La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.
La séance est reprise.
J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale m’a fait connaître qu’elle avait procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
L’ordre du jour appelle la suite du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Dans le débat, la parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dès l’origine, le débat sur les prélèvements obligatoires a été conçu comme un rendez-vous stratégique. À travers lui, la Haute Assemblée, qui avait demandé sa création, voulait aborder les perspectives globales tracées par le projet de loi de finances et par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce soir, je vous présenterai donc les axes directeurs de notre politique fiscale. Naturellement, à travers cette dernière, ce sont aussi les fondements de notre stratégie budgétaire que j’aurai l’occasion d’évoquer.
Les principes directeurs de notre politique fiscale, mesdames, messieurs les sénateurs, sont la constance, la justice et l’efficacité. Nous portons donc un tout autre regard – cela ne vous surprendra pas – que Mme la rapporteure générale sur la politique fiscale conduite depuis bientôt cinq ans.
Madame Bricq, nous partageons toutefois, me semble-t-il, une même analyse de la situation de nos finances publiques. J’en veux pour preuve les chiffres qui figurent dans votre rapport et qui établissent clairement trois faits essentiels.
Premier fait que votre rapport met en lumière : la crise explique intégralement l’augmentation du déficit entre 2007 et 2012.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Si la dette a augmenté partout en Europe – elle a d’ailleurs davantage crû en moyenne dans la zone euro qu’en France –, il y a bien une raison. Et celle-ci, c’est la crise !
Deuxième fait qui se déduit de la lecture de votre rapport : la politique du Gouvernement a permis de diviser par deux l’effet de la crise sur le déficit public. Comme vous le notez très justement, si le Gouvernement n’avait pas agi, le déficit se serait creusé non pas de 1, 8 point, comme c’est le cas aujourd'hui, mais bien de 3, 8 points de la richesse nationale entre 2007 et 2012. Sans notre détermination à redresser nos finances publiques, la France serait sans doute dans la situation que connaissent certains de nos voisins.
Troisième constat tiré des chiffres de votre rapport : l’action du Gouvernement pendant cinq ans aura débouché sur une amélioration structurelle du déficit public, à hauteur de 2, 1 points de PIB. Là encore, je souhaite que vous soyez lue et que nous n’entendions plus parler de « cadeaux fiscaux » imaginaires à hauteur de 75 milliards d’euros. La mauvaise foi a des limites, et plus encore quand les circonstances exigent de tous le plus grand sérieux.
Notre stratégie, elle, est très claire et ses résultats sont visibles. Notre effort de réduction du déficit en cinq ans repose en priorité sur des économies en dépenses, à hauteur de 1, 1 point de PIB, et ensuite, mais ensuite seulement, sur des recettes fiscales ciblées, à hauteur de 0, 7 point de PIB, auxquelles s’ajoutent des recettes non fiscales.
Là encore, je ne fais que reprendre votre rapport et je me réjouis, madame Bricq, de vous voir l’écrire noir sur blanc. Force est de le reconnaître : notre politique est vertueuse et responsable, même si nous ne partageons naturellement pas les mêmes orientations.
Aujourd’hui, une même réalité s’impose à nous, quelles que soient nos convictions politiques, et elle porte un nom : la dette.
Notre niveau d’endettement est le fruit de la crise et de trente années de facilité, durant lesquelles nous avons vécu à crédit, avec une dette dont la valeur n’a jamais – j’y insiste – cessé de progresser. C’est pourquoi la priorité absolue du Gouvernement est de conduire la France sur le chemin du désendettement. Ce processus, mesdames, messieurs les sénateurs, comporte des étapes, qui sont toutes décisives : 2012, qui marquera le retour à 4, 5 % du déficit – nous prendrons d’ailleurs toutes les mesures nécessaires pour nous en assurer, comme l’a souligné le Président de la République –, mais aussi 2013, avec un déficit réduit à 3 %, ce qui permettra à la France d’entamer son désendettement ; au-delà de 2013, il nous faudra poursuivre nos efforts, pour revenir à l’équilibre en 2016.
La seule manière d’y parvenir, c’est de faire des économies. Le déficit, c’est la hausse perpétuelle des dépenses qui l’a creusé.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons aujourd’hui un débat sur les prélèvements obligatoires, mais celui-ci ne doit pas nous conduire à perdre de vue cette évidence fondamentale : c’est d’abord grâce aux économies sur les dépenses que nous parviendrons à désendetter la France. Il faut cesser de penser et de dire que le problème de notre pays serait des prélèvements obligatoires insuffisants.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
C’est un non-sens dans une nation qui présente à la fois l’un des plus hauts niveaux de dépenses publiques et l’un des plus hauts niveaux de prélèvements obligatoires.
La réalité, c’est que nous devons nous appliquer la même règle que tous les ménages et commencer par faire des économies. C’est pourquoi les textes que vous examinerez dans quelques jours marqueront un tournant historique, avec des dépenses de l’État qui baissent pour la première fois depuis 1945 et des dépenses sociales maîtrisées pour la troisième année consécutive. En effet, pour la troisième fois de suite, l’ONDAM, l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, sera tenu. Nous continuerons dans cette voie, parce qu’il n’y en a pas d’autre.
Madame la rapporteure générale, je me réjouis de vous voir reconnaître que des économies sur les dépenses sont indispensables. Toutefois, je ne peux que le constater, je vous sens très seule.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur les travées de l ’ UCR.
C’est un fait : en pleine crise de la dette, les primaires socialistes se sont gagnées à coups de promesses et de milliards d’euros, et, à ce jour, aucune source précise d’économies n’a encore été évoquée par ceux-là mêmes qui ont pris ces engagements. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous resterons donc fidèles à ce principe intangible : la hausse générale des impôts n’a pas d’avenir en France ; elle n’est pas un avenir pour notre pays.
La véritable question, ce n’est pas celle du taux de prélèvements obligatoires. Vous le soulignez vous-même, madame la rapporteure générale, ce taux est « sans grande signification politique », a fortiori dans un contexte de crise économique, donc de forte variation des recettes et de la richesse nationale.
Non, la véritable question, la voici : ce pays choisira-t-il la voie de la hausse générale des impôts ou celle des prélèvements ciblés ? À nos yeux, la réponse ne fait aucun doute.
Il est en effet temps, mesdames, messieurs les sénateurs, de le reconnaître : les recettes fiscales ne peuvent être qu’un outil complémentaire, qui doit être manié avec des objectifs précis. Cette conviction, elle se trouve au cœur de notre stratégie fiscale depuis cinq ans.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, vous rappelez vous-même les objectifs que s’est fixés le Gouvernement en 2008, avec la revue générale des prélèvements obligatoires : modifier la structure de notre fiscalité autour de trois grands axes, à savoir l’équité
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
C’est précisément ce que nous avons fait. Car si la crise a rendu impossible toute baisse générale des prélèvements obligatoires, elle a aussi rendu plus nécessaire encore la refonte de notre système fiscal autour de ces trois objectifs. C’est pourquoi nous avons agi.
Premièrement, nous avons rendu beaucoup plus juste notre système fiscal.
Mme Valérie Pécresse, ministre. À nos yeux, l’équité est une exigence fondamentale.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Toutefois, il est juste qu’il soit demandé plus aux ménages les plus aisés et aux plus grandes entreprises.
C’est ce que nous avons fait, en partant d’un constat indiscutable : la prolifération des niches avait fini par « miter » l’impôt sur le revenu. Quant aux revenus du patrimoine et du travail, ils étaient inégalement taxés. Enfin, l’écart d’imposition entre les PME et les grandes entreprises se creusait. C’était inacceptable, et nous avons donc pris des mesures fortes.
Nous avons agi pour plus de justice fiscale pour les Français, tout d’abord. Je pense ainsi à l’impôt sur le revenu : avec le plafonnement global des niches, avec la réduction des avantages sociaux et fiscaux et la suppression des dispositifs inefficaces, nous avons reconstitué son assiette et nous lui avons rendu sa progressivité.
Il y a cinq ans, mais c’était aussi vrai à l’époque de Lionel Jospin, que certains d’entre vous ont mieux connu que moi, mesdames, messieurs les sénateurs, un ménage qui gagnait 1 million d’euros pouvait avoir un impôt sur le revenu égal à zéro, s’il choisissait les bonnes niches. Eh bien, c’est fini !
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Avec le plafonnement global créé par le Gouvernement, aujourd’hui, ce foyer paie au moins 300 000 euros d’impôt sur le revenu.
Ces résultats, nous les devons à une politique constante de réduction de l’écart d’imposition entre les revenus du patrimoine et ceux du travail, une différence qui conduisait à taxer moins ceux qui avaient plus !
Là encore, c’est nous qui avons remis à l’endroit notre système fiscal. En cinq ans, nous avons pris vingt-cinq mesures, j’y insiste, qui alourdissent l’imposition des plus aisés ; elles portent en priorité sur les revenus de l’épargne et du patrimoine.
J’en veux pour preuve les décisions prises le 24 août dernier par le Premier ministre : en 2012, les ménages les plus aisés seront taxés trois fois.
Ils ont plus de revenus : ils acquitteront la contribution exceptionnelle de solidarité ; ils ont plus de biens immobiliers : ils seront concernés par la refonte de l’abattement sur les plus-values immobilières ; ils ont plus de patrimoine : ils devront acquitter des prélèvements sociaux plus élevés sur les revenus que celui-ci génère.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je veux enfin le rappeler, c’est le Gouvernement qui a réformé l’impôt sur la fortune, afin de le concentrer sur les foyers les plus aisés et de mettre fin ainsi à des effets pervers dénoncés depuis des années. Le bouclier fiscal était une première réponse, encore imparfaite.
M. Daniel Raoul s’exclame.
En renforçant l’imposition sur la transmission plutôt que sur la détention et en alourdissant la fiscalité sur les plus hauts patrimoines, nous avons enfin fait de l’ISF un impôt plus intelligent
Marques d’ironiesur les travées du groupe socialiste-EELV.
… et, comme vous le constatez vous-même, madame la rapporteure générale, elle est parfaitement financée en régime de croisière.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au total, en 2011 et en 2012, effet de la réforme de l’ISF compris, ce sont près de 2 milliards d’euros supplémentaires que nous aurons demandés aux plus aisés.
La justice, c’est aussi la redistribution. Là encore, les chiffres sont éloquents : avec le revenu de solidarité active, nous avons renforcé le pouvoir d’achat des Français, en particulier de ceux qui retrouvent le chemin de l’emploi.
Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Mme Christiane Demontès surenchérit.
Je vous pose la question : vous préférez le revenu minimum d’insertion au revenu de solidarité active ? Si tel est le cas, vous avez tort, car le RSA est bien plus avantageux.
Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui d’un couple avec deux enfants qui est au SMIC : grâce au RSA, le revenu disponible de ce couple a augmenté de 256 euros par mois. Cela représente une hausse de 15 % entre 2006 et 2011.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Le RSA, je vous le rappelle, nous l’avons financé notamment avec une hausse de la fiscalité sur le patrimoine. Voilà le vrai symbole d’un quinquennat d’équité et de justice !
Mêmes mouvements.
C’est vrai également pour les entreprises : la question de l’écart d’imposition entre les grands groupes et les PME, nous l’avons prise à bras-le-corps. J’en veux pour preuve non seulement la suppression du bénéfice mondial consolidé, mais aussi la réforme de l’impôt sur les sociétés, avec la limitation des reports en avant et en arrière des déficits.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons ainsi créé un impôt minimum pour les grandes entreprises bénéficiaires, qui vient s’ajouter à l’imposition forfaitaire annuelle, l’IFA, que ces mêmes entreprises continueront à acquitter.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
En retour, nous avons allégé la pression fiscale pesant sur les PME, qui bénéficient d’ores et déjà de la suppression de l’IFA. En outre, les PME sont les grandes gagnantes, vous le savez, de la disparition de la taxe professionnelle.
Monsieur le sénateur, il s’agit d’un débat sur les prélèvements obligatoires et sur notre stratégie en la matière. Ayez donc la courtoisie de m’écouter quand je vous l’expose ! Vous aurez tous les arguments pour me répondre ensuite.
Je le disais, c’est un fait : nous avons renforcé l’équité fiscale.
Le deuxième objectif de notre politique fiscale était d’améliorer notre compétitivité.
Sur ce point également, nous avons agi en toute lucidité, à partir d’un constat très simple, un constat que, je l’espère, nous pouvons tous partager : la France souffrait d’un triple handicap. En effet, notre coût du travail était trop lourd, nous n’investissions pas assez et nous n’avions pas pris le virage de l’innovation.
Sur ces trois points, nous avons agi pour rendre la France plus compétitive et plus forte.
Nous avons commencé par rendre le travail plus attractif. Nous savons tous – à défaut de tous le reconnaître – que les 35 heures ont été une erreur, une faute historique.
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Au moment même où nous les instaurions, Gerhard Schröder choisissait, quant à lui, une tout autre voie. Nos voisins allemands doivent donc notamment leur compétitivité à un chancelier social-démocrate qui a su regarder la réalité en face. Ce dernier avait d'ailleurs tenu ces propos historiques : « Les 35 heures en France, c’est une bonne nouvelle pour l’Allemagne. »
Avec Lionel Jospin, la France est allée à contresens. Les 35 heures n’ont pas seulement alourdi le coût du travail pour les entreprises, …
J’y viens, monsieur le sénateur.
… elles ont également pesé sur le pouvoir d’achat des Français. En outre, elles ont contraint l’État à acquitter chaque année des milliards d’euros d’allégements de charges pour éviter que les Français les moins qualifiés ne soient les victimes de cette politique absurde. C’est pourquoi nous n’avons jamais remis en cause ces exonérations de charges.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, nous leur avons permis de gagner plus en travaillant plus, grâce à la défiscalisation des heures supplémentaires.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Cette mesure, libre à vous de la critiquer, voire d’en proposer la suppression ! Mais, dans ce cas, allez jusqu’au bout et dites aux neuf millions de Français qui en bénéficient que vous avez le projet de leur retirer 450 euros chaque année. Ils ont le droit de le savoir !
Les mesures de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », profitent à 90 % aux classes moyennes grâce non seulement aux heures supplémentaires, mais également à la suppression des droits de succession sur les patrimoines des classes moyennes qui sont le fruit d’une vie de travail.
Vous souhaitez taxer le travail ; nous préférons l’encourager.
C’est bien cet objectif d’encourager le travail qui nous a guidés lorsque nous avons appliqué le taux réduit de TVA au secteur de la restauration. J’ai lu votre rapport sur le sujet, madame la rapporteure générale, mais il oublie de mentionner les emplois créés dans ce secteur, l’amélioration de la couverture des salariés et la hausse de leurs rémunérations ainsi que les baisses de prix. Il oublie également de rappeler que, en 2000, une ministre de l’emploi, nommée Martine Aubry, avait demandé au Premier ministre de l’époque l’application de la TVA à taux réduit dans la restauration pour « moderniser ce secteur ». Vous le voyez, parfois de grands esprits se rencontrent…
Il n’y a jamais eu d’accord au sein du groupe socialiste sur ce sujet !
Renforcer l’économie française face à la crise, cela implique également de favoriser l’investissement, qui soutient la croissance et crée des emplois.
J’ai entendu le parti socialiste proposer de ressusciter un dispositif que Lionel Jospin lui-même avait décidé de supprimer, tout simplement parce qu’il ne marchait pas : le taux variable d’impôt sur les sociétés en fonction du niveau d’investissement.
Il aurait été bien plus simple, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter avec nous la suppression de la taxe professionnelle
Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
En effet, quelles sont les trois grandes gagnantes de la suppression de la taxe professionnelle ?
Ce sont nos industries, nos PME et, plus spécialement, nos entreprises de taille intermédiaire. Autrement dit, ce sont les trois maillons clefs dont notre économie a besoin pour créer des emplois et reconquérir des parts de marché à l’export, afin de sortir renforcée de cette crise.
Oui, cette réforme a amélioré notre compétitivité ! La suppression de la taxe professionnelle constitue sans doute le meilleur investissement que l’État ait réalisé depuis longtemps. Je regrette que vous vous soyez opposés à cette réforme majeure ; je n’ose imaginer que vous l’ayez fait par pure tactique politique.
Je constate également que vous n’avez jamais cessé de vous opposer à la refonte du crédit impôt recherche.
J’y reviendrai.
Pour renforcer notre compétitivité et continuer à simplifier la vie de nos entreprises, nous devons également regarder ce qui se passe ailleurs en Europe et avancer sur le chemin de la convergence.
