Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yves Daudigny, vient de dresser un tableau grave et même alarmant de nos finances sociales. Mme la rapporteure générale de la commission des finances l’avait également évoqué auparavant.
Notre sécurité sociale connait en effet les plus grandes difficultés ; notre système même de protection sociale est aujourd’hui menacé.
Tel est le résultat de la politique budgétaire, fiscale, sociale inefficace menée depuis des années. C’est la conséquence du refus systématique du Gouvernement de trouver des recettes pour assurer un meilleur équilibre financier de notre protection sociale et de l’inertie opposée devant les préconisations de tant d’experts, de tant de rapports, notamment de la Cour des comptes, pour une mobilisation plus active des niches sociales et fiscales.
Nous avons toutes et tous en mémoire, à la commission des affaires sociales – Yves Daudigny le rappelait à l’instant – les propos tellement clairs de Philippe Séguin sur le sujet. Didier Migaud ne dit pas autre chose, aujourd’hui, quand il déclare qu’il est urgent de recourir à ces assiettes largement exemptées de contributions sociales.
Nous le savons, les recettes existent. Nous sommes nombreux à l’affirmer et mon groupe ne fait pas exception.
Je pense à cet instant aux nombreuses interventions de Guy Fischer pour dénoncer le tabou des niches sociales et fiscales. Pourquoi, madame la ministre, est-il si difficile de les mobiliser ?
Votre gouvernement a préféré faire le choix de la maîtrise de la dépense publique, une « maîtrise ambitieuse », proclamez-vous même ! Or nous assistons plutôt à la réduction, parfois même l’amputation, de la dépense publique.
En matière de protection sociale, cette politique a des conséquences immédiates pour un grand nombre de nos concitoyens qui doivent subir sacrifices et injustices. Vous avez même, dans le cadre du PLFSS, que nous examinerons la semaine prochaine, fait des choix profondément injustes, par exemple en décidant l’assujettissement à la CSG du complément de libre choix – disposition heureusement supprimée par les députés –, puis en prévoyant le report de trois mois de la revalorisation des allocations familiales.
Madame la ministre, vous vous attaquez ainsi directement aux ménages les plus modestes, aux foyers avec de jeunes enfants. N’y a-t-il vraiment aucune autre « cible » à mettre à contribution ?
L’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « Une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés. »
Il s’agit d’un principe fondamental, auquel la commission adhère, mais que vous semblez avoir oublié ces dernières années. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis, mais le Conseil des prélèvements obligatoires en faisant référence, dans son rapport de mai 2011, à une enquête de l’INSEE qui indique que, depuis 2004, le niveau de vie des plus modestes a cessé d’augmenter plus rapidement que celui des niveaux intermédiaires, tandis que celui des plus aisés continuait de progresser, essentiellement en raison de l’augmentation rapide des revenus du patrimoine.
Les revenus du patrimoine : voilà une piste facile à exploiter ! D’ailleurs, le dernier collectif budgétaire a augmenté les prélèvements sociaux qui les affectent, mais de 1, 2 point seulement !
N’était-il vraiment pas possible d’aller plus loin ? Pourquoi ne pas envisager que ces prélèvements sur les revenus du capital alimentent davantage le budget de l’État ?
Peut-être pourrez-vous nous expliquer, madame la ministre, pourquoi, dans le contexte actuel si tendu des finances publiques, le Gouvernement se prive d’une telle marge de manœuvre ?
Permettez-moi de faire une autre citation tirée du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires : « Globalement, le taux d’effort moyen des ménages a augmenté de 4, 3 points entre 1990 et 2009 […] Ce taux d’effort n’a pas augmenté de façon identique pour toutes les catégories de ménages. »
Dans le secteur social, c’est évident ! Avec l’addition, dans le domaine de la santé, des franchises, des dépassements d’honoraires ou encore de la hausse du coût des mutuelles, force est de constater que les efforts ne sont pas répartis équitablement. Ces ponctions sur les ménages ne sont pas du tout effectuées en proportion de leurs revenus.
Le débat de ce soir nous aura permis de faire le constat – Mme la rapporteure générale de la commission des finances l’évoquait également dans sa conclusion – qu’il est donc urgent de changer l’orientation de notre politique de prélèvements obligatoires. La commission des affaires sociales, dans sa nouvelle configuration, en a pleinement conscience.
Mes chers collègues, comme l’a annoncé Yves Daudigny, nous nous emploierons à faire des propositions audacieuses et constructives à l’occasion du débat sur le PLFSS. Il nous faut en effet mettre un terme à l’incroyable accumulation de déficits que nous connaissons aujourd’hui. Nous aurons surtout à cœur de répartir équitablement les efforts entre l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens.