Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 1er décembre 2011 à 15h00
Loi de finances pour 2012 — Sécurité

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Et si le bon peuple peine à croire que le meilleur moyen de faire baisser la délinquance, ce n’est pas forcément de faire maigrir les forces de police, il suffit de brouiller les cartes, autrement dit de multiplier les résultats contradictoires.

Chacun sait ici que les indicateurs globaux de délinquance n’ont aucun sens. Mes chers collègues, vous avez constaté comme moi tout à l’heure que M. Ollier n’a pas hésité à rappeler que, selon lui, depuis 2002, cette délinquance globale a baissé de 17 %, ce qui représenterait le salut de 500 000 victimes !

Cette année, les atteintes aux biens diminuent, mais le nombre de cambriolages augmente. Les crimes et délits en matière d’escroqueries, d’infractions économiques et financières diminuent, mais les usurpations d’identité – plus de 200 000 par an – prennent des proportions inquiétantes. Surtout, les atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes, qui restent quand même le premier problème d’un État de droit, continuent à augmenter, essentiellement pour des motifs crapuleux.

Plus on multiplie les indicateurs, plus il est difficile de juger objectivement des résultats des politiques menées, et plus il est facile pour le ministère de l’intérieur de présenter ceux-ci à son avantage. On le comprend !

C’est d’autant plus facile que seront regroupés dans une même catégorie des faits de gravité et d’impact sur l’opinion publique très différents. Ainsi, l’augmentation des agressions sur le personnel des transports – plus 15 % en 2010 –, aux effets, vous le savez, particulièrement calamiteux, disparaît-elle, noyée dans un indice global hétérogène.

Dernière cause de brouillage abordée par mes collègues et que j’aurai le temps d’évoquer : le transfert de plus en plus évident des dépenses de sécurité vers les particuliers et les collectivités. On ne sait plus à qui imputer les résultats de la lutte contre la délinquance !

En 2008, l’industrie de la sécurité privée employait 165 000 salariés, soit plus que le nombre des fonctionnaires de la police nationale, pour un chiffre d’affaires de 4, 8 milliards d’euros, en croissance régulière.

Selon le quotidien Les Échos, les seules industries du transport ont réalisé 137 millions d’euros de dépenses de sécurité par an.

Quant aux effectifs des polices municipales – cela a été dit tout à l’heure – ils ne cessent, eux aussi, d’augmenter. Ils atteignaient 19 370 agents en janvier 2010, contre 14 300 en janvier 2002, soit une augmentation de 35 %, alors que, dans le même temps, les effectifs de la police nationale et de la gendarmerie baissaient, ce qui n’empêche pas le Gouvernement de critiquer par ailleurs la croissance des effectifs de la fonction publique territoriale.

Enfin, il y a, bien sûr, la hausse des dépenses liées à la vidéosurveillance, encouragée par le Gouvernement. La Cour des comptes estime à 300 millions d’euros le coût du triplement du nombre des caméras installées sur la voie publique entre 2010 et 2011.

À l’évidence, très majoritairement, les membres du groupe du RDSE ne pourront cautionner ce jeu de passe-passe, car, sauf erreur de ma part, le jeu du bonneteau est interdit dans notre pays.

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