C’est la raison pour laquelle, sous l’impulsion du Président de la République et de la Chancelière Angela Merkel, nous avons fixé un calendrier précis pour harmoniser les impôts sur les sociétés de la France et de l’Allemagne. Au premier trimestre de 2012, les gouvernements français et allemand feront des propositions précises sur le sujet, afin que ce dispositif soit mis en œuvre sans délai.
La compétitivité passe également par l’innovation. Or, chacun le sait, la France avait pris du retard en la matière : l’État lui-même n’investissait plus assez, et l’effort de recherche et développement de nos entreprises restait très insuffisant.
Avec 9 milliards d’euros en cinq ans pour nos universités et notre recherche, sans compter les 22 milliards d’euros que les investissements d’avenir réservent à l’innovation, la France a fait plus que rattraper son retard. Grâce au crédit impôt recherche, nos entreprises sont elles aussi au rendez-vous.
L’Allemagne n’a pas de crédit impôt recherche, et ses entreprises s’en sortent très bien !
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2007 et 2009, le nombre d’entreprises bénéficiant de ce dispositif a augmenté de 60 %. Qui plus est, 80 % des nouveaux déclarants sont des PME. J’ajoute que l’industrie est le premier secteur – et de loin – à bénéficier du crédit impôt recherche. C’est pourquoi je regrette, madame la rapporteure générale, que vous n’ayez pas eu un mot pour ce dispositif qui dope notre compétitivité.
Notre politique fiscale nous a permis de bâtir une France plus forte, une France qui, sans naïveté mais avec détermination, s’impose dans la mondialisation au lieu de se replier sur elle-même.
Le troisième axe de notre politique fiscale est l’efficacité : nous nous donnons les moyens de modifier les comportements.
Là encore, nos objectifs sont simples : tout d'abord, modifier les habitudes des Français pour les mettre au service du développement durable ; ensuite, agir pour la santé publique.
La fiscalité verte, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est en effet ce gouvernement qui l’a mise en place. Dans la droite ligne du Grenelle de l’environnement, nous avons agi. Je pense par exemple aux dispositifs qui favorisent les économies d’énergie, comme l’éco-prêt à taux zéro ou encore au crédit d’impôt développement durable. Dans quelques jours, vous examinerez la prorogation de ce dernier, dans le cadre du projet de loi de finances ; vous constaterez alors que nous renforçons son efficacité en le concentrant sur les travaux qui ont le plus d’impact sur les économies d’énergie.
La fiscalité comportementale est un domaine nouveau. Peu à peu, nous affinons les dispositifs en tirant les leçons des évaluations et des études. C’est une démarche raisonnée, une démarche exemplaire, qu’illustre notamment le bonus-malus automobile.
J’en suis convaincue, personne ne reviendra jamais sur la fiscalité verte.
Certains affirment que nous avons créé beaucoup de taxes. De fait, nous avons appliqué la fiscalité verte à tous les produits polluants. C'est pourquoi de nombreuses taxes ont été créées dans le cadre de du Grenelle de l'environnement. Je sais que vous ne remettrez pas ces taxes en cause, car personne ne reviendra sur une fiscalité qui améliore les comportements en matière d’environnement et de développement durable.
M. Alain Richard. Il n’est pas encore certain que nous changerons de gouvernement…
Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.
De même, je suis convaincue que personne ne reviendra sur nos décisions en matière de santé publique.
Dans ce domaine, nous voulons passer à une politique préventive. Je pense non seulement à la hausse continue des prix du tabac, que nous avons mise en œuvre depuis 2004, mais aussi aux augmentations des impositions sur l’alcool et à la taxe sur les boissons contenant des sucres ajoutés, dont vous débattrez bientôt.
C’est ce gouvernement qui aura été le premier à donner des signes très forts de sa détermination à lutter contre l’obésité, qui est devenue, vous le savez, l’un des premiers fléaux en matière de santé publique dans notre pays.
La prévention, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, c’est l’avenir de nos politiques de santé et la condition de la réduction de nos déficits sociaux. C’est pourquoi la fiscalité comportementale est appelée à se développer tout au long des années qui viennent. J’aimerais déjà être en 2015 ou en 2016 pour voir quelle sera l’évolution de notre fiscalité en la matière.
Monsieur Richard, ne prenez pas vos désirs pour des réalités. Prêtez plutôt attention à la cohérence de notre politique fiscale.
Nous avons semé une graine, et nous allons la faire fleurir. La voie fiscale des cinq prochaines années s’inscrira dans la lignée de cette fiscalité comportementale que vous critiquez abondamment, mais à tort, car c’est la voie de l’avenir. Vous devriez donc m’écouter davantage, plutôt que de rester dans votre bulle, persuadé que, puisque vous avez remporté les élections sénatoriales, vous avez déjà gagné l’élection présidentielle. Attendez un peu !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Les maîtres mots de notre politique fiscale sont l’équité, la compétitivité et l’efficacité. Oui, le Gouvernement fait des choix, des choix raisonnés et mûrement pesés ! Il les assume pleinement.
Notre politique fiscale est le reflet de nos valeurs ; elle est également le reflet de nos convictions économiques. En la matière, s’engager dans une augmentation générale des impôts serait – je le répète avec force – une faute historique. Aucun pays européen n’a fait ce choix. Si elle le faisait, la France s’isolerait une fois encore, en s’engageant dans une voie sans issue : celle de la divergence européenne, celle du « grand soir fiscal » évoqué au cours des primaires socialistes, qui reste terriblement nébuleux. Je souhaite d'ailleurs qu’il le reste encore très longtemps, monsieur Richard !
Mme la rapporteure générale elle-même n’est pas parvenue à préciser les contours de ce « grand soir fiscal » : vous nous parlez, madame Bricq, d’un impôt unique, mais vous ne nous donnez pas le moindre détail ; cela intéresserait pourtant les Français…
Vous nous parlez de milliards d’euros de suppression de niches, en reprenant le constat de l’Inspection générale des finances, mais vous ne vous donnez pas votre avis sur chacune de ces niches.
En vérité, le flou le plus total règne. La seule chose qui soit claire, c’est que votre programme comportera une augmentation des impôts à hauteur de 50 milliards d’euros. C’est une erreur, car le seul chemin de désendettement qui soit à la fois réaliste et juste – j’y insiste, au risque de me répéter – passe d’abord, et avant tout, par une baisse des dépenses. C’est le cœur de la stratégie du Gouvernement, qui continuera dans cette voie pour garantir le respect de nos engagements. Dans l’intérêt du pays, je souhaiterais que la Haute Assemblée rejoigne ce chemin.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la ministre, vous avez opportunément rappelé la singularité de ce débat sur les prélèvements obligatoires, dont la tenue est prévue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. Reste qu’il n’a lieu qu’au Sénat, car le calendrier imposé à nos collègues de l’Assemblée nationale les empêche de pouvoir l’organiser.
Ma première réflexion consiste à me demander si ce débat demeure pertinent. En effet, l’évolution de la gouvernance de nos finances publiques depuis l’adoption de la LOLF, en 2001, a montré que l’objectif recherché par ses auteurs – obtenir une vision consolidée des prélèvements obligatoires avant la discussion des deux lois financières – a été atteint par d’autres moyens.
De fait, cette approche consolidée a gagné du terrain : nous adoptons des lois de programmation des finances publiques qui fixent des objectifs consolidés en matière de prélèvements obligatoires ; nous votons chaque année sur le programme de stabilité, qui couvre les finances publiques dans leur ensemble – recettes et dépenses –, sans tenir compte de la segmentation entre les deux lois financières.
Ce constat étant fait, on pourrait considérer que ce débat n’est plus nécessaire, sauf lorsque le contexte politique justifie sa tenue. Or tel est précisément le cas cette année. En cette fin de quinquennat, j’ai fait un bilan de la politique menée par le Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires, dans le cadre du rapport sur les prélèvements obligatoires que j’ai commis au nom de la commission des finances. Certains s’en sont étonnés, mais j’estime normal, voire d’une évidente nécessité, à la veille d’une année au cours de laquelle seront tranchées les options qui engageront la France pour cinq ans, de faire le point sur les résultats obtenus par l’équipe sortante.
Je n’ai de surcroît pas innové. En 2006, le rapport sur les prélèvements obligatoires présenté par le Gouvernement de Dominique de Villepin comportait un bilan détaillé de la politique conduite entre 2002 et 2007.
Cela n’est pas le cas cette année. On peut penser, et je le pense, qu’un tel « oubli » n’est pas fortuit tant les choix fiscaux du quinquennat ont été nuisibles et incohérents dans la durée.
Mes appréciations sur les différents volets de la politique de prélèvements obligatoires, et plus particulièrement de la politique fiscale, sont sévères, sévérité que je revendique.
J’ai du reste intitulé mon rapport Prélèvements obligatoires 2007-2012 : un quinquennat d’incohérences et d’injustices.
De quelque côté que l’on se tourne, quel que soit le pan de la politique fiscale que l’on analyse, on est en effet saisi par l’incohérence et la partialité des choix.
Nous aurons le temps d’y revenir dans le détail dans les semaines qui viennent en examinant les amendements destinés à corriger les principales erreurs commises ces dernières années, dans l’attente d’une alternance qui permettra de remettre globalement notre système fiscal sur de bons rails.
Cependant, je ne peux tout de même pas ne pas mentionner les réformes successives de la fiscalité du patrimoine, dans le sens tantôt d’un allégement, tantôt d’un alourdissement, sauf pour une catégorie bien déterminée de Français, les plus riches, qui, eux, sont toujours gagnants, que le mouvement soit à la baisse ou à la hausse ! Tout cela est non seulement injuste, mais aussi illisible.
Je dois aussi mentionner la fiscalité des entreprises et revenir sur la réforme de la taxe professionnelle.
Vous avez allégé de près de 5 milliards d’euros les charges qui pèsent sur les entreprises, dégradant d’autant le déficit structurel, cette réforme ayant été financée par l’emprunt. Ce faisant, vous avez provoqué un désordre sans précédent dans les finances locales et même, comme nous l’avons observé la semaine dernière en examinant en commission une enquête de la Cour des comptes, perturbé sensiblement la reforme de votre administration.
Or les entreprises avaient-elles besoin de ce dispositif ? On peut en douter si l’on fait la liste des mesures qui, depuis lors, ont accru les prélèvements qui pèsent sur elles, liste qui n’est d’ailleurs pas close puisqu’une surtaxe de l’impôt sur les sociétés est annoncée dans un projet de loi de finances rectificative ! Allez comprendre : après avoir allégé cet impôt de 5 milliards d’euros, on le surtaxe en fin de quinquennat… Incohérence, une fois encore !
Quoi qu’il en soit, on attend toujours l’étude économique sur les effets de la réforme de la taxe professionnelle sur la compétitivité, la croissance et l’emploi, puisque c’est au nom de ces trois facteurs que Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi nous avait à l’époque présenté cette réforme comme nécessaire. On doute cependant que le bilan soit positif.
Vous avez parlé, madame la ministre, du crédit impôt recherche, dispositif pour lequel la période d’évaluation est, nous dit-on, de cinq ans. J’ai cependant observé, dans le cadre du travail de convergence fiscale avec l’Allemagne, que ce pays ne disposait pas d’un tel crédit d’impôt mais qu’il était très supérieur au nôtre en termes de compétitivité et de parts de marché. Les chiffres de notre commerce extérieur et nos pertes de parts de marché depuis, il faut bien le constater, une dizaine d’années me conduisent d’ailleurs à m’interroger sur la pertinence de nos dispositifs fiscaux.
Je m’arrête là et vous renvoie, mes chers collègues, au rapport de la commission pour ce qui est d’autres graves erreurs, qu’il s’agisse de la fiscalité écologique, que le Gouvernement a « plombé » dans l’opinion avec la calamiteuse taxe carbone, du régime des heures supplémentaires, contre-productif en période de chômage intensif et, hélas ! toujours croissant, ou encore des réformes allant dans le mauvais sens de la fiscalité immobilière.
Je veux maintenant aborder la contribution des prélèvements obligatoires à la trajectoire de nos finances publiques, ce qui est l’objet de ce débat.
Il ressort de l’analyse des programmations successives que le Gouvernement n’a, pendant trop longtemps, ni compris la nature ni perçu la profondeur de la crise de 2008 et qu’il a entretenu, jusqu’à tout récemment – y compris dans le programme de stabilité qu’il a transmis à la Commission en avril 2011 –, l’espoir de terminer la législature sans faire remonter le taux de prélèvements obligatoires au-dessus de son niveau de 2007. De ce point de vue, la programmation associée au projet de loi de finances pour 2012 marque une rupture puisqu’elle prévoit que notre pays battra son record en matière de taux de prélèvements obligatoires à partir de 2013, à 45 % et plus.
À ce sujet, je me souviens du débat de 1999, auquel j’ai participé dans une autre assemblée, entre majorité et opposition d’alors ; je note qu’il vous est de plus en plus difficile, madame la ministre, de nous accuser d’incarner les augmentations de prélèvements obligatoires puisque vous les avez vous-mêmes augmentés. Je me souviens aussi que, en début de quinquennat, le Président de la République s’était engagé à les diminuer de quatre points.
Votre refus de vous rendre à l’évidence constitue la raison principale de l’éparpillement et de l’incohérence de votre politique fiscale. Le Gouvernement augmente les impôts à reculons, mais il ne peut pas inscrire les mesures qu’il propose dans la cohérence, les privant ainsi de lisibilité pour les agents économiques : les ménages, qui épargnent au lieu de consommer, les entreprises, qui hésitent à investir, les collectivités locales, qui freinent leurs projets, leur taux d’investissement étant ainsi passé, je le rappelle, de 71 % à 63 %.
Pourtant, la hausse des prélèvements obligatoires que vous avez opérée est une évidence mathématique dès lors que l’on s’inscrit dans une trajectoire de réduction du déficit et, pour peu que l’on reconnaisse que la dynamique de la dépense publique dans notre pays est forte, on doit assumer, et non pas subir, les hausses de prélèvements pour les répartir – c’est une différence entre nous – de manière juste socialement et pertinente économiquement. Un exemple particulièrement éclairant du déni qui caractérise l’attitude du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires est fourni par ce qu’il est convenu d’appeler les « niches » fiscales et sociales.
On peut être d’accord, et je crois que nous le sommes tous, sur le fait que la réduction du poids des dispositifs dérogatoires est une nécessité ; notre désaccord, légitime en démocratie, porte sur les choix de réductions, madame la ministre. Au reste, il est paradoxal que le Gouvernement choisisse de réduire, de préférence, des niches jugées efficaces dans le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, rapport dont la commission des finances a disposé peut-être tardivement mais qu’elle a néanmoins eu le temps d’examiner dans le détail.
Encore plus grave à nos yeux est la perte de crédibilité de la parole publique que produit le discours du Gouvernement sur les niches fiscales.
D’une part, le Gouvernement considère que les réductions de niches n’ont pas les mêmes effets économiques que les hausses faciales des barèmes. C’est absurde : toutes les hausses de prélèvements obligatoires, niches ou non, ont un impact sur la croissance économique.
D’autre part, le Gouvernement communique sur le fait qu’il réduit les niches plutôt que de procéder à des augmentations généralisées de la fiscalité. Ce n’est pas vrai ! Parmi toutes les mesures soumises au Parlement en 2010 et 2011, il apparaît que plus de 40 % portent sur des dispositifs non dérogatoires, donc généraux, et moins de 30 % sur des niches au sens strict.
Si le Gouvernement communique sur les niches, c’est aussi pour s’abstenir de remettre en cause plus profondément la structure de nos « grands » impôts, à commencer par l’impôt sur les sociétés, qui est tellement « mité » que ses « modalités de calcul » coûtent presque autant que ce qu’il rapporte, soit près de 40 milliards d’euros !
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, ce débat sur les prélèvements obligatoires est très utile, car il éclaire l’avenir. Le bilan des cinq dernières années auquel j’ai procédé dans un rapport écrit l’est également, car c’est le précipité de tout ce qu’il ne faut pas faire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires est le coup d’envoi de la session budgétaire ; à la vérité, c’est le seul débat qui nous offre une vision consolidée du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Notre nouvelle rapporteure générale est bien dans son rôle lorsqu’elle s’efforce de dresser un bilan de la politique en matière de prélèvements obligatoires du quinquennat qui va s’achever. La critique est facile, madame la rapporteure générale ! Soyez cependant assurée que nous serons très attentifs aux propositions…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Attentifs et impatients !
