

La montée en charge des compensations financières résultant de la décentralisation se traduit par un transfert cumulé de taxe spéciale sur les conventions d'assurance de 1 850 millions d'euros au profit des départements et par un transfert de TIPP cumulé, depuis 2005, de 2 755 millions d'euros en faveur des régions.

En outre, le Gouvernement a consenti des efforts substantiels pour répondre aux inquiétudes exprimées au cours des dernières années par les élus au sein de la commission consultative sur l'évaluation des charges.

Pour ce qui concerne la compensation du transfert du revenu minimum d'insertion, le RMI, et du revenu minimum d'activité, le RMA, en application de la loi du 18 décembre 2003, le Gouvernement a résolu les difficultés issues de l'effet de ciseau entre les dépenses transférées, qui ont augmenté à un rythme élevé, et les ressources de TIPP, qui ont crû à un rythme plus faible.

Le Gouvernement a, tout d'abord, accepté la création pour deux ans d'un fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, le FMDI.

Au total, ce sont presque 2 milliards d'euros supplémentaires qui auront été dégagés pour financer les dépenses relatives au RMI, dont 1 milliard d'euros versé en 2007.

Le droit à compensation ainsi augmenté couvre 100 % de la dépense réelle du RMI en 2004 et 93, 5 % de la dépense en 2005. En 2006, selon les premières estimations, le taux de compensation des dépenses serait de 89, 1 %, contre 80, 9 % en l'absence de versements du FMDI.

Enfin, si les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales doivent être définies sur le mode contractuel, il importe également d'assurer l'autonomie fiscale des collectivités.

La maîtrise des finances locales implique que les collectivités territoriales disposent de marges de manoeuvre supplémentaires.

Depuis la fin de l'année 2006, les réflexions se sont poursuivies sur l'amélioration de la fiscalité locale, dont chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître l'excessive complexité.

Ainsi, le rapport fait par Philippe Valletoux, au nom du Conseil économique et social, montre de quelle façon la fiscalité locale perd progressivement les caractéristiques d'une ressource propre dont les collectivités garderaient la maîtrise. L'État est ainsi devenu le premier contribuable local au titre de la taxe professionnelle, du fait de la prise en charge des dégrèvements.

Le rapport Valletoux évoque des pistes ambitieuses pour donner à chaque catégorie de collectivité la maîtrise d'une recette fiscale globale. Il mentionne la nécessité de permettre aux contribuables d'identifier clairement le niveau territorial qui exerce le pouvoir fiscal sur chaque impôt.

La réforme de la fiscalité locale est une exigence pour le bon développement de la démocratie locale et un gage d'efficacité de la gestion des collectivités.

Ce n'est pas une réforme facile à conduire, nous en sommes tous conscients dans cette enceinte. Mais elle est nécessaire, même si nous en parlons depuis parfois des décennies. Souvenons-nous simplement que, comme le disait Sénèque, « ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. »

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier le président de la commission des finances et le rapporteur général d'avoir accepté que je puisse m'exprimer dès à présent, ce qui me permet de répondre à leurs interventions ainsi qu'à celle de M. le rapporteur pour avis.

C'est Éric Woerth, dont chacun connaît la compétence, qui répondra aux autres orateurs, les circonstances m'empêchant d'assister à l'ensemble de ce débat, qui va se prolonger dans la soirée.

Comme le président de la commission des finances, le rapporteur général et le rapporteur pour avis de la commission, qui ont remarquablement présenté les enjeux, je crois que, face aux défis multiples que connaît notre société, nous avons besoin d'un État qui assure son autorité et qui assume ses responsabilités. Les événements des deux derniers jours le soulignent encore davantage.

Nous avons aussi besoin que l'action publique soit mise en oeuvre au plus près des Français. Le besoin de ce contact direct se fait sentir. La proximité est du reste un gage d'efficacité et d'enrichissement, pour nos territoires comme pour notre relation avec nos concitoyens.

C'est pourquoi les relations entre l'État et les collectivités territoriales doivent être à la fois claires et confiantes. Je veux, pour ma part, qu'elles s'inscrivent dans un climat de confiance, une confiance qui ne soit pas simplement ponctuelle, mais qui se manifeste dans la durée.

Ces relations confiantes doivent se traduire par la mise en oeuvre d'un partenariat responsable, et ce dans tous les domaines.

Le président Arthuis disait son souhait de voir le Sénat être en mesure d'exercer une véritable expertise extérieure et, pour cela, d'avoir connaissance d'un certain nombre de données. Je suis tout à fait prête à ce que, pour ce qui le concerne, le ministère de l'intérieur vous aide au mieux à obtenir ces données qui vous sont nécessaires.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Nous l'avons déjà fait en remplissant les questionnaires qui nous ont été adressés.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

De même, j'ai maintes fois défendu l'idée que, chaque trimestre, une délégation de toutes les commissions concernées vienne directement devant l'administration du ministère de l'intérieur pour évaluer la consommation des crédits. Nous y avons tous intérêt, à commencer par moi !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Je pense qu'il s'agit là d'une garantie de la transparence et de la confiance que je souhaite établir.

La maîtrise globale de la dépense publique, la mise en oeuvre d'une véritable solidarité sur tout le territoire et la garantie d'une visibilité nécessaire aux collectivités territoriales sont constitutifs de ce partenariat confiant et durable que j'appelle de mes voeux.

Comme cela a été justement souligné par les précédents orateurs, la maîtrise de la dépense publique est une nécessité. En l'espace de vingt-cinq ans, notre dette publique a triplé, atteignant aujourd'hui les deux tiers de notre production nationale. Préparer l'avenir, en même temps que respecter nos engagements - notamment européens - suppose effectivement de mettre fin à cette tendance. C'est ce qu'a prévu le Gouvernement pour l'année 2008.

Les collectivités territoriales représentent un poste de dépenses important pour l'État. Dès lors que l'État consent un effort substantiel en contenant strictement l'évolution de ses dépenses dans la limite de l'inflation, il faut que l'effort porte sur l'ensemble de son budget, y compris sur le quart de ses dépenses qui concerne les collectivités locales. C'est la raison pour laquelle les dotations incluses dans le contrat de stabilité évolueront en 2008 comme l'inflation.

Monsieur Saugey, vous souhaiteriez la mise en place d'un contrat pluriannuel. Il est évident que, dès lors que l'on dirige une collectivité, on aurait effectivement besoin d'un tel instrument, et je comprends parfaitement votre souci de donner de la lisibilité aux collectivités. J'espère donc que, dans le cadre de la concertation avec les collectivités, nous puissions y parvenir.

Pour l'instant, le Gouvernement propose seulement un contrat d'un an, valable pour 2008. Nous devons travailler pour arriver à concilier un projet pluriannuel et le principe d'annualité budgétaire. Je sais que vous disposez en la matière de soutiens éminents ! D'ailleurs, s'agissant de l'annualité budgétaire, nous aurions sans doute à gagner à ce qu'elle évolue !

Je vois que le mon collègue chargé des comptes ne dit rien : je pense donc qu'il m'approuve !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Quoi qu'il en soit, le besoin d'avoir une visibilité sur plusieurs années est bien réel.

Au-delà du contrat de stabilité, l'effort financier total en faveur des collectivités locales progresse tout de même de 3, 9 %, ce qui est largement supérieur à l'inflation.

C'est en particulier le cas du FCTVA, qui connaît une croissance sensible - plus de 10 % en 2008 - et nous permettra ainsi de soutenir le très important effort financier des collectivités dont il a été question tout à l'heure. Il est d'ailleurs évident que ce sont les collectivités qui, aujourd'hui, nous permettent d'investir d'une façon très dynamique.

Monsieur Marini, le Sénat examinera tout à l'heure votre proposition visant à limiter la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et de la compensation du foncier non bâti des départements. Je comprends votre objectif, dès lors qu'il s'agit de soutenir des collectivités fragiles.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Je ne doute pas que le Sénat, qui est à l'écoute des collectivités, trouvera une solution équitable et respectueuse de tous les niveaux de collectivités.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le Gouvernement a été également attentif à la situation financière des départements. C'est pourquoi j'ai proposé que le projet de budget pour 2008 élargisse le bénéfice du produit des amendes issues des radars aux départements : 30 millions d'euros sont prévus à ce titre pour 2008.

Murmures sur de nombreuses travées.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

J'entends parfaitement ceux qui considèrent que cela fait peu et qu'il faudrait aller plus loin.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Le Gouvernement sera particulièrement attentif à vos propositions sur les modalités de répartition de ces fonds.

Je voudrais toutefois rappeler que, sur la totalité des amendes, nous avons aussi à prendre en charge l'installation de nouveaux radars - car il y en aura de nouveaux l'an prochain - et un certain nombre d'améliorations du réseau routier, même si je sais par ailleurs que les collectivités y participent également.

La solidarité de l'État envers les collectivités en difficulté est un autre élément du partenariat confiant que nous devons établir.

À cet égard, monsieur Saugey, soyez assuré que le Gouvernement a, tout comme vous, à coeur de soutenir tout particulièrement les collectivités confrontées à des difficultés.

C'est d'ailleurs pour répondre à cet objectif que j'ai souhaité préserver le montant et la progression de la dotation globale de fonctionnement. Cette dotation, m'a-t-il semblé, ne pouvait se trouver diminuée du jour au lendemain. Or, trois mois, c'est bien le lendemain quand on a un budget de fonctionnement à établir. Cette année, j'ai donc obtenu, ce dont je remercie Éric Woerth et le Premier ministre, qui a arbitré en la matière, que l'indexation de la DGF demeure inchangée, comme cela a déjà été dit, ce qui permettra une progression de 2, 08 % en 2008, représentant tout de même une augmentation en volume de 817, 2 millions d'euros.

Cela va en outre et surtout permettre d'augmenter un certain nombre de dotations de péréquation. En effet, la progression de la DGF autorise une hausse de la dotation de solidarité urbaine d'au moins 90 millions d'euros, ce qui lui fera passer le cap du milliard d'euros en 2008. Nous savons qu'il s'agit d'un soutien essentiel pour les maires qui sont en première ligne dans les quartiers difficiles et qui ont besoin de ces moyens pour développer le lien social.

La croissance de la DGF rendra également possible un effort soutenu pour les communes rurales, notamment à travers la dotation de solidarité rurale, qui progressera pour sa part de 9, 43 %.

La progression de la péréquation dans la DGF bénéficiera aussi aux départements. À cet égard, monsieur Arthuis, je connais votre inquiétude concernant le montant de la dotation de fonctionnement minimale des départements qui y sont éligibles depuis 2005.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je tiens à vous assurer que ces départements - parmi lesquels figure le vôtre, la Mayenne - connaissent des augmentations plus fortes que les autres.

M. le président de la commission sourit

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

L'écart de dotation entre les 39 nouveaux départements éligibles et les 24 départements qui les avaient précédés s'est considérablement réduit. En 2007, les attributions des uns et des autres vont être très proches, alors que, je vous le rappelle, en 2004, l'écart allait de 1 à 3, 6.

L'effort de solidarité se traduira également par la création d'un fonds de solidarité propre aux collectivités territoriales, qui permettra de répondre à des sinistres localisés ou d'ampleur limitée tels ceux que nous avons connus à la fin du printemps et pendant l'été derniers, marqués par des modifications météorologiques sortant totalement de ce que nous connaissions jusqu'à présent, et pour lesquels les règles normales de déclaration de catastrophe naturelle s'appliquent mal.

Il y aura donc désormais un fonds particulier qui nous permettra de répondre à des sinistres eux-mêmes très particuliers. Bien entendu, l'État continuera toutefois d'assumer toutes ses responsabilités dans le domaine des catastrophes naturelles.

Enfin, avoir un partenariat de confiance, cela signifie être à l'écoute des besoins des collectivités. Et, dans ce domaine, intervient le souci de la visibilité. Nous avons besoin de savoir où nous allons parce que les politiques que nous menons portent de plus en plus fréquemment sur plusieurs années, voire sur le long terme.

La visibilité suppose d'abord une stabilité du partage des compétences entre l'État et les collectivités territoriales. De multiples actions de décentralisation sont intervenues ces dernières années. Je crois que tout le monde souhaite pour l'instant une pause dans ce mouvement, de façon à savoir exactement qui fait quoi et qui est responsable de quoi.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Le projet de loi de finances pour 2008 ne comprend donc pas de nouvelle mesure de transfert de compétence. Il prévoit simplement les crédits nécessaires pour des transferts de compétences déjà décidés, par exemple celui des techniciens et ouvriers spécialisés de l'éducation nationale. Je pense aussi au partage des services des directions départementales de l'équipement qui sont transférés aux collectivités territoriales.

La visibilité, c'est aussi le maintien de la progression de la DGF, que j'ai souhaité, de façon que les collectivités aient une visibilité d'au moins dix-huit mois.

Le partenariat de confiance passe également par l'association des collectivités locales à toutes les décisions qui les concernent. C'est un point, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous avez souvent évoqué devant moi.

Il est vrai qu'il y a les dotations et les transferts de compétences, mais on ne peut oublier qu'un certain nombre de contraintes naissent également des normes que nous établissons et qui ont des conséquences sur les acteurs locaux que vous êtes pour la plupart.

Qui, parmi nous, ne s'est jamais trouvé confronté à la situation où, alors que la construction d'un nouvel équipement s'achève, on constate que les normes ont déjà changé, ce qui entraîne alors des coûts supplémentaires parfois considérables ?

La Conférence nationale des exécutifs, installée par le Premier ministre, associera l'État et les collectivités territoriales sur toutes les décisions qui concernent ces dernières. S'agissant des normes susceptibles d'avoir une incidence financière, la commission consultative sur l'évaluation des normes, mise en place au sein du Comité des finances locales, permettra, à partir de 2008, de faire jouer aux responsables des collectivités un rôle de premier plan en les associant à leur élaboration.

Enfin, nous sommes tous d'accord sur ce point : la réforme de la fiscalité locale est aujourd'hui non plus un projet, mais une exigence.

Monsieur le président de la commission, vous avez eu raison de souligner l'obsolescence de la fiscalité actuelle, tout du moins celle de ses références. Au-delà de ce constat, monsieur le rapporteur général, il est, c'est vrai, sans doute très difficile d'avoir l'unanimité en ce domaine.

Pour autant, il faut avancer : c'est la seule façon d'assurer aux collectivités leur autonomie dans la durée, mais aussi la lisibilité dont elles ont besoin pour mener leurs politiques.

De cette réforme je fais donc une priorité, et je proposerai bientôt aux parlementaires un calendrier et une méthode. Je sais que nous partageons les mêmes ambitions en la matière, même s'il n'est pas certain que cette réforme, une fois menée à son terme, fasse l'unanimité. En tout cas, je souhaite, comme l'a fait le Président de la République devant l'Association des maires de France, que nous ayons, au moins au départ, un consensus sur le contenu, sur la méthode et sur les principes ; à nous, ensuite, de travailler.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la maîtrise de l'équilibre de nos finances publiques relève de notre responsabilité à tous. Nous devons oeuvrer pour l'atteindre, et nous avons intérêt à travailler tous ensemble. Je suis convaincue que les fruits de notre travail commun bénéficieront à chacun : aux collectivités, à l'État, à nos concitoyens, à la France.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne nous leurrons pas : ce budget représente un choc pour les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

En effet, nous allons changer de règle : nous allons passer d'un contrat de partage des fruits de la croissance à un contrat de stabilité.

Oh, je sais bien que 0, 7 point d'augmentation en moins c'est peu. Mais, appliqué à 45 milliards d'euros de dotation, cela représente un chiffre substantiel !

Quoi qu'il en soit, ce choc, nous l'acceptons.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

Nous l'acceptons, tout d'abord, parce que le rétablissement de nos finances publiques est, comme vous le disiez, madame la ministre, une priorité. Ce rétablissement exige que l'État et les collectivités locales soient coresponsables des finances publiques dans leur ensemble, quelles que soient les responsabilités qui sont à l'origine des décisions de dépenses.

Nous l'acceptons, ensuite, parce que l'État accomplit cette année un effort considérable en faveur des collectivités locales. Ainsi, le FCTVA bénéficie d'une augmentation de 500 millions d'euros, alors qu'on avait pu craindre de le voir passer dans l'enveloppe. Je suis donc heureux que l'investissement local soit protégé.

Par ailleurs, l'effort de l'État se traduit par 2 milliards d'euros consacrés aux allégements de fiscalité locale sous forme de dégrèvements. Ce n'est peut-être pas la panacée, mais c'est tout de même très appréciable et cela sauve, dans une certaine mesure, la taxe professionnelle.

Enfin, nous l'acceptons parce que, vous l'avez dit, madame la ministre, l'État s'engage à son tour dans des relations claires et confiantes avec les collectivités locales, par le biais de la conférence des exécutifs locaux. Je pense qu'ainsi toutes les questions de normes, de transferts indus, voire de cogestion de la masse salariale pourront être réglées.

