Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2008 marque une nouvelle ère dans les rapports financiers entre l'État et les collectivités locales. La fin du contrat de croissance et de solidarité, qui garantissait une progression de la majorité des dotations de l'État plus rapide que l'inflation, risque malheureusement de porter atteinte au financement des collectivités.
Le mouvement de transferts de compétences amorcé en 2003 a mis les collectivités locales et les élus locaux que nous sommes sous une double pression : garantir des services publics locaux de qualité et maintenir l'équilibre des budgets, obligation légale surveillée avec rigueur par les préfets.
En mettant en oeuvre un nouveau contrat de stabilité entre l'État et les collectivités, le Gouvernement va encore restreindre les capacités financières desdites collectivités.
Je suis, vous le savez monsieur le ministre, un laudateur actif d'une limitation des dépenses de l'État et un contempteur de sa gabegie. Toutefois, l'instauration d'une norme de progression des dépenses de l'État à « zéro volume élargi » me laisse assez sceptique quant à son bien-fondé. Certes, une observation superficielle des chiffres pourrait laisser croire que les collectivités locales sont trop dépensières. En effet, les administrations publiques locales contribuent pour près de 21 % à la croissance de la dépense publique, soit quelque 11, 1 % du PIB en 2006, contre 7, 9 % en 1980. Mais cette croissance, certes supérieure en rythme à celle du PIB, est pour moitié imputable à l'accélération d'investissements dont la finalité répond à un intérêt général local s'inscrivant dans la durée. Je vous rappelle également que 72 % de l'investissement public provient des collectivités.
Par ailleurs, et surtout, la montée en charge des transferts de compétences a entraîné mécaniquement une hausse des dépenses sur lesquelles l'autonomie de décision est nulle. Ainsi, le financement du RMI, dont le nombre de bénéficiaires a augmenté de 5 % en 2005 et 2006, est alimenté par une fraction des recettes de la TIPP. Cependant, cette dernière est structurellement en retrait du fait de la hausse du cours du Brent. Le sous-financement cumulé du RMI pourrait atteindre 2, 35 milliards d'euros en 2007.
Au final, l'État met excessivement à contribution les collectivités locales dans la réduction du déficit public. Pour ces dernières, le manque à gagner qui résultera de l'article 12 sera de l'ordre de 335 millions d'euros, soit 0, 018 point de PIB. §(M. le président de la commission des finances opine.) Les règles de gestion des budgets locaux sont déjà draconiennes et prohibent tout déficit courant. Mais que se passera-t-il ensuite ? Nous prépare-t-on à une indexation de la dotation globale de fonctionnement sur la seule inflation, comme le suggère M. le rapporteur ?
Or, concomitamment, que peut-on observer ? Les finances locales ont subi de multiples allégements fiscaux. En 2005 et en 2006, pour ne citer que les plus récents, ont été votés l'exonération de 20 % des bases de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et le plafonnement à 3, 5 % du calcul de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises. Or les dispositifs de compensation ont été indexés sur 2004 ou 2005, selon des modalités particulièrement complexes, de telle façon qu'ils tendront mécaniquement à diminuer au fur et à mesure des années, en attendant que la législation change à nouveau ! Encore est-il heureux que nos collègues députés aient exclu la taxe sur le foncier non bâti des variables d'ajustement de l'enveloppe normée, afin de préserver quelque peu la ressource fiscale principale de 21 000 communes rurales.
Cet ensemble de mesures destinées à alléger la fiscalité locale a conduit à renforcer le poids de l'État. La part des compensations et des dégrèvements est passée de 22 % au milieu des années 90 à près de 34, 6 % en 2003. L'intégration de ces compensations dans la DGF a fait artificiellement chuter ce ratio à 26, 9 % en 2006. Si l'autonomie financière des collectivités locales est le corollaire du principe constitutionnel de libre administration des collectivités, l'Observatoire des finances locales a montré que le ratio d'autonomie financière pour 2005 avait encore reculé pour les communes.
Les collectivités rurales sont une nouvelle fois parmi les moins bien loties. L'élu du premier département agricole de France que je suis ne peut passer sous silence l'inquiétude des élus locaux face à la dégradation constante de leurs ressources. Je prendrai pour illustration les règles de calcul de la fraction bourg-centres de la dotation de solidarité rurale, qui aboutissent à une inégalité de traitement entre communes, aggravant encore les handicaps d'un monde rural déjà fragilisé par les difficultés de l'agriculture.
La complexité croissante de ces réglementations n'est guère accessible à nos administrations locales. Qui plus est, l'enchevêtrement des compétences et des niveaux de décision - communes, établissements publics de coopération intercommunale, départements, régions, État - tend à faire de la libre administration des collectivités locales un principe incantatoire !
Monsieur le ministre, les collectivités locales, a fortiori les plus petites d'entre elles, ne veulent pas dépendre indéfiniment du bon vouloir de l'État. Elles ont la volonté de financer leurs décisions à partir de ressources propres qu'elles auront librement déterminées. Cela implique naturellement de revoir en profondeur les règles de la fiscalité locale pour asseoir les ressources sur des bases dynamiques qui n'entraveraient ni le rendement de l'impôt, ni le pouvoir d'achat des administrés, ni la compétitivité des entreprises. À ce stade, je ne peux qu'espérer que la Haute Assemblée se saisisse de cette question et évalue l'application de la loi organique du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.