Souriressur les travées du groupe socialiste-EELV.
… que vous ne manquerez certainement pas d’exprimer dans les jours et les semaines qui viennent…
… et que nous serons – avec une correction totale – tout aussi exigeants à votre égard que vous l’êtes aujourd'hui vis-à-vis du Gouvernement.
Peut-être aussi avez-vous tendance à considérer ce quinquennat comme une seule et même période, alors qu’il se divise en trois temps : avant la crise, pendant la crise de 2008-2009, durant la période que nous espérons être la sortie de crise.
Vous savez fort bien que ce sont, dans une large mesure, les circonstances internationales qui ont conduit à remettre en cause les politiques publiques en cours de mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les prélèvements obligatoires !
Ce n’est pas ce que disait Mme la ministre !
Madame la rapporteure générale, j’ai lu avec grand intérêt votre rapport. J’y ai même trouvé des passages stimulants, en particulier les critiques que vous portez sur les régimes d’aide à l’investissement immobilier, car il m’a semblé à vous lire que vous n’étiez, en votre fors intérieur, peut-être pas très loin de partager la vision libérale selon laquelle la fiscalité ne devrait pas trop interférer avec le fonctionnement normal du marché. C’est en tout cas plutôt de cette façon que j’ai interprété le scepticisme que vous exprimez à propos des mesures d’aide fiscale à l’investissement immobilier.
Au moins pourrait-on reconnaître que ces dispositifs n’ont pas été complètement hors de propos dans la période de récession que nous avons connue au tournant des années 2008 et 2009…
Sans doute faudra-il aussi cependant, sur un autre plan et le moment venu, que nous nous livrions ensemble, mes chers collègues, à l’analyse du rapport coût-efficacité de la suppression de la taxe professionnelle, …
… car, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, cela reste, aujourd'hui encore, reconnaissons-le, un sujet de perplexité.
Je souhaite articuler cette brève intervention autour de trois remarques.
Tout d’abord, il me semble qu’il ne faut pas en rester à une polémique inutile et stérile sur le taux des prélèvements obligatoires.
Nous devrions être à 44, 5 % en 2012, voire à 45 % en 2013 selon Mme Bricq, contre 44 % en 2007.
Peut-être devrions-nous nous souvenir du débat que nous avons eu à la charnière des années 2008 et 2009 : nous étions descendus, chère collègue rapporteure générale, à un taux de 42 %, jamais connu depuis les années quatre-vingt.
rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il se félicite tout seul !
Or cette baisse du taux de prélèvements obligatoires était simplement liée à l’effondrement de certaines ressources fiscales, l’impôt sur les sociétés notamment. Nous pensions même que nous allions nous situer à un niveau de 40 %.
Convenons que le taux de prélèvement obligatoire rapporté au PIB est un outil ambigu, imparfait, auquel on se réfère faute de mieux, mais dont l’interprétation ne peut pas être la même à chaque instant du cycle économique.
Ce n’est pas polémiquer que de souligner cette autre ambiguïté majeure consistant, pour la nouvelle majorité sénatoriale, par votre voix, madame la rapporteure générale, à reprocher au Gouvernement d’avoir maintenu un niveau élevé de prélèvements obligatoires, …
… tout en plaidant pour une augmentation significative des mêmes prélèvements obligatoires.
Que vous le vouliez ou non, il faudra bien que vous expliquiez cette contradiction qui me semble forte.
Ensuite, ma réflexion portera sur la méthode appliquée aux niches fiscales ou à la dépense fiscale.
Pour préserver la compétitivité de la France dans un contexte d’ouverture et d’interdépendance de nos économies, et ce dans la conjoncture incertaine, voire imprévisible que nous connaissons, le Gouvernement a pris la décision – sage, de mon point de vue – d’éviter d'agir par un relèvement général des impôts ou même par le relèvement de certains d'entre eux.
À mon sens, il a eu raison de préférer prélever – c’est, je suppose, madame la ministre, ce que vous allez nous proposer prochainement – un supplément temporaire de ressources sur les plus fortes capacités contributives, qu'il s'agisse de personnes physiques, de foyers fiscaux ou d’entreprises. C'est également à juste titre qu’il nous invitera à une politique de réduction importante des niches fiscales. Lesquelles ? Où ? À quel moment ?
Madame la rapporteure générale, vous vous référez à une approche intelligente, celle du rapport Guillaume, qui a entrepris une sorte de cotation des régimes par degré d’efficacité. La commission Guillaume, c'est un peu l'agence de notation de la dépense fiscale. Toutefois, mes chers collègues, aussi sérieuse soit-elle, cette démarche demeure une simple évaluation administrative, …
Toutefois, cette démarche issue du rapport Guillaume ne peut déboucher que sur des mesures ciblées qui, à mon avis, dans la période actuelle, sont autant de pièges, comme on l’a très bien vu lors de la discussion du collectif budgétaire de printemps ; je pense par exemple à l'idée d'une TVA majorée sur les entrées dans les parcs à thème. On comprend bien qu’un rapporteur général qui s'inscrit dans l'opposition au Gouvernement est tout à fait dans son rôle en souhaitant que celui-ci tombe dans de tels pièges.
En période de crise, les mesures ciblées se heurtent nécessairement à des oppositions catégorielles ou corporatives exprimées par les lobbies et les groupes d’intérêt.
Or, dans le même temps, il est encore plus urgent que dans une période ordinaire d’agir et de « faire rentrer l’argent ».
La seule façon de le faire et de contourner la difficulté, c’est le recours à une mesure arithmétique simple, le « rabot large » appliqué à une assiette étendue. Cette méthode est seule susceptible de garantir un rendement élevé et rapide, tout en étant équitable et acceptable politiquement, dès lors que l’effort exigé par la situation actuelle des finances publiques et par l'état de troubles que nous connaissons dans le monde financier international et dans la zone euro est le plus largement partagé possible.
Les évaluations conduites cette année par la commission des finances révèlent qu’il est possible, en recourant à ce procédé, de majorer les rentrées d’impôt sur le revenu et de TVA de plusieurs milliards d’euros.
L'un des exemples qui vient le plus spontanément à l'esprit est bien celui de certains secteurs d'activité qui bénéficient aujourd'hui d’une TVA à taux réduit de 5, 5 % …
… et qui pourraient fort bien, sans modifier de manière sensible le comportement des agents économiques, supporter une TVA à 7 %. C’est ce que je proposais ici même l'an dernier. Cela représenterait simplement une réduction de 10 % de l’avantage dont bénéficient le secteur du BTP et celui de l'hôtellerie-restauration.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’essentiel réside dans le respect de notre trajectoire de convergence des finances publiques et que l’action publique doit aussi passer au moins autant par la réduction des dépenses que par les dépenses fiscales.
Certes, je quitte là très brièvement le débat sur les prélèvements obligatoires stricto sensu pour évoquer les sujets que nous examinerons lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 et sur lesquels nous avons commencé à nous pencher en commission des finances, mais je tiens à souligner que la réflexion menée sur l’évolution des finances publiques a trop longtemps privilégié la définition de nouvelles recettes.
Il faut donc se féliciter, madame le ministre, que le Gouvernement auquel vous appartenez ait eu le courage d’agir déjà sur les dépenses publiques. Cela s'inscrit dans une contrainte annuelle d'augmentation limitée à 0, 6 % dans le cadre de la loi de programmation triennale des finances publiques, alors que l'augmentation annuelle moyenne sur les dix années précédentes était de 2, 4 %. À ce sujet, il convient de rappeler que l’objectif de déficit de 3 % du PIB en 2013 repose sur une réduction sans précédent du rythme d’évolution des dépenses. Ce courage doit être d’autant plus souligné que nous sommes à la veille d’échéances électorales essentielles.
En ce qui concerne la méthode et à titre de conclusion, …
Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur Fortassin, mes collègues du groupe UMP ont accepté que je profite un peu du temps de parole qui leur est accordé.
Marques d’approbation sur les travées de l’
Je souhaite exprimer des doutes sur notre capacité collective à cibler telle ou telle catégorie de dépense. Si l’on souhaite « tailler dans le vif » et désigner les charges qu’il convient de diminuer, sans doute faut-il procéder dans la période actuelle de la même manière dans le domaine budgétaire et dans le domaine fiscal. De même que le rabot fiscal doit être réglé au plus large, la toise budgétaire doit être la plus uniforme possible. Les efforts à accomplir susciteront d’autant moins de contestations qu’ils seront partagés par le plus grand nombre.
Certes, le chemin qui va nous être proposé pour les prochaines semaines sera ardu et nous aurons à nous adapter aux circonstances. J’espère que ce débat sur les prélèvements obligatoires nous guidera, compte tenu tant des éléments d'ordre de grandeur que de la vision consolidée des enjeux qu’il doit nous apporter.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. le président. Mes chers collègues, je tiens à préciser que le dépassement du temps de parole réservé à M. le président de la commission des finances sera décompté du temps de parole global accordé au groupe UMP.
Murmures sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons le débat sur les prélèvements obligatoires dans des circonstances bien différentes de celles de l’an dernier. La brutale aggravation du contexte économique depuis quelques semaines, avec la hausse du chômage et la crise des dettes européennes, nous contraint plus que jamais à avoir un discours sans langue de bois, sérieux et responsable.
Nous sommes également à la veille d’échéances électorales majeures pour notre pays et nous devrons présenter à nos concitoyens un bilan complet, une analyse détaillée et sincère de la politique menée depuis dix ans.
Le regard permanent des marchés nous interdit d’ailleurs de travestir la réalité. Celle-ci est malheureusement sombre. La situation de nos comptes publics, et singulièrement de nos comptes sociaux, est arrivée au bout d’une logique. Nous ne pouvons plus procrastiner. Le Gouvernement a gravement failli en laissant filer les déficits et en refusant de prendre les décisions qui pourtant s’imposaient et sont aujourd’hui plus nécessaires encore pour un retour rapide à l’équilibre des comptes sociaux.
Vous le savez bien, ces prélèvements sociaux ne permettent pas, et depuis trop longtemps, de couvrir les dépenses de sécurité sociale. Le ratio de couverture des dépenses par les recettes qui était, pour le régime général, de 96, 6 % en 2008 – nous le jugions déjà très faible – est passé à 92, 3 % en 2010. Il remonte en 2012 mais dépassera à peine 95 %. Vous le voyez, nous sommes très loin du principe, inscrit dans le code de la sécurité sociale, de l’équilibre de chacune des branches de la sécurité sociale !
Cette persistance de déficits à un niveau très élevé a conduit la Cour des comptes à analyser en détail leur nature et à chercher à en distinguer la part conjoncturelle et la part structurelle. D’après ses estimations, plus des deux tiers du déficit du régime général en 2010 ont un caractère structurel, essentiellement dû à une insuffisance de recettes. Avant la crise, la Cour des comptes avait évalué le niveau du déficit structurel de la sécurité sociale à environ 10 milliards d’euros, précisément celui qui est enregistré chaque année depuis 2004. On ne peut s’empêcher de penser que la situation aurait été bien différente si la sécurité sociale avait abordé la crise avec des comptes équilibrés...
Malheureusement, pour l’avenir, la distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel présentera peu d’intérêt. En effet, même en retenant l’hypothèse d’une croissance forte et régulière assortie d’une bonne maîtrise des dépenses de santé, le déficit annuel du régime général restera fixé aux alentours de 10 milliards d’euros jusqu’en 2014, comme le montre la prévision pluriannuelle de l’annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, bâtie, cette année encore, sur des hypothèses extrêmement volontaristes, à savoir une croissance annuelle de 2 % pour le PIB et de 4 % pour la masse salariale à partir de 2013.
Seules des mesures nouvelles significatives pourront donc permettre une réduction du déficit, le retour de la croissance étant tout juste suffisant pour stabiliser le solde actuel, contrairement à ce que nous a longtemps dit le Gouvernement.
Récemment, toutefois, vous semblez avoir un peu changé d’optique, peut-être sous la regrettable pression des marchés. Cela se manifeste par l’augmentation du taux des prélèvements obligatoires prévue pour 2011 et 2012. Cette hausse n’est en effet possible que grâce à l’adoption de mesures nouvelles. Mais, malgré tout, comme le montre également l’annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou les perspectives de la loi de programmation votée l’année dernière, nous sommes encore très loin de l’équilibre.
Une question, terrible, se pose alors : le Gouvernement aurait-il abandonné tout objectif de retour à l’équilibre des comptes sociaux ? Nous le craignons et le déplorons.
Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport du mois de septembre, cette situation de déficit perpétuel des comptes sociaux est une véritable exception française. Aucun autre pays européen ne laisse filer ses déficits de la protection sociale au-delà des inévitables ajustements conjoncturels. En Allemagne, par exemple, il est même interdit aux caisses d’assurance maladie d’être en déséquilibre.
Pour quelle raison n’avons-nous pas compris – je ne peux m’empêcher de viser là, en premier lieu, le Gouvernement actuel – qu’il est totalement irresponsable de financer à crédit des dépenses courantes ? Est-il moralement admissible de prévoir d’imposer à nos enfants et à nos petits-enfants de payer nos dépenses de santé en plus des leurs ?
Bien sûr, les comparaisons internationales et même simplement européennes doivent être utilisées avec précaution, car tout dépend aussi de l’organisation de nos systèmes respectifs. Mais la Cour des comptes, qui s’est penchée avec discernement sur la question, considère que nous sommes réellement les seuls à enregistrer de manière constante de tels niveaux de déficits sociaux.
Aussi, face à la situation actuelle, je suis animé par deux certitudes : la première est que notre système de protection sociale est, cette fois-ci, réellement menacé du fait de l’ampleur des déficits atteints; la seconde est que nous devons cesser de reporter nos difficultés d’aujourd’hui sur les générations futures en creusant encore la dette.
Cela signifie que tous nos efforts et notre réflexion doivent désormais porter sur la manière de réduire les déficits des années à venir. Autrement dit : comment financer le maintien d’un haut niveau de protection sociale pour nos concitoyens, tout en tenant compte, bien sûr, du montant déjà élevé de nos prélèvements obligatoires et des contraintes de compétitivité d’une économie ouverte ?
La maîtrise des dépenses est évidemment essentielle – je le dis à nos collègues de l’opposition, ici, au Sénat –, dès lors qu’elle est juste et mise en œuvre dans un vrai souci d’efficience, mais ce n’est pas notre sujet de débat aujourd’hui.
La définition d’un niveau de recettes suffisant pour assurer une bonne couverture sociale est en effet la priorité. Je constate d’ailleurs qu’aucun observateur, aucune institution, aucun expert avisé n’exclut, en la matière, une hausse des prélèvements pour faire face aux dépenses supplémentaires, liées notamment au vieillissement de la population. La Cour des comptes elle-même – et on ne peut la suspecter de laxisme – ne cesse de rappeler, rapport après rapport, cette nécessité. Philippe Séguin, d’abord, puis Didier Migaud l’ont vigoureusement affirmé plusieurs fois devant notre commission.
Cette dernière proposera d’ailleurs, la semaine prochaine, des mesures concrètes lors de l’examen du PLFSS pour 2012. Mais il est d’ores et déjà possible de définir les grandes pistes qu’elle retient. Elles s’orientent autour de trois axes : en premier lieu, la révision des mesures coûteuses et sans fondement, au premier rang desquelles je place les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, votées dans le cadre de la loi TEPA d’août 2007, qui représentent un coût de 3, 5 milliards d’euros pour la sécurité sociale §; en second lieu, l’amplification de la réduction des niches sociales, qui constitue un levier prioritaire pour le relèvement des finances publiques, au travers notamment de la hausse du forfait social, de l’accroissement des contributions sociales sur les retraites chapeaux, les stock-options ou les parachutes dorés ; …
… en troisième lieu, la mobilisation de nouvelles ressources, en organisant, par exemple, un meilleur ciblage des allégements généraux de charges sociales, dont le coût total est supérieur à 20 milliards d’euros.
Avant de terminer mon propos, je voudrais insister sur la dette sociale, qui, vous le savez, atteindra 141 milliards d’euros à la fin de l’année. Elle résulte, pour sa majeure partie, de l’accumulation des déficits sans précédent des dix dernières années. Le gouvernement actuel en porte bien l’entière responsabilité, puisqu’elle a plus que doublé depuis 2007.
