Intervention de Claude Guéant

Réunion du 1er décembre 2011 à 15h00
Loi de finances pour 2012 — Sécurité civile

Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, je vous prie de bien vouloir excuser mon absence ce matin ; j’ai été retenu par des engagements internationaux.

La mission « Sécurité civile » est au cœur de la vie quotidienne de nos concitoyens. Chaque année, un Français sur trois compose le 18 ou le 112 et une intervention a lieu toutes les sept secondes.

Chaque année, en France ou à l’étranger, la sécurité civile se porte au secours de populations et de territoires touchés par des catastrophes d’une ampleur exceptionnelle.

Ce fut encore le cas, au début de l’année, avec l’envoi d’un contingent au secours du Japon, durement touché par un tremblement de terre et un tsunami.

Ce fut le cas, à la fin d’octobre, à La Réunion, où plus de 420 sapeurs-pompiers de métropole sont venus en appui à leurs camarades réunionnais afin de venir à bout de l’incendie du parc national.

Mi-novembre, lors des intempéries qui ont touché le sud de la France, la stratégie d’alerte précoce, couplée à un prépositionnement de moyens nationaux et zonaux, a permis de faire face, de manière exemplaire, aux conséquences des inondations.

Cette qualité française en matière de sécurité civile ne doit rien au hasard. Elle est le résultat, d’abord, de l’engagement exemplaire des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, civils et militaires, ainsi que des personnels administratifs et techniques de la sécurité civile.

Avec dévouement, courage et compétence, tous se portent au secours de nos concitoyens en détresse ; ils méritent, pour cela, la reconnaissance de la Nation.

Depuis janvier dernier, neuf d’entre eux ont sacrifié leur vie à leur devoir ; je voudrais ici leur rendre un nouvel hommage et saluer leur mémoire.

Mais cette performance est aussi la conséquence des réformes conduites depuis dix ans pour permettre à la sécurité civile d’entrer pleinement dans le xxie siècle.

Départementalisation, Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, création d’une direction générale et d’une école nationale, valorisation des statuts des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, autant de réformes majeures qui doivent aujourd’hui être consolidées ou poursuivies.

C’est pourquoi le budget pour 2012 de la sécurité civile s’inscrit dans une logique de continuité.

Continuité, d’abord, avec les grandes réformes de structure conduites en 2011.

Première réforme essentielle, nous avons créé, le 7 septembre dernier, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

Cette réforme était la traduction nécessaire d’une réalité incontestable : la sécurité civile et tous ceux qui y concourent constituent, aux côtés de la police et de la gendarmerie, le troisième pilier de la sécurité nationale.

Ce troisième pilier devait s’incarner concrètement dans une direction générale unique dans laquelle se retrouvent à la fois la préparation des plans de secours et la mise en œuvre des secours.

C’était une promesse du Président de la République ; c’est aujourd’hui une réalité.

Monsieur le rapporteur spécial, vous l’avez souligné, la création de cette nouvelle structure a permis une optimisation grâce au regroupement des équipes chargées de la sécurité civile et de la mission de planification, autrefois assurée par la Direction de la prospective et de la planification de sécurité nationale.

En créant une continuité entre la préparation aux crises et le commandement de la chaîne de secours, ce rapprochement renforce la capacité d’anticipation du ministère de l’intérieur et ses moyens de gestion interministérielle des crises.

Cette création permet en outre de revaloriser le management des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, et des sapeurs-pompiers.

Deuxième réforme essentielle conduite en 2011, nous avons davantage reconnu et valorisé les statuts des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les sapeurs-pompiers volontaires constituent le socle de notre système de secours. Nous devons juridiquement reconnaître et protéger leur statut.

C’est désormais chose faite, grâce à la proposition de loi du député Pierre Morel-A-L’Huissier, adoptée cet été à l’unanimité, texte sur lequel avait beaucoup travaillé Mme Troendle.

Monsieur Léonard, votre inquiétude quant à la transposition éventuelle d’une directive européenne sur le temps de travail pour les sapeurs-pompiers volontaires n’a plus de raison d’être. En effet, cette nouvelle loi reconnaît le sapeur-pompier volontaire comme un citoyen engagé et non comme un salarié soumis à ladite directive.

Concernant les sapeurs-pompiers professionnels, leurs légitimes attentes en matière d’évolution de carrière combinées avec les évolutions du droit commun de la fonction publique territoriale et le contexte budgétaire difficile rendaient nécessaire une réforme de la filière, ainsi que l’a rappelé Mme Assassi.

Après plusieurs mois d’un large et fructueux travail de concertation, j’ai signé, le 23 septembre dernier, un protocole d’accord sur la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels avec les représentants de la « Dynamique des acteurs de la sécurité civile », regroupement de ceux qui se sont engagés dans cette négociation.

Évalué à 25 millions d’euros lissés sur cinq ans, répartis sur cent services départementaux, le coût supplémentaire pour les SDIS est à comparer au glissement vieillesse-technicité, qui représente chaque année un coût de 120 millions d’euros. Il faut le comparer également aux 80 millions d’euros défendus par les tenants du rapport dit « FS3 ».

Ce protocole doit maintenant produire ses effets rapidement.

Au début de l’année 2012, les textes seront présentés à la Conférence nationale des services d’incendie et de secours ainsi qu’au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Ils seront ensuite transmis à la Commission consultative d’évaluation des normes et au Conseil d’État, pour une publication au cours du premier semestre.

Troisième et dernière réforme importante de 2011, nous avons inauguré, à Aix-les-Milles, la nouvelle École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, l’ENSOSP.

Cet outil, l’État l’a voulu, l’État l’a construit, mais, je le souligne, en partenariat avec les collectivités territoriales.

Répondant à des attentes qui se sont manifestées, je confirme que l’État soutient et continuera de soutenir financièrement ce très bel outil.

C’est pourquoi nous avons ainsi décidé de rétablir de manière pérenne la participation de l’État au budget de l’ENSOSP.

Cet effort annuel de 4, 5 millions d’euros pour le fonctionnement et de 5, 2 millions d’euros pour l’investissement souligne combien nous avons confiance dans les capacités de cette école à faire des futurs officiers de sapeurs-pompiers un corps de cadres responsables permettant une conduite ambitieuse de la sécurité civile avec, de surcroît, la préoccupation constante du management des personnels.

Cet engagement trouve sa contrepartie dans une gestion toujours plus rigoureuse et transparente de l’école, mais aussi dans la nécessaire redéfinition des programmes intégrant davantage la dimension humaine, conformément au souhait unanime de la profession.

Au-delà de ces réformes de structure, le budget qui vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, s’inscrit aussi dans une logique de continuité par rapport au suivi de l’équilibre financier des SDIS.

Dix ans après la départementalisation des services d’incendie et de secours, nous sommes parvenus à un équilibre en matière tant de gouvernance que de financement.

Concernant la gouvernance des SDIS, État et collectivités territoriales se retrouvent régulièrement au sein de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS, récemment renouvelée et dont l’installation est effective depuis ce matin.

Je tiens, à cet égard, à féliciter les sénateurs Yves Rome et Pierre Bordier, qui viennent d’être élus respectivement président et vice-président de la CNSIS. Au début de l’année 2012, nous soumettrons à cette instance plusieurs textes essentiels, notamment ceux qui concernent l’application de la loi du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique.

Par ailleurs, je compte mener à bien dans les meilleurs délais une réforme de l’encadrement supérieur des SDIS, afin que les officiers supérieurs de sapeurs-pompiers à la tête des établissements publics puissent bénéficier d’un parcours qualifiant, comprenant des alternances dans des emplois de l’État et en postes territoriaux, dans une logique assumée d’emplois fonctionnels et de responsabilisation.