Voilà ce qui nous autorise à envisager de manière positive le choc dont je parlais.

Cela étant, comment ce choc peut-il être absorbé ? À cet égard, je formulerai trois observations.

Fallait-il maintenir l'indexation de la dotation globale de fonctionnement au sein d'une enveloppe réduite, au risque de bloquer toute évolution ?

La DGF va croître, cette année, de 2, 72 % sur le papier, mais, comme le disait M. le président de la commission des finances, à cause d'une régularisation négative, elle ne progressera, en fait, que de 2, 08 %. Le respect des engagements pris d'augmenter, à hauteur de 90 millions d'euros, les mécanismes de péréquation de la DSU comme des engagements en faveur de l'intercommunalité restreint terriblement les marges de manoeuvre.

Si le système d'indexation de la DGF n'avait pas été maintenu, les communes seraient en passe de connaître une situation encore plus difficile. En effet, les règles sont telles qu'il est peu probable que la croissance de la dotation de base puisse dépasser le taux d'inflation, que la compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle puisse progresser de plus de 1 % et que ce que l'on appelle le complément de garantie, qui représente tout de même 7 milliards d'euros, puisse augmenter de plus de 0, 5 %.

Au vu de cette situation, il apparaît qu'il eût sans doute été très dangereux de procéder autrement que ne l'a fait le Gouvernement : il était donc judicieux de maintenir l'indexation de la dotation globale de fonctionnement telle qu'elle est.

Si l'on ne touche pas à la DGF, sur qui faire porter l'effort d'ajustement, comment faire jouer ce que l'on appelle, dans le jargon des finances locales, les « variables d'ajustement » ?

Depuis 1996, la variable d'ajustement, c'est la fameuse DCTP. Cette dotation compense la réduction des bases de taxe professionnelle de 16 % intervenue en 1987. Chaque année, l'écart entre ce que l'on appelle l'enveloppe normée et la DGF était résorbé par la diminution progressive de cette dotation.

A priori, j'étais favorable à ce système parce qu'il me paraissait tout à fait normal que l'effort de péréquation soit supporté essentiellement par les communes les mieux dotées en taxe professionnelle et, parmi elles, par celles qui n'avaient pas eu la sagesse de maintenir des taux relativement modestes.

Cependant, je me suis rangé à l'avis de ceux qui estimaient que, si cette méthode était valable, un choc aussi brutal que celui qu'elles vont subir cette année - une perte d'environ 200 millions d'euros - était insupportable.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

Si l'on touche à ce mécanisme, il faut trouver d'autres sources. J'accepte toutes les autres sources, mais à condition que soit conservé le caractère de péréquation. Je dois dire que j'avais pris connaissance avec quelque inquiétude de certaines propositions suggérant de reprendre le produit de la part « salaires » de la taxe professionnelle attribuée aux fonds départementaux de péréquation de ladite taxe.

Ainsi, dans mon département, ce produit, généré par la présence d'une usine de dix mille salariés dans une commune, est partagé entre quatre cents communes, qui bénéficient ainsi de dotations importantes du fonds départemental.

D'après mes simulations, certaines communes, si l'on avait appliqué les idées que je viens d'évoquer, auraient dû, pour compenser cette perte de recettes, augmenter leur fiscalité locale de 10 % ou de 15 %, ce qui eût été inacceptable.

Je tiens à remercier très vivement de leurs efforts M. le rapporteur général et la commission des finances dans son ensemble pour trouver des solutions plus respectueuses de l'équité.

Comment maintenir cet effet péréquateur ? L'Assemblée nationale a eu raison de ne pas demander aux communes qui bénéficiaient de la compensation d'une réduction de 20 % du foncier non bâti de supporter le choc. Le Sénat s'honorerait de procéder de la même façon pour les départements ruraux.

Pour les quinze ou vingt départements agricoles qui ont perdu ces dotations de compensation, les rétablir me paraît tout à fait souhaitable.

Ces raisonnements ont reçu l'agrément de la commission des finances et l'amendement qui nous sera présenté tout à l'heure permettra de trouver un équilibre.

Pour terminer, je ferai quelques observations sur l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Veuillez conclure, mon cher collègue, votre temps de parole est épuisé !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

J'achèverai donc mon propos en énonçant simplement trois convictions.

Je suis d'abord convaincu qu'on ne pourra plus faire supporter l'effort en faveur des quartiers sensibles par la seule augmentation de la DSU. Il faudra que l'État accepte de consentir des concours particuliers en ce domaine.

Deuxième conviction : nous serons obligés, si nous voulons sauver notre système de dotations, de sortir de l'enveloppe normée la dotation de base de la DGF pour l'indexer sur l'inflation et la croissance démographique - actuellement de 0, 2 % ou 0, 3 % -, de sorte que les collectivités locales en forte expansion démographique puissent avoir des retombées positives de cette dernière.

Ma troisième conviction est que nous gagnerons beaucoup en efficacité en réorganisant notre système de péréquation. Les compléments de garantie actuels donnent lieu à des rentes de situation qu'il faudra réduire, parce qu'elles sont issues d'impôts disparus que les contribuables ne paient plus, parfois depuis un demi-siècle ! À cela s'ajoutent des dotations de péréquation qui ont été cristallisées, fossilisées.

Il faut avoir le courage de faire en sorte que ces droits acquis soient rabotés et que les véritables dotations de péréquation dues à la réforme des finances locales soient améliorées. Je crois que le groupe UMP aura ce courage.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France serait en faillite, la dette publique serait insupportable...

Le projet de loi de finances pour 2008 est bâti à partir de ces a priori. La relation de l'État avec les collectivités territoriales suit cette même ligne.

L'objectif est de réduire de moitié l'évolution de la dépense publique : c'est l'engagement que le Président de la République a pris au sein de l'Europe.

Aussi, comme le rappellent les membres du Gouvernement, sa mise en oeuvre ne saurait se limiter à l'État et concernera l'ensemble des acteurs publics. On ne peut être plus clair !

Le Gouvernement présente une modification du contrat de croissance et de solidarité, il veut que les moyens mis à disposition des communes et intercommunalités, des départements et des régions évoluent, comme le budget de l'État, de 0 % en volume.

Pour cela, il nous invite à réduire nos dépenses et, pour être très incitatif, il entend réduire sa contribution aux budgets des collectivités.

Pourtant, ces collectivités assurent des services publics indispensables à la vie des habitants. Ces services sont bien souvent facturés en fonction des capacités financières des familles.

Si les collectivités n'arrivent plus à assumer les coûts de ces services publics, cela se traduira par une nouvelle perte du pouvoir d'achat de ces familles.

Le Président de la République a décidé de faire du pouvoir d'achat un point clé de sa politique ; il doit même prendre la parole sur ce sujet à son retour de Chine.

Cependant, quand nous débattons, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, des ressources des collectivités locales, nous discutons aussi du pouvoir d'achat des salariés.

Les conseils régionaux, avec leur compétence « transport », ont souvent mis en place des tarifs spécifiques pour les salariés ou les étudiants. Dans le domaine de la formation, la prise en charge des frais dans les lycées pour l'acquisition des livres ainsi que de la « boîte à outils » dans les lycées professionnels constitue des allégements importants pour les budgets des familles.

Les conseils généraux ont de plus en plus de poids, pour ne pas dire d'obligations, dans l'accompagnement des plus fragiles, qu'ils soient au RMI, en difficulté sociale momentanée, handicapés ou encore concernés par l'allocation personnalisée d'autonomie. Leur intervention est décisive pour de nombreuses familles.

Les communes et intercommunalités interviennent encore plus dans tous les aspects de la vie quotidienne : accueil en crèche, scolarisation des enfants en maternelle et en primaire, haltes-garderies et centres de loisirs, mais aussi adduction d'eau potable, assainissement, ordures ménagères.

Cela représente tout un ensemble de services pris en charge par le budget des collectivités, dont l'objectif est non pas de rentabiliser financièrement les fonds mobilisés à cette fin, mais d'apporter une réponse de qualité aux besoins des habitants.

C'est ce que soulignaient encore ce matin, à Tours, les maires de mon département, réunis en congrès.

C'est aussi ce qu'affirme la grande majorité de nos concitoyens. D'après un sondage réalisé à l'occasion du congrès des maires de France, ils souhaitent le maintien, non seulement dans les territoires ruraux, mais aussi sur l'ensemble du territoire national, des services publics de proximité, au premier rang desquels figurent l'école, pour 67 % d'entre eux, et l'hôpital, pour 61 %.

Pendant ce temps, monsieur le ministre, vous n'hésitez pas à proposer, dans ce budget 2008, la suppression de 23 000 emplois dans les services de l'État, dont plus de 11 000 pour l'éducation nationale. Autrement dit, comme le rappelait un maire ce matin, réduire l'accueil scolaire en supprimant le samedi matin, c'est, en fait, transférer une nouvelle charge aux collectivités, sans aucune compensation à la clé.

En outre, lorsque l'éducation nationale n'est plus en mesure d'accueillir les enfants dès l'âge de deux ans et demi, les familles se tournent vers la collectivité pour obtenir une place en crèche ou en halte-garderie. Or, vous le savez bien, l'effectif des personnels nécessaires pour encadrer les enfants en maternelle et en crèche est sans commune mesure avec les besoins constatés dans les autres établissements. De fait, les collectivités, communes ou intercommunalités, se trouvent confrontées à une charge transférée bien plus lourde que celle que l'État n'aura plus à assumer. Ajoutons à cela le fait que la caisse d'allocations familiales a décidé de réduire sa participation aux contrats « petite enfance ».

Au final, on perçoit bien le dilemme auquel est confrontée chaque collectivité et l'inconfort qui règne chez les élus locaux.

Le besoin de services publics est très fort sur l'ensemble du territoire, et nous savons bien que la politique de faible salaire qui est actuellement menée pousse les élus à faire toujours plus. Les transferts de compétence ont renforcé cette situation.

Monsieur le ministre, vous connaissez cette réalité, mais vous nous reprochez de dépenser exagérément : nous aurions trop de personnels, et l'intercommunalité n'aurait pas vraiment favorisé une gestion plus rationnelle. Si des excès peuvent être constatés, ils restent tout de même marginaux.

Vous n'abordez pas vraiment le problème de front, car vous êtes obligé de tenir compte de la réaction des élus.

Pour maintenir le niveau des dépenses publiques, vous utilisez un procédé plus efficace, plus indolore : la technique de l'asphyxie. Vous mettez les collectivités territoriales dans des situations financières intenables, avec l'objectif de les contraindre à supprimer du personnel, alors même qu'elles créent des emplois utiles à la population.

Vous nous invitez à recourir à d'autres formes de réponse. Pour remplacer les services publics, vous voulez nous inciter à transférer au secteur marchand de multiples actions locales. Il est vrai qu'en cela vous êtes dans la droite ligne du traité constitutionnel européen et, même, du nouveau texte dit « de Lisbonne ».

Or le souci des élus, c'est de créer les conditions qui leur permettent, quel que soit le point du territoire où ils accomplissent leur mandat, d'apporter des réponses satisfaisantes aux habitants et de contribuer à réduire les inégalités.

Il importe, par ailleurs, de rappeler un autre élément important, trop souvent oublié : les collectivités territoriales sont des acteurs économiques importants. Selon une étude réalisée en 2006 par le groupe Caisse d'épargne, elles ont, avec 40 milliards d'euros de dépenses d'investissement annuelles, contribué à créer ou maintenir 850 000 emplois dans la sphère privée. Toujours d'après cette étude, depuis 2003, on peut estimer que l'investissement public local a permis de créer 200 000 emplois.

Vous le savez bien, si les entreprises du bâtiment et des travaux publics ont redressé leur situation, c'est, pour une part décisive, grâce aux collectivités territoriales. Comme le rappelait Gilles Carrez, présent à notre congrès ce matin, l'État, quant à lui, consacre désormais moins de 10 % de son budget aux dépenses d'investissement ; je crois même que l'on est plus proche des 5 % !

L'affaiblissement des capacités financières des collectivités territoriales aurait des conséquences lourdes sur notre économie.

Au congrès des maires de France, M. le Premier ministre a déclaré : « Nous servons tous le même citoyen. Or, devant le citoyen, il faut abandonner ce réflexe qui consiste à rejeter sur l'État ce qui ne va pas. » Mais, aujourd'hui, au-delà des transferts, ce qui crée de véritables inquiétudes chez les élus, c'est l'incessante sollicitation des collectivités pour répondre aux multiples problèmes de la société.

Aussi, votre volonté de modifier fondamentalement les règles qui régissent les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales aura des conséquences désastreuses sur le terrain.

Vous nous demandez de dépenser moins, après avoir vous-même décidé de réduire les recettes de l'État. Vous avez même renforcé l'affaiblissement de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune en instaurant le bouclier fiscal à 50 % cet été.

La nouvelle norme de croissance des dépenses de l'État a pour principal effet de porter, en 2008, l'effort d'ajustement sur les seules collectivités territoriales. C'est ce que vous avez vous-même affirmé lors de l'analyse du projet de budget en commission, monsieur le rapporteur général, et je partage ce point de vue.

Pourtant, lors des cérémonies célébrant le bicentenaire de la Cour des comptes, le Président de la République s'est dit convaincu de ce que l'assainissement de la situation des finances publiques et la réduction des déficits et de l'endettement ne seraient pas résolus « par des politiques d'austérité ». Il a ajouté : « À ceux qui réclament des politiques comptables, je dis que la France a besoin de politiques économiques, non de politiques comptables. Je leur dis que le rationnement comptable de la dépense met du désordre dans l'État, accroît les gaspillages et alourdit les déficits au lieu de les réduire. Je leur dis que le rationnement est une mauvaise politique et que la bonne politique c'est de chercher à accroître l'efficacité de la dépense. »

Mme Nicole Bricq s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

J'ai rappelé à l'instant l'importance de l'action de nos collectivités territoriales pour notre économie, pour la vie quotidienne et le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Vous avez choisi, pour l'année prochaine - élections municipales obligent ! -, de préserver l'évolution de la dotation globale de fonctionnement. À l'Assemblée nationale, Mme la ministre de l'intérieur, évoquant la DGF, a ainsi précisé : « Comme les années précédentes, elle sera indexée sur l'inflation majorée de 50 % de la croissance du PIB, ce qui permet une progression de 2, 08 %. » À un député qui lui demandait pour combien de temps était prévu le dispositif, elle a répondu : « Pour 2008, je le répète, c'est-à-dire pour une période transitoire. On ne saurait en effet demander à un responsable de collectivité d'ajuster en trois mois les dépenses prévues pour l'année suivante. » C'est bien ce qu'elle vient de répéter devant nous tout à l'heure.

Or, pour aboutir à ce résultat, vous avez utilisé d'autres dotations, qui, elles, vont subir d'autres réductions plus que substantielles. Ainsi la DCTP diminuera-t-elle de plus de 20 %, plus précisément de 26 %, comme l'a rappelé M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Je parle des prévisions budgétaires, pas des souhaits de la commission des finances !

De tels choix m'ont conduite, comme beaucoup d'élus, à étudier avec attention leur incidence pour une commune comme la mienne, c'est-à-dire une ville de taille raisonnable, comptant 16 200 habitants. Malgré l'augmentation de la DSU dont nous bénéficierons, l'ensemble des dotations de l'État que recevra ma commune en 2008, sans tenir compte du vote du Sénat, sera inférieur de 0, 52 % par rapport à 2007. Si j'ajoute l'inflation, l'écart sera supérieur de 2 % par rapport à l'année précédente.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Si l'amendement de la commission des finances est adopté, ce sera un peu mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Nous verrons bien, monsieur le rapporteur général !

Pourtant, d'autres choix étaient possibles, mais nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.

Le Gouvernement aurait, par exemple, pu faire le choix de réintégrer la taxe professionnelle minimum, qui représente 2, 5 milliards d'euros, pour respecter le contrat de croissance et de solidarité. Mais l'État conserve ce montant dans son propre budget. Cela aurait pourtant permis de répondre simplement à une attente fortement exprimée, car les impositions locales sont bien, par nature, destinées aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

J'en arrive justement à ma conclusion, monsieur le président.

Monsieur le ministre, vous avez fait d'autres choix, et nous ne pouvons les partager.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le maître mot qui est aujourd'hui sur toutes les lèvres des élus locaux lorsqu'il est question des ressources émanant de l'État en direction des collectivités, c'est « inquiétude ».

Nous assistons, en effet, à une augmentation assez considérable des dépenses, souvent liées aux transferts de charges, aux directives et aux normes que l'État impose dans tous les domaines. C'est inacceptable !

