Séance en hémicycle du 7 novembre 2011 à 15h10

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PLFSS
  • l’assurance
  • l’ondam
  • mesdames
  • vieillesse

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le Premier ministre a communiqué au Sénat, en application de l’article 2 de la loi n° 2011–156 du 7 février 2011 relative aux solidarités dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement, le rapport sur les modalités et les conséquences de l’application d’une allocation de solidarité pour l’eau attribuée sous conditions de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d’eau potable et d’assainissement.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Il est disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012 (projet n° 73, rapports n° 74 et 78).

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mon intervention doit être considérée à la fois comme un rappel au règlement et comme une réaction en tant que présidente de la commission des affaires sociales, soucieuse de défendre les intérêts de ses membres et le travail parlementaire.

Voilà deux heures, le Premier ministre, François Fillon, a annoncé à la télévision, lors d’une conférence de presse, son plan d’hyper-austérité, dont on percevait déjà les prémices, ici et là, depuis quelques jours.

Je m’indigne de ce mépris des parlementaires et du choix d’informer la presse avant la représentation nationale. Le travail parlementaire, c’est bien en commission et en séance publique qu’il a lieu.

Par ailleurs, je m’inquiète des répercussions évidentes que les mesures annoncées par le Gouvernement auront sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont nous sommes censés commencer l’examen dès à présent ; cela ne me paraît pas une façon sérieuse de travailler.

Les parlementaires que nous sommes, en particulier ceux d’entre nous qui sommes membres de la commission des affaires sociales, avons besoin, avant d’entamer sérieusement l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, de prendre connaissance dans le détail de l’ensemble des mesures qui ont été annoncées ce matin par M. Fillon.

Aussi, monsieur le président, je demande une suspension de séance afin de permettre à la commission de se réunir et d’auditionner les membres du Gouvernement ici présents, qui pourront ainsi nous apporter toutes les explications que nous en sommes en droit d’attendre pour légiférer en toute connaissance de cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

J’ai écouté avec attention Mme la présidente de la commission. Je voudrais simplement souligner que les mesures annoncées ce matin par le Premier ministre dans le cadre d’un plan complémentaire de réduction des dépenses publiques étaient nécessaires.

Madame la présidente de la commission, vous déplorez que nous n’ayons pas été informés plus tôt de ces mesures. Certes, mais je rappelle que la décision a été prise dès le mois d’août de revoir à la baisse l’hypothèse de croissance retenu dans le projet de loi de finances pour 2012. Cette révision était absolument indispensable et nous devons par conséquent prendre les mesures courageuses qu’appelle le contexte actuel en Europe.

Ce plan est rigoureux parce qu’il nous permet de consolider notre stratégie budgétaire tendant à un retour à 3 % du produit intérieur brut des déficits publics en 2013 et un retour à l’équilibre en 2016

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Ce plan est équilibré parce que les mesures annoncées par le Premier ministre nous permettront d’assainir nos finances publiques sans renoncer à notre modèle social. Il n’est pas question de réduire les pensions de retraite non plus qu’il n’est question de recourir au chômage technique dans la fonction publique, comme ce fut le cas dans d’autres pays.

Je ne doute pas que le Gouvernement présentera un projet de loi de finances rectificative et un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ; chacun aura alors tout loisir de faire valoir ses différents arguments.

Au nom du groupe UMP, je tiens à saluer ces mesures courageuses. Il est toujours difficile de prendre des mesures lourdes dans une période économique tourmentée. Néanmoins, pour l’avenir de notre pays et pour l’avenir de nos propres enfants, nous sommes obligés d’en passer par là.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, après le plaidoyer de Mme Jouanno pour les annonces faites ce matin par le Gouvernement, je tiens à préciser que ces annonces, pour attendues qu’elles fussent, modifient de manière sensible le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous a été soumis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Parmi toutes les mesures qui ont été annoncées ce matin, j’en ai retenu trois.

La première porte sur l’âge de départ à la retraite à 62 ans, qui deviendra effectif en 2017 au lieu de 2018. Quel sera l’impact de cette mesure sur les comptes de 2012 et à l’horizon de 2018 ?

La deuxième est l’indexation des prestations familiales à hauteur de 1 %. Quelles seront les conséquences de cette mesure sur la branche famille, qui nous préoccupe, puisqu’elle n’est pas en bonne santé, si je puis m’exprimer ainsi ?

La troisième est l’abaissement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, de 2, 8 %, dans l’actuel projet de loi, à 2, 5 %.

Il est clair que ces mesures ont des incidences sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est non pas le texte de la commission des affaires sociales, mais celui que nous a transmis l’Assemblée nationale.

Il est difficile d’admettre que le travail parlementaire se déroule dans de telles conditions. Je ne comprendrais pas, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances, que l’on engage le débat sans avoir présents à l’esprit ne serait-ce que les ordres de grandeur pour les comptes de la sécurité sociale pour 2012 – ainsi que pour les années qui suivent, puisque des projections à moyen terme ont été annexées au projet de loi de financement – et la manière dont les mesures annoncées vont s’insérer dans le présent PLFSS.

Nous ignorons, en effet, – et c’est une autre difficulté – comment le Gouvernement entend procéder. Déposera-t-il des amendements sur le présent PLFSS ? Présentera-t-il un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale dans les semaines ou les mois qui viennent ? Nous sommes dans le flou le plus total sur ce point.

Pour toutes ces raisons, je m’associe à la demande de suspension de séance de Mme la présidente de la commission des affaires sociales. Il faut effectivement permettre à la commission des affaires sociales de se réunir afin de chercher la vérité sur ce qui nous attend dans cette discussion et de mesurer les conséquences des annonces qui ont été faites ce matin. Cela me semble être la moindre des choses, ne serait-ce que pour la dignité du travail parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Je me joins également à la demande de suspension de séance présentée par Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Comme vient de le rappeler M. le rapporteur pour avis, le Gouvernement a rendu public ce midi des annonces très importantes qui auront des conséquences non négligeables sur le présent PLFSS.

Je considère que nous ne pouvons pas entamer la discussion de ce projet de loi de financement en faisant comme si rien ne s’était passé. Il me semble donc légitime que le Gouvernement nous apporte des éclaircissements, avant que nous ne commencions la discussion de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Le groupe socialiste s’associe lui aussi à la demande de la présidente de la commission des affaires sociales.

Il ne serait pas sérieux d’engager un examen, assorti d’un vote, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale alors que les annonces du Gouvernement emportent des conséquences très importantes pour la suite de nos travaux.

Les trois ministres qui sont parmi nous aujourd’hui ne devraient me semble-t-il voir que des avantages à expliciter les mesures qui ont été évoquées par Mme Jouanno voilà quelques instants.

Une révision était nécessaire. Reste à savoir précisément sur quels points elle doit porter. Les éléments d’information dont nous disposons suscitent de nombreuses réticences, ne serait-ce que sur l’ONDAM, qui va évoluer à la baisse.

Il importe que les membres du Gouvernement présents aujourd’hui nous expliquent comment nous pourrons, dans les mois à venir, assurer le financement des hôpitaux, garantir la prise en charge de nos concitoyens dans de bonnes conditions, alors même que l’on nous annonce un plan d’austérité sans précédent.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas faire comme si ce plan n’existait pas. Travaillons avec sérieux ; mettons à plat, en commission des affaires sociales afin qu’elle puisse se prononcer, l’ensemble des dispositions proposées. Mais puisque nous sommes sérieux, toutes sensibilités politiques confondues, écoutons d’abord les trois ministres concernés nous exposer les motivations du Gouvernement et nous dire ce qu’ils préconisent pour rendre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale cohérent et crédible.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Laurence Cohen applaudit également.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, madame et messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais prêcher pour que le Sénat discute du projet de loi de financement de la sécurité sociale directement en séance publique, et je vais vous expliquer pourquoi.

Vous avez demandé au Gouvernement, en commission des affaires sociales, de réviser à la baisse les prévisions de croissance de la masse salariale sur lesquelles est fondé le PLFSS, car vous considériez, à juste titre, qu’elles étaient trop optimistes.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Cette discussion, nous l’avons eue en commission. Nous avons donc déjà débattu de ce point.

Le Président de la République a souhaité attendre la fin du sommet européen pour tirer les conséquences dudit sommet sur la situation de notre pays. Il a ainsi été décidé de revoir à la baisse les prévisions de croissance de la France et de les aligner sur celles de notre voisin allemand, à savoir 1 % au lieu de 1, 75 %.

Cette baisse du taux de croissance a bien évidemment un effet quasiment arithmétique sur notre estimation de la progression de la masse salariale pour 2012. Nous considérons que cette progression sera plus faible. Aussi, elle sera ramenée par voie d’amendement, dans le cadre de ce PLFSS, de 3, 7 % à 3 %. C’est le seul changement qui interviendra dans le présent PLFSS : aucune des autres mesures annoncées par le Premier ministre ne sera introduite par voie d’amendement. Elles figureront dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale que le Gouvernement présentera, d’ici à deux semaines, en conseil des ministres.

Dans cet intervalle, nous nous attacherons, avec Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot-Narquin, à affiner les décisions qui ont été prises, je pense notamment à la baisse de l’ONDAM à 2, 5 %, et que nous présenterons en priorité aux commissions des affaires sociales du Sénat et de l’Assemblée nationale. Il y aura donc un temps pour en débattre.

Dans le présent PLFSS, seules changent les prévisions de croissance, revues à la baisse, de la masse salariale. Cela nous conduira à vous proposer de dégrader le solde de ce PLFSS de 1, 1 milliard d’euros, avec un solde ramené à 800 millions d’euros du fait des 300 millions d’euros de recettes supplémentaires qui ont été votés à l’Assemblée nationale.

Le reste du PLFSS qui a été présenté à la commission des affaires sociales ne change pas. Ce texte constitue une première étape sur la voie de la réduction du déséquilibre de la sécurité sociale. Dans deux semaines, le Gouvernement déposera un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, après avoir suivi le chemin démocratique : avis du Conseil d’État, présentation en conseil des ministres, avant examen par les commissions des affaires sociales du Sénat et de l’Assemblée nationale, puis en séance publique.

Ce chemin, sans brutalité, de concertation avec les parlementaires, est assez long. C’est pourquoi je vous invite à discuter le présent PLFSS, qui constitue une première étape, avant d’examiner, dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, toutes les mesures que le Premier ministre a annoncées ce matin.

Ensemble, ces deux textes constituent un bloc. Ce que nous voulons in fine, c’est ne pas dégrader nos soldes publics, et assurer, à la fin de l’année, un financement de la sécurité sociale avec un déficit inférieur à 14 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Après avoir entendu Mme la présidente de la commission des affaires sociales, M. le rapporteur pour avis, les collègues, de la majorité et de l’opposition, qui ont souhaité s’exprimer, puis Mme la ministre, je vous propose, mes chers collègues, de suspendre la séance quinze minutes afin de permettre à la commission de se réunir et d’envisager, avec le Gouvernement, la suite qu’il convient de donner à nos débats.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à seize heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 est assez original et irréel, certes par la nature de la majorité nouvelle du Sénat, mais aussi parce que les données à partir desquelles le texte est équilibré sont fausses. Madame la ministre du budget, nous l’avions dit et vous en étiez convenu.

Nous devrions débattre en définitive d’un nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale, virtuel en quelque sorte : il repose sur des données qui sont rectifiées, réajustées, mais cette fois il n’est plus en équilibre. Il est difficile de combiner les deux.

Vous nous avez indiqué, madame la ministre, qu’il n’était pas possible, dans le respect du parcours démocratique des textes dans notre pays, de donner aujourd’hui au Sénat le détail des mesures qui viendront rectifier le projet de loi de financement de la sécurité sociale existant pour parvenir à la situation d’équilibre. Vous nous avez dit aussi que la déclaration faite ce midi par M. le Premier ministre avait justement pour objet d’éclairer le Sénat sur l’avenir du texte dont il discute aujourd’hui. Nous prenons acte de cette déclaration.

La commission des affaires sociales, mesdames et monsieur les ministres, a la volonté de débattre de ce texte. En effet, les enjeux sont importants pour nos concitoyens : il y va de leur santé, de leur vie professionnelle et familiale ; je pense notamment aux retraites ou encore aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.

Nous allons donc, comme vous l’avez souhaité, reprendre le cours du déroulement de cette séance : nous allons vous écouter, mesdames et monsieur les ministres. Mais à l’issue de vos prises de parole, nous demanderons de nouveau une suspension de séance, de façon que les différents rapporteurs, y compris moi-même, puissent, à la lueur des éléments que vous leur fournirez, en espérant que vous leur présenterez à ce stade les amendements qui seront ensuite débattus, modifier leurs interventions.

Dans ces conditions, tout en ayant conscience de toutes les imperfections qui ont déjà été notées et du caractère irréel qui préside à l’examen de ce texte, nous pourrons entrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire examiner les différents articles du texte.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Je suis tout à fait d’accord avec cette solution, car elle présente l’avantage que le Sénat examine ce projet de loi, qui est le texte fondateur du financement de la sécurité sociale pour 2012.

Après nos interventions liminaires, nous vous présenterons le texte des amendements qui ont pour objet, dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, de rectifier les soldes au vu des nouvelles perspectives de croissance et des nouvelles prévisions de croissance de la masse salariale et donc de recettes des différentes branches de la sécurité sociale. Cette présentation aura lieu dans la formation que vous souhaiterez : soit en commission soit de manière plus informelle.

Nous pourrons ensuite reprendre l’examen de ce texte, qui est, je le rappelle, une étape décisive sur le chemin de la réduction du déséquilibre de notre sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La séance sera donc suspendue après les interventions de Mmes et M. les ministres.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Dans la discussion générale, la parole est Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre et cher Xavier Bertrand, mesdames les ministres – chère Roselyne, chère Marie-Anne, chère Claude –, mesdames, messieurs les sénateurs, face aux turbulences qui secouent l’économie mondiale, la France doit garder le cap qui est le sien depuis le premier jour de cette crise. Ce cap, c’est celui du désendettement, avec un objectif clair : passer de nouveau sous la barre de 3 % de déficit en 2013 et atteindre l’équilibre budgétaire en 2016.

De fait, dans la situation actuelle de l’économie mondiale, la facilité n’a tout simplement plus sa place. Le temps est venu de le reconnaître et, je veux le croire, sur toutes les travées de cet hémicycle.

La France livre aujourd’hui une bataille décisive : celle de la crédibilité. Et nos meilleures armes, ce sont notre réalisme, notre constance et notre réactivité.

Le réalisme, c’est de tenir compte des évolutions de la situation économique et d’en tirer toutes les conséquences. La croissance mondiale ralentit, dans un climat d’incertitude : comme l’a annoncé le Président de la République, nous abaissons donc à 1 % notre prévision de croissance pour 2012, comme l’ont fait nos voisins Allemands.

La constance, c’est de ne changer ni nos objectifs ni notre stratégie : mesdames, messieurs les sénateurs, la France sera au rendez-vous de ses engagements. Le Premier ministre a annoncé aujourd’hui une série de mesures complémentaires, qui renforcent notre effort structurel de désendettement et qui nous permettront non seulement de ramener le déficit public à 4, 5 % de la richesse nationale en 2012, mais aussi de revenir à l’équilibre en 2016, malgré le ralentissement de la croissance.

La réactivité, enfin, c’est de passer aux actes sans délai. Voilà pourquoi le Gouvernement déposera d’ici à deux semaines un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, traduisant les mesures rendues publiques ce matin.

Toutefois, comme je l’ai dit tout à l’heure, le PLFSS que je vous présente et ce texte rectificatif à venir forment un seul et même bloc, fondé sur une seule et même stratégie. Et le cœur de cette stratégie, c’est de faire des économies sur les dépenses publiques, car il s’agit du seul chemin réaliste pour parvenir au désendettement.