Afin d’en permettre le remboursement, 15 milliards de prélèvements sont affectés à la CADES pour couvrir à la fois la charge d’intérêt et l’amortissement de cette dette. Est-il satisfaisant de devoir se priver aujourd’hui de ces ressources pour corriger les défaillances du passé ? Nous nous privons là d’une réelle marge de manœuvre qui contraindra tous les gouvernements jusqu’en 2025 !
Si nous avions augmenté la CRDS, recette en principe exclusivement affectée au remboursement de la dette sociale – comme l’a d’ailleurs toujours souhaité notre commission, y compris dans sa précédente configuration – au lieu de ponctionner les différentes branches, nous disposerions aujourd’hui de 9 milliards d’euros de ressources supplémentaires pour les différentes branches de la sécurité sociale. Cette somme correspond à la part de CSG prélevée sur le FSV – le fonds de solidarité vieillesse – et la branche famille et à la part du prélèvement social sur les revenus du capital antérieurement affectée au Fonds de réserve pour les retraites.
En conclusion, mes chers collègues, dans ce contexte très préoccupant pour les finances publiques et sociales de notre pays, notre commission a choisi de vous livrer deux messages, simples mais essentiels.
À l’évidence, nous ne pouvons plus continuer dans la voie tracée depuis dix ans : nous devons nous interdire de transférer des prélèvements sociaux aux générations futures, par le maintien de déficits structurels élevés et par le biais d’une gestion différée de la dette ; le retour à l’équilibre est une priorité.
Et, pour ce faire, nous devons sans tarder mobiliser les prélèvements nécessaires, en exploitant toutes les marges de manœuvre encore disponibles – il y en a ! – afin de préserver un modèle de protection sociale auquel nous sommes tous attachés et qui ne pourra survivre qu’avec une volonté très affirmée de mettre en place les recettes nécessaires à la couverture de besoins maîtrisés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yves Daudigny, vient de dresser un tableau grave et même alarmant de nos finances sociales. Mme la rapporteure générale de la commission des finances l’avait également évoqué auparavant.
Notre sécurité sociale connait en effet les plus grandes difficultés ; notre système même de protection sociale est aujourd’hui menacé.
Tel est le résultat de la politique budgétaire, fiscale, sociale inefficace menée depuis des années. C’est la conséquence du refus systématique du Gouvernement de trouver des recettes pour assurer un meilleur équilibre financier de notre protection sociale et de l’inertie opposée devant les préconisations de tant d’experts, de tant de rapports, notamment de la Cour des comptes, pour une mobilisation plus active des niches sociales et fiscales.
Nous avons toutes et tous en mémoire, à la commission des affaires sociales – Yves Daudigny le rappelait à l’instant – les propos tellement clairs de Philippe Séguin sur le sujet. Didier Migaud ne dit pas autre chose, aujourd’hui, quand il déclare qu’il est urgent de recourir à ces assiettes largement exemptées de contributions sociales.
Nous le savons, les recettes existent. Nous sommes nombreux à l’affirmer et mon groupe ne fait pas exception.
Je pense à cet instant aux nombreuses interventions de Guy Fischer pour dénoncer le tabou des niches sociales et fiscales. Pourquoi, madame la ministre, est-il si difficile de les mobiliser ?
Votre gouvernement a préféré faire le choix de la maîtrise de la dépense publique, une « maîtrise ambitieuse », proclamez-vous même ! Or nous assistons plutôt à la réduction, parfois même l’amputation, de la dépense publique.
En matière de protection sociale, cette politique a des conséquences immédiates pour un grand nombre de nos concitoyens qui doivent subir sacrifices et injustices. Vous avez même, dans le cadre du PLFSS, que nous examinerons la semaine prochaine, fait des choix profondément injustes, par exemple en décidant l’assujettissement à la CSG du complément de libre choix – disposition heureusement supprimée par les députés –, puis en prévoyant le report de trois mois de la revalorisation des allocations familiales.
Madame la ministre, vous vous attaquez ainsi directement aux ménages les plus modestes, aux foyers avec de jeunes enfants. N’y a-t-il vraiment aucune autre « cible » à mettre à contribution ?
L’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « Une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés. »
Il s’agit d’un principe fondamental, auquel la commission adhère, mais que vous semblez avoir oublié ces dernières années. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis, mais le Conseil des prélèvements obligatoires en faisant référence, dans son rapport de mai 2011, à une enquête de l’INSEE qui indique que, depuis 2004, le niveau de vie des plus modestes a cessé d’augmenter plus rapidement que celui des niveaux intermédiaires, tandis que celui des plus aisés continuait de progresser, essentiellement en raison de l’augmentation rapide des revenus du patrimoine.
Les revenus du patrimoine : voilà une piste facile à exploiter ! D’ailleurs, le dernier collectif budgétaire a augmenté les prélèvements sociaux qui les affectent, mais de 1, 2 point seulement !
N’était-il vraiment pas possible d’aller plus loin ? Pourquoi ne pas envisager que ces prélèvements sur les revenus du capital alimentent davantage le budget de l’État ?
Peut-être pourrez-vous nous expliquer, madame la ministre, pourquoi, dans le contexte actuel si tendu des finances publiques, le Gouvernement se prive d’une telle marge de manœuvre ?
Permettez-moi de faire une autre citation tirée du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires : « Globalement, le taux d’effort moyen des ménages a augmenté de 4, 3 points entre 1990 et 2009 […] Ce taux d’effort n’a pas augmenté de façon identique pour toutes les catégories de ménages. »
Dans le secteur social, c’est évident ! Avec l’addition, dans le domaine de la santé, des franchises, des dépassements d’honoraires ou encore de la hausse du coût des mutuelles, force est de constater que les efforts ne sont pas répartis équitablement. Ces ponctions sur les ménages ne sont pas du tout effectuées en proportion de leurs revenus.
Le débat de ce soir nous aura permis de faire le constat – Mme la rapporteure générale de la commission des finances l’évoquait également dans sa conclusion – qu’il est donc urgent de changer l’orientation de notre politique de prélèvements obligatoires. La commission des affaires sociales, dans sa nouvelle configuration, en a pleinement conscience.
Mes chers collègues, comme l’a annoncé Yves Daudigny, nous nous emploierons à faire des propositions audacieuses et constructives à l’occasion du débat sur le PLFSS. Il nous faut en effet mettre un terme à l’incroyable accumulation de déficits que nous connaissons aujourd’hui. Nous aurons surtout à cœur de répartir équitablement les efforts entre l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelques chiffres désastreux doivent nous faire prendre conscience de l’urgence d’une réforme de nos prélèvements obligatoires : un déficit budgétaire de98 milliards d’euros ; 10 points d’écart entre une dépense publique démesurée – 54 % du PIB – et des prélèvements obligatoires parmi les plus hauts de l’Union européenne – 44, 2 % du PIB ; 75 milliards de déficit commercial, interne à l’Union européenne pour 60 %.
Votre tâche est ardue, madame la ministre, car avec une croissance modeste de 1 %, vous devez trouver 10 milliards d’euros sur le budget pour 2012. Il serait, me semble-t-il, prudent de considérer une hypothèse de croissance encore plus faible, et donc des recettes moins importantes. S’il y a un surplus par rapport aux prévisions, il devra être consacré à réduire le déficit.
Votre tâche devient schizophrénique dès lors que l’on compare nos impôts à ceux de nos partenaires et concurrents européens. Les nôtres devraient être baissés dans le cadre d’une harmonisation fiscale, mais le niveau de notre déficit budgétaire en rend, hélas ! l’augmentation inévitable.
J’y ajouterai une réduction urgente et indispensable de la dépense publique, qui excède de 162 milliards d’euros celle de l’Allemagne.
Comment entendre Alphonse Allais en demandant plus à l’impôt et moins au contribuable ?
Les classes moyennes sont surtaxées. Il n’est pas souhaitable de s’acharner encore plus sur elles.
Inspirons-nous du justicier Robin des Bois : après avoir, enfin, abrogé le bouclier fiscal, créons une cinquième tranche imposant les détenteurs des plus hauts revenus. Ce serait justice que ceux-ci participent proportionnellement à leurs revenus à l’indispensable effort fiscal national. Une fiscalisation des contrats dérivés à 0, 01 % et des actions-obligations à 0, 1 % pourrait rapporter 8 milliards d’euros. Il serait normal, car équitable, de taxer les stock-options et les parachutes dorés au niveau des revenus.
Pour éviter un exode fiscal improbable, pourquoi ne pas prendre exemple sur les États-Unis, qui imposent leurs citoyens en fonction de leur appartenance à la collectivité nationale et non selon leur résidence ?
Les niches fiscales représentent une dépense fiscale approchant les 65 milliards d’euros, sur lesquels nous pourrions prélever 10 %.
Je n’entrerai pas dans le détail : la baisse de la TVA dans la restauration, la loi Scellier, le PTZ, entre autres, s’ajoutent à toutes ces niches dont l’incidence positive est estimée comme nulle part Henri Guillaume, inspecteur des finances, dans un rapport publié pour la Cour des comptes, déjà cité par le président de la commission des finances, Philippe Marini.
L’alternative est la suivante : soit une réduction des niches selon les critères retenus par Henri Guillaume, ce qui provoquera un gigantesque lobbying, une pluie d’amendements, et tout cela nécessiterait beaucoup de temps alors qu’il y a urgence ; soit un coup de rabot uniforme, sans aucune modulation.
Soyons pratiques et recherchons l’efficacité : écoutons Saint-Just, qui affirmait que « nul ne saurait gouverner sans laconisme », car il avait parfois raison.
Notre déficit commercial se monte à 75 milliards d’euros. Il trouve son origine, pour près des deux tiers, au sein de l’Union européenne, ce qui souligne bien l’absence de compétitivité de nos entreprises. C’est pourquoi il nous est absolument impossible d’aggraver leur fiscalité.
J’insiste sur cette compétitivité : sa faiblesse n’est pas due à une mauvaise gouvernance ni à une productivité déficiente, car notre main-d’œuvre est l’une des meilleures ; c’est le niveau de nos prélèvements obligatoires qui en est très largement responsable.
En effet, l’imposition de la production représente près de 15 points de notre richesse annuelle, soit 2 de plus que la moyenne de l’Union, mais 4 de plus que l’Allemagne. Structurellement défavorisés au regard de nos principaux concurrents, nous sommes de moins en moins compétitifs.
Ne pénalisons donc pas encore plus notre économie en surtaxant les PME, qui représentent les deux tiers des emplois en France et dont la compétitivité, je le souligne de nouveau, est indispensable à notre croissance, et donc à l’emploi. !
Il est impératif de rapprocher le taux de l’impôt sur les sociétés des PME de celui de nos concurrents majeurs : l’Allemagne et l’Italie. De même, nous devons faire converger les politiques économiques et fiscales de tout l’Euroland, pour éviter les divers dumpings.
En revanche, les grandes entreprises du CAC 40, dont certaines sont en partie délocalisées à l’étranger, devraient être soumises à un taux d’imposition supérieur aux 15 % constatés en moyenne par la Cour des comptes, sur des bénéfices évalués à 46 milliards d’euros.
Résistons à la concurrence faussée des pays où les charges et les salaires sont infiniment plus faibles en augmentant la TVA à taux normal. Cela permettrait de baisser les charges, donc le coût de fabrication de nos produits, et, partant, d’améliorer notre compétitivité. Taxons ainsi la consommation plutôt que la production. L’incidence serait neutre pour les consommateurs, neutre pour leur pouvoir d’achat et compenserait, en partie, le dumping social et écologique de certains pays.
Même si nous considérons comme injuste toute mise en garde ou tout verdict négatif des agences de notation, il n’y a pas d’appel possible et leurs conséquences seraient très lourdes pour notre dette. Leur pression nous contraint – finalement, c’est heureux – à prendre nos responsabilités sur le fond et à ne plus viser que le court terme. Notre fiscalité sera le révélateur de notre justice sociale et d’une économie plus dynamique.
Chacun s’accorde à considérer que les convulsions qui ont frappé l’euro sont dues essentiellement à l’absence d’une politique économique et fiscale de l’Euroland. Nous devons donc absolument rapprocher nos fiscalités et nos politiques économiques afin de faire converger nos intérêts.
Madame la ministre, mes chers collègues, cette harmonisation indispensable trouverait sa traduction dans un poids accru de l'économie de l'Union européenne, la première du monde, et permettrait d’en faire, à moyen terme, la première puissance politique. Elle devra être mise en place au cours des cinq prochaines années de la future présidence, quel que soit celui qui en aura la charge.
MM. Jean Arthuis et Philippe Marini applaudissent.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous occupe aujourd’hui peut être l’occasion d’une discussion de fond sur la conception de la fiscalité et de son rôle. Il prend une acuité particulière en cette période précédant l’élection présidentielle, mais aussi au moment où l’avenir de l’Europe pose de nouveau question. Je dis « de nouveau » à dessein, car, bien que certains semblent l’oublier, cette question a bien été soulevée à l’occasion d’un référendum précédent, mais il n’en fut pas tenu compte.
L’élection présidentielle devrait être marquée par le débat fiscal et social ; les positions des uns et des autres seront autant de repères pour que nos concitoyens fassent le choix de la société dans laquelle ils veulent vivre, au moment de leur vote.
Il y a toujours eu une façon particulière de concevoir la question des prélèvements obligatoires : garder les yeux rivés sur le pourcentage de ces prélèvements au regard du produit intérieur brut et fournir une interprétation ou une caractérisation de la société française dans son ensemble à mesure de la progression, ou non, d’un tel pourcentage.
Il fut un temps, pas très ancien, où le fait de dépasser les 40 % de prélèvements obligatoires suffisait pour certains à démontrer qu’un pays était entré dans une sorte de « socialisme rampant », la puissance publique sous toutes ses formes – État, collectivités locales, sécurité sociale – tendant à pourvoir à l’ensemble des besoins collectifs et individuels de la population.
Nous en sommes, dans le projet de loi de finances pour 2012, à un niveau de plus ou moins 45 %. Cependant, il ne viendrait à l’idée de personne de qualifier la politique du présent gouvernement, menée sous la direction de François Fillon et le patronage de Nicolas Sarkozy, de « socialiste ».
Sourires sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.
Autant le dire, la part des prélèvements obligatoires pourrait être plus élevée encore que cela ne suffirait aucunement à qualifier une politique gouvernementale.
Malgré tout, il semble bien que le taux relativement élevé de prélèvements obligatoires dans notre pays ait eu, dans la dernière période, au moins un avantage : éviter à notre pays de connaître la même récession que bien d’autres ; je pense notamment à nos voisins espagnols, quand la surchauffe et la méfiance ont commencé à contaminer les marchés financiers internationaux à l’été 2008.
Il est encore heureux que la France, avec son système de sécurité sociale, son assurance chômage, quoique imparfaite, les effets redistributifs de ses impôts, bien que fortement réduits ces dernières années, et la rigidité de son code du travail – on ne licencie pas en France aussi facilement qu’ailleurs dans le monde –, ait disposé des moyens d’éviter que la situation ne devienne par trop compliquée.
On a vu d’ailleurs combien l’absence d’une politique de santé, prise en charge solidairement par le budget de l’État, avait pesé lourd lors de la crise des subprimes aux USA.
Cela dit, ces différents « amortisseurs », comme souvent le Gouvernement les a appelés, qui ont le prix de notre système de prélèvements, n’ont pas pu nous empêcher de voir croître le chômage dans des proportions toujours inquiétantes et, surtout, se réduire l’activité économique de manière particulièrement significative.
La reprise, bien modeste, de 2010 n’aura pas duré et nous sommes sur une perspective de ralentissement de l’activité en 2012, qui pose avec une force renouvelée la question de l’évolution de nos prélèvements.
Dans le rapport qu’elle a établi au nom de la commission des finances, notre collègue Nicole Bricq, rapporteure générale du budget, nous apporte des éléments fournis, à l’appui de la démonstration critique des politiques menées depuis 2007 et, pour tout dire, durant la législature précédente. Cette politique fiscale et sociale se caractérise par un bilan négatif pour la majeure partie de la population.
La législature et le mandat présidentiel qui s’achèvent auront été marqués par le plein succès des orientations fixées par le Président de la République.
Dans un contexte de maintien et même de renforcement final de la part des prélèvements obligatoires dans la richesse créée, nous avons pu voir se réduire la contribution au budget de l’État des plus grandes entreprises ainsi que des ménages les plus aisés et les plus fortunés.
Madame la ministre, mes chers collègues, n’était-ce pas le mandat assigné à Nicolas Sarkozy par ceux-là mêmes qui l’ont soutenu et qui furent invités à fêter son élection au Fouquet’s ? Je prendrai quelques exemples particulièrement éclairants à cet égard.
