Enfin, les recettes chutent aussi du fait du recul des mécanismes de compensation, qui se vérifie particulièrement pour les transferts de personnels, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008.
En effet, s'agissant des prévisions de compensation de la tranche 2008 des transferts des deux catégories de personnels dévolues aux collectivités territoriales, leur montant atteindrait 750 millions d'euros, soit presque le double de celui qui est prévu dans ce budget, monsieur le ministre, et qui est de 427 millions d'euros seulement.
Cet écart excessif entre les deux prévisions d'ajustement, faute de données précises, apporte, une fois encore, la preuve que le principe de la compensation financière n'est pas respecté par l'État, ce qui contribue à fragiliser les budgets des départements et à remettre en cause leur autonomie financière.
Par ailleurs, si les recettes poursuivent leur chute, comme je viens de le montrer, les dépenses, elles, sont inexorablement orientées à la hausse.
Force est de constater, en effet, que les départements doivent supporter de nouvelles charges. Ils constituent des collectivités territoriales de proximité, auxquelles l'État a transféré des compétences essentielles dans le domaine social. Aussi ont-ils développé et étendu leurs missions en matière d'aide aux personnes, avec de nouvelles charges à gérer.
Tout d'abord, les départements s'occupent de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, dont ils paient les deux tiers. Or, entre 2002 et 2006, le montant des dépenses brutes d'APA a été multiplié par plus de deux - il a progressé de 139 % exactement -, passant de 1, 8 milliard à 4, 3 milliards d'euros.
Ensuite, les départements versent le RMI, dont on peut signaler que le nombre de ses bénéficiaires augmente constamment et que son allocation s'est accrue de 7 % entre 2003 et 2007, sans qu'il y ait eu des réajustements compensatoires suffisants et pérennes de la part de l'État. Si elle persiste, la sous-compensation de l'État aura pour conséquence un déficit cumulé de 2, 95 milliards d'euros en 2008, à la charge des conseils généraux.
Enfin, les départements sont chargés de la prestation de compensation pour les personnes handicapées ; nous n'en mesurons pas encore tous les effets, mais ceux-ci seront sans doute très importants.
En 2005, les 22, 5 milliards d'euros des dépenses d'aide sociale versés par les départements constituaient 40 % des dépenses sociales totales des pouvoirs publics, c'est-à-dire de l'État et des collectivités locales. Elles représentent aujourd'hui 50 % de l'ensemble des recettes de fonctionnement des départements.
Au-delà des transferts de charges survenus dans le domaine social, les transferts des personnels de l'équipement et de l'éducation nationale ont également suscité, pour les départements, des dépenses supplémentaires, qui ont été sous-évaluées par l'État. Les primes, en particulier, qu'elles soient versées aux agents de catégorie B et C ou aux cadres de catégorie A, sont plus élevées dans les collectivités territoriales que dans la fonction publique d'État, ce qui rend nécessaires des réajustements.
Pour d'évidentes raisons démographiques, toutes ces dépenses ne sont pas appelées à diminuer. En effet, les collectivités ne maîtrisant pas ces charges, bien des départements cumulent les handicaps.
C'est le cas, tout d'abord, de ceux qui comptent un grand nombre de personnes âgées ; selon le rapport remis en mars dernier par Hélène Gisserot au ministre délégué à la sécurité sociale, avec 20 % de personnes dépendantes en plus d'ici à 2020 et un accroissement de 75 % des plus de 85 ans, la dépense aura doublé d'ici à vingt ans. Ensuite, le nombre de RMIstes, je le répète, ne baisse pas. Enfin, la densité de la population de certains départements est faible par rapport à l'étendue de leur territoire.
Il n'existe donc aucune perspective de baisse de ces dépenses, dont nous voyons bien, au contraire, qu'elles sont en constante augmentation. Pourtant, les conseils généraux sont de bons gestionnaires : ils présentent des budgets en équilibre et leurs emprunts servent uniquement à financer des dépenses d'investissement, contrairement à l'État, qui couvre par ce biais ses dépenses de fonctionnement !
Dès lors, monsieur le ministre, face à cet effet de ciseaux causé par des dépenses nouvelles vouées à augmenter et par des recettes en baisse, quelles solutions peuvent être envisagées pour écarter les dangers qui pèsent sur les budgets départementaux ?
Une première piste consisterait à augmenter le niveau de la fiscalité. Toutefois, l'affaiblissement des assiettes dû aux diverses réformes néfastes pour les finances des collectivités, l'injustice liée à l'absence de révision des bases et les faibles ressources d'un très grand nombre de nos concitoyens ne nous permettent pas, malheureusement, d'utiliser aujourd'hui ce levier.
Une deuxième piste serait de diminuer nos dépenses d'investissement, et c'est dans cette voie que nous nous engageons, puisque nous y sommes contraints. Toutefois, vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, que les départements sont des donneurs d'ordre importants, grâce auxquels de nombreux projets locaux prennent corps, et que toute diminution de leurs investissements aurait des conséquences sur l'économie à court terme, et surtout à long terme. En effet, les collectivités locales participent à l'effort d'investissement public pour plus de 72 %.
Une ultime solution serait de mener une réflexion commune sur le concept de péréquation. En effet, il est urgent de redessiner les contours de notre fiscalité locale, dans ce domaine comme dans d'autres, d'ailleurs.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré, lors de la discussion générale, qu'il fallait « se projeter dans l'avenir en faisant face aux problèmes du présent ». Or, avec vos propositions budgétaires, vous accentuerez la fracture territoriale !