Les collectivités locales vont donc se retrouver dans une situation difficile. Au demeurant, il faut bien le dire, le Gouvernement est en train de leur appliquer la rigueur budgétaire qu'il est bien incapable de s'imposer à lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Les collectivités pèsent très lourd en matière d'investissement public, puisqu'elles concentrent globalement 72 % de celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Ne pouvant être en déficit, elles sont peu endettées. L'État l'a d'ailleurs très bien compris, en estimant qu'il y avait encore du « grain à moudre ». Il contraint donc les collectivités à augmenter leur fiscalité, tout en stigmatisant, bien entendu, leur attitude très dépensière !

Fort heureusement, la Cour des comptes publie régulièrement sur ce sujet des rapports qui ne peuvent être sujets à caution. Ainsi, dans une étude publiée en septembre dernier, la Cour montre que c'est l'État qui contraint les collectivités à augmenter les impôts locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Mes chers collègues, si certains d'entre vous ont des doutes sur ce point, je porterai bien volontiers ce document à leur connaissance !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

La réforme de la taxe professionnelle conduit mécaniquement à diminuer, année après année, la participation de l'État.

Au demeurant, l'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France et l'Association des régions de France ont unanimement souhaité une grande réforme de la fiscalité locale, afin de permettre aux collectivités d'exercer pleinement les compétences qui leur sont transférées.

Pour les départements, les dépenses sociales représentent 25 milliards d'euros, soit une augmentation de 37 % entre 2002 et 2006. Ils entretiennent 6 750 collèges et 385 000 kilomètres de routes d'intérêt départemental ou national. Ils ont subi une forte augmentation des dépenses de personnel puisque les transferts de charges n'ont pas tous été compensés.

Au final, les collectivités les plus exposées ont été fragilisées encore davantage.

Dans cette affaire, le parent pauvre, c'est, bien entendu, la péréquation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

C'est l'Arlésienne ! On en parle beaucoup, on l'a même inscrite dans la Constitution, mais on en est peu ou prou resté là !

Si plusieurs rapports de grande qualité ont été publiés sur le sujet, ils sont pratiquement restés lettre morte. Déjà, en 2005, Michel Pébereau avait recommandé à l'État de ne plus imposer unilatéralement aux collectivités de nouvelles ponctions de ressources. Le rapport Valletoux a suggéré de faire de la péréquation un élément constitutif de la nouvelle donne en matière de fiscalité locale. Abordant l'affectation des ressources propres à chaque niveau territorial, il a avancé l'idée d'une CSG départementale.

Je citerai pour finir le rapport Richard, que le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire de l'époque, Jean-François Copé, qualifiait de « fondateur ».

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Dans l'enflure verbale, lui, il ne craint personne !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Il y était proposé de renforcer la part des concours financiers de l'État.

Le président du Sénat, lui-même, Christian Poncelet, lors du congrès de l'Assemblée des départements de France, le 17 octobre dernier, a plaidé en ces termes en faveur d'une refondation du financement des collectivités territoriales : « Pourquoi ne pas considérer, par exemple, la CSG comme un impôt particulièrement bien adapté au financement des dépenses sociales des départements ? » Il ajoutait : « La réforme envisagée devra également veiller à ne pas creuser les inégalités territoriales et impliquera la mise en oeuvre de nouveaux mécanismes de péréquation. »

Le principe de péréquation doit donc faire l'objet, tout comme le principe d'autonomie financière, d'un suivi spécifique concret. En effet, l'autonomie financière ne signifie pas grand-chose pour les collectivités très pauvres.

À ce jour, ces recommandations n'ont pas été suivies d'effets.

Or aucune réforme de la fiscalité locale ne peut se concevoir sans une véritable péréquation à la fois horizontale et verticale.

L'État s'honorerait en respectant sa parole, ce qu'il ne fait pas systématiquement, mais aussi en sauvegardant la solidarité territoriale et en garantissant l'équité entre tous les citoyens. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il est toujours difficile de parler après François Fortassin, tant est profonde sa connaissance de la réalité du terrain !

J'aborderai de la façon la plus positive possible la question des relations entre l'État et les collectivités locales, qui ne sont d'ailleurs pas seulement de nature financière.

Il y aurait beaucoup à faire pour atteindre les deux objectifs que Mme la ministre de l'intérieur vient de rappeler, alors qu'il s'agit d'impératifs absolus si l'on veut que s'établissent de bonnes relations entre l'État et les collectivités locales : la confiance, d'une part, et la clarté, d'autre part. Très honnêtement, nous sommes loin d'avoir atteint ces objectifs !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Sans prétendre détenir la solution à tous les problèmes, je souhaite suggérer quelques pistes.

Bien sûr, il est nécessaire de réformer la fiscalité locale, de repenser tous les concours de l'État, mais cela ne se fera pas en un quart d'heure. Pour autant, ne peut-on prendre rapidement quelques mesures simples permettant de rétablir un climat de confiance entre l'État et les collectivités territoriales ? J'en vois, pour ma part, deux qui seraient déjà déterminantes.

La première mesure consisterait à créer un véritable ministère chargé des relations avec les collectivités locales.

La seconde serait d'établir des relations financières claires, honnêtes et équitables sur le plan de la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État.

La raison pour laquelle il faut créer ce ministère est simple. Dans une république décentralisée comme la nôtre, après les réformes successives intervenues depuis 1982, le temps est venu d'avoir un seul ministre chargé des relations avec les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

MM. Henri de Raincourt et Louis de Broissia. Michel Mercier !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault. Ça tombe sous le sens !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

À l'heure actuelle, tous les ministères interviennent dans le domaine de compétence des collectivités locales. Ce manque d'unité de vues nuit considérablement à la confiance qui devrait prévaloir dans les relations entre l'État et ces collectivités.

En effet, chaque ministre, ne pouvant plus décider pour ce qui concerne son propre champ de compétences, tend à prendre des décisions qui s'imposent aux collectivités locales.

Ainsi, lorsque le ministre de l'éducation nationale évoque le problème des « orphelins de seize heures », c'est en fait aux collectivités locales qu'il appartient d'organiser le service postscolaire après seize heures. Lorsque le ministre des affaires sociales décide d'augmenter de 1, 6 % le RMI, cette mesure est assumée par les collectivités. De même, lorsque le ministre de l'environnement prend telle ou telle décision, ce sont en fait des normes nouvelles qui s'imposent aux collectivités territoriales.

Il n'existe pas de ministère unique - « leur » ministère -, qui permettrait aux collectivités locales organisées d'évoquer l'ensemble de leurs relations avec le Gouvernement. Or elles ont le plus grand besoin d'un tel lieu d'échange.

J'en viens à la deuxième mesure.

Que signifient des relations financières claires ? Nous en avons beaucoup discuté ; M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général nous ont longuement expliqué ce qu'ils ont tenté de faire. Je les félicite, car ils ont essayé de rendre la pilule moins amère et de faire en sorte que nous puissions passer une année.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

C'est long, en effet, en matière financière. Et l'année prochaine est forcément une autre année.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

On sait aussi que l'on ne pourra pas reproduire l'année prochaine ce que nous allons peut-être faire cette année.

Lorsque les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales n'augmentent globalement qu'au rythme de l'inflation, l'État ne doit-il pas verser à toutes les collectivités des dotations dont le montant est au moins réévalué en fonction du taux d'inflation ? Ne pas le faire reviendrait à leur signifier très clairement qu'elles recevront moins de ressources par rapport à l'année précédente pour remplir les missions qu'elles se sont données et celles que l'État leur a imposées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Mme la ministre de l'intérieur nous a rappelé que la DGF allait augmenter d'un peu plus de 2 %. C'est globalement vrai, sur le plan statistique, mais c'est inexact au niveau de la réalité vécue quotidiennement par toutes les collectivités.

Les collectivités qui verront diminuer le montant de leur DCTP et de leur dotation au titre de la compensation du foncier bâti, tandis que leur DGF n'augmentera que de 1 %, ne comprendront pas ce que nous allons faire dans quelques heures pour réviser le dispositif qui nous vient de l'Assemblée nationale. Il ne serait pas normal que le Sénat achève l'examen des dispositions budgétaires intéressant les collectivités territoriales sans être capable d'indiquer à chacune d'entre elles ce que leur versera l'État l'année prochaine. C'est à cet exercice que nous allons nous atteler.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il faut donc créer un lieu dans lequel les collectivités locales et l'État puissent communiquer, et permettre que s'établissent, entre ces deux niveaux, les relations financières les plus claires et les plus simples possibles.

On peut comprendre que l'État ne soit pas en mesure de verser davantage que le montant de l'inflation. C'est acceptable à condition que toutes les collectivités bénéficient de dotations correspondant au moins à l'inflation et que l'on corrige un certain nombre de cas particulièrement anormaux. Ces cas particuliers feront probablement l'objet d'amendements.

Il se peut que, demain, la situation de l'État ne lui permette pas d'aller, dans ce qu'il accorde aux collectivités territoriales, au-delà de l'inflation. Mais il faut cesser de faire croire qu'en versant des dotations compensant simplement l'inflation, on pourra résoudre à la fois le problème de l'intercommunalité et celui de la péréquation, et financer toutes les mesures nouvelles décidées par chaque ministre. Non seulement on n'y parviendra pas, mais on établira, entre les collectivités locales et l'État, des relations faussées, biaisées, dépourvues de clarté et de confiance.

Il faut avoir le courage de la vérité. C'est une nécessité absolue pour rétablir cette confiance que nous appelons tous de nos voeux.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le formidable développement de l'intercommunalité au cours de ces dernières années constitue un phénomène marquant de l'évolution de l'organisation administrative et politique française.

Il s'agit d'une « révolution tranquille », qui a déjà permis à notre pays, et qui lui permettra plus encore à l'avenir, d'être doté de grandes métropoles, à la hauteur des grandes villes européennes. Il en va ainsi des communautés urbaines, qui rassemblent aujourd'hui, à elles seules, 10 % de la population et constituent un outil privilégié de l'aménagement durable de nos territoires et de nos agglomérations.

L'intercommunalité s'est imposée avec, désormais, 14 communautés urbaines, 169 communautés d'agglomération et plus de 2 500 communautés de communes. Toutes ensemble, elles regroupent 85 % de la population française.

Ce phénomène est à la source d'un dynamisme économique particulier. Véritables machines à investir, les communautés assurent désormais une grande part des services publics auxquels sont attachés nos concitoyens : de l'écologie urbaine, mise en exergue lors du Grenelle de l'environnement, aux transports urbains - à Lille, les autobus métropolitains roulent au méthane, phase ultime de la décomposition des déchets urbains -, en passant par le développement de l'activité économique et de l'habitat.

Ces structures assument des charges très lourdes qui, sous l'effet des exigences normatives de l'État, évoluent à un rythme supérieur à celui du coût de la vie.

Les communautés urbaines, par exemple, investissent au moins autant, et souvent davantage, que les conseils régionaux. Au total, en 2007, elles auront injecté 8, 3 milliards d'euros dans notre économie. C'est pourquoi la recherche d'un meilleur taux de croissance doit, à l'évidence, intégrer cette réalité.

Cependant, l'heure de la rigueur semble avoir déjà sonné pour les intercommunalités. La décentralisation est absente des discours de la majorité. En revanche, elle devient l'objet de toutes les attentions lorsqu'on évoque la contribution des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, à la résorption d'un déficit, celui de l'État, qui ne leur incombe pas.

Ainsi, les dispositions du projet de loi de finances pour 2008 les concernant vont entraîner une forte hausse de leurs charges, mais aussi une forte baisse de leurs recettes. La substitution, sans concertation, du contrat de stabilité à l'actuel contrat de croissance et de solidarité devrait entraîner une perte d'environ 440 millions d'euros pour l'ensemble des collectivités territoriales.

Entre 2007 et 2011, les intercommunalités vont perdre en volume 11 % de l'ensemble composé de la DGF et des dotations d'ajustement du contrat de stabilité. La perte de recettes en 2008, pour les groupements à fiscalité propre, est estimée à 100 millions d'euros et, pour les communes et leurs groupements, à 20 millions d'euros.

C'est pourquoi je souhaite attirer votre attention sur l'inquiétude grandissante des intercommunalités qui, à l'instar des Français qui s'alarment de la baisse de leur pouvoir d'achat, s'interrogent sur l'avenir de leurs ressources.

La première source de préoccupation est la taxe professionnelle, leur recette phare - surtout pour les communautés urbaines -, qui est en perdition. Remise en cause en janvier 2005 par le Président de la République lui-même, plafonnée, elle est aujourd'hui vidée de son sens et a perdu tout dynamisme. Elle est devenue une véritable « épave fiscale » qui repose sur des données économiques insuffisantes.

Seconde source de préoccupation : les intercommunalités souffrent d'une perte significative d'autonomie financière. Les règles régissant le lien entre les taux de la taxe professionnelle et des impôts des ménages, la faible évolution des bases de la taxe professionnelle due aux réformes successives ainsi que la participation au financement du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle viennent réduire considérablement leurs marges de manoeuvre.

Dans le contexte actuel d'augmentation des taux d'intérêt, ces différentes réformes dénaturent un principe auquel nous avions pourtant donné valeur constitutionnelle, et ce retour d'une certaine forme de tutelle de l'État sur les libertés locales nous préoccupe au plus haut point.

Monsieur le ministre, je veux devant vous réaffirmer la volonté, l'honneur et le droit des élus locaux de la nation à lever l'impôt. Ce droit est la marque d'une véritable démocratie locale, et nous l'avons défendu lorsque des services de l'État étaient tentés, parce que c'est toujours leur rêve, d'user de dotations pour alimenter les collectivités territoriales.

Notre liberté financière étant contrainte, nous pouvions nous attendre à un réel effort de l'État sur les concours qu'il octroie aux EPCI. Mais, dans ce domaine également, le présent projet de loi de finances nous alarme.

La dotation globale de fonctionnement des communautés urbaines, à l'instar de la dotation forfaitaire des communes, évolue très faiblement et en deçà de l'inflation attendue.

En outre, les compensations de taxe professionnelle sont dorénavant intégrées au sein des variables d'ajustement de cette DGF et évoluent donc de manière moins favorable aux EPCI : elles diminuent de 26 % en 2008, ce qui représente une perte de 62 millions d'euros pour l'ensemble des communautés urbaines.

Enfin, j'observe l'érosion des dotations de l'État hors DGF et le maintien d'une double discrimination imposée aux communautés urbaines. D'une part, ce sont les seules, parmi les EPCI, à ne pas bénéficier du fonds de compensation pour la TVA l'année de réalisation des investissements. D'autre part, exclues de la liste des bénéficiaires des dotations de péréquation, elles donnent sans rien recevoir.

Je ne peux imaginer que le Gouvernement continue à ignorer la réalité de l'intercommunalité alors que l'Assemblée nationale vient de mettre en place une commission de réflexion sur la clarification des compétences des collectivités et EPCI, alors que le Parlement s'apprête à délibérer dans quelques semaines de l'équilibre de nos institutions et alors qu'un nouveau pacte liant l'État et nos collectivités va être discuté.

Je forme le voeu qu'enfin une réforme ambitieuse et globale des finances locales soit mise en chantier.

Vous savez, monsieur le ministre, que, sur l'initiative de François Marc, les sénateurs socialistes ont déposé une proposition de loi visant à engager cette grande réforme : discutée par notre assemblée le 30 octobre dernier, elle a, hélas ! été rejetée, alors qu'elle ouvrait la voie à une reconstruction de la fiscalité locale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Nous demandons, monsieur le ministre, que les EPCI aient dès aujourd'hui accès aux données et informations fiscales.

La possibilité de se doter d'une commission communautaire des impôts directs représenterait une véritable avancée et je souhaite que le Gouvernement accueille favorablement l'amendement en ce sens déposé par le groupe socialiste, ainsi d'ailleurs que l'ensemble des amendements que celui-ci présentera dans le débat.

Les EPCI aspirent à développer avec l'État une relation responsable et constructive, sur le fondement d'engagements fermes et transparents. L'offensive organisée par le projet de loi de finances pour 2008 contre l'intercommunalité me semble donc relever, pour le moins, de l'anachronisme ou, en tout cas, de l'incapacité à concevoir un autre avenir pour nos collectivités.

Monsieur le ministre, j'ai la conviction que la constitution de grandes agglomérations est l'un des enjeux majeurs pour la France des vingt prochaines années. Attractives, fondées, en ce qui concerne en particulier les communautés urbaines, sur une gouvernance issue du suffrage universel direct et respectueuse des communes, ces grandes agglomérations, véritables locomotives régionales, pourraient, en allant beaucoup plus loin qu'aujourd'hui, contribuer à former le fer de lance du développement de notre pays.

J'ai la conviction que notre devenir économique et industriel dépend aussi de notre volonté de poursuivre la décentralisation engagée par mon gouvernement en 1981.

J'observe que les grandes villes allemandes et, plus généralement, européennes offrent de formidables potentialités de création de PME, potentialités qui nous font cruellement défaut. À l'heure où d'aucuns discourent à l'envi sur le manque de compétitivité de la France, l'explication ne tient-elle pas pour l'essentiel au fait que nous manquons sans doute de forces, c'est-à-dire de PME ? Il faut par conséquent favoriser la multiplication de ces dernières.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Or les grandes agglomérations pourraient justement nous permettre de le faire.