Depuis 2007, le Gouvernement a supprimé la taxe professionnelle, qui constituait, depuis sa création en 1976, l’une des exigences des milieux patronaux français.
Instrument ayant servi à rassembler les plus petites entreprises aux côtés des plus grandes, alors que les secondes ponctionnent pourtant les premières en les épuisant régulièrement avec des contrats de sous-traitance léonins, la taxe professionnelle, première ressource fiscale des collectivités territoriales, fortement allégée, avait encore une certaine dynamique, même si elle pesait plus lourd sur l’activité industrielle que sur la sphère financière.
La contribution économique territoriale, appelée à la remplacer, montre ses limites. Elle annule tout effet, positif ou négatif, des politiques d’aménagement local, puisque le fait d’accueillir des entreprises n’aura bientôt plus aucun intérêt sur le plan fiscal.
De surcroît, l’instauration de la contribution économique territoriale a mis à mal, quoi qu’on en dise, l’autonomie fiscale des collectivités territoriales.
En effet, la répartition de l’essentiel, c'est-à-dire la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, est effectuée en dehors de toute décision locale, y compris s’agissant du taux d'imposition.
Il est en revanche établi que les collectivités ont perdu 11 milliards d’euros de recettes fiscales, remplacés, pour une part, par des dotations de compensation. Or celles-ci figent les ressources des collectivités sans que l’on sache si ces 11 milliards d’euros ont permis de créer le moindre emploi.
L’état de la courbe du chômage en 2011 et les prévisions pour 2012 laissent plutôt entendre que l’allégement fiscal consenti aux entreprises n’a pas eu d’effet positif.
Le front de l’impôt sur les sociétés a, également, été bien tenu.
Entre la niche Copé, l’accélération des processus de remboursement de créances, la réforme du crédit d’impôt recherche – pur exercice d’optimisation –, et jusqu’à l’allégement des provisions pour reconstitution des gisements miniers et pétroliers, accordé peu de temps avant de délivrer des permis de recherche des gaz et huiles de schiste, rien n’a échappé aux attentions du Gouvernement et de sa majorité.
En 2009, rappelons-le, il a fallu attendre le 1er juillet pour que les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, l’IS, commencent à le payer réellement – je parle de l’IS net –, puisque les six premiers mois de l’année furent marqués par le remboursement des crédits disponibles.
Rien non plus ne fut décidé sur le bénéfice mondial consolidé avant le dernier collectif de l’année 2010, tombé un peu trop tard puisqu’il est intervenu au moment même où les dernières entreprises jouissant du dispositif n’y trouvaient plus intérêt.
Sur le fond, le produit de l’IS n’a, de manière évidente, pas connu de progression spectaculaire. Je serais curieuse de voir comment les entreprises françaises vont accueillir, le jour venu, la mise en œuvre intégrale du principe d’assiette commune de l’impôt sur les sociétés entre la France et l’Allemagne.
En 2006, l’IS rapportait en effet 47, 8 milliards d’euros de recettes fiscales pour l’État, et pas moins de 50, 8 milliards d’euros en 2007.
En 2008, son produit restait à un niveau important, s’élevant à 49, 2 milliards d’euros, avant de connaître une sensible décrue en 2009, sur la base des éléments que je viens de rappeler, avec une chute à 20, 9 milliards d’euros nets.
En 2010, on a enregistré une recette de 32, 9 milliards d’euros et vous attendez un total de 40, 9 milliards d’euros de rendement cette année.
Autrement dit, nonobstant la réalité économique, qui ne semble pas, singulièrement au niveau des grandes entreprises du CAC 40, montrer le moindre effondrement ni de la rentabilité ni des retours sous forme de dividendes distribués, alors que le rendement moyen de l’IS se situait à près de 50 milliards d’euros avant 2007, il s’établit aujourd’hui à environ 35 milliards d’euros.
Il y a donc, en effet, des contribuables satisfaits du passage de M. Sarkozy à la présidence de la République !
De nombreux rapports, notamment de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires, ont montré, s’il en était besoin, que le segment « imposition des sociétés » était mal mené dans la législation française et que la majorité d’aujourd’hui a, de fait, contribué ces cinq dernières années, à créer ce qu’il faut bien appeler un paradis fiscal !
La situation est telle que nous avons aujourd’hui, en France, un taux d’impôt sur les sociétés qui, rapporté au PIB, est inférieur à celui de l’Irlande !
Ce sont 15 milliards d’euros, en moyenne, qui sont perdus sur l’IS. Ce sont 11 milliards d’euros, même réduits d’un tiers, qui sont perdus au titre de la taxe professionnelle pour l’État. Cela fait déjà plus de 22 milliards d’euros de recettes fiscales qui sont « perdues », ce qui représente plus d’un point de PIB ! La même démonstration vaut évidemment pour les ménages.
Pour trouver de nouvelles ressources, la majorité gouvernementale avance, une fois de plus, l’idée de recourir à l’augmentation de la TVA. Elle retiendrait un taux intermédiaire de 7 %, probablement pour mieux le faire accepter. Mais, sur le fond, c’est un impôt qui pèse lourd sur les ménages les plus modestes et très lourd sur les plus pauvres.
Or, pendant cette législature qui s’achève, les familles les plus fortunées ont bénéficié de baisses d’impôts qui montrent bien, une fois de plus, le choix de société du Gouvernement.
Je ne ferai qu’évoquer ici la réforme des droits de succession dont il est évident qu’elle a surtout profité aux patrimoines les plus importants, notamment avec l’adoption du principe de transmission de plein droit et sans droits à acquitter sur la part des biens du conjoint défunt revenant au conjoint survivant.
Quand le bien est une petite maison de famille à la campagne, c’est, certes, autant de soucis en moins, mais quand il s’agit d’un appartement bien situé dans Paris ou d’un manoir en Normandie, là, cela devient une excellente affaire !
Je pourrais aussi évoquer la véritable ouverture de la chasse à l’optimisation fiscale induite par la loi TEPA et ses articles réformant notamment les donations.
Combien de familles aisées se sont contentées de doter leurs enfants des 300 000 euros plafonnés de donation sans droits à payer ?
Combien ont ainsi tiré parti des conseils éclairés d’un notaire ou d’un conseiller en patrimoine leur rappelant que, au-delà de la donation, ce pouvait être l’ISF et, surtout, plus tard, les droits de succession qui pouvaient s’en trouver allégés ?
Pour en rester au patrimoine, comment ne pas rappeler également ce qui a été fait sur l’ISF ?
Attaqué par le dispositif ISF-PME, qui s’est rapidement transformé en pur outil d’optimisation fiscale, l’ISF a, finalement, été réduit de moitié en juillet dernier.
On peut toujours chercher la moindre justification économique ou sociale d’une telle disposition, mais on peut aussi se poser la question : comme nous cherchons à trouver quelques milliards d’euros pour alléger un déficit 2012 qui s’annonce plus important que prévu, pourquoi ne pas annuler cette réforme de l’ISF ?
La cohérence politique de ce que nous avons vécu depuis l’été 2007 est donc établie : le Gouvernement a décidé de faire droit aux plus riches, aux plus grands groupes, aux entités financières, industrielles et commerciales et de faire payer les autres, tous les autres, depuis le consommateur jusqu’au patron de PME, pour retrouver, au mieux, les mêmes recettes fiscales et sociales, au pire, réduire le déficit qui se creuse.
Car là est la question. Ce pari fiscal et macro-économique n’a pas permis la relance de l’activité et le retour de la création d’emplois. Il semble même qu’il ait tendance à favoriser la récession, les comportements de rentier et le développement du chômage.
Comme il me reste peu de temps pour énumérer ce qu’il conviendrait de faire, j’aurais tendance à dire : exactement tout le contraire de ce qui a été fait depuis 2007 !
Nous aurons l’occasion, lors des débats sur la loi de financement de la sécurité sociale, comme sur la loi de finances pour 2012, de faire valoir la nécessité de repenser profondément notre fiscalité et nos prélèvements sociaux.
Donner les moyens à la sécurité sociale pour qu’elle puisse accomplir son action au bénéfice des malades, des retraités, des familles comme des personnes dépendantes, donner aux collectivités locales les outils financiers de leur action au profit des populations et redonner à l’État les moyens d’accomplir pleinement ses missions de service public et de répondre aux impératifs d’égalité entre tous les citoyens, voilà ce qui constituera notre ligne de conduite à venir.
Construire une fiscalité plus juste dans laquelle chacun contribue en fonction de ses capacités pour donner au budget de l’État les capacités de répondre à l’intérêt général, tels nous semblent être les choix qui devraient être faits pour redresser la situation de la France et améliorer la vie des habitants.
Cela passera, en partie, bien sûr, par une hausse des prélèvements, mais surtout par une meilleure répartition de la charge fiscale. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat sur l’évolution des prélèvements obligatoires entre 2007 et 2012 intervient au lendemain d’une actualité économique extrêmement tourmentée, pour ne pas dire très inquiétante.
L’annonce d’un référendum sur le plan de sauvetage grec a, de nouveau, brouillé l’horizon économique de la zone euro. C’est dans ces conditions qui hypothèquent toujours davantage un peu plus la croissance française pour les prochains mois que nous allons bientôt examiner le projet de loi de finances pour 2012.
Or je crains que ce texte ne suffise pas à inverser une tendance observée depuis 2007 et excellemment analysée par notre collègue rapporteure de la commission des finances démontrant que la politique suivie par le Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires s’est révélée à la fois économiquement inefficace et socialement injuste.
Bien sûr, on peut toujours interpréter les chiffres dans un sens ou dans l’autre, mais il y a des réalités qui s’imposent et des indicateurs implacablement objectifs.
Madame la ministre, si l’on s’en tient au programme de stabilité 2009-2012, dans lequel il était envisagé de ramener le taux des prélèvements obligatoires de 44 points de PIB à 43, 4 points, force est de constater que vous n’avez pas réussi puisque nous devrions probablement atteindre 45 points !
Vous nous aviez pourtant promis, en 2010, de ne pas recourir à une augmentation des prélèvements obligatoires afin de ne pas placer la France en situation concurrentielle défavorable. Finalement, ce sont 12, 5 milliards d’euros qui ont été prélevés de 2008 à 2012. Notre pays avait déjà l’un des taux les plus élevés de l’Union européenne. Cela ne va pas s’arranger !
Certes, la crise est passée par là et nous pourrions entendre, mes chers collègues, que les promesses faites en des temps ô combien plus cléments ne puissent plus être tenues depuis.
Mais si la conjoncture est en partie responsable de nos difficultés, beaucoup de vos choix ont aggravé la situation sur le plan structurel. C’est peu dire ! Dans un rapport publié en 2011, la Cour des comptes a estimé à 0, 7 point de PIB l’augmentation du déficit structurel due aux mesures prises depuis 2007.
La loi TEPA est, bien sûr, dans tous les esprits. Vous avez, certes, tenté d’en atténuer les effets avec la suppression du bouclier fiscal ou encore l’intégration des heures supplémentaires dans le barème de calcul des allégements généraux de charges. Mais tout cela est venu bien tard, le mal était fait. L’impact de la loi TEPA sera encore de 9, 3 milliards d’euros sur les recettes de 2012.
Tenu par une promesse de campagne, votre gouvernement n’a pas eu le courage, ni même l’envie, de revenir sur un dispositif coûteux et socialement injuste. Dès 2008, alors que la récession s’annonçait d’une ampleur exceptionnelle, pourquoi avoir maintenu une politique des prélèvements obligatoires en décalage avec les besoins économiques du moment ?
Et quand il s’agit de s’attaquer aux niches fiscales, on ne peut pas dire, là encore, que l’efficacité vous serve de boussole ! Pourtant, il vous suffisait de vous appuyer sur le rapport Guillaume pour éliminer celles qui affichent un coefficient de 0 ou 1 sur une échelle allant jusqu’à 3 pour les plus efficaces.
Oui, madame la ministre, des solutions existent, mais vous persistez à ne pas les voir car, comme notre collègue Nicole Bricq l’a très bien exposé, votre gouvernement s’est enfermé dans une politique fiscale incohérente. Il aurait fallu mener une véritable réforme, à la fois courageuse et audacieuse, afin d’assurer rapidement le retour du solde public à l’équilibre et de réintroduire la justice fiscale qui fait défaut à notre système d’imposition.
Comme je le rappelais en introduction de mon propos, la situation économique est grave et la sortie de crise n’est pas pour demain malgré les efforts – il faut bien le reconnaître – déployés à l’échelle européenne par le Président de la République pour, au moins, stabiliser la situation.
Mais ce contexte de fortes turbulences ne doit pas nous conduire à repousser, encore une fois, le grand chantier fiscal souhaité au fond par la grande majorité d’entre nous. Si nous nous y attaquions très vite, nous donnerions un signe positif en direction des agences de notation qui surveillent particulièrement la France. Même si, j’en conviens, nous ne devons pas vivre sous le diktat de ces agences, une dégradation de la note française serait tout à fait malvenue.
Mes chers collègues, les radicaux de gauche ont souvent eu l’occasion de rappeler, ici ou dans d’autres tribunes, leur souhait de refondre le système fiscal français dans un objectif d’égalité entre les ménages et de compétitivité des entreprises.
Depuis 1997, nous défendons l’idée de la fusion de l’impôt sur le revenu, de la CSG et d’une bonne partie des cotisations sociales salariées en un impôt unique et progressif et une prise en compte de la capacité contributive du capital des contribuables.
À mon sens, les entreprises devraient également être assujetties à un impôt progressif. Actuellement, les règles d’assiette favorable, combinées aux niches fiscales, altèrent, de mon point de vue, la productivité de l’impôt sur les sociétés. Il faudrait créer plusieurs tranches de taxation des bénéfices, sans oublier d’intégrer le bénéfice mondial consolidé, pour ne pas épargner les grands groupes qui se voient aujourd’hui proportionnellement moins taxés que les PME.
S’agissant des charges sociales payées par les employeurs, ne faudrait-il pas asseoir la part « entreprise » des charges sociales non plus sur la masse salariale versée, mais sur la valeur ajoutée nette produite par l’entreprise afin d’encourager l’emploi ?
Ce sont, madame la ministre, quelques pistes qui pourraient être enrichies par une réflexion élargie au plus grand nombre. Je crois, en effet, que sur ce sujet, nous sommes nombreux à partager l’ambition de ramener notre pays sur le chemin de l’équilibre budgétaire. Je pose la question : avons-nous d’autres choix ? Nos concitoyens sont conscients de l’effort à fournir pour restaurer la crédibilité économique de notre pays. Mais ce qu’ils souhaitent, c’est une réforme fiscale naturellement efficace et, surtout, profondément juste.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Vous avez fait le choix, madame la rapporteure, de sortir du cadre strict de l’article 52 de la LOLF et de faire une analyse sur l’ensemble de la législature avant d’anticiper sur la suivante.
Je vous donne acte qu’en 2006 le Gouvernement avait souhaité présenter un bilan complet de la mandature. Mais, cette fois-ci, tel n’est pas le cas, ce qui rend assez déséquilibré votre rapport au regard de la contribution gouvernementale. Le positionnement se trouve, de fait, plus politique que technique et anticipe sans doute sur le débat que nous aurons dans quelques mois.
Je ne conteste pas les chiffres que vous avancez, mais je souhaite faire quelques commentaires qui divergent des vôtres.
Vous affirmez que les prélèvements obligatoires n’ont pas diminué et qu’ils ont même légèrement augmenté sur la période récente.
Néophyte à la commission des finances, je ne souhaite pas entrer dans un débat sémantique sur le point de savoir si une niche fiscale est une dépense fiscale ou une moindre recette. Mais j’avoue n’avoir pas bien compris si vos critiques portaient sur le fait que les prélèvements obligatoires avaient légèrement augmenté sur la période, alors que nous voulions, c’est vrai, les maîtriser et les voir baisser, ou si vous regrettiez, au contraire, qu’ils n’aient pas plus augmenté, comme vous promettez de le faire si, hélas !, demain, vous arriviez au pouvoir.
Pour nous, les choses sont claires, nous voulons les limiter, car la reprise est conditionnée au maintien du pouvoir d’achat et à la compétitivité des entreprises. Toute augmentation des prélèvements obligatoires ne peut, à terme, que conduire à un renchérissement des coûts de production et donc nuire à la compétitivité.