Il est impossible de revenir en arrière, et c’est pourquoi deux visions de la politique budgétaire se font face aujourd’hui. Ce PLFSS sonne l’heure de vérité : mesdames, messieurs de l’opposition, vous prétendez vouloir faire des économies. Mais ce ne sont que des paroles, car vos actes, ce sont encore et toujours de nouvelles dépenses, que vous ne savez financer que par des hausses d’impôts ! À l’inverse, la politique du Gouvernement, c’est encore des réformes et toujours des économies

M. Ronan Kerdraon s’exclame.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Qu’entend faire votre commission des affaires sociales, nouvellement constituée ? Elle veut relever l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, de 2, 8 % à 3, 6 %. Cette mesure reviendrait à créer 1, 2 milliard d’euros de dépenses supplémentaires ! En vérité, avec votre politique du « zéro réforme, zéro économie », vous ne réduiriez pas les déficits, vous les creuseriez !

Vous-même, monsieur le rapporteur général, vous semblez résigné à voir croître indéfiniment les dépenses sociales. Mais, je vous l’assure, ce n’est pas une fatalité : nos réformes ont permis de réaliser des économies considérables sans fragiliser un seul instant nos filets de protection.

Regardez l’assurance maladie : cette année encore, nous allons respecter l’ONDAM, cet objectif national qui, depuis sa création par Alain Juppé en 1997, n’était resté qu’un vœu pieux. Nos dépenses, nous les avons bel et bien maîtrisées, tout en préservant l’excellence d’un système de santé accessible à tous.

Nous devons ce résultat aux réformes que nous avons eu le courage d’engager, celles-là mêmes que vous avez combattues, mesdames et messieurs de l’opposition, et que vous voulez remettre en cause. Je pense notamment à la modernisation de la gouvernance des hôpitaux, menée par Roselyne Bachelot-Narquin puis par Xavier Bertrand, et à la coordination renforcée des soins, avec les agences régionales de santé. Toutes ces réformes nous permettent d’économiser plus de deux milliards d’euros par an.

Et cela se voit : aujourd’hui la France se situe parmi les pays qui maîtrisent le mieux les dépenses de santé : en la matière, elle figure au deuxième rang de l’OCDE. Par contraste, en 2001 et 2002, avec vos solutions, votre politique, notre pays était l’un des plus mauvais élèves de l’Europe : les dépenses augmentaient de 4, 6 % ; il se plaçait au neuvième rang, derrière l’Allemagne, l’Italie, le Portugal et même la Grèce.

Quant à nos hôpitaux, leur situation s’améliore…

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… parce qu’ils réduisent leurs déficits, dont la somme totale s’élevait à 475 millions d’euros en 2007, et qui n’était plus que de 185 millions en 2010. Un peu partout en France, à Brest, à Reims ou à Toulouse, des centres hospitalo-universitaires retrouvent l’équilibre budgétaire. Allez-vous réellement dire aux Français que votre projet, c’est de faire plonger les comptes de ces structures dans le rouge ?

Ne comptez pas sur nous pour changer de direction : en 2012, nous continuerons à agir sur les dépenses ! Dans le PLFSS déposé par le Gouvernement, l’ONDAM est fixé à 2, 8 %, mais nous irons plus loin encore – j’y reviendrai dans un instant. Nous avons d’ores et déjà pris toutes les mesures pour réaliser les 2, 2 milliards d’euros d’économies nécessaires au respect de ce premier objectif, grâce aux dispositions que nous allons vous présenter cet après-midi. Et notre stratégie a été jugée crédible par le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie.

Nos efforts porteront en priorité sur les produits de santé et sur l’amélioration du fonctionnement de notre système de soins. L’action que nous menons en matière de médicaments est essentielle, Xavier Bertrand aura l’occasion de vous en parler.

Une chose est certaine : les économies d’ores et déjà prévues par ce PLFSS sur les dépenses d’assurance maladie reposent, à 90 %, sur l’industrie du médicament et sur le système de santé, dont nous améliorons les performances. Nous n’avons pas fait le choix d’augmenter le montant du ticket modérateur ni celui de procéder à des déremboursements massifs.

C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’accepte pas l’usage qui est fait d’études plus ou moins fiables relatives au renoncement aux soins. Je l’ai souligné devant la commission des affaires sociales du Sénat : la réalité, ce sont les Français chaque année plus nombreux à être couverts par une complémentaire santé ; ils étaient 91, 5 % en 2004, ils sont 94 % en 2008.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

La réalité, monsieur Kerdraon, c’est un reste à charge parmi les plus bas du monde et qui continue à diminuer : il est passé de 9, 7 % en 2008 à 9, 4 % aujourd’hui. La réalité, c’est un système de santé qui est sans doute le seul au monde à offrir les soins les plus avancés à tous les patients, quels que soient leurs moyens ou leur origine.

Et ce PLFSS renforcera encore l’accès aux soins : en effet, nous réduisons les déficits tout en renforçant l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire santé, une aide que nous avons créée en 2005 et que nous n’avons cessé d’étendre depuis lors. Et cette année, en accord avec l’Assemblée nationale, nous relevons une nouvelle fois le plafond de ressources en deçà duquel il est possible d’en bénéficier.

Opposer la maîtrise des dépenses et l’accès aux soins, c’est purement et simplement absurde : c’est céder à la démagogie ; c’est renoncer à protéger notre modèle social. Le Gouvernement, lui, se battra jusqu’au bout pour le préserver grâce aux réformes.

Sur le chemin qui nous mène à l’équilibre des finances publiques, les recettes ne peuvent jouer qu’un rôle complémentaire. Cette conviction fonde notre stratégie depuis trois ans, et il suffit de voir les suggestions de votre commission pour le comprendre : il n’y a pas se solution alternative crédible !

Que nous proposez-vous, monsieur le rapporteur général ? Tout simplement de remettre en cause les allégements de charges sur les bas salaires ! Les 35 heures ont déjà amputé le pouvoir d’achat des Français, affaibli notre compétitivité et augmenté le coût du travail, que vous nous proposez aujourd’hui d’alourdir un peu plus encore, alors même que la croissance est fragile. Il s’agit, à mes yeux, d’un contresens dramatique, car ce sont les Français les moins qualifiés qui paieraient le prix d’une mesure dont le seul effet serait d’augmenter le chômage.

Et ce n’est pas tout : en remettant en cause la défiscalisation des heures supplémentaires, vous retireriez 450 euros par an aux neuf millions de Français qui travaillent plus pour gagner plus. C’est un point que vous passez toujours sous silence, mais je me dois de le rappeler : parmi les premières victimes de votre mesure « anti-heures supplémentaires », il y aura non seulement les ouvriers mais aussi les enseignants.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Plus de chômage et moins de pouvoir d’achat : voilà la réalité qui se cache derrière vos propositions. Et c’est révélateur : ceux qui ne maîtrisent pas les dépenses sont condamnés, tôt ou tard, à faire payer aux Français le prix de leur inaction.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Le Gouvernement, lui, a fondé sa stratégie sur les économies en matière de dépenses. Et c’est pourquoi il n’a recours qu’à des recettes ciblées, grâce à des principes clairs et constants.

Notre premier principe, c’est de donner la priorité à la réduction de niches fiscales et sociales injustifiées, pour un total de quatre milliards d’euros environ. Et nous l’avons fait en préservant tous les dispositifs qui soutiennent la croissance ainsi que l’emploi et renforcent la cohésion sociale.

Sur ce point, je serai également très claire : mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y a pas de trésor caché dans la République ! Ce n’est pas à coup de niches que vous financerez dans la durée des dizaines de milliards d’euros de dépenses supplémentaires, sauf, peut-être, si vous remettez en cause celles dont le coût est le plus élevé : les abattements relatifs aux emplois à domicile et aux retraites, ou bien encore les avantages fiscaux destinés aux Français plus fragiles, ...

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… la défiscalisation des allocations familiales, de l’allocation aux adultes handicapés, du salaire des apprentis, la prime pour l’emploi, les zones franches urbaines… Si c’est à ces niches que vous souhaitez vous attaquer, eh bien, dites-le clairement, et vite, afin que les Français le sachent ! Pour eux, le prix en serait socialement insupportable.

Pour sa part, le Gouvernement continuera à réduire les avantages sociaux et fiscaux injustifiés. Nous confortons une à une les sources de financement de notre protection sociale : je pense aux cotisations dans les industries électriques et gazières, à la cotisation sociale de solidarité des sociétés – C3S – à laquelle les banques sont assujetties, au forfait social et, bien sûr, aux exonérations de CSG – contribution sociale généralisée.

Cette même CSG, vous souhaitez la fondre dans l’impôt sur le revenu, pour en faire quoi ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Pour en faire un monstre fiscal, qui s’attaquerait aux familles et aux classes moyennes ! Et vous le savez, puisque même la rapporteure générale de votre commission des finances préfère remettre à plus tard tous ces détails gênants.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Le Gouvernement, lui, défend une CSG autonome et entièrement destinée au financement de la protection sociale : car c’est un impôt moderne, un impôt universel qui offre à notre sécurité sociale une assise indépendante, solide et sûre. C’est pourquoi nous vous proposons d’élargir sa base, en révisant le régime de l’abattement pour frais professionnels, qui sera à la fois recentré et concentré sur les revenus salariaux.

Notre deuxième principe, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est le recours à des prélèvements ciblés, dans un esprit d’équité. Depuis cinq ans, nous demandons plus aux foyers les plus aisés, avec pas moins de vingt-cinq mesures concentrées sur les plus hauts revenus. Je pense à l’augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, à la taxation des stock-options qu’en d’autres temps vous aviez exonérées, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ou bien encore à la refonte du régime des plus-values immobilières.

Désormais, dans notre pays, les revenus du patrimoine et les revenus du travail seront taxés de la même façon. Ce matin, le Premier ministre a annoncé la fin de la fiscalité privilégiée des revenus du capital. Les leçons d’équité fiscale, nous sommes donc en position de les donner et non de les recevoir !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Enfin, notre troisième principe consiste à avancer sur un terrain un peu nouveau, celui de la fiscalité comportementale. Cela a suscité des réactions, de l’étonnement, parfois même des caricatures. Pourtant, nous le savons tous dans cet hémicycle, et vous particulièrement, mesdames, messieurs les sénateurs de la commission des affaires sociales : la prévention doit désormais devenir une priorité absolue en matière de santé publique.

M. Jean-Pierre Godefroy s’exclame.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Et qui dit prévenir, dit modifier les comportements le plus tôt possible, en informant, en sensibilisant, en convainquant et, parfois, en interdisant. Mais prévenir, c’est aussi utiliser l’outil fiscal pour inciter ou dissuader. Les hausses régulières des prix du tabac l’ont prouvé : c’est une arme efficace. Nous devons continuer sur cette voie, pour lutter contre le tabagisme, l’alcoolisme et l’obésité, qui sont devenus des facteurs de risque majeurs pour notre santé.

Cette politique de maîtrise des dépenses, conjuguée à des recettes ciblées, permettra de redresser de manière très significative nos comptes sociaux.

Je tenais à vous le confirmer aujourd’hui, avec les mesures annoncées ce matin par le Premier ministre, nous serons en mesure d’atteindre les objectifs qui figurent dans ce PLFSS.

Le déficit du régime général sera ramené à moins de 14 milliards d’euros en 2012, soit une baisse de 40 %. Quant au déficit de l’assurance maladie, il sera légèrement inférieur à 6 milliards d’euros ; il aura donc été divisé par deux entre 2010 et 2012 et 60 % de cette baisse reposera sur des économies en dépenses.

Ces objectifs, nous les tiendrons. Les amendements que nous déposerons tout à l’heure ne réviseront qu’à titre temporaire les soldes, afin de garantir la sincérité de nos débats. Avec une croissance de 1 %, la masse salariale ne progressera en effet que de 3 %, ce qui, vous le savez, a un effet direct sur le produit des cotisations sociales. Le déficit transitoire du régime général s’établirait ainsi à 14, 7 milliards d’euros et celui de l’assurance maladie, à 6, 2 milliards d’euros.

Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale que nous déposerons dans les jours qui viennent nous permettra de revenir à nos objectifs initiaux. Nous avions pris deux ans d’avance sur notre calendrier de réduction des déficits sociaux. Eh bien, nous conserverons cette avance grâce à trois mesures majeures que je tiens d’ores et déjà à vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs.

Premièrement, nous allons accélérer en l’avançant d’un an la mise en œuvre de la réforme des retraites, laquelle a non seulement préservé notre système par répartition, mais aussi conforté la solidité financière de notre pays. Tous les observateurs objectifs le reconnaissent.

Le potentiel d’économies généré par cette réforme est en effet très important. C’est pourquoi, sans toucher aux paramètres essentiels que sont l’âge légal et l’âge du taux plein, nous allons accélérer sa mise en œuvre et raccourcir d’un an la période transitoire. L’âge légal sera ainsi porté un peu plus rapidement à soixante-deux ans.

Dès 2017, la montée en charge de la réforme sera ainsi achevée. En 2012, cela se traduira par 100 millions d’euros d’économies supplémentaires, et par 1, 3 milliard d’euros en 2016.

Au total, cette accélération représente 4, 4 milliards d’euros de dette évités.

En accélérant ainsi la mise en œuvre de la réforme, mesdames, messieurs les sénateurs, nous mettons les pensions des retraités à l’abri des turbulences de la crise. Plus vite cela sera fait, plus vite les Français pourront être pleinement rassurés, car ils sauront que leur système de retraites n’est pas menacé par le déficit.

Deuxièmement, nous allons poursuivre notre effort de maîtrise des dépenses d’assurance maladie en ramenant la croissance de l’ONDAM à 2, 5 %, ce qui se traduira par 500 millions d’euros d’économies supplémentaires.

Notre stratégie sera la même : poursuivre la réforme de notre assurance maladie en demandant aux industriels et aux professionnels de santé, et non aux patients, de se mobiliser plus encore.

Troisièmement, enfin, depuis le début de la crise, le Gouvernement est fidèle à un principe : le refus de toute baisse des prestations sociales. Grâce à nos efforts de réduction des déficits, nos filets de protection n’ont jamais été aussi solides.

Nos dépenses sociales continueront donc d’augmenter, mais nous reverrons l’année prochaine leur évolution pour qu’elles progressent à un rythme compatible avec celui de la création de richesse. En 2012, la croissance sera plus faible que prévue ; il nous faut en tenir compte. C’est la raison pour laquelle les prestations sociales augmenteront au même rythme, c'est-à-dire 1 %, soit une économie de 400 millions d’euros.

Cette revalorisation limitée à 1 % ne concernera ni les victimes d’accident du travail ni les retraités. L’accélération de la réforme des retraites que nous avons décidée permet en effet de l’éviter. Elle ne touchera pas non plus les 6 millions de Français bénéficiaires des minima sociaux. La revalorisation de 25 % tant du minimum vieillesse que de l’allocation aux adultes handicapés sera donc menée jusqu’à son terme, comme s’y était engagé le Président de la République.

Depuis le début de la crise, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la politique du Gouvernement qui a protégé les Français.

En Espagne, M. Zapatero a dû fermer les blocs opératoires pendant des heures, décréter le chômage partiel dans ses hôpitaux et même remettre en cause la politique familiale d’un pays pourtant vieillissant. Le Royaume-Uni et l’Italie ont été obligés de faire les mêmes sacrifices.

Pas la France ! Le Gouvernement n’acceptera jamais que cela puisse arriver dans notre pays. Le modèle social français ne sera pas victime de la crise ; les mesures que nous prenons aujourd’hui le garantissent. Parce qu’elles sont à la hauteur des circonstances, parce qu’elles sont structurelles, elles éclaircissent l’horizon, en balisant le chemin qui nous conduit à l’équilibre en 2016.

Retour à l’équilibre, protection d’une croissance affaiblie, garantie durable de notre modèle social : tels sont les trois objectifs que se fixe le Gouvernement. Dans une période de turbulences économiques qui n’épargnent aucun pays d’Europe, ces objectifs devraient nous réunir, parce qu’ils sont d’intérêt national. Tous nos voisins européens ont les mêmes buts, avec la même stratégie : dépenser moins, dépenser mieux pour désendetter le pays. J’espère que la Haute Assemblée ne manquera pas ce rendez-vous crucial.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 s’inscrit, comme le Premier ministre l’a rappelé ce matin, dans un contexte particulièrement exigeant pour nos finances publiques.