Qu'attendons-nous pour suivre l'exemple des grandes villes européennes, qui sont en pleine évolution alors que nos villes marquent le pas ? La France ne s'en sortira pas si elle ne se donne pas les moyens de disposer de plus grandes métropoles et, plus généralement, d'agglomérations fortes. Et cela vaut tant pour les grandes villes que pour les villes moyennes, voire pour les plus petites villes et leur territoire.

Le pays est en panne, sa croissance est atone, sa balance commerciale enregistre un déficit record, ses comptes publics sont dans le rouge.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

Or, dans ce contexte difficile, les collectivités territoriales et les intercommunalités avancent malgré tout ! Veut-on organiser la régression là où la progression nous est nécessaire ?

Certes, à ce jour, ces collectivités peuvent encore faire illusion, mais, si rien ne change, elles seront confrontées aux plus grandes difficultés, comme vous le confirmeront - mais vous le savez déjà - les présidents de communauté urbaine et les maires si vous les interrogez, monsieur le ministre.

J'appelle donc le Gouvernement, dans le cadre de ce projet de loi de finances, à aider dès maintenant les collectivités territoriales à se développer pour aider la France, qui en a bien besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Mauroy

M. Pierre Mauroy. Une loi de finances porte, bien sûr, le poids de la tradition, mais elle doit aussi être la force de la modernité et, surtout, de l'avenir ; c'est en tout cas l'esprit des propositions que mon groupe présentera à la Haute Assemblée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Monsieur le ministre, qu'il me soit permis de prendre quelques instants sur un temps de parole qui m'est compté pour exprimer d'abord devant vous - et, à travers vous, je m'adresse aussi à Mme la ministre de l'intérieur - ma solidarité et ma reconnaissance envers les forces de l'ordre, en particulier celles de la CRS n° 40 de Plombières-lès-Dijon et de la CRS n° 43 de Chalon-sur-Saône, qui ont compté de très nombreux blessés à Villiers-le-Bel.

Au nom des élus de la République, je tiens à dire notre attachement aux valeurs de celle-ci en tout point de notre pays.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

En ce qui concerne maintenant les recettes des collectivités territoriales, je ne voudrais pas, monsieur le ministre, donner un ton désabusé à mon intervention en disant que les années passent, que les ministres changent et que les problèmes demeurent...

J'ai écouté avec attention et respect tous les intervenants qui m'ont précédé, en particulier Pierre Mauroy, ancien Premier ministre, qui fut en charge de la « vague I » - je préfère cette formulation à celle d'« acte I » - de la décentralisation.

Cette « vague I » comme la « vague II » souffrent d'un mal originel.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

En effet, depuis l'origine, monsieur Mauroy, on ignore le fait que les départements ne sont pas que des collectivités territoriales. Permettez-moi de m'expliquer.

Les départements sont des collectivités territoriales lorsqu'ils entretiennent, plus ou moins bien, les routes ; lorsqu'ils construisent, plus ou moins bien, des collèges ; lorsqu'ils aident, plus ou moins bien, par partenariat les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale ; lorsqu'ils passent, plus ou moins bien, des liens de coopération avec les régions.

En revanche, mes chers collègues, les départements sont aujourd'hui en charge, à hauteur de la moitié de leur budget, de la mise en oeuvre de la solidarité nationale, et le péché originel de la décentralisation, qui perdure d'une loi de finances à l'autre, est précisément de n'avoir pas reconnu aux 102 départements métropolitains et d'outre-mer le rôle irremplaçable qu'ils accomplissent avec un budget dont ils disposent pour moitié en tant que collectivités locales autonomes, mais qui, pour l'autre moitié, sert à mettre en application des règles fixées par la loi, c'est-à-dire par le Parlement, y compris donc par nous sénateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Je veux bien que l'on parle d'inflation des dépenses consacrées à la prise en charge de la vieillesse, du handicap, de l'enfance en danger, du RMI et, demain, de la protection des majeurs ! Mais que doit faire le président du conseil général lorsque, par exemple, le contingent d'heures est dépassé au foyer de l'enfance, ce qui est le cas environ six mois par an ? Ne doit-on plus accueillir les enfants en danger, les handicapés et les personnes âgées ? Voilà le péché originel, voilà le drame que nous vivons !

Or, chaque année, du côté des recettes censées nous permettre de faire face à ces charges - domaine qui relève de notre compétence -, on constate des signes de faiblesse supplémentaires, alors que le péché originel n'est toujours pas effacé.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

En matière de fiscalité directe d'abord, les collectivités départementales ont dû assumer - et elles ont eu le courage de le faire - des augmentations d'impôt pour la troisième année consécutive.

Je rappelle que le principe de l'autonomie fiscale a pour traduction la possibilité de délibérer librement.

On dit souvent, et le précédent ministre délégué aux collectivités territoriales - votre collègue Brice Hortefeux, monsieur le ministre, mais je reconnais que vous avez largement échappé à la règle - ne cessait de le répéter, que tout s'arrange pour les départements grâce aux droits de mutation à titre onéreux.

Certes, il s'agit d'une ressource importante puisqu'elle représente 13 % des recettes de fonctionnement des départements, qui auraient en effet eu, sans le dynamisme de cette ressource, bien du mal à ne pas alourdir l'impôt local. Cependant, la mine s'épuise. Est-il utile de rappeler l'actuelle faiblesse du marché immobilier ?

De surcroît, les droits de mutation à titre onéreux sont inégalement répartis sur le territoire. À cet égard, mes chers collègues, quelques chiffres doivent choquer ceux d'entre nous qui sont attachés à la péréquation et à la solidarité entre départements : les 10 % de départements les mieux dotés se partagent 30 % du produit total, alors que les 10 % de départements les plus faiblement dotés se partagent 2 % du produit total.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

La fameuse TIPP constitue un autre motif d'inquiétude. Une part de son produit a été « gracieusement » affectée aux conseils généraux pour compenser la décentralisation du RMI, mais ce produit a diminué de 1, 5 % entre 2005 et 2006. Sans l'accord qui a été passé et qui porte encore pour l'année 2008 sur 500 millions d'euros, les départements n'auraient pas pu « boucler leurs fins de mois » ! Vous savez d'ailleurs, monsieur le ministre, que c'est un sujet qu'il nous faudra encore aborder dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009... comme dans les projets de loi de finances des années suivantes.

Les conseils généraux perçoivent également - ils le doivent à notre collègue Alain Lambert, ancien ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - une part du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, la TSCA. Or les chiffres masquent une légère baisse de l'assiette de cette taxe alors même que le transfert effectif des agents TOS, dans nos départements comme dans les régions, coûte beaucoup plus cher du fait des primes.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a décidé - décision que je comprends politiquement - la suppression du contrat de croissance et de solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Je souscris, comme chacun de nous dans cet hémicycle, à la volonté de limiter les dépenses publiques, ce qui se traduit par le respect du rôle de l'État comme grand ordonnateur.

Le contrat de croissance et de solidarité était cependant en grande partie constitué de dotations visant à compenser la suppression de recettes fiscales dynamiques. Je pense, bien sûr, à la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle ou encore à la glorieuse suppression par un précédent gouvernement de la vignette automobile.

Par parenthèse, j'ai vu avec intérêt que le groupe socialiste avait déposé cette nuit un amendement tendant à instituer une sorte de nouvelle vignette automobile écologique...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, on nous propose, pour remédier à tout cela, des Alca-Seltzer ou des aspirines budgétaires ! Mais, si l'aspirine éloigne la souffrance, elle ne guérit pas le mal !

Je salue l'affectation d'une partie des ressources générées par les radars automatiques, et j'en remercie Mme la ministre de l'intérieur. Mais cela représente 30 millions d'euros sur un total de 300 millions d'euros, alors que les départements ont désormais la charge de la quasi-totalité des routes, à l'exception de quelques routes nationales et des autoroutes dont les recettes des radars peuvent être affectées à d'autres tâches, en particulier au financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Il faudra aller plus loin et nous proposerons non pas une clause de revoyure en 2010, comme cela a été prévu par l'Assemblée nationale, mais une indexation de l'enveloppe de 30 millions d'euros.

C'est vrai, les relations financières entre l'État et les collectivités locales, vues par les départements, sont, et je suis dans l'understatement, perfectibles.

La Conférence nationale des exécutifs locaux se tiendra bientôt, j'y participerai ; la mission Lambert, à laquelle je participe également, travaille aux relations entre les présidents des régions et des départements. Nous attendrons les conclusions de leurs travaux. Par ailleurs, le Président de la République a annoncé, voilà tout juste huit jours, la tenue d'un Grenelle de la fiscalité locale.

Je partage l'idée du Président de la République sur l'actualisation progressive des bases, sur la spécialisation des impôts locaux

Exclamations sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

D'autres axes font consensus entre les associations d'élus, qui regroupent tous les élus de la République décentralisée : la suppression progressive des dégrèvements et exonérations pris en charge par l'État, l'affectation d'impôt en lien avec ses compétences, une péréquation que nous souhaitons plus active, plus dynamique, plus efficace entre les territoires.

(M. François Marc s'exclame.) Mais, dans le mouvement perpétuel de la décentralisation, ne faites pas des départements le maillon faible de la République : elle y perdrait énormément.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

L'ensemble de la réforme pourrait s'inscrire - je perçois l'impatience des membres du groupe socialiste - dans une loi organique relative aux finances locales. Sur tous ces enjeux, je vous en donne acte, monsieur le ministre, les choses bougent. §

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2008 marque une nouvelle ère dans les rapports financiers entre l'État et les collectivités locales. La fin du contrat de croissance et de solidarité, qui garantissait une progression de la majorité des dotations de l'État plus rapide que l'inflation, risque malheureusement de porter atteinte au financement des collectivités.

Le mouvement de transferts de compétences amorcé en 2003 a mis les collectivités locales et les élus locaux que nous sommes sous une double pression : garantir des services publics locaux de qualité et maintenir l'équilibre des budgets, obligation légale surveillée avec rigueur par les préfets.

En mettant en oeuvre un nouveau contrat de stabilité entre l'État et les collectivités, le Gouvernement va encore restreindre les capacités financières desdites collectivités.

Je suis, vous le savez monsieur le ministre, un laudateur actif d'une limitation des dépenses de l'État et un contempteur de sa gabegie. Toutefois, l'instauration d'une norme de progression des dépenses de l'État à « zéro volume élargi » me laisse assez sceptique quant à son bien-fondé. Certes, une observation superficielle des chiffres pourrait laisser croire que les collectivités locales sont trop dépensières. En effet, les administrations publiques locales contribuent pour près de 21 % à la croissance de la dépense publique, soit quelque 11, 1 % du PIB en 2006, contre 7, 9 % en 1980. Mais cette croissance, certes supérieure en rythme à celle du PIB, est pour moitié imputable à l'accélération d'investissements dont la finalité répond à un intérêt général local s'inscrivant dans la durée. Je vous rappelle également que 72 % de l'investissement public provient des collectivités.

Par ailleurs, et surtout, la montée en charge des transferts de compétences a entraîné mécaniquement une hausse des dépenses sur lesquelles l'autonomie de décision est nulle. Ainsi, le financement du RMI, dont le nombre de bénéficiaires a augmenté de 5 % en 2005 et 2006, est alimenté par une fraction des recettes de la TIPP. Cependant, cette dernière est structurellement en retrait du fait de la hausse du cours du Brent. Le sous-financement cumulé du RMI pourrait atteindre 2, 35 milliards d'euros en 2007.

Au final, l'État met excessivement à contribution les collectivités locales dans la réduction du déficit public. Pour ces dernières, le manque à gagner qui résultera de l'article 12 sera de l'ordre de 335 millions d'euros, soit 0, 018 point de PIB. §(M. le président de la commission des finances opine.) Les règles de gestion des budgets locaux sont déjà draconiennes et prohibent tout déficit courant. Mais que se passera-t-il ensuite ? Nous prépare-t-on à une indexation de la dotation globale de fonctionnement sur la seule inflation, comme le suggère M. le rapporteur ?

Or, concomitamment, que peut-on observer ? Les finances locales ont subi de multiples allégements fiscaux. En 2005 et en 2006, pour ne citer que les plus récents, ont été votés l'exonération de 20 % des bases de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et le plafonnement à 3, 5 % du calcul de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises. Or les dispositifs de compensation ont été indexés sur 2004 ou 2005, selon des modalités particulièrement complexes, de telle façon qu'ils tendront mécaniquement à diminuer au fur et à mesure des années, en attendant que la législation change à nouveau ! Encore est-il heureux que nos collègues députés aient exclu la taxe sur le foncier non bâti des variables d'ajustement de l'enveloppe normée, afin de préserver quelque peu la ressource fiscale principale de 21 000 communes rurales.

Cet ensemble de mesures destinées à alléger la fiscalité locale a conduit à renforcer le poids de l'État. La part des compensations et des dégrèvements est passée de 22 % au milieu des années 90 à près de 34, 6 % en 2003. L'intégration de ces compensations dans la DGF a fait artificiellement chuter ce ratio à 26, 9 % en 2006. Si l'autonomie financière des collectivités locales est le corollaire du principe constitutionnel de libre administration des collectivités, l'Observatoire des finances locales a montré que le ratio d'autonomie financière pour 2005 avait encore reculé pour les communes.

Les collectivités rurales sont une nouvelle fois parmi les moins bien loties. L'élu du premier département agricole de France que je suis ne peut passer sous silence l'inquiétude des élus locaux face à la dégradation constante de leurs ressources. Je prendrai pour illustration les règles de calcul de la fraction bourg-centres de la dotation de solidarité rurale, qui aboutissent à une inégalité de traitement entre communes, aggravant encore les handicaps d'un monde rural déjà fragilisé par les difficultés de l'agriculture.

La complexité croissante de ces réglementations n'est guère accessible à nos administrations locales. Qui plus est, l'enchevêtrement des compétences et des niveaux de décision - communes, établissements publics de coopération intercommunale, départements, régions, État - tend à faire de la libre administration des collectivités locales un principe incantatoire !

Monsieur le ministre, les collectivités locales, a fortiori les plus petites d'entre elles, ne veulent pas dépendre indéfiniment du bon vouloir de l'État. Elles ont la volonté de financer leurs décisions à partir de ressources propres qu'elles auront librement déterminées. Cela implique naturellement de revoir en profondeur les règles de la fiscalité locale pour asseoir les ressources sur des bases dynamiques qui n'entraveraient ni le rendement de l'impôt, ni le pouvoir d'achat des administrés, ni la compétitivité des entreprises. À ce stade, je ne peux qu'espérer que la Haute Assemblée se saisisse de cette question et évalue l'application de la loi organique du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Applaudissements au banc des commissions. - M. Louis de Broissia applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, et quels que soient les gouvernements, les projets de loi de finances comprennent des mesures qui vont toujours dans le même sens pour les collectivités locales.

Premièrement, la dépendance est de plus en plus grande à l'égard des dotations de l'État, à la suite de nombreuses mesures de dégrèvement ou d'exonérations décidées et compensées par l'État.

Deuxièmement, les mesures visent à entraver la liberté fiscale des collectivités et donc leur autonomie.

Troisièmement, ces dispositifs ont des conséquences néfastes pour la cohérence et la lisibilité du citoyen, qui est incapable de les comprendre.

Enfin, quatrièmement, les relations entre l'État et les collectivités locales deviennent difficiles, voire tendues, engendrant une assez grande incompréhension.

Je citerai deux exemples extraits du projet de loi de finances pour 2006 et qui avaient fait l'objet d'un large débat au sein de notre assemblée : le dégrèvement de 20 % pour la taxe sur le foncier non bâti et le plafonnement à 3, 5 % de la valeur ajoutée pour la taxe professionnelle.

Je m'étais personnellement opposée à ces mesures, n'y voyant qu'une aggravation de ce que je viens de décrire, au-delà des bonnes intentions affichées par le gouvernement d'alors sur la nécessité d'encourager le développement économique et sur le geste à faire à l'égard du monde agricole.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Les marges de manoeuvre pour les communes, et en particulier pour les intercommunalités à taxe professionnelle unique, sont extrêmement réduites. Certaines ont des marges de manoeuvre qui représentent seulement 5 % à 10 % de leurs recettes, leurs ressources étant plafonnées jusqu'à 85 % ou 90 %.

Aujourd'hui se pose le problème de l'intégration dans l'enveloppe normée comme variable d'ajustement de l'exonération du foncier non bâti. Le sujet a été réglé à l'Assemblée nationale par un amendement de Gilles Carrez concernant les communes et les intercommunalités, mais pas les autres collectivités.

