Certes, il y a la crise, que personne ne songe à sous-estimer, encore moins à nier. Néanmoins, comme l’a rappelé la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2011 sur la sécurité sociale, « le niveau exceptionnellement élevé des déficits [de la sécurité sociale] ne s’explique que partiellement par la crise économique ». En effet, « les facteurs structurels expliquent environ 0, 7 point d’un déficit qui a représenté 1, 2 point de PIB en 2010 », soit plus de la moitié du déficit. C’est en effet avec un handicap de près de 10 milliards d’euros que notre système de protection sociale a dû affronter la crise économique.
Pour 2012, un nouvel effort important – plus de 6 milliards d’euros – nous est proposé concernant les recettes.
Près de la moitié de ces recettes ont d’ores et déjà été prévues dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2011 de septembre dernier, qu’il s’agisse du doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance à laquelle sont assujettis les contrats de santé « solidaires et responsables », de l’augmentation de 12, 3 % à 13, 5 % du taux des prélèvements sociaux sur les revenus du capital ou de la réforme du régime des plus-values immobilières hors résidence principale.
Le reste des recettes sera introduit dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans le projet de loi de finances pour 2012 – comme la taxe sur les boissons sucrées – ou fera l’objet de mesures réglementaires.
Comme les années passées, les mesures de recettes proposées consistent principalement en des réductions timides de niches sociales ou de comportements d’optimisation fiscale, comme la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul du coefficient des allégements généraux sur les bas salaires – je reconnais que cette mesure va dans le bon sens –, l’augmentation du forfait social ou l’homogénéisation de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés.
Elles sont également complétées par d’assez nombreuses révisions ou introductions de taxes dites « comportementales » : révision du barème de la taxe sur les véhicules de société, relèvement des droits sur les boissons alcoolisées, hausse du prix du tabac, création d’une taxe sur les boissons sucrées.
Si l’on ne peut que partager les objectifs de santé publique affichés, il est néanmoins patent et que ces augmentations de taxes comportementales ne sont que des mesures d’urgence destinées à redresser les comptes sociaux. Et il est tout à fait regrettable que le Gouvernement fasse l’économie d’une politique de prévention, laquelle serait pourtant nécessaire.
Outre que certaines de ces mesures ne me semblent pas acceptables en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, elles ne constituent aucunement des mesures structurelles susceptibles de permettre la maîtrise des déficits dans les années qui viennent.
Il convient en effet de noter que, malgré ces recettes nouvelles et un effort sur les dépenses portant essentiellement sur l’assurance maladie – à hauteur de 2 milliards d’euros –, effort qui sera augmenté dans le projet de loi de financement rectificative, de l’ordre de 500 millions d’euros si j’ai bien compris, le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV atteindra près de 19 milliards d’euros en 2012, soit plus du double de celui qui a été constaté en 2007.
Quant aux projections pluriannuelles annexées au présent PLFSS, soit avant intégration des mesures annoncées ce matin, elles ne laissent entrevoir qu’une stabilisation de ce même déficit autour de 14 milliards d’euros à l’horizon 2015, contre 8, 9 milliards d’euros en 2007.
Certes, le Gouvernement a révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2012, l’hypothèse retenue étant désormais de 1 %, au lieu de 1, 75 % initialement. Il a également révisé à la baisse l’hypothèse de progression de la masse salariale, fixée à 3 % au lieu de 3, 7 %.
Cependant, malgré cette révision à la baisse, les hypothèses de progression de la masse salariale à moyen terme paraissent très incertaines. Or chacun connaît la très grande sensibilité du solde du régime général à l’évolution de la masse salariale : comme l’a rappelé tout à l’heure M. le rapporteur général, une variation d’un point de cette dernière modifie le solde du régime général d’environ 2 milliards d’euros, dont près de la moitié pour l’assurance maladie. Cela donne une idée de l’ampleur des efforts supplémentaires qui devront être accomplis.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que cette situation s’inscrit au lendemain d’importantes mesures prises en 2011, lesquelles ont modifié en profondeur le financement de notre régime de protection sociale.
À l’automne dernier, la loi organique relative à la gestion de la dette sociale et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont en effet procédé à l’opération de reprise de dette la plus importante depuis la création de la CADES en 1996.
Cette reprise de dette est exceptionnelle à trois égards. Elle l’est d’abord par son ampleur : au total, ce sont 130 milliards d’euros qui seront transférés à la Caisse entre 2011 et 2018, soit quasiment l’équivalent des déficits qui lui ont été transmis depuis sa création. Elle l’est ensuite par son étalement dans le temps. Elle est enfin exceptionnelle par son mode de financement, ses ressources ayant été fortement accrues et diversifiées.
Compte tenu de la situation actuelle, de nouvelles dettes devront très certainement être transférées prochainement à la CADES. En effet, le schéma esquissé à l’automne dernier n’apporte pas, contrairement aux déficits de la branche vieillesse, de solutions aux déficits à venir des branches maladie et famille. Or, selon les annexes du présent projet de loi de financement, après les mesures proposées dans le PLFSS, mais avant celles qui ont été annoncées ce matin – la plupart d’entre elles ne valant que pour 2012 –, le déficit cumulé des branches maladie et famille du régime général sur la période 2012-2015 devrait dépasser les 20 milliards d’euros.
Il convient également de rappeler que des réformes ont été reportées, comme celle sur la perte d’autonomie des personnes âgées, ...