Le Premier ministre a également indiqué les mesures supplémentaires qui vous seront prochainement présentées et qui nous permettront d’être au rendez-vous de nos objectifs d’assainissement des finances publiques, compte tenu de la révision de notre hypothèse de croissance à 1 %.

Je l’assume devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je préfère que l’on demande aujourd’hui des efforts plutôt que d’avoir, demain, à exiger des sacrifices. Ce n’est pas seulement une question de délai pour agir ; c’est aussi une question de sens des responsabilités.

Au total, un effort supplémentaire de 17, 4 milliards d’euros en 2016, dont 7 milliards d’euros dès 2012, sera mis en œuvre. Ce plan permettra d’éviter près de 65 milliards d’euros de dette d’ici à 2016.

Dans ce contexte, le texte que nous avons l’honneur de vous soumettre est plus nécessaire que jamais. Chacune des mesures que nous proposons compte, parce qu’elles nous permettent chacune d’avancer dans la bonne direction, celle d’une maîtrise responsable des dépenses, tout en maintenant un haut niveau de prise en charge que de très nombreux pays nous envient.

Responsabilité et solidarité constituent donc le double objectif de ce texte.

La commission des affaires sociales a proposé des amendements que nous allons examiner ensemble. Je regrette simplement que certains aient privilégié la voie de l’augmentation des recettes, évidemment bien plus facile à suivre que celle de la réduction des dépenses. §J’espère que le débat au Sénat permettra de mettre en lumière cette différence, marquante, entre la gauche et la droite.

Responsabilité et solidarité, cela concerne d’abord notre système de santé et l’assurance maladie.

Dans ce PLFSS, nous engageons un effort en retenant une croissance de l’ONDAM de 2, 8 %. Dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale que nous déposerons prochainement, nous vous présenterons les moyens d’aller plus loin, pour atteindre 2, 5 %.

C’est dire combien les propositions adoptées par la commission des affaires sociales, qui représenteraient 1, 2 milliard d’euros de plus sur l’ONDAM, sont en décalage par rapport à la réalité économique du pays : cela nous amènerait à un ONDAM en progression de 3, 6 %, soit le taux le plus élevé jamais voté par le Parlement, plus élevé même qu’en 2002, à une époque où la situation économique était pourtant bien différente !

Ce n’est évidemment pas acceptable, à moins de vouloir faire peser sur les générations à venir tout le poids des efforts, ce qui n’est assurément pas notre conception.

Le débat sur l’ONDAM me semble particulièrement pertinent, car il permet de mettre face à face ceux qui, d’un côté, font en sorte que l’ONDAM soit tenu, voire diminué, et, de l’autre, ceux qui prétendent détenir des solutions miracle, en ce qui concerne les recettes, par exemple… Sauf que les recettes supplémentaires ne font pas baisser l’ONDAM, et qu’il est impossible de mentir sur les dépenses d’assurance maladie, soumises à un rendez-vous de vérité annuel.

Le vrai courage en politique, c’est de savoir baisser les dépenses, de dépenser moins et de dépenser mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C’est faux ! Le courage en politique, c’est de permettre à tout le monde de vivre dignement !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Augmenter les impôts, ce n’est pas compliqué. Nombre de collectivités territoriales nous ont d’ailleurs montré comment faire…

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Permettez-moi maintenant de vous rappeler les principales mesures que le Gouvernement vous propose et que l’Assemblée nationale a votées.

L’industrie pharmaceutique sera particulièrement sollicitée, et nous assumons ce choix. Ainsi, s’agissant du médicament, notre texte prévoit que la contribution de l’industrie des produits de santé sera renforcée pour 2012 à hauteur de 960 millions d’euros. Outre le relèvement de certains prélèvements, nous allons en particulier accroître les baisses de prix à hauteur de 670 millions d’euros et favoriser la substitution des génériques pour 40 millions d’euros.

Des réglages sont encore à faire, mais nous allons poursuivre cet effort de baisse des prix, notamment dans le cadre du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

En ce qui concerne les établissements de santé, les efforts d’efficience permettront d’économiser 450 millions d’euros. L’effort portera notamment sur la rationalisation des achats hospitaliers, qui représente une somme globale de 18 milliards d’euros – il s’agit du deuxième poste de dépenses, après le personnel. Les efforts de mutualisation et d’optimisation des achats s’élèveront à 145 millions d’euros en 2012. La convergence tarifaire ciblée se poursuivra pour la troisième année consécutive, pour un montant de 100 millions d’euros.

La commission des affaires sociales souhaite supprimer la convergence tarifaire entre établissements de santé publics et privés, mais cela ne me semble opportun ni à long terme ni à court terme. La convergence permet en effet d’accroître l’efficience des établissements de santé, dans les deux sens, et ce n’est surtout pas le moment d’interrompre le processus. Le bon rythme doit être trouvé, ainsi que les bonnes modalités, mais nous arrêter en chemin serait vraiment envoyer un très mauvais signal.

En ce qui concerne la mesure propre aux indemnités journalières, j’ai indiqué à l’Assemblée nationale, en concertation avec la commission des affaires sociales et toutes celles et ceux qui souhaiteraient faire des propositions, que nous étions prêts à examiner les propositions parlementaires alternatives offrant un rendement équivalent, en particulier la mise en place d’un quatrième jour de délai de carence. Cette mesure devrait permettre de responsabiliser davantage les assurés pour garantir un recours justifié aux indemnités journalières en cas de maladies de courte durée.

D’autres propositions sont également sur la table, notamment celle qui consisterait à exiger d’une personne reconnue comme étant indûment en arrêt de travail à rembourser les indemnités qu’elle a perçues à ce titre. C’est en effet une piste d’économies supplémentaires sur ce poste qu’il convient d’étudier.

De cette façon, nous parviendrons à maîtriser les dépenses de santé tout en maintenant un haut niveau de prise en charge.

En dépit des déclarations des uns ou des autres, je rappelle que, selon la Commission des comptes de la santé, le reste à charge des ménages a diminué en 2010 pour la troisième année consécutive et représente aujourd’hui 9, 4 % de la consommation de soins et de biens médicaux. La France se trouve ainsi à la deuxième place des pays membres de l’OCDE, derrière les Pays-Bas.

En outre, pour répondre structurellement à la problématique des dépassements d’honoraires, qui peuvent entraîner des retards dans les soins, voire des renoncements, ce que je ne veux pas, nous avons présenté un amendement pour encadrer, dans les meilleurs délais, les dépassements pour les trois spécialités de chirurgie, d’anesthésie-réanimation et de gynécologie-obstétrique.

Plus précisément, au moins 30 % de l’activité devrait se faire à tarif opposable, les dépassements supérieurs à 50 % du tarif remboursable ne seraient pas facturés, les praticiens devant effectuer un nombre d’actes suffisant pour garantir la qualité des soins.

C’est le dispositif du secteur optionnel, dont on parle depuis longtemps, mais qui, à mes yeux, n’est pas « optionnel ». Nous avons veillé à ce que les praticiens exerçant en secteur 2 aient la possibilité de rejoindre ce secteur optionnel, mais aussi de le quitter s’ils le souhaitent. Ce secteur devra être suffisamment attractif pour nous permettre d’améliorer l’accès aux soins. Ce n’est sans doute pas la solution miracle, mais c’est une des solutions dans une situation actuelle de carence.

Il y aura donc une prise en charge obligatoire du secteur optionnel dans les contrats responsables, à hauteur de 150 %.

La proposition adoptée par l’Assemblée nationale laisse ouverte la porte du dialogue : les partenaires conventionnels – sans oublier l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie - disposent d’un mois à compter de la promulgation du PLFSS pour s’entendre. En l’absence d’accord avec l’UNOCAM, le Gouvernement instaurera cet encadrement par voie réglementaire en s’appuyant sur le PLFSS.

Nous préférerions qu’il y ait un accord et, s’il est conforme aux engagements pris, nous le respecterons. Mais, à défaut, nous prendrons nos responsabilités, car nous ne pouvons pas revenir devant les assurés sociaux les mains vides, sans solution.

Je note que vous voulez supprimer l’article visé ; j’attends donc vos propositions. En effet, il ne faut pas qu’il y ait un manque de cohérence entre les objectifs affichés et le projet que vous souhaitez mettre en œuvre : si aucune mesure n’est proposée en remplacement de celle du Gouvernement, les assurés sociaux resteront confrontés au problème des dépassements d’honoraires.

Pour améliorer la couverture des plus modestes, après l’élargissement de l’ACS, l’aide à la complémentaire santé, nous avons proposé à l’Assemblée nationale un nouveau relèvement du plafond de ressources ouvrant droit à l’ACS à plus 35 % du plafond CMU-C au 1er janvier 2012, ce qui permettra un quasi-doublement –tel était l’objectif recherché ! – du nombre de bénéficiaires.

En outre, le Gouvernement a soumis au vote de l’Assemblée nationale un amendement visant à régulariser la validité de l’exercice des médecins étrangers. Ces médecins jouent, vous le savez, un rôle important dans nos établissements. C’est pourquoi nous avons décidé de mieux reconnaître ce rôle et de garantir leur exercice. Nous ne faisons pas n’importe quoi, nous nous donnons les moyens de trouver une solution juste à un problème récurrent. D’ailleurs, cette décision était attendue.

Ainsi, comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous progressons en matière de maîtrise des dépenses de santé, tout en maintenant le caractère solidaire de notre système de santé, ainsi que l’accès aux soins.

Exigence de responsabilité, ai-je dit. Cette exigence vaut également pour la branche vieillesse, dans la continuité de la réforme de 2010.

Notre système de retraite est l’un des piliers de notre système de protection sociale, et nous devons assurer à la fois la pérennité et l’équité de notre système par répartition.

À cet égard, permettez-moi de revenir sur la mesure importante annoncée aujourd’hui par le Premier ministre, qui sera présentée dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale: il s’agit d’avancer d’un an la phase transitoire de la réforme des retraites, pour atteindre la cible de soixante-deux ans en 2017, au lieu de 2018.

Contrairement à ce qu’a indiqué ce matin M. Moscovici, - il n’a pas compris, ou alors il a menti -, il n’est pas question d’ajouter un an. Non, l’âge légal du départ à la retraite reste fixé à soixante-deux ans, mais le nouveau dispositif entrera en vigueur dès le début de l’année 2017 et non plus dès le début 2018.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Mais non ! Je sais compter ! Et il faut savoir compter quand on fait de la politique, surtout par les temps qui courent !

La politique n’est certes pas une affaire de comptable, mais si vous voulez donner du sens à l’action politique, il faut aussi savoir compter !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Vous allez nous expliquer comment cela va se passer jusqu’en 2017 !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J’ajoute que cette mesure protège l’ensemble des Français, ainsi que le pouvoir d’achat. En effet, en réduisant encore plus les déficits, nous serons beaucoup moins dépendants en termes de besoins de financement.

Dans le contexte actuel de crise des dettes souveraines, il importait – et ce ne fut pas chose aisée ! – de prendre cette mesure. Elle est bien évidemment de nature à déclencher des réactions, mais nous l’avons prise dans l’intérêt de notre système de retraite : elle se traduit par une diminution des déficits à hauteur de 4, 4 milliards d’euros entre 2012 et 2016.

Je le répète, cette mesure ne revient pas sur les paramètres arrêtés dans la réforme des retraites de 2010 : l’âge légal du départ à la retraite reste bien fixé à soixante-deux ans.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je tenais à faire cette digression pour éclairer le Sénat autant que je puisse le faire à ce moment précis de la discussion, mais revenons maintenant au texte que nous examinons.

À cet égard, je veux citer les quatre mesures très favorables qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale : l’élargissement du dispositif de retraite anticipée des travailleurs handicapés au régime social des indépendants ; l’extension de l’âge d’adhésion à l’assurance vieillesse volontaire des non-salariés agricoles au-delà de soixante ans, ce qui permettra notamment à ceux qui n’ont plus d’activité professionnelle de continuer à cotiser jusqu’au taux plein ; l’assouplissement du cumul emploi-retraite des conjoints collaborateurs et aides familiaux non salariés agricoles, ainsi que l’extension de la majoration des pensions des exploitants agricoles aux retraites anticipées pour pénibilité.

Il s’agit là de quatre mesures d’équité, qui s’inscrivent parfaitement dans le prolongement de la réforme des retraites de 2010.

J’en viens à la branche accidents du travail-maladies professionnelles, qui reste à l’équilibre.

Comme vous le savez, cette branche doit être structurellement équilibrée. Voilà pourquoi nous avons décidé de relever le taux de cotisation de 0, 1 % à partir de 2011.

La branche AT-MP assure le financement des dépenses des fonds spécialisés pour l’indemnisation des victimes de l’amiante. Leur montant est reconduit à leur niveau des années précédentes.

Cette branche contribue aussi à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles. Cette dernière contribution sera légèrement revalorisée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 afin de tenir compte du dernier rapport de la commission présidée par Noël Diricq.

Notre priorité est de renforcer la prévention des risques professionnels et de prévenir la pénibilité.

À cet égard, je veux revenir sur deux amendements gouvernementaux qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale : l’un consiste à harmoniser les droits et obligations entre conjoints et pacsés en matière d’attribution des rentes d’ayants droit consécutives aux accidents du travail ; l’autre porte sur la coordination des régimes de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, faisant ainsi suite aux propositions du rapport de novembre 2009 de la mission d’information sur la prise en charge des victimes de l’amiante, présidée par le regretté Patrick Roy. Mon prédécesseur, Éric Woerth, s’était engagé à traiter ce sujet à l’occasion d’une question posée au Sénat, je veux le souligner, par l’un des spécialistes, votre collègue Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cette amélioration de la coordination des régimes avait suscité une attente très forte, et nous y répondons.

Par ailleurs, Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avons eu l’occasion de le dire, nous allons modifier en profondeur la législation relative à l’amiante, afin que la France continue à être l’un des pays ayant la réglementation la plus protectrice au monde, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… car nous le devons aux victimes de l’amiante et à l’ensemble des travailleurs qui peuvent être concernés.

C’est ainsi que nous allons, entre autres mesures, réduire le niveau d’exposition en le divisant par dix et revenir sur la séparation entre l’amiante friable et l’amiante non friable.

Enfin, pérenniser notre système de protection sociale, c’est aussi lutter contre la fraude aux prestations sociales.

Je souhaiterais rappeler le montant estimé des fraudes. Valérie Pécresse a avancé le chiffre de 20 milliards d’euros pour l’ensemble des fraudes, ce qui est vrai, contre 4 milliards d’euros annoncés dans différents rapports, ce qui est sans doute en deçà de la réalité. C’est autant d’argent prélevé sur le financement solidaire de la sécurité sociale.

Nous proposons, par exemple, de redéfinir la notion d’isolement pour le RSA, le revenu de solidarité active, en lui donnant un sens économique, afin d’être beaucoup plus près de la réalité du terrain. Un tiers des fraudes au RSA tiennent à l’utilisation de cette notion d’isolement : celle-ci était trop vague, car elle ne faisait référence qu’à l’absence de vie en couple.

Par ailleurs, nous proposons que le répertoire national commun de la protection sociale, le RNCPS, que j’appelle bien volontiers le « fichier national des allocataires sociaux », soit enrichi des montants des prestations sociales versées. Cela permettra d’identifier des doublons ou des incompatibilités, de repérer des assurés percevant des montants de prestations anormalement élevés et donc de cibler – j’emploie ce terme à dessein ! – les actions les plus urgentes à mener en fonction des montants en jeu. C’est simplement une question d’efficacité.

Il est normal que la lutte contre les fraudes s’intensifie à l’heure où l’on demande un effort à tous. Exigence de justice, oui, mais aussi exigence d’efficacité pour notre système de protection sociale !