La vérité, c’est que, entre 2007 et 2011, la crise est passée par là et que nous avons dû trouver un juste équilibre entre, d’un côté, réduire la dépense publique, une question sur laquelle je reviendrai ultérieurement, et, de l’autre, revisiter certains dispositifs susceptibles d’améliorer les recettes. Ainsi, vous omettez de dire que le taux des prélèvements était plus faible en 2009 qu’en 1981.
Face à cette situation financière, vous semblez privilégier l’augmentation des prélèvements et de l’impôt. Pour notre part, nous pensons qu’il faut surtout agir – je dirais même qu’il faut d’abord agir ! – sur la dépense publique.
Vous citez souvent en exemple l’Allemagne, dont les résultats financiers sont unanimement salués. Mais je tiens à dire que ce pays a eu le courage de réformer son système de retraite alors que vous persistez, pour ce qui vous concerne, à vouloir revenir à un départ à la retraite à soixante ans.
Par ailleurs, l’Allemagne a réduit le nombre de ses personnels dans les administrations publiques alors que vous semblez vouloir en augmenter le nombre en France.
Quoi qu’il en soit, pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’État, hors dette et pensions, et les dépenses de personnel baisseront en 2012. Aucun gouvernement n’était allé aussi loin dans la réduction du train de vie de l’État.
Le budget que nous allons examiner dans quelques semaines correspond au budget des engagements tenus, avec une réduction de 15 % du déficit budgétaire, qui vient s’ajouter à la baisse de 40 % du déficit de la sécurité sociale. L’objectif d’augmentation des dépenses de santé fixé par le Parlement n’avait jamais été respecté depuis 1997 ; il l’est de nouveau depuis 2010, et cela représente, depuis 2008, une économie de 11 milliards d’euros. Là encore, cet effort repose sur des réformes de fond que vous n’avez pas votées ; je pense notamment à la réforme de l’hôpital et à la réforme des soins en ville.
Toutes ces réformes ont amélioré notre solidité financière, tout en préservant notre système de protection sociale.
La réforme des retraites, que vous avez critiquée et sur laquelle vous voulez revenir, permettra d’économiser 5, 6 milliards d’euros dès 2012, 9 milliards d’euros en 2014 et 25, 7 milliards d’euros en 2018.
Tous les pays d’Europe sans exception font des économies sur les dépenses publiques, car c’est la seule stratégie qui permette à terme le désendettement. Certes, elle n’est pas populaire, mais elle est responsable. À cet égard, je tiens à saluer, avec mes collègues du groupe UMP, le courage et la ténacité du Gouvernement, ainsi que son volontarisme.
Voyez-vous, madame la rapporteure générale, il y a des moments où le politique sortirait grandi si, face à une crise aussi grave, nous pouvions ensemble tenir un langage de vérité ! De ce point de vue, je regrette que votre rapport se borne à émettre des critiques et qu’il ne trace aucune perspective. Quelle part affectez-vous dans la résorption de nos déficits à l’augmentation des prélèvements ? Et lesquels ? Quelle part affectez-vous à la réduction de la dépense ? Laquelle visez-vous ?
Je note que, dans d’autres pays européens, majorité et opposition ont envoyé des signaux clairs quant à la détermination de leur pays à revenir à l’équilibre budgétaire, et ce indépendamment des alternances démocratiques. De ce point de vue, je ne suis pas certain que vous ayez servi la France, dont vous aspirez à prendre la destinée, en refusant le débat sur la règle d’or.
En votre qualité de rapporteure générale, j’aurais apprécié un rapport certes sans concession, mais sans excès ni caricature.
Parler de l’inconséquence de la réforme de la taxe professionnelle, alors même que la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale vient tout juste de s’installer au Sénat, me semble excessif. Sans compter que, comme vous l’avez reconnu vous-même, madame la rapporteure générale, cette réforme a été bénéfique pour une grande majorité des entreprises de taille intermédiaire, ainsi qu’à l’industrie, qui devait acquitter de lourdes charges, avec la taxation des investissements.
En 2000, Lionel Jospin nous avait expliqué que, pour lutter contre le chômage, il ne fallait pas taxer les emplois : il avait alors supprimé la part salaires de la taxe professionnelle ; et il avait eu raison de le faire. C’est ce même raisonnement qui a prévalu en 2009 lorsque, constatant que notre industrie souffrait d’un manque d’investissement, nous avons supprimé la part investissement, parachevant ainsi la réforme entamée par M. Jospin.
Il est vrai que le coût a été plus élevé que prévu initialement. C’est l’aveu que le manque à gagner pour les collectivités locales a été intégralement compensé, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là.
Dans le cadre de la réforme, nous devrons d’ailleurs aborder la question de la péréquation.
Quant à l’efficacité de la réforme, elle s’est avérée : elle a été un ballon d’oxygène pour le secteur industriel, qui était touché par la crise. Toutes les auditions réalisées dans le cadre de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires l’ont confirmé.
Par ailleurs, il est assez paradoxal de demander une harmonisation des fiscalités européennes et de contester, dans le même temps, les réformes allant en ce sens. J’avoue avoir quelque peine à suivre ce raisonnement.
Vous affirmez, madame la rapporteure générale, que la défiscalisation des heures supplémentaires est inefficace. Je vous invite à en débattre avec les milliers de travailleurs, souvent modestes, qui en bénéficient et y voient une amélioration de leur pouvoir d’achat.
De même, vous parlez de l’échec de la fiscalité écologique ; débattez-en avec vos amis Verts ! Franchement, fallait-il ne pas toucher aux effets d’aubaine induits par le secteur photovoltaïque, qui ouvrait la porte à toutes les spéculations, sans pour autant favoriser la filière française ?
Invoquer constamment la défense des intérêts des plus défavorisés, c’est tomber dans la démagogie et la caricature. Je persiste à penser que la réforme des retraites était le seul moyen d’en garantir une à ceux qui n’ont pas les moyens d’épargner. L’équité fiscale me semble avoir été bien présente dans les décisions annoncées le 24 août dernier par le Premier ministre, dans la mesure où 82 % des recettes nouvelles pèsent sur les grands groupes et les ménages aisés.
Dans le projet de budget pour 2012, le Gouvernement respecte ses engagements, avec la poursuite de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse.
À ce stade de la discussion, je forme le vœu que, face à la difficulté de la crise, au fait que le calendrier nous échappe en partie dans un contexte européen et mondial, chaque jour apportant son lot de complications, telle l’initiative du chef du gouvernement grec, nous puissions faire œuvre de mesure et d’humilité.
S’il y avait une recette miracle, nous serions, me semble-t-il, tous d’accord pour l’appliquer. L’heure est non pas à donner des leçons, mais à nous retrousser les manches, considérant qu’il y a urgence à ajuster nos politiques et les dépenses qu’elles induisent sur nos moyens, alors que nous avons longtemps considéré que la ressource était inépuisable pour satisfaire nos ambitions. Cela est vrai tant pour l’État que pour nos collectivités. Le débat qui va s’ouvrir aura sans doute le mérite de poser de nouveau la question de la place de l’État et de ses missions et de redéfinir des priorités. C’est tout l’honneur du débat politique.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un constat sévère pour le candidat Sarkozy « version 2007 » s’impose à nous, lui qui avait annoncé qu’il diminuerait de quatre points les prélèvements obligatoires !
Si la période 2007-2009 a connu une baisse de ces prélèvements avec la multiplication des cadeaux fiscaux aux contribuables les plus aisés, l’aggravation de la crise des dettes souveraines lors de l’été 2011 a conduit le Gouvernement à accentuer les mesures d’austérité.
Au terme de ces cinq années, les impôts et prélèvements sociaux auront augmenté de plus de 100 milliards d’euros, pour atteindre 44, 5 % du PIB, soit 1, 1 point de plus qu’en 2007.
Toutefois, la politique mise en œuvre reste marquée par l’iniquité et l’absence de volonté réformatrice. Je ne crois pas que l’instauration temporaire d’une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ou encore la création d’une taxe sur les boissons sucrées permettront de renforcer la cohérence de la politique fiscale.
En 2012, la prévision de croissance s’annonce d’ores et déjà plus faible que la prévision révisée par le Gouvernement en septembre dernier à 1, 75 %, l’obligeant donc à court terme – peut-être la semaine prochaine, madame la ministre ! – à prendre de nouvelles mesures d’économie ou de hausse d’impôts.
Le fait que le Gouvernement en ait pris conscience, contrairement aux années précédentes, est certes relativement encourageant, mais les bases d’études retenues pour l’élaboration du projet de loi de finances pour 2012, actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale, s’en trouvent, de fait, disqualifiées, ce qui ne contribue pas à la clarté des travaux du Parlement.
In fine, le taux des prélèvements obligatoires sera passé en cinq ans de 43, 4 % en 2007 à 44, 5 % en 2012, soit une hausse de 1, 1 point de PIB, pour une augmentation de 102 milliards d’euros en valeur absolue. C’est tout le contraire du bilan que l’on a pu dresser pour la période 1997-2002 sous le gouvernement Jospin, qui, lui, avait réussi a abaissé ce taux de 44, 1 % à 43, 3 %. Facile, me direz-vous, madame la ministre, si l’on tient compte d’une période plus favorable de croissance…
Toutefois, il faut le mettre en perspective avec le constat dressé par Philippe Séguin, confirmé par son successeur à la Cour des comptes au travers du Conseil des prélèvements obligatoires, à savoir que les deux tiers des déficits publics depuis 2007 sont imputables aux choix du Gouvernement, contre un tiers seulement à la crise.
Dans ces choix malheureux des gouvernements Fillon, comment ne pas penser à la loi TEPA, censée être l’application du slogan : « Travailler plus pour gagner plus » ?
Je ne reviendrai pas sur l’aménagement du bouclier fiscal, les collègues qui m’ont précédé ayant largement évoqué cette question, pas plus que sur la diminution des droits de succession, la défiscalisation et l’exonération de charges sur les heures supplémentaires pour un coût de près de 5 milliards d’euros, ni encore sur l’effet d’aubaine de déductibilité des intérêts d’emprunt sur l’immobilier, dont l’inefficacité a été constatée dans le rapport Guillaume, pour un coût de 1, 8 milliard d’euros encore en 2012 malgré l’arrêt de la mesure qui perdurera, pour partie, jusqu’en 2016.
Ce sont autant de mesures dont l’inefficacité, voire les effets pervers coûtent encore 10 milliards d’euros au budget pour 2012 : 10 milliards d’euros pour un slogan ; 10 milliards encore cette année pour rien ou presque !
Et l’on peut ajouter à la loi TEPA quelques autres mesures, telle que la baisse de la TVA dans la restauration, une mesure qui coûte plus de 3 milliards d’euros annuellement, sans contrepartie contraignante pour les bénéficiaires. Quid du réajustement ? Saurons-nous demain à quel taux ce secteur sera assujetti ?
Je pourrais encore citer la réforme de la taxe professionnelle, une réforme précipitée, coûteuse et génératrice de dégâts fondamentaux sur les finances et, surtout, sur la confiance des collectivités locales en l’État et en leur capacité à agir demain.
Et je n’oublie pas non plus les effets pervers sur l’immobilier des dispositifs Robien, Borloo et maintenant Scellier, des cadeaux que savent depuis longtemps capitaliser les promoteurs, qui avancent l’argument commercial suivant : « Zéro euro d’impôts pour vous constituer un patrimoine ! Offre de la dernière chance ! », une offre que nous recevons tous en ce moment dans nos boîtes électroniques. Mais ces cadeaux, ce sont tout de même les contribuables qui les paient ! Pour notre part, nous aurions largement préféré voir se développer le logement social.
Je vous ferai grâce, mes chers collègues, de toutes les autres mesures…
Le bilan des quatre dernières années aboutit à un enchaînement de diminutions de recettes des prélèvements obligatoires opérées au profit des plus favorisés, quand d’autres impôts ou taxes, telles que la création, puis la hausse, de la taxe sur les mutuelles, de la taxe sur les boissons sucrées ou édulcorées, de la TVA sur les offres triple play, impactent directement le pouvoir d’achat de tous, et donc mécaniquement des plus défavorisés.
Alors même que la crise des dettes souveraines repartait en Europe, le Gouvernement permettait à 300 000 contribuables d’échapper à l’impôt sur la fortune, ce qui représente une perte de recettes fiscales pour l’État de près de 1, 8 milliard d’euros.
En période de crise, et alors même que le jeu essentiel des amortisseurs sociaux et le plan de relance contribuaient à creuser le budget de l’État, la politique fiscale du Gouvernement le conduisait à abandonner totalement le levier « recettes » pour tenter de retrouver le chemin de l’équilibre des comptes publics. Il ne lui restait donc plus qu’à actionner le levier « dépenses ». Il s’est donc ensuivi le gel en volume, puis en valeur, des dépenses de l’État, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et ce au risque d’entraîner, nous le constatons maintenant, une dégradation du service public offert à nos concitoyens.
Aujourd'hui, il nous faut rechercher dans la politique fiscale et sociale de notre pays plus de justice pour les ménages et d’efficacité économique pour les entreprises. Il est vrai que les choix à faire sont difficiles. Le levier « recettes » aurait dû être activé plus tôt et plus fortement, et pas de la manière dont vous entendez le faire, madame la ministre ! Pas de cette manière toujours aussi inéquitable, au bénéfice d’un nombre restreint de personnes aisées et au détriment de toutes les autres ! C’est notre nation tout entière – l’État, les organismes sociaux ou les collectivités locales – qui est perdante dans le creusement de la dette. Et qu’en est-il du sentiment de justice fiscale ? D’ailleurs, n’est-ce qu’un sentiment ? Non, c’est bien malheureusement une réalité !
Nous aurons donc à faire face à de grands défis, en vue de rétablir l’équité, la justice, l’efficacité de l’impôt, et ce au moyen de prélèvements clairs et compris de tous.
L’impôt sur le revenu devra disposer d’une assiette large, mêlant à la fois revenu du travail et du capital, mais nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur cette question. Il faudra intégrer la CSG à l’impôt sur le revenu pour permettre une plus grande progressivité. Il faudra également réduire ou supprimer de nombreuses niches fiscales ; cette question a été suffisamment abordée pour que je ne m’y attarde pas.
Enfin, en matière d’impôt sur les sociétés, une réforme sera également nécessaire pour mettre un terme à l’injustice actuelle.
Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de nos collègues François Marc et François Rebsamen, on constate que l’impôt sur les sociétés s’avère plus favorable en termes de taux réels pour les entreprises qui dégagent des bénéfices importants : il s’établit à 33, 33 % pour les plus petites entreprises, contre à peine 8 % pour nos poids lourds du CAC 40 !
Dans cet exercice de mitage de l’impôt, le régime des sociétés mères et filiales coûte plus de 25 milliards d’euros au budget national.
La France devra également contribuer à l’accélération, au niveau européen, de l’uniformisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, afin de limiter l’optimisation fiscale au sein de l’Union européenne.
Enfin, au profit des collectivités territoriales et des contribuables locaux, la réforme de la fiscalité locale devra s’orienter vers le renforcement de l’autonomie fiscale et du lien entreprises-territoires, aujourd'hui brisé, ainsi que vers une meilleure prise en compte du revenu. La solidarité territoriale devra s’exprimer au travers de dispositifs de péréquation verticale et horizontale, afin de permettre un égal accès de tous nos concitoyens aux services publics sur l’ensemble du territoire, un principe auquel nous sommes tant attachés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais remercier le rapporteur général de la commission des affaires sociales pour la pertinence de sa communication, mais souligner la partialité de ses commentaires.
Mon intervention se fera donc sous la forme de trois questions inspirées de ce rapport.
Première question : le déficit est-il essentiellement structurel, comme il le prétend en sous-estimant l’effet crise ? Personnellement, je ne le crois pas. Le problème est chronique ; il est donc surtout structurel, certes, mais aussi conjoncturel. Les dépenses sociales s’accroissent chaque année, ne serait-ce que par l’augmentation de la durée de vie. La dette ne peut mécaniquement diminuer qu’à partir de 2, 2 % de croissance. Or la dynamique de la croissance a été cassée par les crises récentes.
Il ne faut pas l’oublier, les experts économiques ont reconnu que la France était le pays européen qui avait le mieux résisté aux crises...
La perte de recettes, principale actrice du déficit, correspond avant tout à une diminution des ressources en matière d’impôt sur les sociétés, de TVA et d’impôt sur le revenu.