Le contrat de croissance et de solidarité devient un contrat de stabilité. Nous y avions échappé l'année dernière, mais cette fois-ci nous y sommes. Sans entrer dans le détail, je rappelle que l'enveloppe normée ne progressera que de l'inflation, et non, comme auparavant, de l'inflation et d'une partie de la croissance. Par ailleurs, compte tenu des mécanismes d'indexation et de garantie de la dotation globale de fonctionnement, les recettes d'un grand nombre de collectivités ne progresseront que très faiblement par rapport à l'augmentation naturelle de leurs dépenses.

J'ajoute que celles dont les ressources proviennent de façon significative de la compensation de la taxe professionnelle pourraient voir les ressources qui leur sont allouées par l'État fortement diminuées.

Je ne reviens pas sur la DGF - tout le monde en a parlé - ni sur ses règles d'indexation, qui, certes, n'ont pas été modifiées.

Mais je voudrais insister sur la part de la DGF consacrée à la péréquation, qui reste toujours insuffisante. Cette remarque prend toute son importance quand on sait que l'année prochaine aura lieu le recensement général de la population. Comme vous le savez, une partie de la dotation forfaitaire est basée sur le nombre d'habitants et, depuis 2004, la garantie de non-perte n'existe plus. Il est donc nécessaire de veiller à l'amélioration de la péréquation dite « verticale », notamment pour les plus petites collectivités afin de reconnaître le fait rural et d'accompagner la politique d'aménagement du territoire.

En clair, les ressources des collectivités vont, au mieux, stagner. Cette situation, qui est injuste, me semble également contre-productive, tant l'apport des collectivités dans les dépenses publiques d'investissement est important.

Il a été rappelé tout à l'heure que les collectivités locales représentaient 72, 4 % de l'investissement public total. Actrices indispensables du développement local, elles participent donc activement à la croissance économique de notre pays.

Par ailleurs, la remise en cause de l'assiette du FCTVA, le fonds de compensation de la TVA, qui est « envisagée » suscite de très vives inquiétudes. En effet, comment rétablir la confiance entre les collectivités locales et l'État si ce dernier prélève, à travers cette mesure qui reste éventuelle, ce que mon collègue élu local Philippe Laurent a qualifié de « dîme » sur les investissements publics locaux ?

Toutes ces remarques ne font que confirmer la nécessité d'une refonte globale de la fiscalité locale.

Mes chers collègues, vous le savez, et M. Louis de Broissia l'a rappelé voilà quelques instants, les trois grandes associations d'élus, c'est-à-dire l'AMF, l'ADF et l'ARF, s'accordent pour donner une suite au rapport du Conseil économique et social réclamant une telle réforme, qu'elles jugent indispensable et urgente.

Bien entendu, lors du dernier congrès des maires, et sur proposition de M. Jacques Pellissard, président de l'AMF, le Président de la République a accepté le principe d'un Grenelle de la fiscalité locale.

Soit dit en passant, je suis tout à fait d'accord avec M. le président de la commission des finances pour estimer qu'il est fait un usage un peu abusif du mot « Grenelle », ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

...que l'on met, en quelque sorte, à toutes les sauces.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est vrai, mais c'est une mode, qu'il faut subir comme telle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Au-delà de ce Grenelle, il existe, vous le savez, mes chers collègues, bien d'autres organismes : la Conférence nationale des finances publiques, qui a été créée début 2006, et dont émane le Conseil d'orientation des finances publiques, ou COFIPU ; la Conférence nationale des exécutifs, annoncée par le Premier ministre l'été dernier ; la mission portant sur les relations entre l'État et les collectivités territoriales, qui abordera évidemment aussi les questions financières, et qui se trouve placée sous la responsabilité de notre collègue Alain Lambert ; le très respectable Comité des finances locales, dans lequel nombre d'entre vous siègent.

Quand j'observe ce foisonnement, je me dis qu'un parlementaire avisé - et ils le sont en général

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Pourtant, les conditions n'ont jamais été aussi favorables, me semble-t-il, et les acteurs sont globalement d'accord.

Dès lors, qu'attend-t-on pour concrétiser cette réforme et ouvrir le chantier, pour moi totalement lié au précédent, de la répartition des compétences, d'une part, entre les collectivités locales et, d'autre part, entre les collectivités locales et l'État ?

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis vingt-cinq ans, les lois de décentralisation successives ont constitué de formidables avancées. Elles ont accordé une plus grande autonomie et de nouvelles responsabilités, que nous ne pouvons que saluer, aux collectivités territoriales, mais elles ont aussi profondément modifié les budgets de ces dernières, tant en volume qu'en structure.

Or, force est de le constater, aucune réforme de la fiscalité locale n'a accompagné les transferts de compétences intervenus durant toutes ces années, et ce malgré la surchauffe actuelle du système financier local.

Toutes les associations d'élus s'accordent à dénoncer cette situation, qui fait peser des incertitudes sur les recettes futures des collectivités.

Le rôle assigné par l'État était pourtant clairement défini : tout transfert de compétences devait s'accompagner de compensations financières « à l'euro près ».

En matière de péréquation, on ne peut pas non plus affirmer que l'État ait tenu ses engagements dans le contrat de stabilité, qui ne prévoit aucune réforme destinée à améliorer la solidarité financière entre les collectivités.

Aujourd'hui, quelle est la situation des départements ? Elle se résume en une phrase : les recettes chutent alors que les dépenses augmentent. Et cette tendance est encore accentuée par le présent projet de loi de finances pour 2008.

La chute des recettes prend une nouvelle ampleur, en raison à la fois de la baisse des concours de l'État et d'une érosion continue des recettes fiscales.

La réduction des concours de l'État trouve sa traduction dans la substitution du « contrat de stabilité » au « contrat de croissance et de solidarité », qui constitue une atteinte au principe même de la compensation financière des pertes de ressources fiscales résultant de mesures législatives.

En effet, bien que le nouveau contrat ait réformé l'indexation de l'enveloppe normée, chacune des dotations qui constituent cette dernière évolue selon des critères qui lui sont propres. La DGF, la dotation générale de fonctionnement, progresse selon un taux calculé à partir de l'inflation majorée de 50 % du PIB ; la DSI, la dotation spéciale instituteurs, et d'autres concours de l'État, dont la dotation élu local, suivent une évolution similaire à celle de la DGF ; les autres dotations d'équipements évoluent en fonction, notamment, du taux de formation brute de capital fixe.

Ainsi, par rapport à l'inflation, l'enveloppe normée n'augmentera que de 1, 6 % pour l'année 2008. En son sein, la DGF progressera de 2, 08 %, selon l'indexation fondée sur l'inflation majorée de 50% du PIB.

Par ailleurs, ce nouveau contrat, instauré sans que la fiscalité locale soit réformée, s'inscrit dans un contexte d'érosion continue des recettes fiscales.

Les bases s'amenuisent : le plafonnement de la TP, la taxe professionnelle, en particulier, a eu des conséquences sur l'assiette de cette imposition, qui est moins dynamique pour l'année 2007 que pour l'année 2006.

Pour les départements, en 2007, le taux de la fiscalité directe enregistre une faible progression de 1, 4 % et le produit des quatre taxes directes locales représente 18, 6 milliards d'euros. Les réformes de la TP et de la TFPNB, la taxe foncière sur les propriétés non bâties, ont réduit un peu plus encore leurs marges de manoeuvre.

Monsieur le ministre, vous avez inventé la péréquation inversée ! En effet, contrairement aux engagements pris lors des réformes de la TP et de la TFPNB, vous avez diminué les compensations versées au FCTP, le fonds de compensation de la taxe professionnelle, et au FCTFNB, le fonds de compensation de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, pénalisant un peu plus encore les départements ruraux.

II faudrait sortir des variables d'ajustement la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Nous présenterons un amendement en ce sens qui, je l'espère, trouvera auprès de vous un écho favorable, monsieur le ministre, afin de diminuer la pression exercée sur les recettes fiscales des départements.

Dans le département du Lot, dont je préside le conseil général, la masse d'ensemble de la DGF augmentera de 1, 63 %, tandis que la dotation du FCTP diminuera de 15, 37 % et celle du FCTFNB de 23, 27 % - du moins si nous n'apportons pas de correction au présent projet de loi de finances, mais je ne doute pas que, dans notre sagesse, nous améliorerons celui-ci !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Pourtant, le Lot possède un vaste territoire, une faible densité de population, plus de 4 000 kilomètres de routes à entretenir, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

...car il ne compte plus que 16 kilomètres de routes nationales, et il accueille un grand nombre de personnes âgées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Enfin, les recettes chutent aussi du fait du recul des mécanismes de compensation, qui se vérifie particulièrement pour les transferts de personnels, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008.

En effet, s'agissant des prévisions de compensation de la tranche 2008 des transferts des deux catégories de personnels dévolues aux collectivités territoriales, leur montant atteindrait 750 millions d'euros, soit presque le double de celui qui est prévu dans ce budget, monsieur le ministre, et qui est de 427 millions d'euros seulement.

Cet écart excessif entre les deux prévisions d'ajustement, faute de données précises, apporte, une fois encore, la preuve que le principe de la compensation financière n'est pas respecté par l'État, ce qui contribue à fragiliser les budgets des départements et à remettre en cause leur autonomie financière.

Par ailleurs, si les recettes poursuivent leur chute, comme je viens de le montrer, les dépenses, elles, sont inexorablement orientées à la hausse.

Force est de constater, en effet, que les départements doivent supporter de nouvelles charges. Ils constituent des collectivités territoriales de proximité, auxquelles l'État a transféré des compétences essentielles dans le domaine social. Aussi ont-ils développé et étendu leurs missions en matière d'aide aux personnes, avec de nouvelles charges à gérer.

Tout d'abord, les départements s'occupent de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, dont ils paient les deux tiers. Or, entre 2002 et 2006, le montant des dépenses brutes d'APA a été multiplié par plus de deux - il a progressé de 139 % exactement -, passant de 1, 8 milliard à 4, 3 milliards d'euros.

Ensuite, les départements versent le RMI, dont on peut signaler que le nombre de ses bénéficiaires augmente constamment et que son allocation s'est accrue de 7 % entre 2003 et 2007, sans qu'il y ait eu des réajustements compensatoires suffisants et pérennes de la part de l'État. Si elle persiste, la sous-compensation de l'État aura pour conséquence un déficit cumulé de 2, 95 milliards d'euros en 2008, à la charge des conseils généraux.

Enfin, les départements sont chargés de la prestation de compensation pour les personnes handicapées ; nous n'en mesurons pas encore tous les effets, mais ceux-ci seront sans doute très importants.

En 2005, les 22, 5 milliards d'euros des dépenses d'aide sociale versés par les départements constituaient 40 % des dépenses sociales totales des pouvoirs publics, c'est-à-dire de l'État et des collectivités locales. Elles représentent aujourd'hui 50 % de l'ensemble des recettes de fonctionnement des départements.

Au-delà des transferts de charges survenus dans le domaine social, les transferts des personnels de l'équipement et de l'éducation nationale ont également suscité, pour les départements, des dépenses supplémentaires, qui ont été sous-évaluées par l'État. Les primes, en particulier, qu'elles soient versées aux agents de catégorie B et C ou aux cadres de catégorie A, sont plus élevées dans les collectivités territoriales que dans la fonction publique d'État, ce qui rend nécessaires des réajustements.

Pour d'évidentes raisons démographiques, toutes ces dépenses ne sont pas appelées à diminuer. En effet, les collectivités ne maîtrisant pas ces charges, bien des départements cumulent les handicaps.

C'est le cas, tout d'abord, de ceux qui comptent un grand nombre de personnes âgées ; selon le rapport remis en mars dernier par Hélène Gisserot au ministre délégué à la sécurité sociale, avec 20 % de personnes dépendantes en plus d'ici à 2020 et un accroissement de 75 % des plus de 85 ans, la dépense aura doublé d'ici à vingt ans. Ensuite, le nombre de RMIstes, je le répète, ne baisse pas. Enfin, la densité de la population de certains départements est faible par rapport à l'étendue de leur territoire.

Il n'existe donc aucune perspective de baisse de ces dépenses, dont nous voyons bien, au contraire, qu'elles sont en constante augmentation. Pourtant, les conseils généraux sont de bons gestionnaires : ils présentent des budgets en équilibre et leurs emprunts servent uniquement à financer des dépenses d'investissement, contrairement à l'État, qui couvre par ce biais ses dépenses de fonctionnement !

Dès lors, monsieur le ministre, face à cet effet de ciseaux causé par des dépenses nouvelles vouées à augmenter et par des recettes en baisse, quelles solutions peuvent être envisagées pour écarter les dangers qui pèsent sur les budgets départementaux ?

Une première piste consisterait à augmenter le niveau de la fiscalité. Toutefois, l'affaiblissement des assiettes dû aux diverses réformes néfastes pour les finances des collectivités, l'injustice liée à l'absence de révision des bases et les faibles ressources d'un très grand nombre de nos concitoyens ne nous permettent pas, malheureusement, d'utiliser aujourd'hui ce levier.

Une deuxième piste serait de diminuer nos dépenses d'investissement, et c'est dans cette voie que nous nous engageons, puisque nous y sommes contraints. Toutefois, vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, que les départements sont des donneurs d'ordre importants, grâce auxquels de nombreux projets locaux prennent corps, et que toute diminution de leurs investissements aurait des conséquences sur l'économie à court terme, et surtout à long terme. En effet, les collectivités locales participent à l'effort d'investissement public pour plus de 72 %.

Une ultime solution serait de mener une réflexion commune sur le concept de péréquation. En effet, il est urgent de redessiner les contours de notre fiscalité locale, dans ce domaine comme dans d'autres, d'ailleurs.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré, lors de la discussion générale, qu'il fallait « se projeter dans l'avenir en faisant face aux problèmes du présent ». Or, avec vos propositions budgétaires, vous accentuerez la fracture territoriale !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Les présidents des conseils généraux assument leurs responsabilités avec rigueur et efficacité. En lien avec d'autres représentants d'associations d'élus, ils vous ont fait part d'une proposition de réforme de la fiscalité locale, qui passerait par une loi organique sur les finances locales. Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales y est d'ailleurs favorable.

Cette réforme permettrait de redéfinir les ressources propres des collectivités, de conférer à l'autonomie fiscale une assise plus solide et plus durable et d'ouvrir aux collectivités la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel pour faire respecter les principes de libre administration, d'autonomie financière et fiscale et de péréquation.

Il ne suffit pas d'affirmer une forte volonté politique par des discours. Il faut que cela se traduise par des actes et par des engagements.

Le Président de la République a parlé d'une énième réforme de la taxe professionnelle pour 2009. Nous espérons qu'elle n'ira pas dans le sens d'une plus grande asphyxie pour les départements, comme celle qui a été amorcée par la précédente réforme !

Au cours du débat qui va suivre, monsieur le ministre, nous vous proposerons des amendements qui, dans le respect des équilibres, nous permettrons, je l'espère, de corriger les injustices les plus flagrantes de ce budget.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte où l'État est confronté à l'impérieuse nécessité de réduire nos déficits publics, le contrat de stabilité proposé aux collectivités pour 2008 constitue un compromis incontournable.

En effet, c'est un effort partagé par l'ensemble des acteurs publics qui nous conduira à la maîtrise indispensable de l'évolution de nos dépenses publiques.

Toutefois, ce débat sur les recettes des collectivités locales ne doit pas se limiter à la question de l'évolution globale des dotations de l'État aux collectivités. Nous devons aussi porter notre attention sur leur répartition.

Ainsi, au sein de l'enveloppe normée, et c'est un point positif, la dotation globale de fonctionnement, la DGF, progressera cette année au rythme de l'inflation auquel s'ajouteront 50 % du taux de croissance.

C'est un sujet essentiel, car la DGF est un élément déterminant de la péréquation, surtout depuis les réformes votées dans le cadre des lois de finances pour 2004 et pour 2005.

C'est aussi cette péréquation qui doit déterminer une juste répartition des richesses sur notre territoire, à la ville comme à la campagne, en fonction de la situation réelle de nos collectivités.

C'est donc sur ce point que je concentrerai mon propos.

Il faut rappeler, tout d'abord, que les masses financières consacrées à la péréquation ont déjà connu, entre 2002 et 2003, une évolution importante de 22, 4 %.

Puis, entre 2004 et 2007, les réformes engagées et les choix du Comité des finances locales ont également permis à la péréquation de croître en volume de plus de 31 %.

Au total, selon le dernier rapport présenté par notre collègue Joël Bourdin au nom de l'Observatoire des finances locales, le taux de péréquation au sein de la DGF est passé de 6, 66 % en 1994 à 15, 05 % en 2007. La masse des crédits qui lui est dédiée a plus que doublé entre 2002 et 2007.

Il s'agit là d'un effort sans précédent en faveur des communes et des départements les plus pauvres - je tenais à le souligner.

Néanmoins, il faut bien le reconnaître, il y a encore du chemin à faire dans ce domaine car la DGF reste encore insuffisamment péréquatrice, comme l'ont souligné plusieurs rapports du Sénat.