Mesdames, messieurs les sénateurs, nos concitoyens sont conscients des risques que les déficits et le ralentissement de la croissance mondiale feraient peser sur l’avenir de notre protection sociale si nous ne prenions pas aussitôt les mesures qui s’imposent.

Avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le Gouvernement apporte des réponses à la hauteur de l’enjeu : nous tenons compte des conséquences de la crise sur l’équilibre financier de la sécurité sociale pour garantir l’efficacité de notre système. Surtout, nous ne voulons pas demander aux générations futures de payer ! Aussi demandons-nous à ceux qui exercent aujourd'hui des responsabilités de les assumer. C’est la seule façon de préserver l’avenir de notre système solidaire.

C’est pourquoi je souhaite que chacun d’entre vous, au sein de la Haute Assemblée, ait à cœur d’examiner ce texte dans le même esprit de responsabilité. Cela nous vaudra, j’en suis persuadé, des échanges passionnants !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet que nous vous soumettons, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, montre que la politique familiale et la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées sont au cœur de nos préoccupations, et je parle au nom de mes collègues Marie-Anne Montchamp et Claude Greff.

Pour commencer, je voudrais évoquer la situation de la branche famille.

Je me suis déjà exprimée sur ma volonté de poursuivre le rétablissement de la trajectoire des comptes de cette branche, dont le solde accusera, à la fin de cette année, un déficit de 2, 6 milliards d’euros.

Cette situation nous oblige collectivement à faire preuve de responsabilité en ne proposant pas de mesures nouvelles susceptibles d’aggraver le déficit de la branche famille, ces dernières étant dès lors financées à crédit.

Ce sera le sens de ma réponse, au cours de l’examen du texte, à l’amendement de Mmes Cohen et David et de MM. Watrin et Fischer concernant l’ouverture des droits aux allocations familiales dès le premier enfant.

Le Gouvernement assume, au contraire, le choix de renforcer la soutenabilité de notre politique familiale : le solde s’améliorera dès l’année prochaine, pour s’établir à moins 2, 5 milliards d’euros, un chiffre actualisé en tenant compte de l’amendement du Gouvernement ; ce solde est bien entendu transitoire et il est donc ajusté.

Toujours en ce qui concerne la branche famille, il s’agira de tenir compte d’une revalorisation des prestations familiales fixée exceptionnellement à 1 % pour l’année 2012, en cohérence avec la prévision de croissance du PIB retenue pour l’année prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Ce n’est pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ! C’est dans le collectif !

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des amendements de Mme Pasquet, au nom de la commission des affaires sociales, ou de M. Caffet, au nom de la commission des finances, visant à supprimer le nouvel article 58 bis, qui prévoit de décaler au 1er avril 2012 la revalorisation des prestations familiales, comme c’est le cas pour les pensions de vieillesse.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Cette mesure a été proposée par l’Assemblée nationale en substitution de l’assujettissement à la contribution sociale généralisée du complément de libre choix d’activité, le CLCA.

S’agissant d’une mesure de gage, le Gouvernement ne pourra donc qu’être opposé aux amendements de suppression, qui vont à l’encontre du redressement de la trajectoire des comptes de la branche famille.

Nos débats concernant la politique de la famille ne se résumeront certainement pas aux seules conditions du retour à l’équilibre financier de la branche.

Vous avez été nombreux à déposer des amendements visant à demander des rapports parlementaires sur différents aspects de notre politique familiale. Les auteurs de ces amendements ne m’en voudront pas de ne pas tous les nommer ici, car ils sont très nombreux ; je me bornerai à citer les thèmes qu’ils abordent : la mise en place d’un service public national à la petite enfance ; l’ouverture des droits aux allocations familiales dès le premier enfant ; la conservation du bénéfice de l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, pour les élèves majeurs encore scolarisés au lycée ou encore la modulation de cette allocation en fonction de la voie de formation suivie.

Ces propositions témoignent de votre attachement à la politique de la famille, mais elles ne me paraissent pas être à la hauteur des enjeux actuels de la branche, qui doit, en priorité, retrouver une situation financière assainie.

Pour ces raisons, le Gouvernement sera donc, là aussi, opposé à ces amendements.

Nous aurons également un débat à l’occasion de la discussion de l’amendement déposé par Mmes Cohen et David et MM. Watrin et Fischer sur l’instauration d’un congé parental paritaire.

J’ai organisé, le 28 juin dernier, une conférence sur le partage des responsabilités professionnelles et familiales et je consulte les partenaires sociaux sur cette question.

Concernant ce sujet qui me tient particulièrement à cœur, car il participe de fait à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, j’estime que la concertation est indispensable et qu’une réforme du congé parental ne saurait se décider sans les représentants syndicaux, et le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’ont pas exprimé une position unanime…

Pour ces raisons, votre amendement me semble prématuré : nous n’en sommes qu’au commencement de nos échanges, que nous souhaitons poursuivre avec les partenaires sociaux.

Enfin, j’ai bien noté les deux amendements de M. Béchu, Mmes Deroche et Bruguière et MM. Villiers, Léonard, Namy, Cardoux, Savary, Gilles, Doligé et Lorrain visant à verser l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, et les allocations familiales au service de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, lorsque l’enfant ouvrant droit à ces prestations est confié par le juge au conseil général.

Je vous le dis d’emblée, la position du Gouvernement n’a pas changé sur ce point : lorsqu’un mineur est confié au service de l’aide sociale à l’enfance, les parents conservent l’autorité parentale, et nous devons préserver les conditions leur permettant de maintenir ou de rétablir des liens affectifs avec leur enfant.

D’ailleurs, quand le service de l’aide sociale à l’enfance indique aux caisses d’allocations familiales que ces liens sont rompus, celles-ci suspendent le versement des prestations familiales aux familles, sans pour autant les verser, à l’exception des allocations familiales, aux départements.

C’est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir retirer vos amendements.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sera également l’occasion de discuter de notre politique en faveur des personnes en situation de handicap, un dossier qui tient particulièrement à cœur à ma collègue Marie-Anne Montchamp.

Je voudrais rappeler quelques chiffres significatifs en ces temps de contrainte budgétaire.

D’abord, le taux de progression de l’objectif global de dépenses pour ce secteur progressera de 2, 1 % en 2012, ce qui permettra d’assurer le financement de 4 200 places pour les enfants et les adultes.

Ensuite, nous allons notifier d’ici à quelques jours aux agences régionales de santé 363 millions d’euros, qui correspondent au financement pour 2011 et 2012 du solde du plan Handicap pour ce qui est de création de 51 000 places. Là encore, la promesse du Président de la République est tenue.

Enfin, la promesse d’une revalorisation de 25 % du montant net mensuel de l’allocation aux adultes handicapés aura bien été mise en œuvre durant ce quinquennat. L’effort de solidarité sera poursuivi l’année prochaine, comme s’y est engagé le Président de la République.

Je ne reviendrai pas sur les engagements qu’il a pris lors de la deuxième Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 8 juin dernier, sauf pour signaler deux mesures proposées dans le présent texte relatives au handicap : la majoration de 30 % du complément de mode de garde pour les couples ou parents isolés bénéficiaires de l’AAH et ayant un enfant âgé de moins de six ans, ainsi que la prise en charge à l00 % des frais de transport pour les enfants et les adolescents qui sont accueillis soit en CMPP, les centres médico-psycho-pédagogiques, soit en CAMSP, les centres d’action médico-sociale précoce.

Ces mesures font consensus, et je m’en réjouis pour les familles concernées.

Je souhaite terminer en évoquant la prise en charge des personnes âgées.

Dans le contexte économique et financier que nous connaissons, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité en reportant les mesures financières les plus lourdes prévues dans la réforme de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Cependant, conformément à l’engagement de Nicolas Sarkozy, dès ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, nous proposons plusieurs mesures d’effet immédiat.

La progression des moyens pour le secteur des personnes âgées sera ainsi de plus de 6 % l’année prochaine, soit près de 400 millions d’euros de mesures nouvelles.

Au-delà de cet effort substantiel, il vous est proposé dans ce projet de loi un certain nombre d’avancées pour mieux prévenir la perte d’autonomie et améliorer la qualité de la prise en charge en établissement et à domicile.

Tel est l’objet des articles 37 et 38.

L’article 37 vise à expérimenter le principe d’une majoration de la dotation « soins » des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, en fonction de l’atteinte d’objectifs mesurés à l’aide d’indicateurs d’efficience et de performance.

Nous pouvons attendre plusieurs choses de telles expérimentations.

Nous souhaitons, d’abord, que de plus en plus d’établissements s’engagent dans une démarche de qualité et d’efficience, ce qui me paraît indispensable.

Nous attendons, ensuite, que ces efforts faits pour améliorer la qualité de la prise en charge se traduisent par des recours limités à l’hospitalisation.

Bien sûr, l’article 37 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui reprend certaines des conclusions du débat sur la dépendance, a suscité deux amendements de suppression de M. Ronan Kerdraon et de Mme Isabelle Pasquet, à qui je souhaite apporter quelques précisions.

Il ne s’agit pas de faire une croix sur une réforme de la tarification des EHPAD permettant de garantir une reconnaissance plus juste du niveau de dépendance et des besoins en soins médico-techniques.

La publication du décret sur la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, pris en application de l’article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a été repoussée en début d’année en raison du lancement du débat sur la dépendance.

Le temps du débat a mis en évidence que l’allocation actuelle des ressources, même si elle aboutit à une dotation maximale, ne permet pas de prendre systématiquement en compte les efforts des établissements en faveur de la qualité de la prise en charge ou de la diminution des dépenses pour l’assurance maladie, par exemple en limitant le recours à l’hospitalisation.

En ce qui concerne les indicateurs, nous n’avons pas souhaité les définir a priori, ni restreindre la mesure de la qualité à la seule partie relative aux soins. Cela aurait été trop restrictif.

Ce ne sera qu’après une phase de travail sur les indicateurs pertinents pouvant servir de base à la modulation des dotations des établissements que ces expérimentations seront conduites, uniquement dans les établissements volontaires.

Bien sûr, l’amélioration de la qualité passe aussi par le renforcement des moyens.

Je tiens à rassurer la Haute Assemblée : le Gouvernement va poursuivre la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Dans les tout prochains jours, je vais ainsi notifier au titre de l’année 2012 au moins 140 millions d’euros de crédits de médicalisation.

Cet effort substantiel du Gouvernement en période de très forte contrainte budgétaire n’est pas exclusif d’une politique de « convergence tarifaire » dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Ce processus vise à mieux répartir les moyens de la collectivité sur l’ensemble du territoire, là encore pour améliorer l’efficience de la dépense.

J’ai toutefois pu constater, à travers mes échanges constructifs avec les fédérations du secteur, que des améliorations s’imposaient. J’ai ainsi obtenu de supprimer l’application de la convergence tarifaire dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes qui ne sont toujours pas « pathossifiés ».

C’est pourquoi le Gouvernement sera opposé aux deux amendements de Mme Isabelle Pasquet tendant à supprimer la convergence tarifaire dans les EHPAD.

J’ai pris également connaissance des amendements de Mme Isabelle Pasquet prévoyant de supprimer l’obligation faite aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes qui atteignent un seuil au regard de leur taille ou des produits de la tarification de signer avec l’agence régionale de santé et le président du conseil général un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, ou CPOM.

Ces CPOM constituent un outil d’aide à la transformation de l’offre et un levier de performance du secteur social et médicosocial.

Les CPOM se mettent en place progressivement depuis la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, et sont à présent devenus un outil essentiel du dialogue de gestion et d’appui à la performance qui sont à la disposition des agences régionales de santé.

Voilà pourquoi le Gouvernement émettra un avis défavorable sur ces amendements.

Ensuite, je vous indique que, sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté un nouvel article 37 bis visant à lancer, dès 2012, des expérimentations correspondant aux recommandations du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, HCAAM.

Ces expérimentations visent à prévenir l’hospitalisation et à promouvoir les coordinations entre les différents acteurs du parcours de soins des personnes âgées, acteurs médicaux, sociaux et médicosociaux.

Dans son rapport de juin 2011 intitulé Assurance maladie et perte d’autonomie, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a en effet souligné les problèmes liés au cloisonnement du parcours de soin des personnes âgées en perte d’autonomie.

Une mission va être confiée à l’Inspection générale des affaires sociales pour examiner les conditions de mise en œuvre pratique de l’ensemble des autres recommandations du rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.

Je note avec satisfaction que cet article 37 bis a fait consensus.

Enfin, à la suite des débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, mais surtout au cours du premier semestre de cette année, le Gouvernement vous propose, à l’article 38, de mettre en place un plan d’aide à l’investissement à hauteur de 50 millions d’euros pour l’année prochaine. Ce plan permettra de soutenir les travaux de rénovation des établissements et des services accueillant les personnes âgées et les personnes handicapées.

Ces moyens seront également fléchés pour contribuer au développement des structures intermédiaires de prise en charge, qui sont mieux adaptées pour les personnes dont le degré de perte d’autonomie reste modéré.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures financières que nous vous proposons dans ce projet de loi montrent, vous le constatez, que l’État poursuivra son effort en faveur de nos concitoyens les plus fragiles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, comme nous en étions convenus précédemment avec la commission des affaires sociales et le Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion générale du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012.

La parole est à M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, quelques jours avant celui du projet de loi de finances, constitue chaque année un rendez-vous d’importance politique majeure.

Cette année, il intervient à la veille d’échéances électorales déterminantes pour notre pays. Son apport au débat national est donc essentiel pour éclairer nos divergences, nos différences d’analyse, et, surtout, pour montrer qu’il existe des alternatives, des solutions permettant de régler les problèmes autrement.

Le contexte économique actuel tendu, marqué par la hausse du chômage et la crise des dettes européennes, ainsi que l’annonce, voilà quelques heures à peine, d’un nouveau plan d’austérité, j’y reviendrai, influenceront aussi la tonalité de nos échanges. Pour ma part, j’essaierai, madame la ministre, d’avoir une approche constructive et responsable, sans langue de bois, toutefois.

La nouvelle majorité de la commission des affaires sociales a souhaité imprimer sa marque sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Des contraintes constitutionnelles et organiques rendent cependant quasi impossible la mise au point d’un contre-projet. D’une part, l’article 40 de la Constitution interdit toute création ou hausse de dépenses. D’autre part, la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale enserre la loi de financement de la sécurité sociale dans un cadre rigide.

Ces motifs et la brièveté des délais depuis le renouvellement des instances sénatoriales, ont rendu difficile la construction d’une alternative complète au texte que vous nous proposez, madame la ministre. En outre, le Sénat ne dispose pas des moyens techniques permettant, par exemple, de proposer en parfaite connaissance de cause de nouveaux tableaux d’équilibre pour les différentes branches de la sécurité sociale, ainsi qu’un cadrage macroéconomique remanié.

Nous avons donc fait le choix d’une approche plus politique que technocratique, car nous pensons que c’est ce qu’attendent nos concitoyens.

J’en viens donc à nos principaux constats.

Cette année, le cadrage, établi parallèlement à celui du projet de loi de finances à la fin de l’été, était – nous pouvons désormais utiliser l’imparfait – excessivement optimiste. Vous le corrigez, madame la ministre : c’était indispensable !

En effet, retenir une hypothèse de croissance de 1, 75 % pour 2011 et 2012, puis de 2 % pour les années suivantes – c’est toujours ce qui figure dans les tableaux que vous nous avez fournis – était très volontariste.

Pour ce qui concerne la masse salariale, qui détermine les trois quarts des ressources de la sécurité sociale, prévoir une progression de 3, 7 % en 2011 et en 2012, et de 4 % par an à partir de 2013 était, compte tenu des résultats des dernières années, extrêmement ambitieux.

Ces prévisions sont aujourd’hui irréalistes. Tous les économistes et experts tablent sur une croissance sans doute inférieure à 1 % en 2012. Sous la pression des marchés et de nos partenaires européens, le Président de la République s’est donc aligné sur ce taux, comme l’avait fait l’Allemagne quelques jours plus tôt.