Concernant, ensuite, les questions de financement, le contexte actuel de crise économique impose que les budgets de tous les organes publics, l’État comme les collectivités territoriales, soient maîtrisés.

Au niveau central, la sécurité civile participe à hauteur de 11, 7 millions d’euros à l’effort supplémentaire de réduction des dépenses publiques qui a été décidé par le Premier ministre, sans remettre en cause pour autant ni la capacité opérationnelle ni les grands projets, ainsi que l’a relevé M. Dominique de Legge.

Je me réjouis que, depuis trois ans, les budgets des SDIS soient stabilisés en volume, conformément au souhait de nombre de parlementaires et d’élus locaux. Les comptes de gestion de l’exercice 2010 font ainsi ressortir une progression des budgets de 1, 5 % correspondante à l’inflation. Quant aux budgets primitifs de l’exercice 2011, ils sont eux aussi maîtrisés, en hausse de 0, 21 %.

Cet effort de maîtrise des dépenses doit être permanent ; il doit aussi être innovant. À l’heure actuelle, il existe encore de nombreuses marges de manœuvre en matière de mutualisation des dépenses. Les initiatives prises par certains SDIS en matière de mise en commun des achats, des fonctions support voire des centres de formation le prouvent. Ces initiatives sont prometteuses ; elles doivent être développées et encouragées.

Au-delà des efforts de gestion efficace qu’elles conduisent et dans le strict respect de leur autonomie, les collectivités territoriales peuvent compter sur le soutien de l’État.

En termes de méthode, tout d’abord, l’État met à la disposition des SDIS ses indicateurs et ses outils et il se fait le vecteur de la diffusion de leurs bonnes pratiques.

En termes financiers, ensuite, l’État participe aux dépenses d’investissement des SDIS par le biais du Fonds d’aide à l’investissement. Je connais la vigilance de Mme le sénateur Catherine Troendle sur ce sujet. Ce soutien, nous avons voulu le recentrer sur son objet premier, qui est d’orienter l’investissement et non de se substituer aux SDIS.

Ce recentrage explique que le montant du FAI soit aujourd’hui inférieur à ce qu’il était lors de sa création dans la loi de finances pour 2003, mais il n’empêche pas l’État d’assumer son rôle d’orientation de l’investissement, bien au contraire.

Aujourd’hui, l’État s’engage fortement pour le déploiement de moyens d’information et de transmission modernes, auxquels il consacre 78 % des subventions du FAI. Cet effort sera maintenu en 2012, notamment pour poursuivre le déploiement du système de communication ANTARES, qui permet l’interopérabilité des réseaux de communication des différentes forces de sécurité.

Je dois signaler, afin de répondre à Mme le sénateur Anne-Marie Escoffier, que l’État soutient deux lignes budgétaires complémentaires : le FAI et le financement direct d’ANTARES, qui était historiquement intégré au sein du FAI. Chaque année, cet effort de l’État s’élève à environ 44 millions d’euros répartis en deux parts égales entre le FAI et ANTARES.

Enfin, l’État soutient le domaine des transports par carence, comme l’a souligné le sénateur Yves Rome.

Le code de la santé publique oblige désormais les établissements publics de santé à intégrer dans leurs budgets l’indemnisation des interventions des SDIS en cas d’indisponibilité des transporteurs sanitaires privés.

Le montant de cette indemnisation, aujourd’hui fixé à 105 euros, a fait l’objet d’une discussion entre le ministère de la santé et celui de l’intérieur pour aboutir à sa revalorisation à hauteur de 112 euros, avec une clause d’indexation automatique pour l’avenir.

Outre qu’il s’inscrit dans la continuité des grandes réformes de structures de 2011 et de la mise en œuvre de la responsabilité budgétaire, le budget de la sécurité civile pour 2012 poursuit l’application du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

En la matière, l’objectif visé est double : d’une part, améliorer l’alerte et l’information des populations, et, d’autre part, renforcer la réactivité des pouvoirs publics dans la gestion des crises.