Au moment où l'État tend à limiter ses concours financiers aux collectivités locales, l'évolution de la solidarité nationale sera déterminante pour l'équilibre des budgets des communes et des départements les plus fragiles. C'est une affaire d'équité, comme vous l'avez si bien dit, monsieur le rapporteur général.

Aussi, dans ce contexte, je souhaite évoquer deux sujets qui préoccupent particulièrement nos collectivités.

En premier lieu, pour 2008, le projet de suppression de la compensation de l'exonération du foncier non bâti afférente aux terrains agricoles a suscité une vive inquiétude au sein de nos communes et de nos départements ruraux.

En effet, personne ne comprend qu'une mesure décidée arbitrairement par l'État en 2005 soit ensuite mise à la charge des collectivités, deux ans seulement après son application.

Heureusement, à la suite de la mobilisation des parlementaires et des associations d'élus locaux - notamment l'Association nationale des élus de montagne, par la voix de Michel Bouvard, et l'Association des maires de France -, l'Assemblée nationale a décidé de supprimer cette disposition pour les communes.

Cependant, l'Assemblée nationale s'est aussi opposée à cette suppression pour les départements, prétextant que cette compensation ne constituait pas une recette significative pour eux.

Je souhaite faire remarquer, ici, que, en règle générale, plus les départements sont pauvres, plus ils sont inscrits dans une tradition agricole forte. C'est notamment le cas de la Lozère, de la Creuse et du Cantal.

À ce titre, le poids de leur recette pour le foncier non bâti agricole est inversement proportionnel à leur richesse. Pour illustrer ce propos, j'ajoute que, pour un département comme le Cantal, cette suppression représenterait une perte sèche de plus de 650 000 euros, soit une baisse de plus de 7, 5 % des compensations de l'État au titre des quatre taxes ou encore l'équivalent d'un point et demi d'impôt inévitablement mis à la charge du contribuable.

Vraiment, monsieur le ministre, ces dotations de compensation des exonérations de taxe foncière sur les terrains agricoles ne doivent pas servir de variables d'ajustement au nouveau contrat de stabilité.

On ne peut pas, d'un côté, faire évoluer favorablement la péréquation et, de l'autre, diminuer une dotation qui bénéficie essentiellement aux départements ruraux les plus fragiles.

Ce qui a été fait pour les communes à l'Assemblée nationale doit donc être regardé ici attentivement pour les départements, notamment pour les territoires ruraux les plus démunis.

En l'occurrence, ce qui est en jeu, c'est la crédibilité de notre politique de solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est le sens de l'amendement de la commission des finances !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Tout à fait !

En second lieu, je souhaite évoquer très rapidement un autre sujet sensible, celui de l'incidence de la réforme de la taxe professionnelle pour les intercommunalités à bases plafonnées fortes et à faibles ressources.

Celles-ci n'ont eu d'autre choix que celui d'augmenter leurs taux pour ajuster leurs ressources aux nouveaux services qu'elles offrent à la population. Elles sont aujourd'hui très fortement pénalisées par la réforme, en perdant parfois jusqu'à 30 % de leur recette de taxe professionnelle.

Je donnerai deux exemples concernant l'Auvergne. Dans la communauté de communes de Sumène-Artense, pour 488 000 euros de recette, il y a 50 000 euros de ticket modérateur, soit plus de 10 % de la recette. Dans la communauté de communes rurales de Margeride-Truyère, pour 66 000 euros de recette, on compte 23 000 euros de ticket modérateur, soit plus de 34 % de la recette totale au titre de la taxe professionnelle.

Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006, j'avais fait adopter un amendement pour limiter l'incidence des prélèvements affectant ces petites communautés de communes. Il a malheureusement été écarté en commission mixte paritaire.

Je sais que la commission des finances du Sénat, qui, comme le Gouvernement, s'était prononcée favorablement sur cet amendement, réfléchit à un nouveau dispositif dans la perspective de l'examen de la deuxième partie du présent projet de loi de finances. J'en remercie le président de la commission, Jean Arthuis, et le rapporteur général, Philippe Marini, dont chacun connaît la grande capacité d'expertise.

Cependant, les élus de ces intercommunalités très rurales, qui doivent déjà faire face à de nombreuses difficultés - notamment en montagne - comptent sur la compréhension du Gouvernement pour ajuster la réforme à la réalité de leur situation.

En effet, c'est là encore la solidarité nationale qui doit jouer pour assurer une réelle péréquation en faveur des territoires les plus fragiles.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un fait : la péréquation a considérablement augmenté ces dernières années, mais nous devons veiller à ce que l'État ne reprenne pas d'une main ce qu'il a donné de l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

M. Pierre Jarlier. En 2009, la DGF devra absorber l'impact des résultats du nouveau recensement. C'est dans ce cadre que la péréquation pourrait encore être renforcée, en liaison avec les associations nationales d'élus et le Comité des finances locales, car de nombreuses collectivités en difficulté attendent légitiment la mise en oeuvre d'une juste solidarité nationale !

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Anne-Marie Payet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, devant les contrevérités entendues ces dernières semaines sur les finances des collectivités locales, je veux d'abord rappeler quelques réalités concernant les régions.

Pour être président d'une région depuis bientôt dix ans, pour avoir présidé l'Association des régions des France en alternance avec notre collègue Raffarin et pour ne pas être frappé d'amnésie, chers collègues, je dispose du recul utile.

Petit à petit, l'autonomie des régions en matière de ressources fiscales propres s'est trouvée réduite, limitant la portée des décisions de nos assemblées délibérantes.

En 1998, la fiscalité régionale représentait deux tiers des ressources, contre un tiers aujourd'hui, ce qui, comme le rappelait récemment le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, entraîne plusieurs inconvénients majeurs.

D'abord, la multiplication au fil des années des dégrèvements et exonérations compensés par l'État a pour effet de distendre le lien entre la collectivité qui vote l'impôt et le contribuable.

Ainsi, on évalue à 50 % le nombre de ménages non concernés par la fiscalité régionale, ces 50 % étant par ailleurs et paradoxalement les plus concernés par les actions des régions, notamment en termes de formation, de transports et d'emploi.

Cette distance n'est pas bonne pour la démocratie. Dans une République équitable, chacun doit savoir qui fait quoi et avec quels financements publics.

Ensuite, les impôts qui demeurent n'ont plus que peu de liens avec les compétences des régions. Nous souhaitons qu'il soit mis fin à cette situation nuisible à l'exercice de la démocratie. Toutes les associations d'élus le demandent.

La situation actuelle, chers collègues, se trouve par ailleurs aggravée par les décisions de la droite.

En effet, ayant conduit les finances du pays « à la faillite », selon le Premier ministre lui-même, les gouvernements successifs ont usé et abusé d'une imagination débordante pour punir les régions - ce n'est pas mon collègue Masseret, lui aussi président de région, qui me démentira -, coupables d'être gérées par la gauche dans leur quasi-totalité, alors que les vrais problèmes sont, il faut le dire et le répéter, le déficit et la dette de l'État que vous creusez chaque jour un peu plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général. « En faisant des cadeaux aux riches » !

Sourires au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Lorsque vous accordez 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux plus riches de nos compatriotes, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

...vous privez notre pays de 15 milliards d'euros d'investissements utiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Cela représente, chers collègues qui, pour beaucoup d'entre vous, gérez des collectivités locales, la moitié environ de ce que les collectivités locales investissent chaque année pour aménager le territoire et pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

J'ajoute que les collectivités locales investissent sans augmenter leur dette de 1 euro, celle-ci étant stabilisée depuis de plus de dix ans à environ 106 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Là est le cercle vertueux ! Quand vous voulez parler de l'avenir, il faut effectivement s'appuyer sur ces collectivités locales plutôt que de chercher à les punir !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Ces 15 milliards d'euros de cadeaux aux plus riches, vous les faites payer aussi aux régions - nous en avons beaucoup parlé au cours de ce débat - en rompant le pacte de confiance, de stabilité.

Le contrat de croissance et de solidarité en vigueur depuis 1999 prévoyait que la dotation de l'État aux collectivités augmente du montant de l'inflation prévisionnelle majorée de 33 % de la croissance du produit intérieur brut de l'année en cours. Ce ne sont pas les amendements mineurs qui nous ont été présentés récemment et les arrangements de dernière minute qui changeront cette réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Tout au plus, allez vous y ajouter davantage de confusion.

Jai rappelé tout à l'heure que les deux tiers des ressources des régions dépendaient des dotations de l'État.

Ainsi une augmentation réaliste des dotations au travers de ce pacte de stabilité était-elle vitale. Vous avez décidé unilatéralement d'y mettre fin par le « zéro volume » imposé par le Premier ministre, et donc de faire évoluer les dotations selon la seule inflation, au prétexte de faire partager votre politique de réduction des déficits et de désendettement de la France. Nous aurions pu l'admettre si, au même moment, chers collègues, vous n'adressiez pour 15 milliards d'euros de cadeaux aux plus riches de ce pays : les pauvres, ils ne partageront pas les objectifs d'assainissement et recevront des chèques allant jusqu'à 1 million d'euros pour certains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est curieux, malgré tout ça on vote pour nous aux élections !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

M. Alain Le Vern. Franchement, monsieur le ministre, avez-vous besoin d'un bouclier fiscal pour vous protéger des collectivités locales et des pauvres ?

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Cela mérite d'être sanctionné. C'est une politique qui porte votre signature, et nous la combattons.

Plus grave, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, Mme la ministre des collectivités territoriales évoquait « la compensation intégrale des transferts de compétence ». Comment oser tenir de tels propos si contraires à la réalité et à la vérité ?

Nous le savons tous ici, les gouvernements Raffarin et Villepin, dont certains d'entre vous étaient membres, ont systématiquement et scientifiquement organisé les transferts afin d'alléger les charges de l'État alors que vous étiez déjà en train mettre en oeuvre les politiques budgétaires qui ont conduit le pays à la situation que nous connaissons.

Gérard Miquel vient de démontrer à l'instant, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

...comment les départements sont les victimes de vos choix, notamment à propos des personnels TOS. Pour les régions, la démonstration est la même. Et c'est vrai pour toutes les compétences.

Je tiens ici toutes les preuves, et ne me dites pas que ce sont les compétences qui continuent d'évoluer ! À volume constant, les finances transférées se révèlent insuffisantes.

D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, chers collègues, pourquoi auriez-vous inventé le financement par le transfert d'une part de la TIPP ? C'est bien l'aveu que « le compte n'y était pas ». Il vous a même fallu obtenir une autorisation de la Commission européenne pour le faire et pour trois ans seulement, et cela inquiète d'ailleurs aujourd'hui les régions, car cette recette dépend des volumes consommés et non des prix, ce qui se traduira inévitablement par une érosion des recettes pour les régions qui ont dû y recourir, la baisse de la consommation étant désormais inéluctable.

Les transferts liés à la décentralisation augmentent chaque jour, comme la charge des régions en matière de formations sanitaires et sociales.

II manque plusieurs millions pour chaque région. Votre ami M. Zeller, président de la région Alsace, évalue les crédits faisant défaut à 2, 3 millions d'euros par an. Allez-vous, lui aussi, le taxer de malhonnêteté intellectuelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

M. Alain Le Vern. Vous avez ainsi transféré des bâtiments hors normes de sécurité, des ports abandonnés - j'en sais quelque chose, présidant moi-même aux destinées du port de Dieppe -, dont vous exigez, par l'intermédiaire de vos préfets, qu'ils obéissent aux critères de sécurité internationale, alors que vous n'avez pas transféré le moindre euro puisque vous n'aviez rien fait dans la période de référence ayant servi au prétendu calcul de transfert...

M. Jean-Pierre Masseret opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

À propos de générosité, rappelons ici votre réforme de la taxe professionnelle qui consiste à faire payer aux collectivités locales une part importante des dégrèvements accordés aux entreprises : cette refacturation aux régions, c'est en moyenne 3 % de baisse des recettes de taxe professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Monsieur le ministre, le temps dont je dispose me prive de poursuivre cet exercice de vérité. (M. Henri de Raincourt s'esclaffe.) Vous avez décidé de faire payer les régions. Aborder ce débat suivant une approche technique, c'est perdre de vue la réalité politique.

Vous parlez d'équité ; la réalité, c'est l'arbitraire. Vous parlez de solidarité ; la réalité, c'est l'injustice.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Le Vern

Vous parlez de confiance ; la réalité, c'est la défiance. Vous parlez de partenariat ; la réalité, c'est la défausse.

Monsieur le ministre, saurez-vous proposer à l'ensemble des collectivités des règles transparentes, simples, efficaces, qui rendraient harmonieuses les relations entre un État fort et des collectivités partenaires ? Vous dites le souhaiter mais vous faites le contraire. Nous jugerons aux actes !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Murat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était temps de poser les prémisses d'une nouvelle gouvernance en matière de finances. Le présent projet de loi de finances pour 2008 marque une étape décisive puisque les propositions formulées au cours de ces derniers mois, qui visent à introduire de nouvelles règles dans les relations financières entre l'État et les collectivités, y trouvent un début de traduction.

Je pense bien évidemment à la conclusion d'un nouveau pacte entre l'État et les collectivités territoriales. Ainsi, dorénavant, le contrat de stabilité, qui remplace le contrat de croissance et de solidarité en vigueur depuis 1999, va modifier le calcul des dotations en l'indexant uniquement sur l'inflation, norme de progression fixée pour l'ensemble des dépenses de l'État. Ai-je besoin de rappeler qu'en vingt-cinq ans la dette financière de l'État a triplé, passant du cinquième aux deux tiers de notre production nationale ? Ce fait que, de budget en budget, on a voulu ignorer nous contraint aujourd'hui à réduire énergiquement nos dépenses.

Les collectivités, comme tout un chacun, en sont conscientes et se préparent à participer à l'effort global de maîtrise des dépenses publiques.

Je m'interroge tout de même sur le dispositif qu'il faut mettre en oeuvre pour instaurer cette stabilité alors même que les dépenses des collectivités augmentent plus vite que l'inflation. Pour ne prendre que le seul exemple des communes, l'accroissement de leurs dépenses est en moyenne supérieur de deux points à l'inflation.

Je tenais, à cet égard, à donner acte au Gouvernement d'avoir su préserver pour l'année 2008 l'évolution de la dotation globale de fonctionnement. Elle sera, comme les années précédentes, indexée sur l'inflation majorée de 50 % de la croissance du PIB.

Il a été institué de fait une sorte de période transitoire qui va « donner du temps au temps » et permettre aux collectivités de s'adapter. Il est en effet très difficile pour les élus locaux de passer brusquement d'un taux de progression à un autre et d'ajuster, en moins de trois mois, les dépenses prévues pour l'année suivante.

Lors du débat d'orientation budgétaire en juillet dernier - vous étiez présent, monsieur le ministre -, j'avais souligné, comme nombre de mes collègues, l'inquiétude des élus à ce sujet. Je suis satisfait, ce soir, de voir que vous en avez tenu compte.

Ces nouvelles donnes de croissance de l'enveloppe normée, plus contraignantes pour les collectivités, doivent aller de pair avec une prise en compte plus systématique et plus approfondie des besoins des élus locaux. Ainsi, en contrepartie du contrat de stabilité, le Gouvernement affiche la volonté d'établir un véritable partenariat de confiance entre l'État et les collectivités afin de les associer aux décisions qui les concernent. Cela me semble être le coeur de « la nouvelle gouvernance » recherchée.

J'espère donc, monsieur le ministre, que la Conférence nationale des exécutifs, qui a été mise en place le 4 octobre dernier à cet effet, sera une véritable instance de discussion et de concertation, et non une simple structure d'enregistrement.

Je voudrais d'ores et déjà saluer la décision prise de créer, au sein du Comité des finances locales, une commission consultative sur l'évolution des normes, laquelle serait chargée de rendre un avis sur les projets de textes réglementaires et de faire une étude d'impact sur les compétences ou les finances des collectivités. C'est, à mon sens, une bonne chose, car il n'est pas de bonne pratique de placer les élus locaux devant le fait accompli, comme cela est le cas depuis de nombreuses années. Cela pose une véritable question de démocratie locale, notamment en ce qui concerne le droit des collectivités de lever l'impôt.

Nous le savons tous, l'une des sources des dépenses supplémentaires, le plus souvent méconnue d'ailleurs, naît de la surabondance de réglementations qui, sous des prétextes sécuritaires ou environnementaux, ont considérablement chargé la barque des collectivités.

À titre d'exemple, je citerai le coût pour les petites communes rurales de la mise en oeuvre des dispositions relatives au contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, sans parler du coût prohibitif des investissements pour la lutte contre les incendies.