Les conséquences concrètes de ce réajustement appellent une grande vigilance. Si celui-ci doit naturellement empêcher toute nouvelle dérive des comptes, il faut veiller – c’est essentiel – à ce qu’il soit appliqué de manière équitable aux différents acteurs de la sphère sociale. De ce point de vue, la revalorisation de 1 % seulement des prestations sociales en 2012 ne répond certainement pas à cet objectif.

Or, dans le cadre économique particulièrement optimiste retenu à l’annexe B, les comptes du régime général restent déficitaires jusqu’au terme de la projection, en 2015, même si le déficit est ramené de 13, 9 milliards d’euros en 2012 à 8, 5 milliards d’euros. Avec le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ce seront donc encore plus de 10 milliards d’euros qui ne seront pas financés !

Pour tenir ce cap, un effort de maîtrise des dépenses est prévu afin de compenser la croissance tendancielle élevée des branches vieillesse et maladie. Mais, à l’évidence, cet effort ne sera pas suffisant au regard de l’ampleur des déficits programmés.

Bien entendu, ces projections sont très volatiles : il suffit de modifier l’une des hypothèses pour que les soldes présentés deviennent caducs. Par exemple, une progression de la masse salariale inférieure de un point aux projections représente 2 milliards d’euros de déficits supplémentaires.

Malgré tout, ce cadrage pluriannuel a le mérite de tracer une trajectoire et de faire apparaître les contraintes et les difficultés liées à l’objectif de réduction des déficits – nous ne les oublions pas. Il montre aussi de manière éclatante que le Gouvernement a totalement abandonné toute perspective d’un retour à l’équilibre à moyenne échéance. Est-ce vraiment responsable ?

Qu’en est-il des comptes présentés dans ce PLFSS ?

L’année 2010 aura été celle des déficits historiques.

Le régime général a terminé 2010 avec un solde négatif de 23, 9 milliards d’euros, soit plus du double de ce qu’il était en 2008 ! La branche maladie, en particulier, a vu ses comptes plonger, son déficit s’élevant à 11, 6 milliards d’euros – soit trois fois le montant constaté en 2008.

Bien entendu, la dégradation des comptes a résulté de la chute sans précédent des recettes, elle-même liée à la crise économique et financière.

Mais, comme la Cour des comptes l’a fait observer à de maintes reprises, nous ne serions pas tombés aussi bas si notre pays avait pu aborder la crise avec des comptes à l’équilibre… Les 10 milliards d’euros de déficit constatés chaque année depuis 2004 ont plombé durablement nos finances sociales ; nous devrons en payer le prix pendant très longtemps.

Un léger redressement a été amorcé en 2011. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale voté à la fin de l’année dernière a prévu un déficit de 20, 9 milliards d’euros pour le régime général. Fort heureusement, la masse salariale a repris sa progression – 3, 7 % sur l’ensemble de cette année, selon les prévisions –, nous permettant d’espérer un déficit légèrement réduit : il pourrait s’élever à 18, 2 milliards d’euros, soit 2, 7 milliards d’euros de moins que prévu. La branche maladie reste la plus déséquilibrée, son solde – négatif pour 9, 6 milliards d’euros – représentant plus de la moitié du déficit total.

Les prévisions pour l’année 2012 s’inscrivent dans le cadre général de la trajectoire de réduction des déficits publics à 4, 5 % du produit intérieur brut.

Je rappelle que le déficit du régime général devrait s’établir à 13, 9 milliards d’euros. Une progression des ressources de 4, 9 % est attendue, grâce au dynamisme de la masse salariale et aux effets des mesures nouvelles, qui devraient rapporter 5, 3 milliards d’euros.

Plusieurs de ces mesures ont déjà été adoptées, pour un montant de 2, 9 milliards d’euros, en loi de finances rectificative : c’est le cas notamment de la hausse du taux de la taxe sur les contrats responsables, j’y reviendrai, et la majoration du taux du prélèvement social sur les revenus du capital.

D’autres mesures figurent dans ce PLFSS : hausse du forfait social ; réaménagements de l’assiette de la CSG, de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et de la taxe sur les véhicules de société ; intégration des heures supplémentaires dans le calcul des allégements généraux ; augmentation de la fiscalité sur les alcools.

Les autres, comme la taxe sur les boissons sucrées, sont inscrites dans le projet de loi de finances pour 2012.

Une fois de plus, madame la ministre, les mesures proposées sont éparpillées entre différents projets de loi, ce qui rend peu lisible la politique du Gouvernement - sans doute est-ce à dessein -, et la tâche très difficile pour qui voudrait avoir une approche d’ensemble des comptes sociaux.

Les dépenses, quant à elles, augmentent de 3, 3 %. Le delta permet de réduire le déficit de 4, 3 milliards d’euros par rapport à 2011.

Vous nous proposez de nouvelles économies pour tenir cet objectif de réduction ; mais il s’agit, pour une large part, de mesures d’urgence applicables uniquement en 2012…

Je veux à présent vous faire part des principales observations formulées par la commission des affaires sociales sur les équilibres des comptes sociaux.

Première observation : ce PLFSS n’apporte pas plus que les précédents les solutions nécessaires à la sauvegarde de notre système de protection sociale. Comme je viens de le montrer, il ne résout ni la question des déficits, ni celle du manque structurel de recettes des branches maladie et famille ainsi que du Fonds de solidarité vieillesse, ce FSV que l’on oublie parfois dans le calcul des déficits totaux. Il ne résout pas davantage le problème, pourtant fondamental, de l’accès aux soins, ni la douloureuse question du reste à charge, ni les problèmes financiers des hôpitaux.

Bref, ce PLFSS ne traite aucun des sujets qui appellent des réponses urgentes !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Au sujet des restes à charge, il est vrai qu’une amélioration a été constatée en 2009 et 2010. Elle est essentiellement due au taux de remboursement de 100 % appliqué pour les affections de longue durée, les ALD.

Il s’est en réalité produit un « effet cloche » : après avoir augmenté, les restes à charge ont récemment baissé. Mais il y a une dizaine d’années, ils étaient sensiblement inférieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui : 9 %, par exemple, en 2000.

Deux exemples me paraissent emblématiques de la négligence, je dirais presque l’irresponsabilité du Gouvernement.

La dette de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, d’abord, atteindra 3, 8 milliards d’euros à la fin de l’année 2011. Or que fait le Gouvernement ? Il décide un transfert partiel à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, pour 2, 5 milliards d’euros. Sans doute s’agit-il de profiter de la hausse mécanique des recettes de CSG et de CRDS résultant des aménagements d’assiette... Où est la logique ?

La question se pose d’autant plus que le Gouvernement prévoit également d’affecter au régime agricole une plus grande partie des droits sur les alcools, ce qui lui permettrait de couvrir un tiers de son déficit. Cependant, outre le fait qu’elle ne constitue qu’une solution très partielle aux problèmes de ce régime, cette méthode revient à ponctionner des recettes de la Caisse nationale d’assurance maladie, au motif que la CNAM disposera de nouvelles recettes grâce au PLFSS…

Comment s’y retrouver dans un pareil labyrinthe ! Madame la ministre, peut-on, en toute responsabilité, se livrer à un tel jeu de bonneteau ?

Rien n’a été prévu, ensuite, pour la couverture en 2012 des déficits des branches maladie et famille. Si les prévisions sont respectées, il faudra financer dans quelques mois 8, 2 milliards d’euros de déficit… Transférera-t-on aussi ce déficit à la CADES, avec une recette de poche quelconque pour en assurer le remboursement ? Le laissera-t-on dans les comptes de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, en attendant de trouver quoi en faire ?

Cette politique de court terme n’est plus acceptable. Les enjeux sont trop graves. Nous ne pouvons plus continuer à fabriquer de la dette à partir de nos dépenses courantes.

Avec la crise, les déficits sociaux ont atteint des sommets : plus de 70 milliards d’euros en trois ans pour le régime général et le FSV. La dette sociale a doublé depuis 2007, et nous la transférons, sans états d’âme, à nos enfants et à nos petits-enfants !

Deuxième observation : le Gouvernement persiste dans sa politique de réajustements ponctuels des recettes. J’ai fait tout à l’heure l’inventaire rapide des mesures figurant dans le PLFSS en matière de recettes : elles ne répondent à aucune stratégie d’ensemble et ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux.

Je veux prendre, là encore, deux exemples.

Le forfait social, d’abord, est augmenté de deux points – comme les deux années précédentes. Il est ainsi porté à 8 %, pour un gain de 410 millions d’euros. Pourquoi cette politique des petits pas ? On ne compte plus les institutions qui, de la Cour des comptes au Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales - présidé par Henri Guillaume, il a rendu son rapport en juin dernier –, ont indiqué que le forfait social pouvait être relevé plus nettement. Pourquoi ne pas emprunter cette voie ?

Le complément de libre choix d’activité versé aux foyers avec jeunes enfants, ensuite, devait être assujetti à la CSG. Cette mesure était censée rapporter 140 millions d’euros à la sécurité sociale. L’Assemblée nationale l’a supprimée à l’unanimité ; bien entendu, nous proposerons de maintenir cette suppression. Est-il défendable de s’attaquer aux revenus de personnes qui sont souvent en situation difficile dans le contexte de la crise actuelle ?

Et que dire du gage trouvé pour compenser cette suppression… Le report de trois mois de la revalorisation des prestations familiales est pour nous réellement indigne ! Maintiendrez-vous ce report, alors qu’aujourd’hui même la revalorisation a encore été revue à la baisse, si l’on en croit ce que le Premier ministre vient d’annoncer ?

Troisième observation : il est devenu prioritaire de définir une véritable stratégie de mobilisation des recettes afin de sauvegarder notre modèle de protection sociale. J’en ai parlé, la semaine dernière, au cours du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution. Les amendements que notre commission a adoptés sont le reflet de cette conviction.

La stratégie qu’il est nécessaire de définir pour mettre à niveau les recettes de la protection sociale doit reposer sur trois piliers.

Je citerai d’abord la suppression des mesures coûteuses et inefficaces : je pense naturellement aux exonérations de charges sur les heures supplémentaires mises en place par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA. Nous n’avons pas peur d’avoir ce débat, et nous l’aurons, car, dans le nouveau contexte de rigueur, ce cadeau fiscal et social de 2007 est de plus en plus contestable.

Je citerai ensuite la poursuite de la révision des niches sociales. De vraies marges existent encore : hausse du forfait social, stock-options, attributions gratuites d’action, retraites chapeau, indemnités de rupture.

Je citerai enfin la mobilisation de recettes nouvelles. Nous devrons en particulier travailler à un meilleur ciblage des allégements généraux de charges sociales. Nous n’avons, madame la ministre, rien dit de plus : j’ai parlé d’un meilleur ciblage des allégements généraux, pas de leur suppression. J’ai trouvé que vous avez fait de nos propositions une lecture, sinon caricaturale, du moins quelque peu hâtive…

Madame la ministre, chers collègues de l’opposition, l’effort sur les recettes que nous proposons n’implique nullement un relâchement de la maîtrise des dépenses, qui ne serait naturellement pas responsable. Mais cette maîtrise doit être juste et avoir pour objectif une meilleure efficience du système au profit de nos concitoyens.

À cet égard, qu’en est-il de l’assurance maladie, qui constitue le plus gros poste de dépenses de notre budget social. ? Le PLFSS pour 2012 s’inscrit malheureusement dans le prolongement des précédents : on y multiplie les mesures ponctuelles en se gardant bien d’aborder les problèmes structurels…

Ne serait-il pas préférable de maîtriser les dépenses de santé en amont, par exemple en développant davantage la prévention ou l’éducation thérapeutique – vous-même l’avez dit et nous pouvons tomber d’accord sur ce point –, plutôt que de se focaliser sur une régulation macroéconomique a posteriori et sur l’affichage d’un ONDAM trop volontariste pour être crédible ?

Vous avez annoncé une révision de 2, 8 % à 2, 5 % s’agissant de l’ONDAM pour 2012, ce qui correspond à une réduction des dépenses de 700 millions d’euros. Sur quelles dépenses allez-vous faire porter l’effort ? Nous l’avons bien compris : la réponse nous sera donnée dans le cadre d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

Par nature, les solutions de court terme que privilégie le Gouvernement ne sont pas pérennes ; de surcroît, elles érodent les principes fondateurs de notre sécurité sociale : universalité et solidarité.

C’est le cas des participations forfaitaires, des multiples franchises, des déremboursements erratiques, des gels arbitraires de dotations pour les hôpitaux : la liste est longue des mesures qui ne font que saper les bases de notre système sans régler aucun des problèmes de fond !

Les déremboursements ont-ils réorienté la politique du médicament – alors que l’on sait que le véritable problème tient à la multiplication des molécules et à leur prix élevé ? Les franchises ont-elles modifié le comportement des assurés ? Non, deux fois non !

Ces mesures ont eu un seul résultat tangible, dramatique même pour certaines familles : elles ont rendu l’accès aux soins encore plus difficile. C’est un point de désaccord important entre nous ! Ainsi, 16 % des Français renoncent aujourd’hui à se soigner pour des raisons financières – un sondage a même avancé le chiffre de 30 %...

Les dépassements d’honoraires, qui ont explosé depuis leur création en 1980, ont doublé ces vingt dernières années, culminant à 2, 5 milliards d’euros en 2010. Ces pratiques ont entraîné des transferts de prise en charge de l’assurance maladie vers les organismes complémentaires, qui pourraient, à terme, remettre en cause notre système obligatoire de base. Rappelons que le taux de remboursement de la sécurité sociale pour les soins courants représente aujourd'hui de 50 % à 60 % de leur coût : quel serait demain pour les jeunes, qui sont rarement malades, l’intérêt de demeurer dans le système de sécurité sociale si le taux de remboursement diminue encore ?

Je suis surpris par la réponse du Gouvernement, qui propose en fait d’entériner une partie de ces dépassements, sans agir sur ceux qui sont excessifs, et de les faire rembourser par les complémentaires santé, c’est-à-dire par les assurés eux-mêmes via leurs primes d’assurance. Veut-on vraiment nous faire croire que le secteur optionnel est la solution aux dépassements d’honoraires ?

L’accès aux soins, c’est aussi la question de l’inégale répartition des médecins libéraux sur le territoire. Force est de constater que les quelques mesures dites « incitatives », votées ces dernières années, n’ont pas d’effets, ou qu’ils sont trop lents. Il sera nécessaire, très vite, de se montrer plus volontariste, en relançant d’abord les négociations conventionnelles pour aboutir à un accord efficace.

C’est sur la base de ces observations que notre commission propose de supprimer les nombreux dispositifs qui pénalisent déjà les patients, ou qui les pénaliseront si nous votons ce texte.

Il s’agit, tout d’abord, du doublement de la taxe sur les contrats « responsables » adopté dans une loi de finances rectificative en septembre dernier : cette mesure ne peut que renchérir le coût des complémentaires. Elle paraît d’autant plus contre-productive que, en pénalisant ainsi les contrats « responsables » et en y ajoutant la prise en charge des dépassements d’honoraires du secteur optionnel envisagé par le Gouvernement, on videra ces contrats de leur sens. Il est évident que les organismes complémentaires n’auront alors plus intérêt à les proposer, car ils seront nettement plus chers pour leurs affiliés. Est-ce le résultat escompté par le Gouvernement ? J’ajoute que ce serait malheureux parce que, au moins, ces contrats ne peuvent pas discriminer les assurés selon leur état de santé.

Pour les mêmes motifs, nous ne soutiendrons pas la création, à marche forcée, du secteur optionnel, qui me semble – et je ne suis pas le seul à le penser – dangereux à bien des égards s’il n’est pas accompagné d’autres mesures tendant à limiter les dépassements d’honoraires. Il ne constituera qu’un effet d’aubaine pour certains médecins, mais il créera un sentiment de découragement chez d’autres, notamment les généralistes, qui respectent les tarifs opposables.

