Intervention de Michèle André

Réunion du 2 novembre 2011 à 21h45
Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Toutefois, il faut le mettre en perspective avec le constat dressé par Philippe Séguin, confirmé par son successeur à la Cour des comptes au travers du Conseil des prélèvements obligatoires, à savoir que les deux tiers des déficits publics depuis 2007 sont imputables aux choix du Gouvernement, contre un tiers seulement à la crise.

Dans ces choix malheureux des gouvernements Fillon, comment ne pas penser à la loi TEPA, censée être l’application du slogan : « Travailler plus pour gagner plus » ?

Je ne reviendrai pas sur l’aménagement du bouclier fiscal, les collègues qui m’ont précédé ayant largement évoqué cette question, pas plus que sur la diminution des droits de succession, la défiscalisation et l’exonération de charges sur les heures supplémentaires pour un coût de près de 5 milliards d’euros, ni encore sur l’effet d’aubaine de déductibilité des intérêts d’emprunt sur l’immobilier, dont l’inefficacité a été constatée dans le rapport Guillaume, pour un coût de 1, 8 milliard d’euros encore en 2012 malgré l’arrêt de la mesure qui perdurera, pour partie, jusqu’en 2016.

Ce sont autant de mesures dont l’inefficacité, voire les effets pervers coûtent encore 10 milliards d’euros au budget pour 2012 : 10 milliards d’euros pour un slogan ; 10 milliards encore cette année pour rien ou presque !

Et l’on peut ajouter à la loi TEPA quelques autres mesures, telle que la baisse de la TVA dans la restauration, une mesure qui coûte plus de 3 milliards d’euros annuellement, sans contrepartie contraignante pour les bénéficiaires. Quid du réajustement ? Saurons-nous demain à quel taux ce secteur sera assujetti ?

Je pourrais encore citer la réforme de la taxe professionnelle, une réforme précipitée, coûteuse et génératrice de dégâts fondamentaux sur les finances et, surtout, sur la confiance des collectivités locales en l’État et en leur capacité à agir demain.

Et je n’oublie pas non plus les effets pervers sur l’immobilier des dispositifs Robien, Borloo et maintenant Scellier, des cadeaux que savent depuis longtemps capitaliser les promoteurs, qui avancent l’argument commercial suivant : « Zéro euro d’impôts pour vous constituer un patrimoine ! Offre de la dernière chance ! », une offre que nous recevons tous en ce moment dans nos boîtes électroniques. Mais ces cadeaux, ce sont tout de même les contribuables qui les paient ! Pour notre part, nous aurions largement préféré voir se développer le logement social.

Je vous ferai grâce, mes chers collègues, de toutes les autres mesures…

Le bilan des quatre dernières années aboutit à un enchaînement de diminutions de recettes des prélèvements obligatoires opérées au profit des plus favorisés, quand d’autres impôts ou taxes, telles que la création, puis la hausse, de la taxe sur les mutuelles, de la taxe sur les boissons sucrées ou édulcorées, de la TVA sur les offres triple play, impactent directement le pouvoir d’achat de tous, et donc mécaniquement des plus défavorisés.

Alors même que la crise des dettes souveraines repartait en Europe, le Gouvernement permettait à 300 000 contribuables d’échapper à l’impôt sur la fortune, ce qui représente une perte de recettes fiscales pour l’État de près de 1, 8 milliard d’euros.

En période de crise, et alors même que le jeu essentiel des amortisseurs sociaux et le plan de relance contribuaient à creuser le budget de l’État, la politique fiscale du Gouvernement le conduisait à abandonner totalement le levier « recettes » pour tenter de retrouver le chemin de l’équilibre des comptes publics. Il ne lui restait donc plus qu’à actionner le levier « dépenses ». Il s’est donc ensuivi le gel en volume, puis en valeur, des dépenses de l’État, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et ce au risque d’entraîner, nous le constatons maintenant, une dégradation du service public offert à nos concitoyens.

Aujourd'hui, il nous faut rechercher dans la politique fiscale et sociale de notre pays plus de justice pour les ménages et d’efficacité économique pour les entreprises. Il est vrai que les choix à faire sont difficiles. Le levier « recettes » aurait dû être activé plus tôt et plus fortement, et pas de la manière dont vous entendez le faire, madame la ministre ! Pas de cette manière toujours aussi inéquitable, au bénéfice d’un nombre restreint de personnes aisées et au détriment de toutes les autres ! C’est notre nation tout entière – l’État, les organismes sociaux ou les collectivités locales – qui est perdante dans le creusement de la dette. Et qu’en est-il du sentiment de justice fiscale ? D’ailleurs, n’est-ce qu’un sentiment ? Non, c’est bien malheureusement une réalité !

Nous aurons donc à faire face à de grands défis, en vue de rétablir l’équité, la justice, l’efficacité de l’impôt, et ce au moyen de prélèvements clairs et compris de tous.

L’impôt sur le revenu devra disposer d’une assiette large, mêlant à la fois revenu du travail et du capital, mais nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur cette question. Il faudra intégrer la CSG à l’impôt sur le revenu pour permettre une plus grande progressivité. Il faudra également réduire ou supprimer de nombreuses niches fiscales ; cette question a été suffisamment abordée pour que je ne m’y attarde pas.

Enfin, en matière d’impôt sur les sociétés, une réforme sera également nécessaire pour mettre un terme à l’injustice actuelle.

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de nos collègues François Marc et François Rebsamen, on constate que l’impôt sur les sociétés s’avère plus favorable en termes de taux réels pour les entreprises qui dégagent des bénéfices importants : il s’établit à 33, 33 % pour les plus petites entreprises, contre à peine 8 % pour nos poids lourds du CAC 40 !

Dans cet exercice de mitage de l’impôt, le régime des sociétés mères et filiales coûte plus de 25 milliards d’euros au budget national.

La France devra également contribuer à l’accélération, au niveau européen, de l’uniformisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, afin de limiter l’optimisation fiscale au sein de l’Union européenne.

Enfin, au profit des collectivités territoriales et des contribuables locaux, la réforme de la fiscalité locale devra s’orienter vers le renforcement de l’autonomie fiscale et du lien entreprises-territoires, aujourd'hui brisé, ainsi que vers une meilleure prise en compte du revenu. La solidarité territoriale devra s’exprimer au travers de dispositifs de péréquation verticale et horizontale, afin de permettre un égal accès de tous nos concitoyens aux services publics sur l’ensemble du territoire, un principe auquel nous sommes tant attachés.

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