Nous en sommes tous conscients, la crise a provoqué la destruction de 330 000 emplois en France. C’est donc plus d’assurance chômage à financer et, de ce fait, moins de cotisations sociales perçues.
Ne l’oublions pas, cela fait très longtemps que les déficits ont filé ! Cela fait longtemps que la France vit au-dessus de ses moyens, et pas toujours en raison de crises historiques.
Les lois de décentralisation, la création de services supplémentaires, les différentes conventions collectives sont des améliorations significatives pour nos concitoyens, mais consommatrices de personnels et d’un coût qui n’est plus supportable. Du toujours plus, mais à crédit ! Cela ne peut plus durer.
Et si la droite n’a pu diminuer les prélèvements obligatoires autant que prévu, c’est bien parce qu’elle a hérité d’une situation structurellement défaillante, chroniquement déficitaire, et que nous avons traversé une crise sans précédent. Cet héritage, ce n’est pas que le nôtre !
Et la course vers toujours plus d’impôts, c’est le renoncement au juste équilibre, le renoncement à des services adaptés à nos moyens, le renoncement aux règles simples de gestion.
J’en viens à ma deuxième question : le Gouvernement a-t-il failli, comme vous l’affirmez ? Personnellement, je ne le crois pas.
Un exemple simple des lois mises en œuvre durant ce quinquennat en vue de retrouver l’équilibre financier, notamment celui des établissements de santé, est la mise en œuvre de la tarification à l’activité dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Pourquoi ? Parce que nous sommes maintenant en mesure de comprendre les déficits et de chercher à les résoudre. Il est même dit qu’une comptabilité analytique serait intéressante, alors qu’aucune entreprise ne sait faire sans !
Le retard accumulé de longue date en termes de gestion des ressources publiques est tel que nous parvenons seulement aujourd’hui à faire comprendre aux acteurs publics l’importance de plans de financement pluriannuels, qui donnent une vision, non pas jusqu’en 2014, mais jusqu’en 2025, et permettent de rationaliser l’évolution de l’objectif national de dépenses d'assurance maladie, par exemple.
Alors j’entends bien les propositions : augmenter les prélèvements, supprimer les exonérations liées, comme par hasard, aux heures supplémentaires ! Certes, nous aurions pu mieux faire en revenant sur les trente-cinq heures, par exemple. Nous avions déjà beaucoup à faire, sur les retraites notamment, et nous savons bien que nul ne reviendra dessus.
Vous avez proposé l’amplification de la réduction des niches sociales, sans mentionner, et c’est bien dommage, la couverture maladie universelle, dont les conditions d’allocation pourraient aussi faire l’objet d’un débat, celui sur le modèle social.
C’est l’objet de ma troisième question : faut-il cotiser toujours plus pour toucher toujours moins, ou faut-il revoir notre modèle social à crédit ?
Le budget 2012 est donc une étape essentielle sur le chemin du désendettement, reconnaissons-le. Cela a déjà été souligné.
Les prévisions sont de 4, 5 % en 2012, de 3 % en 2013 et de 2 % en 2014. Nous tenons nos engagements avec une réduction de 15 % du déficit budgétaire de l’État, qui vient s’ajouter à la baisse de 40 % du déficit de la sécurité sociale. Cela a déjà été souligné.
Au total, entre 2011 et 2012, nous aurons fait 45 milliards d’euros d’efforts. En matière de maîtrise des dépenses publiques, ces efforts n’ont aucun précédent historique. Ils nous permettent de faire baisser l’endettement à partir de 2013. C’est une avancée considérable, certes, mais pas suffisante pour financer notre modèle social.
À la lecture de ce rapport sur les prélèvements obligatoires, l’inquiétude est légitime. Elle n’est ni de droite, ni de gauche.
Les conditions sont différentes de l’après-guerre.
L’augmentation de l’espérance de vie et les progrès de la médecine sont à prendre en compte.
L’État providence connaît ses limites. À force de vivre à crédit, au-dessus de leurs moyens, les États ne sont même plus des clients privilégiés pour les banques.
Il nous faut donc inventer d’autres solutions, responsabiliser davantage nos concitoyens, arrêter de leur faire des promesses non tenables pour leur proposer des solutions nouvelles. Permettez-moi d’en évoquer quelques-unes.
Quelques pistes sont à approfondir dans le domaine social ou médical : l’innovation avec la télémédecine pour le suivi des malades ou la téléassistance pour les personnes dépendantes ; une répartition de tâches différentes entre professionnels médicaux et paramédicaux ; une alternative à l’hospitalisation, aux transports sanitaires, avec la domomédecine, les téléconsultations, une prévention accrue ; des normes adaptées aux moyens des collectivités ou des établissements en fonction de leur taille ou de leur spécificité.
Bref, sans vouloir remettre en cause notre modèle social, je pense que son adaptation s’impose pour la maîtrise des prélèvements obligatoires, ce qu’a insuffisamment développé le rapporteur général de la commission des affaires sociales, je tenais à le souligner.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires est un privilège pour les sénateurs, car nous savons bien que ces prélèvements sont au cœur d’enjeux vitaux pour notre société : des enjeux d’assainissement de nos finances publiques et de compétitivité de notre économie.
Malheureusement, la croissance est en berne, le chômage ne cesse de progresser et les injustices se creusent. Madame la ministre, votre tâche est particulièrement délicate.
Je voudrais formuler trois propositions.
S’agissant de la compétitivité, tout d’abord, n’est-il pas temps de rompre avec les tabous, de constater que l’option pour la consommation et, oserai-je le dire, les loisirs est une impasse et, en conséquence, de proclamer le primat de la production et de l’emploi ?
Madame la ministre, quel nouveau signe de désastre faut-il encore attendre pour cesser de taxer la production, pour alléger enfin les cotisations destinées au financement des branches « santé » et « famille » ? Dans ces conditions, pourquoi différer l’incontournable débat sur la « TVA sociale » ou bien sur la « TVA antidélocalisation » ou encore – pourquoi pas ? – sur la « TVA réindustrialisation » ?
À ce stade, je voudrais dissiper une inquiétude, madame la ministre.
Est-il vrai que le Gouvernement s’apprête à soumettre au Parlement un dispositif tendant à instituer un taux intermédiaire de TVA ? C’est une proposition que j’ai souvent défendue ici même. Elle recevrait donc, dans son principe, mon appui.
Pour autant, est-il vrai, madame la ministre, que le produit de ce supplément de TVA, puisqu’un taux intermédiaire serait établi, serait affecté à la réduction du déficit et non à celle des cotisations sociales ? Je tiens à vous le dire, une telle option irait à l’encontre de mes convictions.
Tout supplément de TVA doit être affecté, à l’euro près, à la réduction des cotisations sociales pour retrouver de la compétitivité et créer de l’emploi ; vous ne pouvez en disconvenir ! Il n’y a pas si longtemps, en effet, vous déclariez, il est vrai à titre personnel, que vous étiez plutôt favorable à la TVA sociale. Est-il besoin de vous dire combien je me suis réjoui de cette déclaration ?
Toute hausse de TVA doit aboutir à une baisse des cotisations sociales. Combien de temps encore allons-nous nous rendre complices des délocalisations d’activités et d’emplois ?
Dès lors, pourquoi repousser encore cette réforme fondamentale qui conditionne la croissance et l’emploi dans notre pays ? L’année 2007 avait fait naître un espoir. Malheureusement, je crains que cet espoir ne soit déçu.
L’assainissement des finances publiques nécessite un effort accru de compression des dépenses, aussi bien budgétaires que fiscales. C’est en cela qu’un nouveau coup de rabot sur les niches fiscales s’impose.
Parmi les hausses de prélèvements obligatoires inévitables eu égard à la situation de nos finances publiques, il nous faudra revenir sur la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Je me permets de rappeler que, voilà un an, j’ai déposé et voté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale tendant à augmenter cette contribution de 0, 25 %.
Madame la ministre, vous le savez très bien, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, telle qu’elle est profilée, structurée, va tout droit à la faillite. Nous ne pouvons pas laisser ainsi dériver la situation de cette Caisse.
Avec mes amis du groupe de l’Union centriste et républicaine, je déposerai un amendement tendant à augmenter la contribution au remboursement de la dette sociale. Son adoption conditionnera notre vote en faveur du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, s’agissant de la justice fiscale, à la cotisation exceptionnelle sur les hauts revenus, qui va constituer un deuxième dispositif à barème progressif, donc source de complexité et au rendement modeste, je préfère l’institution d’une tranche supplémentaire, voire deux, dans le barème de l’impôt progressif sur le revenu.
Il doit être alors entendu que l’assiette de l’impôt sur les plus-values mobilières et immobilières nécessite d’être purgée des restrictions nombreuses et d’exemptions pour faire l’objet d’une imposition se rapprochant progressivement du barème général.
M. Jean Arthuis. Telles sont, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler à cette heure tardive sur les prélèvements obligatoires, dans ce débat préalable à la discussion des lois financières pour 2012.
Mme Nathalie Goulet et M. Philippe Marini applaudissent.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat sur les prélèvements obligatoires devrait être placé sous le double signe du courage et de la lucidité. Il ne semble pas que ce soit ces deux vertus qui aient animé la politique au cours de ces dernières années.
Bien sûr que la crise est profonde et que l’actualité est difficile. Mais, en aucun cas, elle ne peut vous dispenser du constat qui est celui d’aujourd’hui et que Mme la rapporteure générale et mes collègues ont évoqué.
Quelle est la marge d’action avec une hypothèse de croissance probablement en dessous de 1 % ? Réduire les dépenses et jouer sur la fiscalité. Or, madame la ministre, vous n’avez pas réduit les dépenses.
En 2001, la dépense publique rapportée au PIB était de 51, 6 %. En 2007, elle était de 52, 3 %. Cette année, elle est de 56, 3 %, soit quatre points de PIB en dix ans, 80 milliards d’euros. C’est cela la réalité !
À l’heure de rendre des comptes aux Français, vous ne pourrez plus nous accuser de l’irresponsabilité supposée de ceux qui augmenteraient la dépense publique alors que vous-mêmes avez aggravé celle-ci comme jamais.
Reste la fiscalité, qui conditionne le taux des prélèvements obligatoires, mais le niveau de ces derniers ne suffit pas à déterminer une politique fiscale juste et utile pour la nation. C’est un levier qui donne tout son sens à une politique et des choix économiques, budgétaires et de société.
Au terme de ce quinquennat, le taux des prélèvements obligatoires et son évolution reflètent les choix inadaptés de votre majorité en matière de niveau de financement des services publics et des biens collectifs : vous n’avez ni relevé les dépenses d’investissement ni pérennisé la prise en charge des postes de dépenses structurelles, comme l’emploi, la santé ou encore les retraites.
Les prélèvements obligatoires, qui devaient baisser de 4 points au cours de cette mandature, atteindront dans deux ans, en 2013, un niveau historiquement élevé. Notre pays n’a jamais connu un taux de prélèvements obligatoires rapporté au PIB supérieur à 45 %. Vous aviez rêvé que la gauche en porte la responsabilité, mais c’est à la droite que revient ce record ! Cette année, ce taux sera de 43, 7 % et l’année prochaine, de 44, 5 %. S’il atteint 45 % en 2013, cela coûtera 2, 5 points supplémentaires de PIB, soit 50 milliards d’euros, en seulement trois ans ! C’est exactement le montant du prétendu choc fiscal que vous dénoncez dans le programme socialiste.
Mme la rapporteure générale nous l’a dit, pour atteindre, demain, un budget en équilibre, il faudrait prévoir 50 milliards d’euros d’économies et 50 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires. Mais vous avez déjà largement anticipé le processus, et ce bien inutilement !
Or cette hausse sans commune mesure ne servira à rien : ni à combler le déficit, ni à soutenir la croissance, ni à préserver nos équipements et services publics, rabotés durement par la RGPP!
Vous n’avez pas su utiliser ce levier pour rendre la France plus compétitive, pour soutenir la croissance et faire progresser le pouvoir d’achat, parce que vous n’avez pas eu la volonté politique d’élaborer une fiscalité juste, afin de dégager des moyens supplémentaires modifiant la structure des recettes.
C’est là toute la différence avec ce que nous proposons : nous ne demanderons un effort aux Français qu’après avoir mis en œuvre une réforme fiscale générale, afin que cet effort soit juste, équitablement réparti, grâce, notamment, à l’application d’une fiscalité égale sur les revenus du travail et ceux du capital.
La crise a bon dos : chaque fois que vous avez eu l’occasion d’agir, vous avez fait le contraire de ce qu’il fallait faire, dans une incohérence et une inconséquence totales avec les cycles de l’économie : non-sens de la réforme de la taxe professionnelle, inefficacité de la défiscalisation des heures supplémentaires, et même inutilité des mesures prises en matière de fiscalité immobilière.
En fait, ces erreurs successives sont la marque, me semble-t-il, d’un entêtement dogmatique que nous n’avons cessé de dénoncer. Et c’est pour cela que, avant de dégrader le triple A de la France, les agences de notation ont d’abord mis sous surveillance votre politique budgétaire, marquée par une incapacité à protéger les recettes publiques et à assurer la reprise de la croissance.
Elles ont aussi mis sous surveillance une marque de fabrique, à savoir le manque de réalisme et l’insincérité, qui ont fait qu’aucun des soldes budgétaires présentés dans les lois de finances initiales n’a été, depuis 2008, tenu en exécution. Le budget pour 2012 n’échappera pas à cette insincérité.
De surcroît, vous ne pourrez pas compter sur la consommation des ménages, première composante de la croissance : avec un chômage qui s’est approché des 10 % en août dernier, il est normal que la consommation peine à 0, 7 % sur l’année passée.
Nous le savons, vous n’aurez pas été le Gouvernement du pouvoir d’achat. Pire, avec l’augmentation de la TVA que vous prévoyez, ce pouvoir d’achat sera encore plus contraint. Pour que cette mesure de dévaluation compétitive soit efficace, il faudrait geler les salaires et les pensions. Je vous engage à dire, pour une fois, la vérité aux Français, qui consomment 40 % de produits importés : l’augmentation de la TVA fera baisser leur pouvoir d’achat.
Il ne vous sera pas possible non plus de compter sur l’investissement des entreprises, qui représente pourtant 10 % de notre PIB. Celles-ci ont vu en effet leurs marges baisser jusqu’à 29 %, un taux jamais atteint. Vous ne les avez aidées ni à investir ni à restaurer leur compétitivité, ce qui aurait pu leur permettre de créer des emplois.
Par ailleurs, 30 % de cet investissement est exclusivement financé par le crédit. Autrement dit, 3 % de la croissance de la France dépend intégralement, aujourd’hui, du crédit, alors que celui-ci se raréfie, à la suite de la politique que vous avez conduite à l’égard des banques.
Je ne parle pas du commerce extérieur, cet autre indicateur de la compétitivité nationale, qui atteindra un déficit de 75 milliards d’euros. Et c’est avec la zone euro que notre déficit commercial est le pire ! Pendant cinq ans, le Chef de l’État a dit et répété qu’il ne serait pas le président des hausses d’impôts. Tandis que vous mettez en œuvre une politique d’augmentation des prélèvements obligatoires, il est dommageable pour le crédit de la parole publique que le Président de la République tente de nous faire croire le contraire.
Pour maintenir les apparences, vous avez multiplié les hausses en matière de prélèvements fiscaux ou sociaux, que celles-ci soient partielles, catégorielles, émiettées, prétendument temporaires mais reconduites, comme celles qui sont inscrites dans le projet de budget pour 2012 : je pense aux taxes additionnelles sur les boissons sucrées ou sur les chambres de bonne ! Dites-moi, madame la ministre, sous quelle mandature, hormis celle-ci, aurions-nous voté autant de taxes ? Au total, vous aurez créé trente prélèvements, pour 50 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, qui rendent notre système fiscal de plus en plus complexe, incompréhensible aux yeux de nos compatriotes, donc injuste et de plus en plus mal supporté, d’autant que le taux des prélèvements obligatoires auquel ils sont soumis est l’un des plus élevés d’Europe.
Comment nos concitoyens ne pourraient-ils pas trouver injuste et inefficace la fameuse taxation des hauts revenus, que vous nous présentez en fin de mandature et qui ne rapportera que 400 millions d’euros par an, alors que vous avez renoncé, voilà quelques semaines, cela a déjà été évoqué, à la réforme de l’ISF.
Pour trouver des recettes supplémentaires, vous avez, encore une fois, renoncé à l’équité. Plutôt que d’instaurer une taxe exceptionnelle et temporaire, il aurait mieux valu aligner sur un même barème de l’impôt sur le revenu les revenus du capital et ceux du travail. Cela pourrait rapporter près de 2 milliards d’euros !