Par ailleurs, nous proposons de supprimer la franchise sur les boîtes de médicaments – une recette que vous incluez dans le calcul de l’ONDAM tel que vous l’avez présenté tout à l’heure, madame la ministre. Cette mesure est profondément injuste et inégalitaire, car elle touche d’abord les personnes disposant de faibles ressources et celles qui sont en mauvaise santé. Du reste, elle ne règle en rien, je le répète, le problème du prix du médicament en France.

En outre, nous ne cautionnerons pas le rabotage annoncé des indemnités journalières envisagé par le Gouvernement. Je signale, au passage, que grâce au programme déployé par l’assurance maladie, le volume des indemnités journalières a baissé de 11 % ces trois dernières années, alors même que la croissance de la population active et son vieillissement auraient dû entraîner son augmentation. La CNAM estime à 1 milliard d’euros l’économie annuelle résultant des efforts ainsi engagés.

Par ailleurs, notre commission demande l’abrogation du processus de convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques.

Dans son dernier rapport annuel sur la sécurité sociale, la Cour des comptes montre clairement que ce processus est mal engagé, car mal défini. Ne nous obstinons pas dans cette voie et engageons plutôt une réflexion d’ensemble sur les modes de financement des hôpitaux pour aboutir à une articulation optimale entre tarification à l’activité et dotations liées aux missions de service public.

Enfin, nous proposons la suppression de la contribution à l’aide juridique pour les procédures sociales. Notre commission s’était déjà élevée en juillet dernier contre l’assujettissement des contentieux de sécurité sociale à cette nouvelle taxe de 35 euros ; mettons de nouveau en cohérence le code général des impôts avec la loi de 1946, qui prévoit que ces procédures sont gratuites et sans frais.

Toutes ces observations m’amènent à dire que le Gouvernement n’a pas pris la mesure des questions qui se posent : la contrainte globale sur les dépenses ne peut être efficace longtemps et va miner le système dans son ensemble. Il est urgent d’adopter, comme nous ne cessons de le réclamer, une grande loi de santé publique : si nous savons mieux préserver la santé de nos concitoyens, nous limiterons évidemment la progression des dépenses de l’assurance maladie.

C’est là, à mon sens, la seule démarche à entreprendre si l’on souhaite agir en faveur de la consolidation de notre protection sociale.

Au total, la commission a attribué au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 une note « triple I » – une expression déjà reprise par la presse ! – et les mesures annoncées ce midi n’y changeront rien.

Ce PLFSS est irréaliste, tout d’abord, car son cadrage macroéconomique n’est pas suffisamment prudent ; sur ce point, le Premier ministre nous a donné raison tout à l’heure.

Il est indigent, ensuite, du fait de l’absence totale de solutions structurelles aux graves problèmes que connaît notre système de protection sociale, comme je l’ai montré.

Il est irresponsable, enfin, car il continue à faire payer notre impéritie actuelle aux générations futures.

Sans un retour rapide à l’équilibre, la pérennité de notre modèle de protection sociale est irrémédiablement condamnée. L’histoire jugera sévèrement ceux qui ont renoncé à engager les efforts nécessaires à la préservation de l’héritage unique que nous ont laissé nos prédécesseurs. La solidarité nationale et la sécurité sociale sont des valeurs qu’il nous faut porter haut, même en temps de crise, et c’est ce que nous ferons.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, permettez-moi de citer quelques propos tenus l’année dernière par notre rapporteur Sylvie Desmarescaux, du haut de cette tribune : « L’année 2011 sera cruciale pour le secteur médico-social. Le Parlement examinera, enfin, la réforme de la prise en charge de la dépendance annoncée dès la fin de l’année 2007 par le Président de la République. Dans ces conditions, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte d’attente. » Or cette attente ne fait que se prolonger…

En préambule à l’analyse des crédits dévolus aux établissements et aux services médico-sociaux du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, je tenais à vous remettre en mémoire ces propos, qui prennent aujourd'hui tout leur sens, voire une signification nouvelle.

En effet, en tant que rapporteur pour le volet médico-social, je ne peux que faire valoir le sentiment de profonde déception ressenti par l’ensemble des acteurs de ce secteur après l’abandon de la réforme attendue de la dépendance. Cette déception que, du reste, nous sommes nombreux à partager, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, est d’autant plus vive que le Président de la République a, depuis 2007, affirmé à maintes reprises dans des termes particulièrement forts sa détermination à mener à bien ce chantier.

Je me contenterai, mes chers collègues, de vous rapporter un extrait de son intervention devant le Conseil économique, social et environnemental le 8 février 2011 : « Nous ne pouvons plus attendre, peut-être même avons-nous collectivement déjà trop attendu. Attendre encore serait une faute morale impardonnable. » Tout est dit !

La réforme de la dépendance restera la grande absente d’une législature au cours de laquelle l’exécutif n’aura pourtant cessé d’en marteler l’urgence.

Aucune suite ne sera donc donnée à la mobilisation qui s’est opérée, dans les régions et sur le plan national, au cours du premier semestre de cette année.

Cette mobilisation a pourtant donné lieu à de multiples réflexions et propositions ; je pense notamment aux travaux menés par la Haute Assemblée. Toutes les propositions ne faisaient certes pas consensus, mais de grands axes se sont dégagés autour de plusieurs thèmes : l’importance de la prévention, le renforcement du rôle de la CNSA ou encore une meilleure coordination de l’aide à l’autonomie.

Enfin, si l’on se réfère aux projections démographiques, il apparaît que, d’ici à 2025 tout au moins, les principaux dysfonctionnements constatés, notamment le reste à charge trop élevé pour les familles et les dépenses excessives pesant sur les départements, dont je crains qu’elles ne fassent que perdurer, pourraient être corrigés moyennant des financements qui ne sont pas hors de portée.

Ce seraient en effet, en 2025, des dépenses supplémentaires de l’ordre de 5 milliards d’euros, par rapport au niveau de 2010, qu’il faudrait répartir entre les différents financeurs publics et les ménages.

Aussi est-il véritablement consternant que, à l’issue de cette intense période d’analyse, le Gouvernement n’ait retenu aucune priorité forte, ni défini d’orientation stratégique sur ce dossier, que ce soit en matière d’organisation ou de financement, à part un fonds d’urgence de 50 millions d’euros, dont on ne sait pas comment il sera financé ni quels seront ses critères d’attribution.

J’en viens maintenant plus directement au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Tout d’abord, je tiens à apporter une précision. Nous devons nous prononcer sur l’ONDAM médico-social prévu pour 2012 par l’article 48 du projet de loi. Il s’agit de la contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées et personnes handicapées. Toutefois, l’enveloppe « soins » consacrée à ces établissements et services est plus large. Elle comporte aussi une part du produit de la contribution solidarité autonomie, tirée de la journée de solidarité.

À cet égard, je partage l’analyse faite l’an dernier selon laquelle il serait normal que le Parlement ait à se prononcer sur l’ensemble de cette enveloppe « soins » – l’objectif global de dépenses, l’OGD – qui est aujourd’hui fixée par un arrêté ministériel. Je rappelle qu’il s’agit là d’une préconisation formulée dans un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances.

Cette précision mérite d’être apportée, car l’ONDAM médico-social et l’OGD n’évoluent pas nécessairement dans les mêmes proportions.

Le PLFSS prévoit, pour 2012, un ONDAM médico-social en progression de 4, 2 % : 6, 3 % pour les personnes âgées et 2, 1 % pour les personnes handicapées. Tels sont, me semble-t-il, les chiffres que vous avez indiqués tout à l’heure, madame la ministre ; je ne pense pas qu’ils aient été affectés par les mesures annoncées aujourd'hui.

Le budget prévisionnel de la CNSA, qui figure à l’annexe 8 du projet de loi, fait apparaître, quant à lui, un OGD qui progressera sensiblement moins vite, à hauteur de 3, 4 % en 2012, avec 4, 6 % pour les personnes âgées et 2, 2 % pour les personnes handicapées.

Au total, l’OGD pour 2012 s’élèverait à 17, 6 milliards d’euros : 8, 9 milliards pour les personnes âgées et 8, 7 milliards pour les personnes handicapées.

Ma première observation portera sur les mises en réserve de crédits.

En 2010, l’ONDAM médico-social voté par le Parlement avait été réduit de 100 millions d’euros au cours de l’exercice pour contribuer à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie.

En 2011, 100 millions d’euros ont été gelés en début d’exercice.

En un mot, le secteur médico-social a été durement pénalisé, puisqu’il a supporté environ 20 % des mises en réserve, alors qu’il représente moins de 10 % de l’ONDAM.

Une telle pratique est inacceptable, car elle est contraire au principe de fongibilité asymétrique censé préserver les crédits médico-sociaux dans le budget des agences régionales de santé, les ARS.

À ce jour, l’incertitude demeure quant à un éventuel dégel de ces crédits d’ici à la fin de l’année.

Sur les 545 millions d’euros qui seront mis en réserve en 2012, nous ignorons quelle sera la part du médico-social. En tout état de cause, j’y insiste, cette dernière doit être ramenée à de plus justes proportions.

Par ailleurs, il faut reconnaître que, avec 4, 2 % d’augmentation, la composante médico-sociale de l’ONDAM – lequel ne croîtra finalement que de 2, 5 % dans le futur PLFSS rectifié – est celle qui progressera le plus.

L’écart est tout de même moins sensible si l’on se réfère à l’OGD, c’est-à-dire à l’ensemble des dépenses de soins, dont le taux de progression est de 3, 4 %.

La progression des crédits médico-sociaux est ventilée entre trois postes principaux.

Le premier concerne l’installation de places nouvelles en établissements ou en services, à hauteur d’environ 150 millions d’euros. Il s’agit de la poursuite de la mise en œuvre des plans gouvernementaux, lesquels d'ailleurs ont pris un certain retard, pour ne pas dire un retard certain. J’y reviendrai.

Le deuxième poste concerne la poursuite de la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, à hauteur de 140 millions d’euros. Cette indispensable médicalisation dite « de deuxième génération » a été effectuée grâce à un outil d’évaluation des besoins en soins, le fameux outil « Pathos ». Elle a toutefois été arrêtée en 2011, les ARS n’ayant pris à ce titre aucun engagement nouveau. Il y a, là aussi, un retard à rattraper.

Enfin, le troisième point concerne les dotations correspondant aux places existantes, qu’il faut réajuster. Il convient d’ailleurs de noter que 95 % des dépenses de soins des établissements et des services financées par l’ONDAM correspondent à des charges de personnels.

Or, si les salaires augmentent d’environ 2 % par an, les dotations de reconduction n’ont été revalorisées que de 0, 89 % en 2011 et ne le seront que de 0, 8 % en 2012. Une telle revalorisation est largement insuffisante pour faire face aux charges salariales. En outre, aucun moyen supplémentaire n’est apporté au titre des dépenses de fonctionnement.

Comme celle pour 2011, l’enveloppe pour l’année 2012 ne permettra pas de mener de front de manière efficiente la réalisation des plans de création de places, la poursuite de la médicalisation des EHPAD et l’octroi de moyens de fonctionnement suffisants aux établissements et services. Toute avancée sur l’un de ces trois objectifs sera en fin de compte gagée au détriment des deux autres.

S’agissant des créations de places, permettez-moi une petite remarque : on observe un décalage réel, et important, entre les objectifs annoncés, les autorisations accordées aux projets et le nombre effectif de places que les crédits de paiement permettent de financer.

En ce qui concerne les personnes âgées, il me semble que le Plan Solidarité-Grand Âge prévoyait plus de 90 000 places nouvelles sur la période 2007-2012, soit une moyenne d’environ 15 000 places par an.

Or, en quatre ans, seules 30 000 places ont été créées. En outre, le rythme d’installation a chuté en 2010, avec seulement 5 000 places nouvelles.

S’agissant des personnes handicapées, 41 000 places étaient annoncées sur la période 2008-2014. Or, sur les trois premières années, seules 13 500 places ont été installées.

J’introduis ici un élément de contexte qui me semble important. Entre 2005 et 2007, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, a bénéficié de crédits supérieurs à ses dépenses réelles. Les réserves qu’elle a constituées ont culminé à 1 milliard d’euros en 2008.

Cette période est désormais définitivement révolue, puisque toutes ces réserves ont été consommées entre 2009 et 2011, soit pour compléter l’ONDAM, soit pour alimenter des plans d’aide à l’investissement permettant de moderniser les établissements. Et, depuis cette année, les réserves se limitent à 60 millions d’euros, soit l’équivalent d’une journée de dépenses de la CNSA... Il n’y a donc plus aucune marge de manœuvre.

En conséquence, l’enveloppe « soins » pour 2012 ne répond pas aux trois objectifs qu’elle est censée financer.

De même, la dotation destinée aux plans d’investissements, passée de 131 millions d’euros en 2010 à 113 millions d’euros en 2011, n’est plus que de 48 millions d’euros pour 2012.

Entre 2007 et 2011, le budget de la CNSA a progressé de plus de 30 %. Pourtant, dans le même temps, les concours qu’elle verse aux départements ont augmenté d’à peine plus de 3 %, alors que les dépenses correspondant au versement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, ont quant à elles explosé de plus de 40 %. Encore une fois, les départements sont très sévèrement pénalisés, alors même qu’on nous annonce que les collectivités locales devront se serrer encore un peu plus la ceinture.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Cette question dépasse le PLFSS, puisqu’il ne s’agit pas ici de voter le budget de la CNSA, mais je veux souligner qu’une part croissante de la contribution de solidarité pour l’autonomie est « rognée » pour compléter l’ONDAM ou pour financer des plans gouvernementaux, tels le plan Alzheimer, au détriment, une fois de plus, des départements. Décidément, ces derniers se retrouvent bien seuls face à l’explosion des charges pesant sur eux…

Il faudra donc procéder à un rééquilibrage entre assurance maladie et aide sociale, ainsi qu’entre solidarité nationale et ressources fiscales locales, et cela ne sera possible qu’avec des ressources plus larges que celles qui sont aujourd’hui affectées au risque « perte d’autonomie ».

Madame la ministre, je regrette que l’examen de cette question fondamentale, que nous devions aborder cet automne, soit renvoyé à plus tard.

Les débats nous permettront toutefois d’aborder d’autres questions importantes, comme la tarification ou les difficultés des services d’aide à domicile. Ainsi, je vous proposerai de supprimer l’article 37 du texte, qui entend lancer de nouvelles expérimentations de tarification des EHPAD, alors que les réformes mises en œuvre ces dernières années ne sont pas stabilisées, voire sont purement et simplement suspendues. Tel est le cas, par exemple, de la tarification à la ressource, adoptée par le Parlement, sur l’initiative du Gouvernement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Dans le même esprit, je présenterai un amendement visant à instituer un mécanisme de prorogation des conventions tripartites des EHPAD, le Gouvernement ayant suspendu leur renouvellement et, ce faisant, créé un vide juridique.

En conclusion, mes chers collègues, comme notre rapporteur général, je constate avec regret que le présent PLFSS maintient le secteur médico-social dans une situation qui, depuis deux ans, s’est très sérieusement tendue. Enfin, et surtout, il n’apporte aucune perspective nouvelle aux acteurs de ce secteur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, traditionnellement excédentaire, la branche famille est entrée, depuis 2008, dans un cycle déficitaire d’une ampleur sans précédent. Si cette situation est pour partie imputable à la crise économique, qui a valu à la branche la perte de près de 2, 7 milliards d’euros de recettes, elle s’explique surtout par plusieurs mesures votées ces dernières années.

Parmi ces dernières, la plus significative, en termes financiers – elle est aussi la plus symbolique, sur le plan politique – est la prise en charge, par la branche famille, de deux prestations jusqu’alors assumées par la branche vieillesse : l’assurance vieillesse des parents au foyer et la majoration de pension pour les assurés ayant élevé trois enfants et plus. Pour la seule année 2011, ces deux prestations coûteront 8, 8 milliards d’euros à la Caisse nationale des allocations familiales.

