Cette année, le budget de restriction que nous propose le Gouvernement pour l’enseignement scolaire prévoit 14 280 suppressions de postes. Les crédits sont en recul de 1, 75 % par rapport à 2011, compte tenu de la prévision d’inflation et du poids des pensions.
Dans ce contexte de rigueur budgétaire, l’enseignement agricole, quant à lui, perd 280 postes équivalents temps plein, après la suppression de 214 emplois en 2011, de 244 emplois en 2010 et de 152 emplois en 2009, et ce alors même que le ministre de l’agriculture avait, en 2009, annoncé un moratoire à ce sujet. Nous en sommes bien loin !
Cette perte de 280 emplois correspond à un taux de non-remplacement de plus de 68, 3 % des départs à la retraite, soit l’un des plus élevés du budget de l’État.
Le régime auquel est soumis l’enseignement technique agricole est extrêmement sévère ; pour lui, ce n’est pas le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, ce qui est déjà très difficile à supporter, ce sont deux fonctionnaires sur trois qui ne seront pas remplacés ! En conséquence, l’insécurité des personnels est organisée : ces derniers sont sur-précarisés, ils ne reçoivent aucune reconnaissance professionnelle et leurs conditions de travail sont fortement dégradées.
Bien évidemment, il y a une très forte présence de contractuels dans ce secteur, pour lesquels le Gouvernement a annoncé l’adoption prochaine d’une loi de titularisation. Mais, là encore, c’est la portion congrue. Le nombre de postes qui seraient ouverts au titre de la « déprécarisation » est très faible : seulement 200 postes d’enseignants et 100 de non-enseignants, pour 2 950 ayants droit en 2012 et 3 500 sur la durée du plan prévue.
Il convient de remarquer que l’enseignement agricole public étant de petite dimension, il est encore plus problématique de trouver les postes à supprimer et d’organiser ainsi la pénurie qui en résulte. L’application mathématique de la règle du non-remplacement d’un nombre élevé de départs à la retraite n’est pas adaptée à des effectifs d’enseignants peu nombreux et qui remplissent des missions tout à fait spécifiques.
Parallèlement, il est assez déroutant de constater que l’enseignement agricole privé est largement favorisé par rapport à l’enseignement agricole public : les suppressions de postes y sont moindres, les fermetures de classes également. À ce sujet, il faut rappeler que, en 2009, le Gouvernement a signé des protocoles avec les fédérations de l’enseignement agricole privé afin de lui assurer un financement pérenne.
Face à cela, on peut dire que le Gouvernement a manqué d’ambition et de détermination en faveur de l’enseignement agricole public, qui est ainsi engagé dans une espèce de « cercle vicieux » : réduction de l’offre de formation, fermeture de classes, baisse des effectifs, baisse des moyens, diminution de l’offre de formation, et ainsi de suite.
L’excuse apportée par le Gouvernement d’un passage de quatre à trois années pour l’obtention du baccalauréat professionnel ne saurait, à elle seule, justifier autant de désaffection.
À terme, c’est une très forte menace qui pèse sur l’enseignement agricole public, alors qu’il est complémentaire de l’enseignement général, les formations y sont, en général, de qualité et les taux d’insertion professionnelle sont excellents, sans doute parce que les formations proposées sont en adéquation avec les besoins des entreprises et des territoires.
« Instruire, c’est construire », déclarait Victor Hugo lors de l’examen de la loi Falloux en 1850 à la tribune de l’Assemblée nationale. Quand on considère la dégradation des moyens mis aujourd’hui à la disposition de l’enseignement public et plus précisément de l’enseignement technique agricole public, on peut craindre que, plutôt que construire, on s’attache à démolir.
Pour toutes ces raisons, les membres de la majorité sénatoriale de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont décidé de proposer le rejet des crédits du budget de l’enseignement technique agricole et, plus généralement, de la mission « Enseignement scolaire », tels qu’ils figurent dans le projet de loi finances pour 2012.