Le débat qui nous réunit ce soir sur les prélèvements obligatoires révèle une chose simple, que tous les Français comprendront : le compte n’y est pas ! Tel est le bilan que vous laissez sur le plan de la fiscalité, comme le reflètent la structure et le montant des prélèvements obligatoires, décrits tout à l’heure par Mme la rapporteure générale.
On peut comprendre que la crise vous conduise à abandonner, enfin, certaines certitudes en matière de baisse des prélèvements obligatoires et à conduire une politique différente de celle que vous aviez promise au départ. Mais ce qui est grave, c’est que vous n’avez toujours pas réalisé qu’il est nécessaire de protéger les recettes publiques.
Il est certain, mes chers collègues, madame la ministre, que le débat de ce soir sera au cœur de la campagne présidentielle de 2012.
Au contraire de cette politique illisible, injuste et brouillonne, nous présenterons aux Français une fiscalité plus claire et plus juste, qui sera le socle du changement que nous portons !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’heure tardive, j’ai décidé de me dégager totalement de mes notes. En effet, un certain nombre de choses ont été dites de manière excellente par mes collègues. Aussi, en cet instant, je me bornerai à vous faire part de quelques réflexions du citoyen lambda que j’ai l’honneur de représenter, comme vous tous, mes chers collègues.
En réalité, madame la ministre, le pacte de confiance est rompu. Nos concitoyens en ont assez de ces discours incantatoires, qui annoncent pour l’avenir une situation meilleure et une compétitivité accrue. Ils n’y croient pas ! Les gesticulations verbales des différents ministres sonnent faux, car un mot semble avoir disparu de leurs discours, celui d’équité. Depuis quinze ans, l’éventail des revenus n’a cessé de s’ouvrir. Certains de nos concitoyens sont de plus en plus riches, tandis que d’autres, malheureusement très nombreux, rencontrent des difficultés pour vivre.
Or cela, vous semblez ne pas l’avoir compris ! C’est le résultat particulièrement grave de la fracture née d’une gestion technocratique mal perçue par l’opinion publique. Lorsque vous avez supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune, vous vous êtes tiré une balle dans le pied ! Lorsque vous avez décidé de faire des cadeaux fiscaux, par le biais de remboursements, aviez-vous été alertés au sujet de citoyens aisés qui auraient dû emprunter pour payer leurs impôts ? Était-il vraiment utile de rembourser ce que certains avaient prétendument payé « en trop » ?
À l’évidence, une telle politique ne prend pas en compte les besoins de nos concitoyens les plus fragiles. Or, si les élus représentent l’ensemble de la population, ils sont surtout utiles pour défendre les plus fragiles, les plus démunis.
Pour essayer de vous en sortir, vous avez eu recours à des gadgets : je pense à la taxation des parcs à thème et à celle des boissons sucrées. Certes, nous ne sommes pas opposés à de telles dispositions, même si celles-ci prêtent surtout à sourire, mais ce n’est pas avec ce genre de remèdes que nous réussirons à résoudre nos problèmes.
Et, dans le même temps, les subventions accordées aux collectivités territoriales deviennent de plus en plus chiches, ce qui se traduira par une réduction des investissements, …
… entraînant, immanquablement, une baisse de la croissance.
Par ailleurs, la réduction des services publics n’est étudiée que d’un point de vue comptable. Pourtant, ces services publics, désormais abandonnés, sont particulièrement nécessaires dans les zones les plus fragiles de notre pays, qui sont devenues des déserts médicaux, alors même que nombre de nos concitoyens souhaiteraient s’y implanter, à condition d’y trouver un certain nombre de services.
Voilà ce que je voulais dire, même si je l’ai fait dans le désordre. En tout cas, voilà ce que pensent un certain nombre de nos concitoyens, qui considèrent que la gestion de notre pays est, aujourd’hui, mauvaise.
Pour conclure, je souhaite évoquer la règle d’or. C’était vraiment nous prendre non pas pour des débiles profonds, mais pour des débiles légers que de croire que nous allions voter une telle mesure à quelques mois de l’élection présidentielle ! Cela sentait tout de même l’arnaque ! Il faut être clair : avons-nous besoin, pour adopter un budget en équilibre, d’une règle d’or ? Non ! Il suffit d’une volonté politique, qu’aucune règle d’or ne pourra remplacer ! §
Madame la ministre, vous l’aurez compris, l’immense majorité du RDSE ne votera pas le projet de budget pour 2012.
M. François Fortassin. Bien entendu, si vous modifiiez profondément ce texte après nous avoir attentivement écoutés, nous serions obligés d’applaudir des deux mains !
Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce débat, nous sommes allés, me semble-t-il, au fond des choses. C’est pourquoi je veux d’abord remercier l’ensemble des orateurs : chacune des interventions successives a permis d’éclairer la différence de point de vue, si ce n’est la différence de philosophie, qui sépare le Gouvernement et la majorité présidentielle, d’un côté, la nouvelle majorité sénatoriale, de l’autre.
Parler d’une différence de philosophie n’est pas exagéré car nous divergeons sur deux points fondamentaux.
Notre premier désaccord porte sur les causes du déficit. Pour vous, c’est essentiellement la responsabilité du Gouvernement qui est en cause. Ce n’est pourtant pas ce qu’a écrit Mme Bricq dans son rapport général. Je vous invite à le relire : elle y souligne que la crise seule explique le creusement du déficit entre 2007 et 2012 !
Reportez-vous au tableau global présenté par la rapporteure générale !
Quant au rapport que vous avez cité, monsieur Daudigny, il précise que la moitié du déficit est héritée, mais pas seulement des cinq dernières années, des trente dernières années, ce qui explique 60 % de notre endettement. En outre 30 % à 35 % supplémentaires s’expliquent par la crise, ce qui fait qu’au total plus de 90 % de notre dette est le produit d’un héritage : celui de la crise, mais aussi celui du laxisme budgétaire des gouvernements successifs depuis trente ans.
Dans l’analyse des causes, mesdames et messieurs les sénateurs de l’opposition, ne soyez donc pas simplistes. Ne dites pas : « Le déficit et la dette, c’est le Gouvernement de Nicolas Sarkozy ! » Vous n’êtes pas crédible.
La dette n’est pas une spécificité française, loin de là !
La nôtre a beaucoup moins augmenté que celle de la plupart des pays de la zone euro ; elle est moins élevée, vous le savez, que celle des États-Unis ou du Japon.
Comme l’analyse des causes de la dette, le choix que nous opérons de donner la priorité à la maîtrise des dépenses nous sépare profondément de vous.
Vous avez déclaré, madame la rapporteure générale, qu’il fallait « prendre acte du dynamisme de la dépense publique en France ». C’est précisément sur ce point que nous divergeons : vous pensez que la hausse des dépenses publiques est au fond inévitable et qu’en conséquence le Gouvernement n’a pas d’autre choix que d’augmenter les impôts.
Nous sommes convaincus du contraire : le Gouvernement peut et doit manier la « toise budgétaire » – pour reprendre la formule du président Philippe Marini.
Le projet de loi de finances dont vous allez être saisis le démontrera, puisque nous vous présenterons un budget de l’État en baisse en valeur par rapport à l’année précédente.
Son examen sera l’occasion de discuter du rabot ; et j’ai, d’ores et déjà, bien entendu la nette préférence exprimée par le président Marini et Aymeri de Montesquiou pour un rabot uniforme et large.
De la même façon, monsieur le rapporteur général Yves Daudigny, vous semblez considérer que la progression continue des dépenses sociales est inévitable. Cette manière de penser appartient à une époque où l’ONDAM, après avoir été voté à 3 %, était réalisé à 5, 5 ou 6 % – ce qui était le cas entre 1998 et 2002...
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Quand on vote l’ONDAM à 3 % mais qu’on le réalise à 5, 5 % ou 6 %, ce sont 13 milliards d’euros supplémentaires qui sont dépensés par rapport à ce que le législateur a voté. Aujourd’hui, l’État s’engage à faire respecter l’ONDAM au niveau auquel vous l’aurez voté – si vous le votez !
En respectant l’ONDAM, le Gouvernement sera parvenu, au cours du quinquennat, à réaliser 11 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de santé ; c’est autant de déficits en moins, autant de recettes que nous n’aurons pas eu à chercher.
En outre, madame David, aucune prestation sociale n’a été réduite au cours du quinquennat. Ce n’est pas ce qui se passe dans de nombreux pays voisins…
Les filets de protection sociale n’ont jamais été aussi solides dans notre pays ! Je vous rappelle que l’allocation aux adultes handicapés a augmenté de 25 %, de même que le minimum vieillesse et que nous avons créé le revenu de solidarité active avec Martin Hirsch, qui n’était d’ailleurs pas membre de l’UMP.
Vous avez parlé, monsieur Patriat, de courage et de lucidité. Franchement… Vous osez dire cela à la ministre qui a conduit la réforme de l’université, réforme que vous n’avez même pas votée alors que tous, sur ces travées, vous la saviez nécessaire et qu’aujourd’hui vous reconnaissez ne pas vouloir la remettre en cause ! Mais le courage et la lucidité sont du côté du Gouvernement et non pas du côté d’un parti qui, entre 1997 et 2002, a renoncé à réformer les retraites pour ne pas déplaire au cœur de son électorat : la fonction publique.
Ne nous donnez donc pas des leçons de courage et de lucidité, à nous qui avons conduit la réforme des retraites, celle de l’université, celles de la taxe professionnelle, de l’État et de l’hôpital ! Pas cela, pas à nous, pas ce soir : je ne l’accepterai pas !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, lorsque vous refusez de faire supporter par les générations futures le poids du financement de notre protection sociale.
C’est précisément pour ne pas le faire que des réformes structurelles étaient indispensables comme celle des retraites, qui engendrera 5, 5 milliards d’euros d’économies dès 2012. Préserver notre modèle social, c’est l’objectif que poursuit la politique du Gouvernement ; je remercie Dominique de Legge de l’avoir souligné.
Pour finir, monsieur Daudigny, je veux dire un mot de l’exemple allemand. Il est important que vous souhaitiez vous inspirer des bonnes pratiques étrangères. Mais n’oubliez pas un détail, qui a son importance : ce sont les subventions versées par l’État fédéral – 15, 6 milliards d’euros en 2010 – qui ont permis aux caisses allemandes d’être chaque année proches de l’équilibre. Il faut le garder à l’esprit lorsqu’on considère l’exemple allemand.
J’ai beaucoup entendu louer, sur ces travées, les vertus de l’équilibre budgétaire… Aussi, j’ai trouvé incompréhensible, monsieur Fortassin, que vous refusiez la main tendue du Gouvernement au sujet de la règle d’or.
L’accepter, ce n’aurait pas été faire un cadeau au Gouvernement – je sais bien que vous n’avez pas envie de nous en faire, surtout en cette période pré-électorale. C’est aux Français que vous auriez fait un cadeau en acceptant de voter la règle d’or dans l’union nationale, considérant qu’elle était nécessaire pour rassurer nos partenaires, les observateurs et l’ensemble des acteurs économiques mondiaux. En effet, l’adopter serait garantir à notre pays que, quel que soit le résultat des élections à venir, le Gouvernement en place poursuivra la politique de réduction des déficits.
Cette ceinture de sécurité, vous l’avez refusée non pas à Nicolas Sarkozy, mais aux Français !
C’est une faute grave dont vous porterez la responsabilité – je suis désolée de vous le dire – si le reproche nous en est fait, dans quelques mois, par des observateurs étrangers.
Au sujet des prélèvements obligatoires, madame la présidente Annie David, vous avez cité le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Mais il faut le citer jusqu’au bout ! Car il reconnaît qu’« en prenant en compte les transferts en espèce, le système socio-fiscal est globalement devenu plus progressif » entre 1990 et 2009… « Plus progressif » !
Et il faut ajouter que cette étude, parce qu’elle s’arrête en 2009, ne prend pas en compte l’effet cumulé des vingt-cinq mesures prises depuis cinq ans et dont je vous ai parlé tout à l’heure : plafonnement des niches, suppression des avantages fiscaux et sociaux, renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu, réforme du régime des plus-values immobilières, augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus de l’épargne, taxation des stock-options, parachutes dorés et retraites-chapeaux. Tout ce que vous n’avez pas taxé lorsque vous étiez au pouvoir, nous l’avons taxé !
Comme vous le souhaitez, madame David, nous avons rapproché l’imposition des revenus du travail et celle des revenus du patrimoine. Je sais que cet objectif tient à cœur à Mme Michèle André ; elle devrait donc approuver la politique du Gouvernement sur ce sujet !
S’agissant de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, je vous répondrai, monsieur Arthuis, que la solution que nous avons proposée permet de taxer aussi bien les revenus du capital que ceux du travail. La création d’une ou plusieurs tranches supplémentaires d’imposition sur le revenu n’aurait frappé que les seconds alors que notre contribution de solidarité pèse sur l’ensemble des revenus : elle touche donc davantage les ménages les plus aisés, ce qui est plus juste et plus efficace.
Vous vous êtes étonnée, madame la rapporteure générale, de voir le Gouvernement modifier, à plusieurs reprises, le régime fiscal applicable aux entreprises ou aux ménages. C’est qu’à nos yeux une politique fiscale ne porte pas seulement sur le niveau des prélèvements obligatoires. Le Gouvernement considère qu’il lui appartient aussi de modifier petit à petit la structure de notre fiscalité, c’est-à-dire la répartition de la charge fiscale.
Nous devons le faire en fonction de la situation économique. Aujourd’hui – le président Marini l’a très bien dit – la situation n’est plus du tout la même qu’en 2007, lorsque le taux de chômage était à 7 %, elle n’est plus du tout la même qu’en 2008 et 2009, au plus fort de la crise. Les évolutions de la conjoncture économique nécessitent une adaptation permanente de l’outil fiscal ; nous nous employons à ce faire, avec le souci de ne pas briser une croissance convalescente, encore extrêmement fragile, et de renforcer notre compétitivité, c’est tout l’enjeu du crédit impôt recherche ou de l’abandon de la taxe professionnelle.
Nous sommes aussi guidés par la recherche de l’équité. C’est un mot que vous avez souvent à la bouche. Mais j’attends avec impatience vos propositions…
Pour moi, une politique vraiment équitable réduit d’abord la dépense ; elle ne crée pas un choc fiscal qui, par définition, serait injuste, parce qu’il briserait la croissance et l’emploi.
Je regrette, madame Beaufils, que vous ne perceviez pas la nécessité d’une telle politique de compétitivité. Pour ma part, je crois que la hausse du coût du travail a pesé et pèse encore sur nos capacités d’exportation.
Je remercie Jean Arthuis d’avoir, en soulignant ce point, ouvert un débat essentiel : celui d’un transfert de fiscalité dans le cadre d’une politique de compétitivité fondée sur la baisse du coût du travail en France. L’Allemagne, pour ne citer qu’elle, met en œuvre une telle politique depuis dix ans ; elle en recueille aujourd’hui tous les fruits.
Une hausse générale des impôts serait aveugle et injuste. C’est pourquoi nous lui préférons des prélèvements ciblés au service de l’équité et de la compétitivité.
Le désendettement de la France, comme l’a parfaitement dit René-Paul Savary, suppose d’abord de faire des économies sur les dépenses : c’est là, je le répète, notre divergence fondamentale !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Jean-Pierre Sueur, Mmes Virginie Klès, Catherine Tasca, Éliane Assassi, MM. Jean-Jacques Hyest, François Pillet, François Zocchetto ;
Suppléants : MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Christophe Béchu, Mme Esther Benbassa, MM. Gaëtan Gorce, Jacques Mézard, André Reichardt.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 3 novembre 2011 :
De neuf heures trente à treize heures trente :
1. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (n° 744, 2010-2011).
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 39, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 40, 2011-2012).
À partir de quinze heures :
2. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (n° 740, 2010-2011).
Rapport de Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 37, 2011-2012).
À partir de dix-neuf heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
3. Texte de la commission de la culture sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans (n° 447, 2010-2011).
Rapport de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 62, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 63, 2011-2012).
4. Suite de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité (n° 793, 2010-2011).
Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 67, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 68, 2011-2012).
5. Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (n° 745 rectifié, 2010-2011).
Rapport de M. Christian Favier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (n° 71, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 72, 2011-2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 3 novembre 2011, à zéro heure trente.