Il apparaît donc clairement que le déficit de la branche famille résulte d’abord d’un choix de politique économique effectué au détriment de cette dernière, visant à réduire le déficit du système de retraite.

Face à ces charges nouvelles, les petites mesures d’économies votées précédemment sont insignifiantes : l’unification des âges de majoration des allocations familiales n’a eu qu’un effet limité et temporaire ; la suppression – par ailleurs inique – de la rétroactivité des aides au logement n’est pas de nature à permettre le rééquilibrage des comptes.

Un autre point m’inquiète davantage : la fragilisation structurelle des recettes de la branche famille, résultant du transfert vers la CADES de 0, 28 point de CSG précédemment attribué à la branche, voté l’an dernier afin de financer la dette sociale.

Notre commission avait alors unanimement dénoncé ce marché de dupes. En effet, pour toute compensation de cette perte de recettes pérennes et dynamiques, la branche famille s’était vu attribuer trois recettes aléatoires : la taxe spéciale sur les contrats d’assurance maladie dits « solidaires et responsables », équivalant à un peu plus de 1 milliard d’euros par an ; la taxe exceptionnelle sur les réserves de capitalisation des entreprises d’assurance, correspondant à 835 millions d’euros en 2011 et en 2012 ; le prélèvement de la CSG au fil de l’eau sur les contrats multi-supports d’assurance vie, dont le produit serait de 1, 6 milliard d’euros en 2011.

Certes, en 2011 et 2012, ces trois nouvelles recettes compenseront les 3, 5 milliards d’euros perdus au titre de la CSG. Mais, dès 2013, le compte n’y sera plus : la taxe exceptionnelle, qui est une mesure temporaire, ne rapportera plus rien et le rendement de l’imposition des contrats multi-supports d’assurance vie commencera à décroître, avant de s’annuler à l’horizon 2020. La branche famille ne percevra donc plus 3, 5 milliards d’euros, mais 2, 3 milliards d’euros, ce qui correspond à un manque à gagner de 1, 2 milliard d’euros.

Il a certes été prévu de rediriger vers la branche famille, à compter de 2013, le produit de la contribution sur les véhicules terrestres à moteurs, dont le rendement est évalué à 1 milliard d’euros par an. Néanmoins, dans le même temps, le projet de loi prévoit une clef d’affectation des droits sur les tabacs qui, dès cette même année, sera moins favorable à la CNAF, se traduisant par une perte de 400 millions d’euros. On reprend donc d’une main ce que l’on donne de l’autre !

Au final, ce petit montage financier, dont la pudeur m’empêche d’évoquer la complexité, ne rapportera que 600 millions d’euros, soit la moitié de la compensation intégrale annoncée.

Il en résulte que, en tenant compte des nouvelles prévisions de masse salariale, les déficits s’élèveront respectivement en 2011 et en 2012 à 2, 6 milliards d’euros et 2, 5 milliards d’euros, des sommes tout à fait considérables.

Par ailleurs, nous constatons que la très légère amélioration du solde prévue dans le PLFSS pour 2012 tient aux recettes attendues de mesures nouvelles selon moi profondément injustes et malvenues en période de crise économique et sociale.

La première de ces mesures est l’assujettissement à la CSG du volet « libre choix d’activité » de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Le Gouvernement attendait de cette mesure 140 millions d’euros d’économies, effectuées au détriment de 330 000 familles avec enfants en bas âge, lesquelles auraient ainsi perdu entre 100 et 400 euros par an. Or sont surtout concernées des femmes sans emploi, peu qualifiées, voire en situation de précarité.

Nous n’avons pas eu le temps de nous réjouir de la suppression de cette mesure par l’Assemblée nationale, la réaction du Gouvernement ne s’étant pas fait attendre : pour compenser la perte des 140 millions d’euros d’économies escomptés, ce dernier a fait voter un amendement visant à reporter la revalorisation annuelle des prestations familiales au 1er avril, alors que celle-ci a lieu habituellement au 1er janvier.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Ce gel, pendant trois mois, de l’augmentation de l’ensemble des prestations familiales est, dans la conjoncture actuelle, inacceptable : une fois de plus, ce sont les familles les plus fragiles qui seront les premières pénalisées. Cette mesure est d’autant plus choquante que le Gouvernement s’était engagé à revaloriser les prestations familiales de 2, 3 % au 1er janvier 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

J’ajoute que, entre autres mesures annoncées ce midi par M. François Fillon, la revalorisation des prestations familiales ne sera plus en 2012 que de 1 %. C’est encore plus choquant !

En outre, le report de trois mois de la revalorisation des prestations familiales n’était pas nécessaire, dans la mesure où les 140 millions d’euros en jeu avaient déjà été gagés sur une réduction du taux d’abattement pour frais professionnels sur les revenus soumis à la CSG, permettant au Gouvernement de rentrer dans ses frais.

Mes chers collègues, vous comprendrez que, dans ces conditions, notre commission ait adopté un amendement supprimant cette mesure de report.

J’en viens maintenant aux mesures du PLFSS concernant les dépenses de la branche famille, deux « mesurettes » qui bénéficieront toutefois aux familles monoparentales et aux parents handicapés, ce qui est positif.

La première de ces mesures améliore le volet « aide à la garde d’enfant » de la PAJE, en créant un barème de ressources spécifique pour les parents isolés et en majorant l’aide pour les couples ou les parents isolés bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés.

La seconde mesure aménage, pour les très petites pensions alimentaires, le régime d’attribution de l’allocation de soutien familial, l’ASF, dont les incohérences actuelles ont été soulignées tant par la Cour des comptes que par le Haut Conseil de la famille. Il s’agit d’une mesure de bon sens, mais je regrette que le Gouvernement se soit contenté de ne traiter qu’un aspect du dispositif de l’ASF, lequel aurait mérité des aménagements plus ambitieux.

Je souhaite maintenant dire un mot de l’amendement relatif à l’allocation de rentrée scolaire, adopté par notre commission, après un riche débat. Depuis la rentrée de 2008, cette allocation est versée selon un barème de trois tranches, croissant avec l’âge de l’enfant. Si les frais de rentrée augmentent au fil de l’avancée de l’enfant dans le cycle scolaire, du primaire au lycée, ils diffèrent aussi selon la voie de formation suivie : les filières technologiques et professionnelles sont, par définition, plus coûteuses pour les familles que la voie générale.

Mes chers collègues, pour les élèves inscrits au lycée, notre commission vous propose de moduler le montant de l’allocation de rentrée scolaire en fonction de la voie de formation suivie, à enveloppe constante. J’ai bien entendu que Mme Roselyne Bachelot-Narquin reprochait à cette proposition son manque d’ambition, mais je lui rappellerai que l’article 40 de la Constitution nous contraint à faire preuve de retenue.

Au-delà de cette mesure, je souhaite que nous puissions aussi évoquer, au cours de nos débats, plusieurs chantiers qui, selon moi, devront être engagés dans le domaine de la famille. Au premier rang de ces derniers figurent le versement des allocations familiales dès le premier enfant, une promesse du Président de la République non tenue, je le rappelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

… ainsi que l’allongement de la durée du congé de maternité. J’aimerais connaître les intentions du Gouvernement sur ces deux points, bien que Mme Roselyne Bachelot-Narquin ait déjà répondu partiellement dans sa première intervention.

Pour résumer ma position d’ensemble sur la branche famille, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter les deux articles relatifs aux familles monoparentales et aux parents handicapés ; de voter les deux amendements que j’ai évoqués ; enfin, de rejeter l’objectif de dépenses de la branche famille pour 2012, afin de dénoncer les montages financiers opérés cette année et l’année dernière, ainsi que le manque d’ambition du Gouvernement en matière de politique familiale.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Christiane Demontès, rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Mme Christiane Demontès, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je précise d’emblée que mon intervention ne prendra pas en compte les mesures annoncées aujourd’hui par le Premier ministre. En effet, madame la ministre nous l’a confirmé, dès que nous aurons voté – ou non ! – le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, ces mesures feront l’objet d’un projet de loi de financement rectificative – j’espère qu’il n’y en aura qu’un, mais sait-on jamais !

Souriressur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

L’an dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le débat sur la branche vieillesse suivait de quelques jours l’adoption par le Parlement, après une longue discussion, notamment au Sénat, du projet de loi portant réforme des retraites. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 solde donc, pour ainsi dire, la première année d’application de cette réforme des retraites. Nous venons d’ailleurs d’apprendre que cette loi sera modifiée pour permettre une application anticipée du recul des bornes d’âge dès 2017 au lieu de 2018.

Aujourd’hui, comment peut-on analyser la situation de la branche vieillesse ? Son niveau de déficit se révèle très élevé et devrait le rester durablement : après avoir atteint un sommet en 2010, ce déficit demeure considérable en 2011 et il ne sera pas significativement réduit en 2012. Pis encore, l’assurance vieillesse représentera un poids croissant dans une dette sociale en forte augmentation. Une partie de ces déficits restera nécessairement à financer par des recettes nouvelles qui, à ce jour, n’ont pas été définies. En 2012, les déficits ne seront donc pas significativement réduits.

Je veux d’ailleurs relever tout de suite la dégradation du solde financier de deux régimes.

Tout d’abord, la branche retraite du régime des exploitants agricoles, dont les dettes seront reprises jusqu’à 2010, vous nous l’avez dit, madame la ministre, continuera de connaître un déficit très important en 2011 et au-delà, malgré les 400 millions d’euros de recettes supplémentaires qui lui seront affectés à partir de 2012.

Les causes démographiques de ce déséquilibre sont parfaitement connues. La subvention d’équilibre de l’État a été supprimée depuis 2009 – rappelez-vous, chers collègues, le Fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, a alors été supprimé –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

… et il faudra nécessairement rétablir des ressources de niveau équivalent. En attendant, la Mutualité sociale agricole, la MSA, va être autorisée à emprunter jusqu’à 2, 9 milliards d’euros en 2012.

Ensuite, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, est pour sa part en déficit depuis 2010, et le manque dépassera les 600 millions d’euros l’année prochaine. Il résulte en partie du reversement à l’État des cotisations perçues au titre des agents transférés aux collectivités territoriales, en particulier aux régions et aux départements.

Les prévisions de recettes de l’assurance vieillesse pour 2012 laissaient envisager une augmentation de 4, 2 % pour le régime général, de 4, 3 % pour l’ensemble des régimes de base et de 2, 9 % pour le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV. Rappelons néanmoins que ces prévisions sont – ou plutôt étaient ! – établies sur la base d’une hypothèse de progression de la masse salariale identique à celle de 2011, soit 3, 7 % ; j’utilise maintenant l’imparfait puisque vous venez de nous annoncer, madame la ministre, que cette hypothèse était rectifiée à 3 %... Je rappelle que l’UNEDIC, voilà déjà plusieurs mois, avait retenu une hypothèse de progression de la masse salariale de 2, 8 % pour 2012. Le maintien de cette progression à 4 %, annoncé pour 2013 et les années suivantes, nous semble tout à fait aléatoire !

Je veux également rappeler que l’amortissement des déficits à venir entre 2011 et 2018 pour la branche vieillesse et le FSV a fait l’objet l’an passé d’un traitement spécifique, à travers la mobilisation anticipée du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, qui devra transférer ses actifs à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, dont la durée a d’ailleurs été prolongée jusqu’à 2024. Le FRR, je le rappelle, avait été créé en 1999 afin de constituer et gérer des réserves financières pour contribuer au financement des régimes de retraite à partir de 2020. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a remis en cause cette mission initiale du FRR et programmé sa disparition.

Je veux encore et surtout insister sur la situation du Fonds de solidarité vieillesse – les indications que vous nous avez données, madame la ministre, ne nous incitent pas à l’optimisme ! – dont les missions ont été élargies au fil des ans, afin qu’il prenne en charge une fraction toujours plus importante de la part non contributive des retraites.

Toutefois, le Fonds n’est malheureusement pas doté de ressources en rapport avec ce rôle fondamental : en 2009, il a perdu 0, 2 point de contribution sociale généralisée, ou CSG, au profit de la CADES. Les autres recettes affectées au FSV sont loin d’avoir le même rendement que la CSG et leur produit est même parfois très aléatoire.

Ainsi, la part de la contribution sociale de solidarité des sociétés versée au FSV varie fortement, selon les résultats du régime social des indépendants. De même, le fonds n’a pas obtenu le montant qu’il attendait des taxes sur les « retraites chapeau ». Dans le même temps, les dépenses du FSV augmentent à un rythme soutenu. Tel est notamment le cas de la compensation due aux caisses pour les périodes de chômage des assurés, et rien n’indique, aujourd’hui, que cette dépense se stabilisera, contrairement aux prévisions annoncées lors de la réforme des retraites.

Finalement, le FSV a surtout servi de réceptacle au transfert comptable des déficits des régimes d’assurance vieillesse. Je considère que cette fragilisation du financement du fonds n’est pas acceptable, car elle n’est pas de nature à consolider, sur le long terme, les mécanismes de solidarité destinés aux assurés dont les parcours professionnels sont les moins favorables.

Enfin, je voudrais revenir sur le scénario de retour à l’équilibre à l’horizon de 2018 qui nous a été présenté l’année dernière.

Je constate tout d’abord que, sans recettes supplémentaires et sur la base du cadrage macroéconomique retenu par le projet de loi, le besoin de financement du régime général ne sera pas couvert en 2018. Comme l’a indiqué devant la commission le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, il faudra donc trouver des recettes nouvelles en rapport avec la progression des dépenses pour éviter le creusement de nouveaux déficits.

Par ailleurs, comme on pouvait le pressentir, ce cadrage est désormais fortement remis en cause sous l’effet de la crise économique et financière.

La révision des hypothèses de croissance se répercutera nécessairement sur le rendement des recettes. Toutefois, c’est principalement l’évolution de la situation de l’emploi qui sera déterminante pour la réalisation du retour à l’équilibre : d’une part, elle influe sur les charges du FSV au titre de la compensation des périodes de chômage ; d’autre part, le Gouvernement tablait sur un rétablissement de la situation financière de l’UNEDIC pour transférer à l’assurance vieillesse des cotisations d’assurance chômage. Or les données les plus récentes montrent malheureusement que les perspectives financières de l’assurance chômage continueront à se dégrader en 2012 : n’oublions pas que l’UNEDIC table aujourd’hui sur une persistance de ses déficits, sa dette cumulée passant de 11 milliards d’euros en 2011 à 12, 7 milliards d’euros en 2012. Il est alors difficile d’imaginer des transferts provenant de l’UNEDIC !

C’est dans ce contexte d’incertitude majeure sur l’avenir financier de l’assurance vieillesse qu’intervient la mise en œuvre de la réforme des retraites. À mon sens, ce contexte ne fait que renforcer certaines des préoccupations soulevées lors du débat qui s’est tenu l’an dernier.

Je pense d’abord à la situation des seniors : on nous avait dit qu’il suffirait de reculer les bornes d’âges pour les voir travailler plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Nous constatons, sur les douze derniers mois, une augmentation de près de 15 % du nombre de chômeurs de plus de cinquante ans, ce qui n’incite pas à l’optimisme quant au niveau d’emploi des seniors. Quel sera le sort des demandeurs d’emploi les plus âgés lorsqu’ils arriveront en fin de droits ?

Le Gouvernement, nous avons pu le constater ces derniers mois, a tergiversé : l’allocation équivalent retraite, l’AER, supprimée une première fois à la fin de 2008, a été maintenue « à titre exceptionnel » en 2009, puis de nouveau prorogée en 2010. Sur l’initiative de notre commission, le Sénat a permis qu’elle soit prolongée pour les bénéficiaires qui la percevaient à la fin de 2010, jusqu’à ce qu’ils atteignent le nouvel âge de départ en retraite. Finalement, le Gouvernement a annoncé la création prochaine d’une allocation transitoire de solidarité, ou ATS, réservée aux générations nées entre 1951 et 1953. On peut craindre que cette mesure n’apporte pas une réponse satisfaisante aux chômeurs confrontés aux conséquences du relèvement de l’âge de départ à la retraite.

