Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat sur l’évolution des prélèvements obligatoires entre 2007 et 2012 intervient au lendemain d’une actualité économique extrêmement tourmentée, pour ne pas dire très inquiétante.
L’annonce d’un référendum sur le plan de sauvetage grec a, de nouveau, brouillé l’horizon économique de la zone euro. C’est dans ces conditions qui hypothèquent toujours davantage un peu plus la croissance française pour les prochains mois que nous allons bientôt examiner le projet de loi de finances pour 2012.
Or je crains que ce texte ne suffise pas à inverser une tendance observée depuis 2007 et excellemment analysée par notre collègue rapporteure de la commission des finances démontrant que la politique suivie par le Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires s’est révélée à la fois économiquement inefficace et socialement injuste.
Bien sûr, on peut toujours interpréter les chiffres dans un sens ou dans l’autre, mais il y a des réalités qui s’imposent et des indicateurs implacablement objectifs.
Madame la ministre, si l’on s’en tient au programme de stabilité 2009-2012, dans lequel il était envisagé de ramener le taux des prélèvements obligatoires de 44 points de PIB à 43, 4 points, force est de constater que vous n’avez pas réussi puisque nous devrions probablement atteindre 45 points !
Vous nous aviez pourtant promis, en 2010, de ne pas recourir à une augmentation des prélèvements obligatoires afin de ne pas placer la France en situation concurrentielle défavorable. Finalement, ce sont 12, 5 milliards d’euros qui ont été prélevés de 2008 à 2012. Notre pays avait déjà l’un des taux les plus élevés de l’Union européenne. Cela ne va pas s’arranger !
Certes, la crise est passée par là et nous pourrions entendre, mes chers collègues, que les promesses faites en des temps ô combien plus cléments ne puissent plus être tenues depuis.
Mais si la conjoncture est en partie responsable de nos difficultés, beaucoup de vos choix ont aggravé la situation sur le plan structurel. C’est peu dire ! Dans un rapport publié en 2011, la Cour des comptes a estimé à 0, 7 point de PIB l’augmentation du déficit structurel due aux mesures prises depuis 2007.
La loi TEPA est, bien sûr, dans tous les esprits. Vous avez, certes, tenté d’en atténuer les effets avec la suppression du bouclier fiscal ou encore l’intégration des heures supplémentaires dans le barème de calcul des allégements généraux de charges. Mais tout cela est venu bien tard, le mal était fait. L’impact de la loi TEPA sera encore de 9, 3 milliards d’euros sur les recettes de 2012.
Tenu par une promesse de campagne, votre gouvernement n’a pas eu le courage, ni même l’envie, de revenir sur un dispositif coûteux et socialement injuste. Dès 2008, alors que la récession s’annonçait d’une ampleur exceptionnelle, pourquoi avoir maintenu une politique des prélèvements obligatoires en décalage avec les besoins économiques du moment ?
Et quand il s’agit de s’attaquer aux niches fiscales, on ne peut pas dire, là encore, que l’efficacité vous serve de boussole ! Pourtant, il vous suffisait de vous appuyer sur le rapport Guillaume pour éliminer celles qui affichent un coefficient de 0 ou 1 sur une échelle allant jusqu’à 3 pour les plus efficaces.
Oui, madame la ministre, des solutions existent, mais vous persistez à ne pas les voir car, comme notre collègue Nicole Bricq l’a très bien exposé, votre gouvernement s’est enfermé dans une politique fiscale incohérente. Il aurait fallu mener une véritable réforme, à la fois courageuse et audacieuse, afin d’assurer rapidement le retour du solde public à l’équilibre et de réintroduire la justice fiscale qui fait défaut à notre système d’imposition.
Comme je le rappelais en introduction de mon propos, la situation économique est grave et la sortie de crise n’est pas pour demain malgré les efforts – il faut bien le reconnaître – déployés à l’échelle européenne par le Président de la République pour, au moins, stabiliser la situation.
Mais ce contexte de fortes turbulences ne doit pas nous conduire à repousser, encore une fois, le grand chantier fiscal souhaité au fond par la grande majorité d’entre nous. Si nous nous y attaquions très vite, nous donnerions un signe positif en direction des agences de notation qui surveillent particulièrement la France. Même si, j’en conviens, nous ne devons pas vivre sous le diktat de ces agences, une dégradation de la note française serait tout à fait malvenue.
Mes chers collègues, les radicaux de gauche ont souvent eu l’occasion de rappeler, ici ou dans d’autres tribunes, leur souhait de refondre le système fiscal français dans un objectif d’égalité entre les ménages et de compétitivité des entreprises.
Depuis 1997, nous défendons l’idée de la fusion de l’impôt sur le revenu, de la CSG et d’une bonne partie des cotisations sociales salariées en un impôt unique et progressif et une prise en compte de la capacité contributive du capital des contribuables.
À mon sens, les entreprises devraient également être assujetties à un impôt progressif. Actuellement, les règles d’assiette favorable, combinées aux niches fiscales, altèrent, de mon point de vue, la productivité de l’impôt sur les sociétés. Il faudrait créer plusieurs tranches de taxation des bénéfices, sans oublier d’intégrer le bénéfice mondial consolidé, pour ne pas épargner les grands groupes qui se voient aujourd’hui proportionnellement moins taxés que les PME.
S’agissant des charges sociales payées par les employeurs, ne faudrait-il pas asseoir la part « entreprise » des charges sociales non plus sur la masse salariale versée, mais sur la valeur ajoutée nette produite par l’entreprise afin d’encourager l’emploi ?
Ce sont, madame la ministre, quelques pistes qui pourraient être enrichies par une réflexion élargie au plus grand nombre. Je crois, en effet, que sur ce sujet, nous sommes nombreux à partager l’ambition de ramener notre pays sur le chemin de l’équilibre budgétaire. Je pose la question : avons-nous d’autres choix ? Nos concitoyens sont conscients de l’effort à fournir pour restaurer la crédibilité économique de notre pays. Mais ce qu’ils souhaitent, c’est une réforme fiscale naturellement efficace et, surtout, profondément juste.