Avec ce nouveau pacte, semble donc bien s'amorcer une réforme plus globale de la fiscalité locale. Mais cela arrive à un moment, vous le savez bien, monsieur le ministre, où nos concitoyens sont coincés entre la baisse de leur pouvoir d'achat et leur désir légitime de faire profiter leur famille, leurs enfants, de l'accès à la consommation qui leur est proposé par les médias à longueur de journée.

C'est donc vers les collectivités que nos concitoyens se tournent pour trouver, bien sûr gratuitement, toujours plus de services, de distractions, de solidarité. Voilà la réalité que les maires côtoient tous les jours et à laquelle nous allons devoir faire face.

Le souci d'apporter à nos concitoyens les meilleures conditions d'existence afin qu'ils ne désertent pas nos communes fait que le système actuel est à bout de souffle. Dans l'urgence, on doit donc réformer les quatre vieilles, répartir autrement les dotations, introduire plus de péréquation. Tout le monde s'accorde sur ces orientations : améliorer l'autonomie financière des collectivités et satisfaire aux exigences de clarté et de lisibilité.

Monsieur le ministre, n'oublions pas que les collectivités sont les premiers investisseurs et qu'elles font vivre des milliers d'entreprises et des millions de travailleurs : 90 % des dépenses d'équipements sportifs sont financées par les collectivités. Il faut donc être attentif aux conséquences qu'auraient des mesures engagées sans préparation, sans concertation et surtout sans étude d'impact sur le développement économique de nos territoires. Veillons à ne pas casser le dynamisme des collectivités, car les effets qui en résulteraient seraient désastreux pour le pouvoir d'achat des Français.

Certes, la péréquation existe. Au travers de la DGF, elle est d'ailleurs le meilleur outil de réduction des inégalités de richesse entre les collectivités. Les masses financières consacrées à la péréquation ont connu une progression importante depuis 2002 et les différentes réformes menées entre 2004 et 2006, ainsi que le choix du Comité des finances locales, ont permis à la part de l'enveloppe consacrée à la péréquation de croître en volume de plus de 31 % de 2004 à 2007.

Pour autant, - et nous avons été nombreux à le dire ce soir - une politique volontariste ne suffit pas. Force est de constater que le système actuel de péréquation est trop timide. D'énormes disparités et inégalités entre les collectivités existent. L'écart de potentiel fiscal par habitant entre les communes va de un à l'infini, ce qui pose la question de l'égalité du citoyen devant le service public délégué aux collectivités.

Mes chers collègues, disons les choses : une péréquation juste doit être inégalitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Murat

Sinon, comment assurer une relative égalité entre des collectivités extrêmement diverses par leur nature, leur situation géographique et humaine ? Aller vers un renforcement des sommes disponibles pour la péréquation communale, puisqu'un geste s'impose envers les collectivités ? Répartir les sommes en fonction du potentiel fiscal et du revenu moyen par habitant ? Nous pourrions veiller au renforcement de la péréquation en augmentant, par exemple, la part de la dotation de solidarité rurale au sein de la DGF.

À cet égard, je voudrais également souligner que, si la DSR augmente dans ce budget, il lui est assuré une progression identique à celle que connaît la dotation de solidarité urbaine ; il serait normal qu'elle soit alignée sur cette dernière. Les petites communes rurales doivent pouvoir compter sur le soutien financier de l'État pour garantir à leurs habitants un service public de qualité. Vous avez d'ailleurs annoncé, monsieur le ministre, une réflexion sur ce sujet. Peut-être pourrez-vous nous en dire un peu plus sur l'état d'avancement des travaux exploratoires.

Avant de conclure, je souhaite évoquer le fonds « catastrophes naturelles » que vous avez souhaité créer.

Doté de 20 millions d'euros pour 2008, il sera destiné à la réparation des dégâts causés aux biens non assurables des collectivités par des catastrophes très particulières. Il permettra donc de prendre en compte les sinistres localisés et d'ampleur limitée ; je pense, par exemple, aux orages que nous avons connus cet été en Corrèze, dans les cantons de Juillac, Seilhac et Lubersac. Voilà une réponse pragmatique, monsieur le ministre, aux attentes des élus, les règles actuelles permettant difficilement une indemnisation des communes en pareil cas.

En conclusion, je me permets simplement de redire que la réforme des finances locales ne pourra prospérer que si l'État affirme concrètement sa volonté de favoriser l'autonomie fiscale. L'interventionnisme de l'État en la matière doit être réduit au minimum, ce qui implique une redistribution des impôts locaux entre les différents niveaux de collectivités et une spécialisation accrue de ces derniers. Est également indispensable une reconnaissance particulière de l'intercommunalité qui, à mon avis, est la nouvelle échelle pertinente pour mener des politiques d'investissement et de solidarité ambitieuses, en gardant la proximité à laquelle sont de plus en plus attachés nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer les dotations de l'État aux collectivités locales, les ressources locales et les préoccupations qui sont les nôtres face à l'évolution des dépenses.

L'évolution des dotations de l'État qui sont incluses dans le périmètre du contrat de stabilité suivra désormais le même rythme que les dépenses de l'État, c'est-à-dire celui de l'inflation.

Le projet de loi de finances pour 2008 entend amorcer un nouveau partenariat entre l'État et les collectivités territoriales. Vous demandez aux collectivités locales de participer à l'effort de maîtrise des dépenses. Pourquoi pas ? Mais il faudrait veiller à ce que cet effort ne se fasse pas à leur détriment. Comment donc concilier cet objectif avec le rythme d'évolution rapide des dépenses ?

Je voudrais insister une nouvelle fois - c'est une demande récurrente de nos assemblées générales de maires, du Congrès des maires de France et de nombre de nos collègues du Sénat - sur les modifications incessantes des normes, qu'il s'agisse des normes européennes ou françaises, dont nous n'avons pas la maîtrise directe en qualité de maires ou d'élus, et des mesures statutaires applicables aux personnels de la fonction publique territoriale. Toutes ces normes ou ces contraintes nouvelles ont des conséquences financières pour nos collectivités. Malheureusement, elles font souvent évoluer beaucoup plus rapidement nos dépenses que les recettes devant nous permettent d'y faire face.

Il ne faudrait pas que l'effort qui va nous être demandé creuse les inégalités territoriales. L'objectif d'une meilleure péréquation entre les collectivités doit être poursuivi. À cet égard, je me félicite de la décision du Comité des finances locales d'assurer en 2007, comme en 2006, une progression de la dotation de solidarité rurale identique à celle de la dotation de solidarité urbaine, soit une augmentation de 13, 4 %.

Je n'en dirai pas autant, monsieur le ministre, de l'évolution de la dotation globale d'équipement. J'ai en main l'annexe 9 du rapport de l'Observatoire des finances locales pour 2007 : les crédits ouverts en loi de finances initiale au titre de la DGE s'élevaient à 872 millions d'euros en 2003, à 904 millions en 2004 et à 932 millions en 2005 ; ils tombent à 770 millions en 2006 et à 691 millions en 2007. Cela signifie que les collectivités locales, les communes en particulier, ne peuvent compter sur le concours de la DGE dans la limite de ces enveloppes. Si les communes ne pouvaient pas bénéficier des concours financiers des conseils généraux et des conseils régionaux, elles auraient du mal à faire face aux investissements à réaliser.

M. Louis de Broissia approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

S'agissant toujours de la DGE, monsieur le ministre, je voudrais insister sur deux points.

En premier lieu, j'attire votre attention sur la date de notification des enveloppes financières aux préfets. J'ai présidé la semaine dernière la commission des élus de mon département chargée de déterminer les modalités d'attribution de la dotation globale d'équipement, en présence de la secrétaire générale de la préfecture. J'ai pu lui faire confirmer que les fonds parvenaient à la préfecture aux environs de la mi-avril. Les services de la préfecture devant instruire plusieurs dizaines de demandes, les arrêtés attribuant les subventions ne sont notifiés, au plus tôt, que dans le courant du mois de mai, sinon en juin.

Il est ensuite reproché aux collectivités de ne pas consommer suffisamment de crédits, si bien que le ministère récupère les reliquats non consommés en fin d'année. Certes, nous disposons de deux ans pour les consommer, mais ces péripéties se reproduisant la deuxième année, une partie des crédits de la deuxième année n'est pas consommée. Ainsi, le département de l'Oise a perdu, au titre de l'année 2006, près de 600 000 euros qui sont repartis dans les caisses de l'État.

En second lieu, le préfet nous a reproché de ne pas respecter les directives relatives aux taux de subvention, ceux-ci devant, pour les deux tiers, se situer entre 25 % et 35 %. Pour autant que je sache, il appartient à la commission de déterminer les secteurs d'intervention et de fixer les taux. À mon sens, le préfet n'a pas à nous dicter les taux devant être attribués. Je suis assez surpris d'apprendre l'existence d'une circulaire de Mme le ministre de l'intérieur...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

...adressée aux préfets, demandant à la commission départementale de revoir les taux de subvention dans les secteurs d'intervention.

J'aimerais bénéficier sur ce point d'un éclairage de votre part, monsieur le ministre : ne s'agit-il pas d'une fausse interprétation ?

Je souhaiterais également appeler votre attention sur la refonte de la fiscalité locale. J'ai entendu le discours du Président de la République devant le Congrès des maires de France, la semaine dernière. Il annonçait la remise en chantier de la révision des bases des valeurs locatives, ce dont je ne peux que me féliciter. Je partage cependant les préoccupations de notre collègue Bernard Murat, qui demande que toute réforme de la fiscalité locale soit accompagnée d'études d'impact. En effet, le Président de la République a suggéré que la réforme des bases se fasse progressivement, chaque année, au fur et à mesure des mutations de propriété. Cette méthode créerait inévitablement, au fil du temps, des inégalités à l'intérieur d'une même commune et la situation deviendrait, à mon sens, complètement ingérable au niveau des conseils municipaux et des commissions communales des impôts. Je demande que l'on mesure bien les effets pervers qui pourraient résulter de l'application d'une telle disposition.

La deuxième idée avancée par le Président de la République était celle de la spécialisation de l'impôt. De nombreux rapports ont été produits sur le sujet, sans être jamais suivis d'effets. Monsieur le ministre, avez-vous quelques idées supplémentaires sur le sujet ? Le Président de la République vous a-t-il communiqué quelques indications qui nous éclaireraient sur les grandes lignes d'une réforme qui irait dans ce sens ? Je suis favorable à la spécialisation de l'impôt, lorsqu'il s'agit de la taxe professionnelle, et dans la mesure où les bénéficiaires en tirent de vrais avantages. Mais, le Président de la République l'a dit, il faut conserver un lien entre les bases et le territoire sur lequel les impôts sont levés.

Je souhaite donc que la Conférence nationale des exécutif, installée le 4 octobre 2007, inaugure une nouvelle méthode de travail, en assurant une vraie concertation et en associant réellement les élus locaux à l'élaboration des normes qui les concernent et de la réforme de la fiscalité locale.

Notre collègue Alain Lambert s'est vu confier une mission afin d'examiner les relations entre l'État et les collectivités territoriales. J'espère que les conclusions de ce rapport traceront des perspectives plus souriantes, confortant l'autonomie financière des collectivités locales.

Chaque année, je rappelle, malheureusement sans rencontrer d'écho, le transfert de charge résultant de l'absence de prise en considération des études menées jusqu'à présent par les DDASS, les DDE et les DDA. Pour y remédier, les collectivités locales ont dû recruter des agents, dont elles supportent entièrement la rémunération, sans que le retrait de l'État n'ait jamais donné lieu à compensation financière dans ces domaines de compétences et de services apportés à nos communes. Sur ce point, j'aimerais que le Gouvernement puisse nous dire où il en est de sa réflexion sur une véritable compensation des transferts de charge en faveur des collectivités locales.

Je souhaite bien entendu que la réforme empêche la création de liens de dépendance entre les communes, les départements et les régions et garantisse une véritable autonomie financière des collectivités locales. Les élus doivent pouvoir rendre compte à leurs concitoyens des décisions qu'ils prennent, sans dépendre des dotations d'autres collectivités !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue de ce débat très riche, passionnant et animé, sur les collectivités territoriales, je peux me permettre d'apporter un certain nombre d'éclaircissements.

Un tel débat a pour intérêt de nous donner la possibilité de nous dire les choses telles que nous les ressentons personnellement et, surtout, telles qu'elles sont vécues dans la réalité.

Il faut tout de suite lever un malentendu : il ne s'agit pas d'opposer l'État, qui représenterait l'enfer, aux collectivités territoriales, incarnation du paradis.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

La réalité est plus équilibrée. Nos intérêts et nos engagements vis-à-vis du citoyen et du contribuable national et local, qui ne font qu'un, ne peuvent qu'être convergents. J'en parle d'autant plus facilement que je suis moi-même placé des deux côtés de ce miroir, comme élu local et comme responsable national.

En tant que ministre en charge des comptes publics dans leur ensemble, je serai très clair : il serait vain pour moi de vouloir améliorer la situation des comptes de l'État aux dépens des collectivités territoriales. Tel n'est pas le type de relation que nous voulons instaurer.

À l'inverse, je suis convaincu que les efforts considérables auxquels s'astreint l'État n'ont de sens que si l'ensemble des administrations publiques participent à l'objectif de retour à l'équilibre d'ici à la fin de la législature, sur lequel le Président de la République s'est engagé devant des Français. D'une certaine façon, qu'il y ait eu engagement ou non, l'intérêt général nous impose de respecter l'idée que la France doit retrouver l'équilibre financier pour l'ensemble de la sphère publique d'ici à 2012. Je ne peux pas imaginer un seul instant que quelqu'un n'adhère pas à cette idée au sein de la Haute Assemblée.

Ce redressement de nos finances ne peut se faire qu'au prix d'une maîtrise de la dépense et nous devons parler sans tabou de l'évolution de cette dépense publique et de son infléchissement. Tel est le sens de l'indexation du contrat de stabilité sur la seule inflation : un partage équitable de la charge entre partenaires, rendant compatible l'indexation des dotations aux collectivités locales avec les objectifs de maîtrise des dépenses que s'impose l'État, conformément aux conclusions des travaux de la conférence nationale des finances publiques de janvier 2006 et du rapport du Conseil d'orientation des finances publiques de janvier 2007.

Monsieur le rapporteur général, vous avez appelé de vos voeux - et je m'associe à vos propos - l'instauration d'un principe d'équité dans les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Vous avez décliné quatre conditions de réalisation de ce principe, si je ne trahis pas votre pensée. J'en reprendrai trois.

Selon le premier de ces principes, la contrainte doit s'appliquer à tous. Le Gouvernement s'inscrit pleinement dans cette ligne : l'effort doit être partagé et ce partage doit intervenir dans la clarté.

Selon le deuxième principe, la compensation des transferts de charges doit intervenir au plus près. Tel est le sens de l'engagement que j'ai pris devant l'Assemblée nationale. M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances se sont réjouis des amendements que le Gouvernement a déposés : nous aurons bien évidemment l'occasion d'en discuter.

Le troisième principe que vous avez mentionné, monsieur le rapporteur général, impose d'éviter de favoriser une collectivité au détriment d'une autre. Avec les députés, nous avons travaillé à assouplir les contraintes pour les collectivités rurales touchées par la diminution des variables d'ajustement. Autant le Gouvernement est attaché au respect de cette enveloppe globale, autant il fait confiance au Parlement, et tout particulièrement au Sénat, pour arbitrer les évolutions respectives des différentes composantes au sein de cette enveloppe globale. Ce sujet fera l'objet de discussions très approfondies dans les heures qui viennent.

L'élargissement de la norme des dépenses aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales et de l'Union européenne n'est pas un artifice destiné à rendre la construction du budget plus facile pour l'État, en faisant porter la charge sur ces prélèvements, surtout dans un contexte où le poids des intérêts et des pensions sature l'essentiel de sa marge de manoeuvre. Cette mesure durable appelle en réalité un effort supplémentaire sur l'ensemble de la dépense de l'État. C'est bien pour cela que nous avons élargi cette norme, répondant à la demande répétée de votre commission des finances.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Ce n'est donc pas une décision d'intérêt conjoncturel, c'est une décision structurelle intéressant le budget de l'État. Sur ce point, je tiens à dire qu'il ne s'agit pas, pour l'État, d'abandonner la règle du « zéro volume », mais bien au contraire d'affermir et de renforcer, pour l'avenir, les modalités de mise en oeuvre de la norme de dépenses en l'appliquant à un périmètre plus large, et donc plus juste.

Bien évidemment, l'indexation des dotations sous contrat s'inscrit dans un ensemble « sous effort », mais équilibré, à mon sens, pour les collectivités territoriales.

Cet équilibre s'exprime d'abord en termes financiers : avec ce contrat, le pouvoir d'achat des collectivités territoriales, au sens large de l'expression, sera préservé en 2008. L'essentiel de la croissance de l'enveloppe normée, qui s'élève à 46, 4 milliards d'euros pour 2008, profitera à la dotation globale de fonctionnement. Comme l'a rappelé M. Fréville dans sa très intéressante intervention, cette dotation globale de fonctionnement progressera de 2, 08 %, soit une augmentation, en valeur absolue, de 806 millions d'euros.

