Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 6 décembre 2004 à 22h00
Loi de finances pour 2005 — Défense

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Madame la ministre, avec 32, 82 milliards d'euros de crédits pour 2005, le budget de la défense progresse de 1, 6 % par rapport à 2004. Pourtant, nombre d'incertitudes demeurent quant au financement de plusieurs programmes d'armement, étant entendu que la question n'est pas de savoir si ces programmes sont ou non surdimensionnés, même si les débats au sein de la commission des finances du Sénat ont révélé les doutes de certains membres de votre majorité. Ces programmes ont été actés par la loi de programmation militaire 2003-2008.

Vous dites, madame la ministre, que, pour la troisième année consécutive, votre budget respecte scrupuleusement la loi de programmation. Pourtant, un certain nombre de projets restent flous. Je pense particulièrement au programme des frégates européennes multimissions, les FREMM.

Le programme FREMM prévoit la construction, en coopération avec l'Italie, de dix-sept frégates. Pour la France, huit frégates sont prévues dans le cadre de la programmation, soit quatre en 2005 et quatre en 2007. La commande aurait dû être passée avant la fin de 2004. Cependant, si 1, 7 milliard d'euros d'autorisations de programme sont inscrits au budget de 2005, aucun crédit de paiement n'apparaît.

Votre ministère dit réfléchir à un « schéma de financement innovant ».

Dans son rapport, M Fréville indique que le problème de financement des FREMM est lié à la restructuration de DCN : la transformation de cette société aurait pesé sur les crédits de la marine nationale, les crédits de paiement destinés au financement des FREMM ayant été utilisés pour financer la restructuration.

Il me semble, madame la ministre, que vous devez à la représentation nationale des explications supplémentaires sur ce sujet. Il faut lever les doutes quant au financement de ces frégates. Cette commande est d'une importance capitale notamment pour la DCN, dont le sort même est incertain.

Le Gouvernement entretient le plus grand flou quant à l'avenir de l'industrie navale et militaire française. Lors d'une récente séance de questions d'actualité, M Devedjian a tout bonnement refusé de répondre à la question que je lui posais quant à l'hypothèse d'un rachat de Thales par EADS et ses conséquences.

Cette question est pourtant de la première importance, car, jusqu'à présent, c'est l'hypothèse d'un rapprochement entre DCN et Thales qui était privilégiée, et j'ai cru comprendre, en entendant votre réponse à M. Boyer, qu'elle l'était aussi par vous.

On comprend mieux désormais le blocage du projet par Dassault et Alcatel, actionnaires de Thales. En fait, le seul élément tangible semble être l'ouverture du capital de DCN et la possibilité de filialisation que vous avez annoncée lors du dernier salon Euronaval. Pourtant, là aussi, c'est le flou qui domine.

Lors du changement de statut de DCN, le Gouvernement s'était engagé à rendre compte annuellement devant l'Assemblée nationale et le Sénat de l'état d'avancement du projet et du contrat d'entreprise de la nouvelle société. Nous avons pourtant le plus grand mal à obtenir des informations. Reste qu'il nous importe de connaître la réalité du projet industriel de l'Etat concernant DCN !

En 2002, l'Etat s'était engagé à conserver 100 % du capital. Jusqu'à présent, vous n'aviez jamais remis en cause cet engagement, madame la ministre, mais votre réponse à notre collègue André Boyer m'incite à penser que les choses ont changé. Dès lors, on peut se demander quand et comment l'ouverture du capital interviendra.

Le Conseil d'Etat s'est opposé à l'incorporation des dispositions relatives à cette ouverture dans le projet de loi de finances rectificative à venir. Il semblerait que vous hésitiez entre deux hypothèses : déposer un texte spécifique à l'Assemblée nationale dans les trois à six mois qui viennent ou intégrer la mesure dans le prochain projet de loi portant diverses mesures d'ordre économique et financier. Pour ma part, j'estime que, eu égard à son importance, cette mesure mérite un débat spécifique !

Vous avez annoncé, madame la ministre, la présentation d'un texte, mercredi prochain, en conseil des ministres, ce qui semble démontrer que vous privilégiez la seconde hypothèse, mais je souhaiterais que vous me le confirmiez.

Cette éventuelle ouverture du capital de DCN soulève diverses questions, que vous avez certainement envisagées.

Pouvez-vous nous dire comment sera garanti le contrôle du capital par l'Etat, s'il est garanti ? Comment sera conservée l'unicité de l'entreprise ? Comment seront assurés son plan de charge et les engagements de l'Etat ? Comment les garanties statutaires données aux ouvriers d'Etat et aux fonctionnaires affectés à la nouvelle société DCN seront-elles préservées ? Avec l'ouverture du capital, que deviendront le statut des ouvriers de l'Etat et, surtout, leur régime de retraite ? Ce dernier devra-t-il être adossé au régime général, comme pour EDF-GDF ? Si oui, dans quelles conditions et pour quel montant ? Enfin, comment cet adossement serait-il financé ?

Les syndicats de DCN ont déjà eu l'occasion de dénoncer, à propos des relations avec leur direction, l'absence de dialogue et de perspectives. Vous les avez reçus, mais, jusqu'à ce que vous fassiez l'annonce de l'ouverture du capital, ils n'avaient jamais été informés du projet et, aujourd'hui encore, ils ont le plus grand mal à savoir où on veut les emmener.

Toutes ces incertitudes ne font que renforcer les craintes des personnels, des industriels de la sous-traitance, dont la situation est plus que jamais fragile, et des collectivités locales. Je vous saurais gré, madame la ministre, de bien vouloir apporter au plus vite à tous ceux qui s'interrogent des réponses claires et précises.

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