Intervention de Michèle André

Réunion du 1er décembre 2011 à 15h00
Loi de finances pour 2012 — Administration générale et territoriale de l'état

Photo de Michèle AndréMichèle André, rapporteure spéciale de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » bénéficiera en 2012 d’une enveloppe de 2, 7 milliards d’euros de crédits de paiement, hors fonds de concours, en progression de 11, 8 % par rapport à 2011. Cette hausse ne doit toutefois pas faire illusion : elle résulte surtout de changements de périmètres, ainsi que de l’accroissement des crédits consacrés au cycle électoral, particulièrement chargé l’année prochaine.

La mission est fortement affectée par la RGPP, via la mise en place du passeport biométrique, la création du nouveau système d’immatriculation des véhicules, l’évolution du contrôle de légalité et la mutualisation des fonctions de support.

La poursuite de cette politique se traduira, en 2012, par la disparition de 529 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, dont 475 dans les préfectures. En particulier, les services chargés de délivrer les permis de conduire vont perdre 150 ETPT, ceux qui assurent le contrôle de légalité 179 et les services s’occupant de la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports 50.

Dans ce contexte de diminution des effectifs, je regrette que les précédentes mises en garde n’aient pas été entendues. En effet, une nouvelle fois, les emplois disparaissent –s’agissant de la délivrance des permis de conduire et des titres d’identité ou du contrôle de légalité – avant que les gains de productivité ne se concrétisent. Les précédents exercices ont pourtant montré les dégâts causés par de telles décisions, en particulier pour les activités de guichet des préfectures en ce qui concerne la délivrance des passeports et le système d’immatriculation des véhicules.

Au Sénat, les travaux de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia ont par ailleurs mis en évidence le risque d’insécurité juridique très lourd pesant sur les élus locaux lorsque le contrôle de légalité fait défaut.

À l’Assemblée nationale, les députés Cornut-Gentille et Eckert font état, dans leurs travaux, de doutes quant à « la sincérité du bilan de la RGPP », qui « est parasitée par une volonté de justifier les chiffres globaux initialement affichés et d’éluder les coûts associés aux réformes ».

Au final, les préfectures font de la corde raide, et une dégradation sérieuse du niveau de qualité de ce service public est en marche. Les deux députés précités déplorent dans leur rapport l’absence de « véritable implication et consultation des agents et des usagers du service public ».

S’agissant du programme « Administration territoriale », je veux exprimer ici un motif de profond mécontentement, monsieur le ministre.

À l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances, nous avons découvert que l’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, avait constitué un fonds de roulement absolument considérable, s’élevant à environ 100 millions d’euros, soit près de six mois de fonctionnement… Cela laisse rêveur ! Ce montant a été accumulé en un temps très court, puisque l’ANTS n’a été créée qu’en 2007 ! Dans ces conditions, il y a probablement lieu de s’interroger sur la sincérité des comptes présentés à la représentation nationale, car, s’agissant de cet opérateur, ni les projets et rapports annuels de performance, ni les réponses aux questionnaires budgétaires adressés au ministère en application de la loi organique relative aux lois de finances, ni les auditions des responsables n’ont jamais permis, au cours des exercices précédents, de détecter cette situation. En 2012, 41, 8 millions d’euros seront prélevés sur le budget de l’ANTS, ce qui devrait permettre de ramener le fonds de roulement à un niveau plus convenable.

Le cycle électoral induit une forte hausse des crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative » : elle atteint 131, 6 %, dont 428 millions d’euros de crédits de paiement. Le coût prévisionnel de la prochaine élection présidentielle est évalué à 217, 3 millions d’euros, et celui des élections législatives à 122, 3 millions d’euros.

Dans ce domaine, je déplore vivement, une nouvelle fois, que les partis politiques se privent de plus de 5 millions d’euros du fait de leur non-respect des règles fixées par la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Les crédits de paiement du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » s’élèvent à 651, 7 millions d’euros. Ils sont en hausse de 6, 6 %.

Pour 2011, les dépenses liées au contentieux devraient atteindre 123 millions d’euros. Comme chaque année, malheureusement, on peut nourrir des inquiétudes quant au respect de l’autorisation budgétaire accordée pour cette action et à la sous-évaluation de ce poste de dépenses pour l’exercice à venir : 82 millions d’euros lui sont affectés, soit une baisse de 1, 2 % par rapport à la dotation initiale pour 2011.

S’agissant du contentieux de la gestion des cartes nationales d’identité et des passeports par les communes, le passage prochain à la carte nationale d’identité électronique devrait être l’occasion de remettre enfin à plat les relations entre l’État et les communes concernant la délivrance des titres d’identité.

En conclusion, étant donné les réserves que je viens de formuler, la commission des finances propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

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