Conformément aux recommandations du Livre blanc, le ministère de l’intérieur met progressivement en place, en commençant par les zones les plus exposées, un nouveau système d’alerte et d’information des populations.

Ont d’ores et déjà été lancés sept appels d’offres pour rénover le réseau des sirènes, effectuer le raccordement au système d’alerte de tous les outils de diffusion – je pense, par exemple, aux panneaux à message variable sur le réseau routier – ou créer une alerte sur téléphone portable.

L’efficacité d’une alerte tient en effet beaucoup à la pertinence de son mode de diffusion. En adoptant le SMS comme premier moyen d’alerte et d’information de la population, l’État s’adapte au mode de vie des Français et crée entre eux et les autorités publiques – maire, préfet ou Gouvernement – un lien rapide, direct et ciblé.

Cet effort global d’amélioration de l’alerte et de l’information des populations se double d’un effort particulier orienté vers la prévention d’un risque jusqu’ici trop peu pris en compte, celui de la submersion.

Tirant la leçon de la tempête Xynthia survenue en 2010 sur le littoral atlantique, le plan interministériel submersions rapides, présenté en février dernier en conseil des ministres, a ainsi débouché sur la prise en compte du risque de fortes vagues et de submersion du littoral dans les alertes diffusées à la population. Depuis le 3 octobre dernier, Météo France est en mesure d’anticiper, de qualifier et de quantifier ces phénomènes dangereux.

Tirant la leçon, également, du tsunami qui a frappé les côtes d’Asie du Sud-Est en 2004, la France a décidé de constituer, sous l’égide de l’UNESCO, un centre national d’alerte aux tsunamis pour la Méditerranée et l’Atlantique Nord-est. Ce centre, implanté à Bruyères-le-Châtel, sera opérationnel d’ici à la mi-2012. Je tiens à rassurer Mme Troendle : le ministère de l’intérieur continuera de participer de manière pérenne au financement de ce projet majeur.

Tirant la leçon, enfin, des phénomènes climatiques d’intensité anormale qui frappent notre pays régulièrement, le Gouvernement a entrepris une réforme du régime dénommé « catastrophes naturelles » destinée à améliorer la transparence de ce dernier, avec la définition de seuils par type d’aléa, tout en encourageant les démarches de prévention.

Conformément aux recommandations du Livre blanc, le Gouvernement poursuit également ses efforts pour doter les forces de sécurité de moyens modernes, adéquats et adaptés.

Cela signifie, tout d’abord, un effort particulier en faveur de la prise en compte du risque NRBC-E, c'est-à-dire nucléaire, radiologique, biologique, chimique et lié aux explosifs.

Après l’achèvement, cette année, du programme 2009-2011 d’équipement de la sécurité civile en moyens NRBC, qui aura permis d’acquérir, en trois ans, 4, 2 millions d’euros de matériels de lutte et de protection, trois grands programmes d’équipement seront poursuivis en 2012 : tout d’abord, l’acquisition de sept chaînes de décontamination à répartir sur l’ensemble du territoire ; ensuite, le déploiement progressif, dans les seize plus grandes agglomérations du pays, de laboratoires mobiles de prélèvements et d’analyses permettant l’identification immédiate de la menace ; enfin, la création d’un centre commun civilo-militaire de formation et d’entraînement NRBC-E.

Parallèlement à ces programmes, le ministère de l’intérieur poursuit un effort immobilier visant à se doter d’infrastructures aux normes et plus fonctionnelles, notamment pour ce qui concerne les services du déminage. Au total, 12, 75 millions d’euros seront ainsi consacrés dans le triennal 2011-2013 aux investissements immobiliers, notamment à Bastia, où une base polyvalente de sécurité civile regroupant les moyens aériens et un centre de déminage est en cours de construction.

Au-delà de la prise en compte du risque NRBC-E, le Gouvernement veille à améliorer, tant en métropole qu’outre-mer, la couverture aérienne de notre territoire par la sécurité civile.

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