Au-delà du contrat, je tiens à rassurer Mme Gourault sur la santé du FCTVA, dont les crédits augmenteront de près de 10 %, soit quelque 500 millions d'euros, entre 2007 et 2008. Il s'agit, d'une certaine façon, d'une participation aux efforts des collectivités locales en matière d'investissement : plus les collectivités investissent, plus le FCTVA s'alourdit.

Au total, en tenant compte des dégrèvements d'impôt locaux, l'effort de l'État en faveur des collectivités territoriales marque en réalité une progression de 4 % entre 2007 et 2008. En y ajoutant les 20, 4 milliards d'euros de recettes fiscales transférées, ce sont près de 93 milliards d'euros qui sont consacrés par l'État aux collectivités locales à un titre ou à un autre.

Par conséquent, une relation très forte avec les collectivités territoriales se trouve reflétée au travers de l'ensemble des finances de l'État, qui ne peut pas être construite sur un malentendu : je ne crois pas que l'on puisse dire que l'État se désengage du financement des collectivités territoriales.

C'est bien là le paradoxe : alors même que les concours de l'État aux collectivités territoriales augmentent d'année en année, un sentiment d'insatisfaction partagé persiste, chacun estimant légitime son point de vue. L'État voit ses dépenses croître sans parvenir à restaurer la confiance des collectivités territoriales quant au caractère effectif de ses efforts, et les collectivités locales qui voudraient maîtriser l'augmentation de leurs dépenses jugent que leurs marges de manoeuvre sont obérées injustement par l'activité réglementaire de l'État ou par quelques artifices financiers que l'enchevêtrement des compétences rendrait encore davantage possibles.

C'est pourquoi la deuxième mesure d'équilibre de cet effort demandé dans le cadre du contrat doit s'exprimer en termes non pas uniquement financiers, mais aussi de gouvernance des finances locales. C'est l'objet même de la Conférence nationale des exécutifs locaux, qui a été mise en place par le Premier ministre le 4 octobre dernier.

Je sais bien que d'autres lieux de discussion existent. Cela est d'ailleurs bien naturel. Il y a aussi plusieurs associations d'élus, bien entendu. Cependant, s'il est normal que plusieurs lieux de discussion coexistent, la Conférence nationale des exécutifs locaux est placée auprès du Premier ministre, réunit l'ensemble des exécutifs locaux et permettra, je l'espère, dans les semaines et les mois à venir tout au long de 2008, d'éclaircir, de rééquilibrer, de redéfinir, de refonder, oserais-je dire, les relations entre l'État et les collectivités territoriales, sur le plan des compétences mais aussi, bien entendu, sur celui des finances. M. Mercier a appelé de ses voeux la création d'un lieu permanent d'échanges, il existe donc déjà.

Je ferai simplement remarquer que Mme Alliot-Marie assure ce lien permanent avec les collectivités territoriales. Elle est retenue ce soir par des événements extrêmement inquiétants et difficiles, qui mobilisent le ministre de l'intérieur qu'elle est à quelques kilomètres de cet hémicycle.

Bien entendu, d'autres ministres sont concernés, puisque les compétences des collectivités locales sont très importantes. Tel est notamment le cas du ministre chargé du budget et des comptes publics, parce qu'il est responsable de l'ensemble des finances publiques, et donc de la relation financière entre l'État et les collectivités territoriales. De même, la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi est elle aussi concernée, sous l'angle de la définition de la fiscalité. Il s'agit là d'un trio coordonné par le Premier ministre et qui « fonctionne » sans aucun problème, me semble-t-il. Cela montre que les collectivités locales sont au coeur de la problématique de l'État.

L'enceinte de la Conférence nationale des exécutifs locaux permettra d'associer les collectivités territoriales - enfin ! oserais-je dire - aux décisions de l'État ayant aujourd'hui une incidence sur les budgets locaux, qu'il s'agisse de la question des normes et autres réglementations inflationnistes ou de celle des négociations salariales dans la fonction publique territoriale. En effet, il est assez anormal qu'un responsable de collectivité locale puisse découvrir inopinément que la valeur du point d'indice a été relevée.

À cet égard, je ferai observer qu'avant de recevoir, au mois d'octobre dernier, les représentants des organisations syndicales en vue de leur indiquer quelles mesures il serait envisageable de prendre à la fin de 2007 pour les fonctionnaires, j'avais accueilli les représentants des associations d'élus locaux. Pour la première fois, on a réuni les élus représentant des employeurs territoriaux pour recueillir leur avis avant l'annonce aux syndicats et mis en oeuvre les dispositions de la loi du 19 février 2007 sur la fonction publique territoriale, comme je m'y étais engagé. Cette méthode de concertation, je la poursuivrai bien évidemment dans toutes nos discussions futures sur le pouvoir d'achat. Il est important de le dire, car on ne peut faire supporter des charges financières aux collectivités locales sans qu'elles aient été associées à leur définition et à leur calibrage.

M. Fortassin s'est inquiété des charges supplémentaires créées par les normes. Je lui réponds sur ce point, ainsi qu'à M. Murat. Les engagements que nous prenons à cet égard sont très forts. Le Premier ministre a annoncé la création d'une commission consultative d'évaluation des normes à l'occasion de la Conférence nationale des exécutifs locaux. C'est au sein de cette instance que nous pourrons débattre de ces questions.

M. le président de la commission des finances a lui insisté sur l'autonomie financière des collectivités territoriales.

S'agissant de la réforme des dotations, je veux rappeler les importantes réformes mises en oeuvre par le précédent gouvernement, afin notamment de faire croître les dotations de péréquation. À ce sujet, j'ai bien entendu s'exprimer l'inquiétude des responsables des collectivités locales. Il nous faut sans doute tirer un premier bilan de ces réformes avant d'aller plus loin, mais le système actuel est certainement, j'en conviens, très éloigné de la perfection.

M. de Montesquiou a évoqué les communes rurales. Elles ne sont pas oubliées, puisque la dotation de solidarité rurale pourra progresser comme la dotation de solidarité urbaine, soit d'environ 9 %.

Les sénateurs Miquel et Jarlier ont traité, quant à eux, le thème de la péréquation départementale. Celle-ci bénéficiera aussi de l'indexation favorable de la DGF. Selon les choix du Comité des finances locales, les dotations de péréquation départementales connaîtront une progression comprise entre 7 % et 11 %.

M. Vasselle, sur ce même sujet très important des dotations, a parlé de la dotation globale d'équipement.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

La baisse de la DGE des départements enregistrée en 2006 a été compensée par l'augmentation de la DGF des départements. Quant à la dotation globale d'équipement des communes, c'est bien évidemment, pour celles-ci, un outil de financement de l'investissement privilégié.

C'est pourquoi le Gouvernement a incité les préfets à financer un nombre significatif de projets selon un taux de subvention compris dans une fourchette allant de 25 % à 35 %, plutôt que de concentrer l'utilisation de la DGE sur quelques opérations. C'est un objectif de bonne gestion et de performance que le Parlement a retenu dans le cadre du projet annuel de performances pour 2008. Il faut éviter le saupoudrage, mais c'est un objectif, je le répète : un préfet peut décider d'y déroger, selon la qualité des projets qui lui sont soumis. L'idée n'est pas que la DGE soit peu répartie et serve à subventionner exclusivement quelques projets !

S'agissant de la réforme de la fiscalité locale, sujet qui a été abordé par un grand nombre d'intervenants, dont M. Vasselle, chacun s'accordera en tout cas à reconnaître l'archaïsme de certaines bases d'imposition et les inégalités territoriales et entre contribuables pouvant résulter de ce qui apparaît être en réalité la conséquence d'une incapacité à décider, manifeste depuis de nombreuses années.

Tout récemment, les associations d'élus ont formulé des propositions sur ce point, et le Président de la République, s'exprimant devant le Congrès des maires de France, a annoncé sa volonté de réformer, en proposant d'ores et déjà des pistes pour une actualisation progressive des bases locatives, au fil de l'eau, si je puis dire, c'est-à-dire en fonction des transferts de propriété, des transactions.

M. Jarlier s'est d'ailleurs inquiété de l'incidence du ticket modérateur sur les petites communautés de communes. De nombreux aménagements ont déjà été adoptés au travers de la loi de finances initiale pour 2007 afin de réduire le ticket modérateur de certaines collectivités. Cela a notamment permis de tenir compte de la situation des EPCI.

Comme l'a rappelé le Président de la République, cette réforme doit dépasser les clivages politiques et s'inscrire dans une démarche de concertation, que nous espérons le plus consensuelle possible. Vous voyez que le Gouvernement a la ferme intention de lancer une réforme globale, qui ne doit pas porter uniquement sur la nature et la valorisation des bases locatives elles-mêmes. Les pistes sont nombreuses. D'ailleurs, si l'on mesure le poids et le volume des rapports élaborés ces dernières années sur la réforme de la fiscalité locale, on en déduit que toutes les idées possibles ont été émises ! Aujourd'hui, il importe de faire la synthèse de tout cela et d'essayer d'identifier les pistes pertinentes. Ce n'est pas facile, et j'ai bien retenu ce qu'a dit M. Marini, qui indiquait que l'on parlait volontiers de la réforme de la fiscalité locale, mais qu'il était plus compliqué de la réaliser.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

J'imagine que nous en sommes tous bien conscients !

Je veux pour preuve de cette difficulté qu'une simple modification du contrat de stabilité, qui porte sur quelque 46 milliards d'euros, engendre un débat fourni, et d'ailleurs légitime, dans cet hémicycle. On comprend combien il est nécessaire de parvenir à une négociation, et à quel point les opinions sont diverses. Il n'y a pas de vérité absolue dans ce domaine, mais il faudra bien préciser les principes directeurs de la réforme. Ce n'est qu'ensuite que nous pourrons nous diriger vers son application.

Mme Lagarde, Mme Alliot-Marie et moi-même nous consacrerons à ce chantier, et nous rendrons compte de nos travaux dans un esprit de totale concertation. J'espère que nous pourrons ainsi acquérir une vision plus large de la réforme de la fiscalité locale, l'objectif étant très clairement de donner plus d'autonomie aux collectivités territoriales, monsieur le président de la commission des finances. Cela me semble tout naturel : les collectivités territoriales sont des institutions matures, adultes, qui ont surtout besoin d'autonomie pour financer la mise en oeuvre de leurs propres décisions, dans un climat de concertation avec l'ensemble des autres acteurs de la sphère publique, au premier rang desquels figure évidemment l'État, puisqu'il s'agit d'argent public, puisque c'est toujours dans la même poche que l'on puise cet argent.

Au-delà des questions de ressources, il est donc nécessaire de redonner des marges de manoeuvre aux collectivités territoriales dans la maîtrise de leur fiscalité et de leurs dépenses. Depuis vingt-cinq ans, les dépenses publiques locales, hors effet de la décentralisation - j'insiste sur ce point -, ont augmenté plus vite que le produit intérieur brut, comme l'a rappelé M. Saugey dans sa très intéressante analyse chiffrée.

Ainsi, les dépenses de personnel ont crû très fortement. Nous le savons tous, en tant qu'élus locaux, pour avoir embauché afin de répondre aux besoins. Il ne s'agit donc pas de jeter la pierre à quiconque. C'est un constat, que l'on doit établir à la lumière de la situation d'ensemble des finances publiques.

Cette hausse concerne surtout le niveau communal. Cela me semble naturel, car c'est en réalité le niveau le plus concerné, de par sa proximité, par les souhaits de nos concitoyens.

Il ne s'agit pas de stigmatiser la dépense des collectivités territoriales. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission des finances, il n'y a pas, d'un côté, un État vertueux et, de l'autre, des collectivités territoriales prodigues.

Étant à la fois maire et président d'une communauté de communes, je suis tout à fait convaincu de l'utilité des dépenses locales, comme de la nécessité d'aller vers une synthèse des efforts des collectivités territoriales. Je ne sais pas si des objectifs doivent être fixés mais, en tout cas, il faut au moins que nous ayons une conscience collective de la dépense locale, dans le respect de l'indépendance des collectivités.

Monsieur Mauroy, selon vous, le Gouvernement ignore l'intercommunalité. Au contraire, sur la DGF par exemple, les communautés urbaines, dont vous êtes un remarquable spécialiste et un éminent défenseur, perçoivent un montant deux fois supérieur à celui des communautés d'agglomération et bien plus important que celui des communautés de communes.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cette situation est d'ailleurs compréhensible puisque les communautés urbaines ont des compétences plus étendues. L'État ne se désintéresse donc pas des intercommunalités.

Plutôt que de discuter des principes, nous devrions parler des faits et nous interroger collectivement sur ce que nous pourrions accomplir ensemble pour aboutir à une situation équilibrée de l'ensemble de nos finances publiques en 2012. C'est en effet l'intérêt de l'État, des parlementaires, de nos concitoyens, et de notre pays. Les collectivités locales ne peuvent être mises de côté ; elles doivent participer, bien sûr à leur juste mesure, à cet effort. Que l'on soit de droite ou de gauche, nous voulons que nos finances publiques soient en équilibre parce que c'est en réalité la seule façon de retrouver les marges d'investissement dont nous manquons.

Si vous estimez que l'investissement est porté par les collectivités et non par l'État, c'est au travers d'une réduction de la dépense publique et, au bout du compte, par un rééquilibrage des dépenses publiques que nous pourrons reporter au niveau de l'État un volume suffisant d'investissement, afin d'alléger, je l'espère, la charge pesant sur les collectivités territoriales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà la façon dont on peut concevoir ce projet de budget pour les collectivités territoriales en 2008. Les idées directrices en sont la responsabilité et l'engagement réciproque.

La responsabilité de l'État doit porter sur la maîtrise de ses dépenses comme sur le nécessaire respect de l'autonomie des collectivités locales dans l'exercice de leurs compétences.

J'en profite pour rappeler que, à l'occasion de ce débat au Sénat, nous ajustons - M. le rapporteur général s'en est félicité - le montant des transferts aux régions et aux départements afin de tenir compte du coût réel des transferts des personnels TOS de l'éducation nationale et des directions départementales de l'équipement, à l'euro près, ainsi que nous l'avions annoncé à l'Assemblée nationale.

Pour répondre à l'excellente intervention de Louis de Broissia, il ne s'agit pas de rouvrir un débat sur la compensation du transfert de compétence des routes en débattant du montant des recettes des radars automatiques à attribuer aux départements. Vous aviez souhaité que les départements puissent bénéficier de cette « manne ». Ce sera chose faite en 2008 puisqu'un montant de 30 millions d'euros sera versé aux budgets des départements. On peut s'en féliciter et se réjouir ensemble de temps en temps !

Selon M. de Broissia, les ministres répondent inlassablement aux départements que leurs pertes sont compensées par l'augmentation des droits de mutation. J'ai évité de le dire ! Mais je voudrais tout de même vous donner quelques chiffres. Les droits de mutation pour les départements ont progressé d'une manière considérable : ils sont passés de 3, 643 milliards d'euros en 2000 à 7, 441 milliards en 2006, soit une augmentation de 104 % en six ans !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je me réjouis infiniment de ce résultat qui est vraiment mérité. Il doit en tout cas être mis en face d'autres réalités qui sont parfois, je l'avoue, moins joyeuses. Mais admettons aussi que, quelquefois, les choses peuvent se compenser.

Après la responsabilité de l'État, je voudrais en appeler aussi à celle des collectivités locales dans la poursuite de cet effort collectif qui s'impose aujourd'hui plus que jamais à la nation tout entière pour atteindre les objectifs de redressement de nos finances publiques. Nous pourrions aussi en profiter pour redéfinir la façon dont nous concevons le service public aux niveaux national et local.

Dans la recherche de cet équilibre, le Gouvernement est bien sûr à l'écoute totale des sénateurs et, plus largement, de tous les parlementaires et de l'ensemble des élus locaux. D'une façon plus conjoncturelle, la commission des finances du Sénat propose, concernant ce projet de budget pour 2008, un certain nombre d'évolutions et d'amendements qui me paraissent de nature à nous permettre de progresser dans la recherche de solutions communes.

Un sénateur disait à cette tribune qu'il fallait parler de confiance partagée. J'y crois vraiment ! Pour moi, l'État, ce n'est pas l'enfer, comme a semblé le soutenir M. Alain Le Vern dans son intervention musclée. Les rapports entre l'État et les collectivités locales n'ont rien à voir avec cela ! Les problèmes doivent être évoqués et les solutions recherchées ensemble, car il s'agit au bout du compte du même service public qui s'applique sur l'ensemble du territoire. La confiance doit certes être partagée, mais en toute responsabilité !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous avons achevé le débat relatif aux recettes des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, je demande la réserve de l'article 11 quater et des amendements y afférents jusqu'après l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 18.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La réserve est de droit.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.