Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord souligner l’intérêt du rapport de M. Courtois.
Il semble que, trois ans après le lancement de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, la validité d’un grand nombre des remarques et critiques que notre groupe avait formulées sur cette démarche de restriction budgétaire tend à être aujourd’hui reconnue, y compris par des sénateurs appartenant à la majorité gouvernementale.
Il faut dire que la mise en œuvre de la RGPP, tout particulièrement dans le cadre de l’administration territoriale de l’État, a eu des conséquences parfois dévastatrices. Son efficacité est aujourd’hui largement contestée.
L’un des sous-titres du rapport de notre collègue est particulièrement évocateur de l’appréciation que l’on peut porter sur la régionalisation de l’action de l’État : « une réforme discutable sur le fond et peu efficace sur le terrain ». On ne saurait être plus clair !
Dans ces conditions, il sera difficile d’inscrire la RGPP à l’actif du bilan de la majorité sortante. Si son efficacité est aujourd’hui remise en cause, elle a eu en outre un effet désastreux sur le terrain, notamment en termes d’emplois, puisque la saignée a déjà porté sur plus de 8 % des effectifs et qu’elle est appelée à se poursuivre encore cette année, avec la suppression de 400 emplois, qui s’ajoutera donc à celle de 2 560 postes depuis 2009.
Cette baisse drastique des effectifs s’est aussi accompagnée de regroupements de personnel à l’échelon régional. Cela a concouru à la perte de vitalité sociale et économique de certains territoires délaissés et à l’émergence de nouvelles contraintes de déplacement pour les personnels.
De tels bouleversements ont eu, sans conteste, des conséquences douloureuses sur les conditions de travail et de vie des agents des préfectures, ainsi que sur le service rendu aux usagers. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir la façon dont les étrangers sont accueillis dans les préfectures, notamment en Île-de-France. Les personnels, qui font le maximum, ne sont pas responsables de cette situation, uniquement imputable à leurs déplorables conditions de travail.
Aujourd’hui, nous craignons que cette dégradation ne s’amplifie encore, en raison de l’objectif fixé, pour 2012, de développer et de renforcer la mutualisation des moyens entre les services et les directions. Pour l’atteindre, les pressions managériales vont sans aucun doute s’accentuer, les contrats d’objectifs vont devenir toujours plus contraignants et de nouveaux changements d’affectation et de localisation interviendront.
La mise en œuvre de la RGPP a aussi été particulièrement néfaste sur le plan de l’action gouvernementale territorialisée et des services rendus aux usagers, avec des pertes de compétences spécifiques, noyées parmi d’autres plus larges. Elle s’est aussi traduite par un éloignement des directions régionales des territoires, de leurs habitants et de leurs élus.
Au-delà de l’illisibilité de la nouvelle organisation de l’État dans les territoires, on peut douter de l’efficacité de cette recentralisation régionale autour de superpréfets. De fait, les préfectures de département se sont peu à peu transformées en sous-préfectures…
L’État va perdre en efficacité et en proximité dans sa relation avec les acteurs locaux – élus, acteurs économiques et sociaux –, ainsi que dans son rôle de garant de l’égalité entre les territoires.
L’an passé, notre groupe demandait qu’un bilan d’étape soit réalisé avant qu’il ne soit décidé de poursuivre dans cette voie. Cette année, nous soutenons la demande de suspension de la mise en œuvre de la RGPP formulée par le Conseil économique, social et environnemental.
N’est-il pas temps que le Parlement se saisisse sérieusement de cette question, en commençant par suspendre la mise en œuvre de la RGPP dans l’administration territoriale ? Cela devient urgent, d’autant que le projet de budget qui nous est présenté aujourd’hui marque une poursuite de la réduction des moyens, au point que M. Courtois note, dans son rapport, que, après avoir été soumis depuis plusieurs années à une forte pression budgétaire, le programme « Administration territoriale » n’est pas épargné pour l’exercice 2012, puisque ses crédits diminuent.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre le projet de budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».