En ce qui concerne la prise en compte de la pénibilité, nous avons évoqué, lors de l’audition des ministres, la déception ressentie au vu des conditions très restrictives imposées par les décrets d’application pour le bénéfice de la retraite anticipée. Ainsi, les salariés concernés devront notamment justifier de leur exposition pendant dix-sept ans à des facteurs de risque et présenter un taux d’incapacité compris entre 10 % et 20 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

En ce qui concerne la prévention de la pénibilité, qui doit faire l’objet de négociations de branches et d’accords d’entreprises, il semble que la situation n’ait guère évolué. Il n’y aura aucune obligation de négocier des accords pour les entreprises dont moins de 50 % des effectifs sont exposés à des facteurs de risques.

Nous ne pouvons également que réitérer nos inquiétudes quant aux conséquences du report à 67 ans de l’âge d’attribution du taux plein pour les assurés n’ayant pas bénéficié d’un parcours professionnel continu – je pense bien évidemment aux femmes.

Je regrette aussi que la réforme n’ait pas traité la question des pensions de réversion, qu’il s’agisse de leur montant ou de leurs conditions d’attribution, notamment pour prendre en compte les nouvelles formes de vie en couple, en particulier le PACS.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Plus généralement, les conséquences de l’application de la réforme sur le niveau futur des pensions et des taux de remplacement, quoi que vous disiez, madame la ministre, restent encore mal évaluées.

Je veux enfin insister sur les constats sévères de la Cour des comptes concernant, en particulier, les aides publiques à l’épargne retraite, dont le montant a été chiffré par cette institution à près de 2, 4 milliards d’euros par an.

D’une part, la Cour relève que le régime de l’épargne retraite entraîne un effet d’aubaine pour certaines catégories socioprofessionnelles qui ont déjà accès, pour compléter leurs pensions de retraites, à d’autres formes d’épargne ; d’autre part, elle préconise que les aides publiques à l’épargne retraite soient réorientées vers les salariés du secteur privé disposant de faibles revenus, qui risquent de voir à l’avenir le taux de remplacement de leurs pensions de retraite diminuer. Dans le contexte actuel des finances publiques, notamment des finances sociales, il paraît indispensable de réexaminer la pertinence de ces dispositifs, au même titre que celle des « niches » fiscales et sociales.

En conclusion, il apparaît, pour la branche vieillesse comme pour l’ensemble de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que le Gouvernement navigue à vue, oscillant, comme l’a rappelé M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, entre négligence et irresponsabilité : ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, pas plus que les précédents, n’apporte les solutions nécessaires à la sauvegarde du système de protection sociale. Et je crains fort que le projet de loi de financement rectificative que vous nous avez annoncé ne nous fasse pas avancer davantage !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, faisant figure d’exception culturelle au sein de la sécurité sociale, la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dite « AT-MP », ne devrait pas être en déficit cette année et, somme toute, c’est normal. Elle répond, en effet, à une logique quelque peu différente des autres branches : une logique assurantielle. Les entreprises cotisent en fonction du risque qu’elles font peser sur la santé des travailleurs ; ces cotisations doivent donc s’ajuster aux dépenses.

Selon ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la branche devait produire 100 millions d’euros d’excédents en 2011 – j’ai compris cet après-midi qu’ils seraient vraisemblablement nuls. Il était même prévu 200 millions d’euros d’excédents en 2012 et en 2013, 400 millions d’euros en 2014 et 600 millions d’euros en 2015, qui devraient plutôt s’élever respectivement à 100 millions d’euros, à 300 millions d’euros et à 500 millions d’euros !

Je serai, pour ma part, beaucoup plus prudent. Nous savons ce que valent désormais les hypothèses de croissance et d’évolution de la masse salariale qui sous-tendent ce projet de loi. Madame la ministre, je trouve d’ailleurs curieux que vous ayez rectifié la prévision de croissance pour 2012, mais que vous ayez conservée celle des années suivantes. Vous auriez dû être plus prudente dans les tableaux prospectifs.

Plus encore, j’ai tendance à considérer que ces excédents sont artificiels. Ils résultent en réalité du transfert de près d’1, 3 milliard d’euros de dette de la branche vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, que vous avez opéré l’an dernier.

Nous nous y étions d’ailleurs vivement opposés à l’époque. Ce transfert revenait à exonérer les entreprises des obligations qui leur incombent en matière de réparation des dommages causés aux victimes.

Qui plus est, cette fameuse dette de la branche AT-MP s’était constituée, pour une part importante, du fait de l’augmentation de la compensation versée à l’assurance maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Par ce transfert à la CADES, on fait donc payer aux citoyens, non aux entreprises, des dépenses imputées à tort à l’assurance maladie. C’est faire peu de cas du lien entre les cotisations dues par les entreprises et leurs actions de prévention, que le Conseil constitutionnel vient encore récemment de rappeler.

J’ai le sentiment que la branche AT-MP est aujourd’hui dans la tourmente. Elle est, en effet, critiquée sur de nombreux plans.

Sur le plan juridique, la règle de limitation des préjudices indemnisables en cas de faute inexcusable de l’employeur figurant dans le code de la sécurité sociale a été récemment censurée par deux fois, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, par le Conseil constitutionnel.

Malgré cela, les victimes peinent encore à faire reconnaître leurs droits, faute notamment de la transcription de cette jurisprudence dans le droit positif. Nous y reviendrons lors de l’examen de nos amendements.

Sur le plan financier, les indemnisations forfaitaires qu’elle sert aux victimes paraissent de plus en plus en retrait par rapport à l’évolution du droit civil, même dans les cas où l’imputation est présumée.

Sur le plan comptable, la Cour des comptes, observant l’existence de dysfonctionnements importants dans la manière dont sont établis les taux de cotisation, a refusé de certifier les comptes de la branche en juin dernier. Ce n’est pas un événement anecdotique et, s’il devait se reproduire, cela remettrait en cause la crédibilité même du système de tarification, qui constitue pourtant, je le répète, l’un des traits caractéristiques du régime.

Sur le plan moral, la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ne cesse d’augmenter en dépit de quinze années d’actions menées pour la juguler. Le dernier rapport de la commission Diricq, qui estime qu’elle pourrait représenter jusqu’à 1, 1 milliard d’euros de dépenses, relève que certaines victimes ne connaissent pas leurs droits, mais aussi que certains employeurs font pression pour que ces droits ne soient pas reconnus. C’est inacceptable !

Sur le plan de la prévention, le nombre de malades souffrant de pathologies liées au travail augmente chaque année, de même que le nombre d’accidents de trajet. C’est inquiétant.

Ces problèmes sont anciens, madame la ministre ; ils ne paraissent pourtant pas en voie de résorption. Nous les dénonçons depuis longtemps, mais peu de choses ont été faites pour y remédier. On fait attendre les victimes en multipliant les commissions et les rapports.

Les travailleurs de l’amiante ne le savent que trop bien, eux qui attendent encore que l’accès au dispositif de cessation anticipée d’activité soit enfin ouvert en fonction des professions exposées et non plus seulement à des entreprises répertoriées. Faudra-t-il que les victimes atteignent le nouvel âge de la retraite, tel qu’il résulte de la réforme de 2010, pour que soient reconnus leurs droits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Comme vous le savez, madame la ministre – M. Xavier Bertrand y a fait référence tout à l’heure –, cette question me tient particulièrement à cœur.

Il s’en faut de peu que certains considèrent que la branche AT-MP a essentiellement pour effet de limiter les droits des victimes.

Pour ma part, je ne le crois pas. La branche AT-MP est la fille du paritarisme et, ne serait-ce qu’à ce titre, elle doit être préservée. Il me paraît essentiel que l’évolution des mécanismes d’indemnisation des accidents et des maladies professionnelles se fasse prioritairement au sein de la branche. Toute autre solution risquerait de forcer les victimes à prouver l’imputabilité du dommage qu’elles ont subi et de les laisser désarmées face à la complexité du droit civil et de la jurisprudence.

Il nous faut cependant être plus ambitieux dans les réformes que nous proposons, ce qui suppose que nous connaissions exactement l’état de la situation.

Pour la première fois cette année, nous ne dépendons pas uniquement des statistiques du régime général de la sécurité sociale. Une étude de l’Institut de veille sanitaire publiée à la fin du mois dernier permet d’évaluer, ce qui n’avait jamais été fait auparavant, le nombre total d’accidents du travail reconnus pour l’ensemble des régimes de base de la sécurité sociale, qui s’élève à 1 284 000. Les trois quarts concernent des hommes, soit environ 289 000 de plus que ceux qui sont reconnus par le seul régime général.

Cette étude fait également ressortir la dangerosité des industries agroalimentaires, tout particulièrement dans le secteur de la découpe de la viande.

Ces données montrent la nécessité d’une vision globale de la sinistralité, et je regrette que l’outil statistique dont nous avions envisagé la création lors des débats sur la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique n’en soit encore, sept ans plus tard, qu’au stade des études de faisabilité.

Une action déterminée sur les causes de la sous-déclaration est impérative et nous suivrons avec attention la suite donnée aux propositions de la commission Diricq pour endiguer ce phénomène. On ne peut accepter, madame la ministre, que la moitié de la sous-déclaration soit imputable aux maladies liées à l’amiante. Que les victimes de cette substance hautement toxique ne fassent pas valoir leurs droits devant la branche, mais aussi parfois devant le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, est insupportable.

Nous pensons également que l’indemnisation intégrale du préjudice lié à la faute inexcusable de l’employeur ne peut attendre. Pour la clarté et la lisibilité de notre droit, le Gouvernement aurait déjà dû transcrire dans les textes la jurisprudence très claire du Conseil constitutionnel. Dans les limites étroites, et de mon point de vue absurdes, que nous impose l’article 40 de la Constitution, surtout dans une loi de financement de la sécurité sociale, nous avons proposé des amendements pour avancer sur cette question. Ils sont forcément imparfaits. Nous vous solliciterons donc, madame la ministre, de même que M. Xavier Bertrand, pour aller au bout de cette démarche.

S’agissant des mesures proposées cette année, certaines, introduites à l’Assemblée nationale, sont attendues par les victimes.

Ainsi, l’article 55 bis permet enfin la reconnaissance de toutes les formes d’union pour l’indemnisation des ayants droit des victimes. Nous avions proposé cette réforme depuis longtemps, et il était temps qu’elle soit réalisée. C’est un point positif.

L’article 55 ter répond aussi à une attente, la prise en compte de toutes les périodes travaillées, y compris celles qui relèvent du régime des gens de mer ou des ouvriers de la défense, pour le versement de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA.

Plusieurs amendements l’année dernière, dont l’un émanait de la commission des affaires sociales, visaient des avancées sur ce point. Je ne peux toutefois m’empêcher de regretter votre minimalisme. Vous procédez certes à une coordination nécessaire entre les régimes, mais vous restez en deçà de l’harmonisation que nous souhaitions.

Je souhaite également porter à votre attention un grave problème qui nous a été signalé par les associations de victimes. Le régime général refuse, semble-t-il, de verser les pensions de retraites des victimes polypensionnées à l’expiration du versement de l’ACAATA. C’est là une violation de la lettre et de l’esprit de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, tel qu’il a été amendé par le Sénat lors de la discussion de la réforme des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Pourrez-vous veiller, madame la ministre, à ce qu’il soit enfin mis un terme à cette anomalie administrative ?

L’amendement que le Sénat a voté à l’unanimité l’année dernière pour maintenir l’âge de départ à la retraite des victimes de l’amiante éligibles au fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, fonde notre décision d’approuver les dotations de la branche aux « fonds amiante », telles qu’elles sont prévues à l’article 54. Le FCAATA voit son budget augmenter pour financer la disposition que le Sénat a unanimement soutenue l’an passé. Assumons donc cette mesure de justice.

J’en viens à l’article 53. Même si nous regrettons que la compensation de la sous-déclaration se situe, malgré l’augmentation prévue, en deçà de la réalité que nous laisse entrevoir la commission Diricq, nous nous abstiendrons sur cet article pour ne pas priver la branche maladie de la compensation financière à laquelle elle a légitimement droit.

En revanche, il est d’autres dispositions sur lesquelles nous ne pouvons pas être d’accord. Je pense notamment à l’article 55 fixant la compensation que la branche AT-MP devrait verser à la branche vieillesse du fait des départs anticipés à la retraite liés à la pénibilité. Le fait de reconnaître la pénibilité dans la réforme de 2010 était indispensable du point de vue de l’équité. L’affecter de modalités de mise en œuvre complexes et de critères d’application drastiques, comme l’a rappelé ma collègue Christiane Demontès, sera la source de trop d’injustices pour que nous l’acceptions.

En l’état, d'ailleurs, nous parlons non pas de pénibilité, mais d’invalidité, puisqu’il faut atteindre un taux d’incapacité de 20 % ou, entre 10 % et 20 %, justifier de dix-sept années d’exposition ! En outre, ce dispositif ne concerne, pour l’instant, que le tableau des maladies professionnelles actuellement reconnues.

En tant que président de la mission d’information sur le mal-être au travail, je puis vous affirmer que beaucoup de maladies non détectées aujourd’hui devront faire l’objet de toute notre attention sur la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Dans ces conditions, nous ne pouvons pas accepter, en l’état, l’article 55 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne soyons pas en phase sur l’idée même de pénibilité.

Vous l’avez compris, madame la ministre, nous nous prononcerons au cas par cas, sur chaque article, sans prendre d’engagement sur un vote d’ensemble pour la branche. Pour ce dernier, nous attendrons de connaître l’accueil qui sera réservé à nos amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Muguette Dini applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, ce matin même, quelques heures avant d’entamer ce débat, la représentation nationale se trouvait dans l’incertitude et l’expectative : incertitude sur la sincérité de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale fondé, à l’évidence, sur des hypothèses macroéconomiques pour le moins optimistes ; expectative résultant de l’indécision dont le Gouvernement faisait preuve pour ajuster son projet aux nouvelles perspectives d’environnement économique pour notre pays l’an prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Et ce n’est que vers midi que nous avons eu connaissance du nouveau train de mesures d’austérité prises par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Pour l’essentiel, en ce qui concerne la sécurité sociale, ces mesures portent donc, nous en avons eu la confirmation, sur l’avancement d’un an du calendrier de report de l’âge légal de départ à la retraite, sur la réduction à 2, 5 %, et non plus à 2, 8 %, de la progression de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, et sur la désindexation de certaines prestations sociales, je pense notamment aux prestations familiales.

À l’heure qu’il est, nous ne connaissons ni l’impact de ces mesures sur le projet de loi qui nous est proposé ni leurs conséquences sur les comptes de la sécurité sociale à l’horizon de 2018, puisque le Gouvernement a fait le choix de recourir à un texte rectificatif, ce dont nous prenons acte.

Finalement, s’il y a une certitude dans ce projet de loi, c’est celle de la poursuite des déficits, donc de l’accumulation de la dette sociale qui pèsera sur les générations futures. Car après une année 2010 marquée par un déficit historique des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse de 29, 6 milliards d’euros, soit 1, 5 point de PIB, l’exercice 2011 se caractérise encore par un niveau particulièrement élevé de déficit, soit 24 milliards d’euros, en dépit d’une relative modération des dépenses et, surtout, d’une bonne tenue de la masse salariale.

Quant au déficit tendanciel pour 2012, soit avant les mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2011 de septembre dernier, avant les dispositifs proposés dans le cadre du présent PLFSS et, par construction, avant les mesures annoncées ce matin, il demeure pour le moins préoccupant – c’est un euphémisme – puisqu’il atteindrait 27, 4 milliards d’euros, soit trois fois le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV de 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Certes, il y a la crise, que personne ne songe à sous-estimer, encore moins à nier. Néanmoins, comme l’a rappelé la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2011 sur la sécurité sociale, « le niveau exceptionnellement élevé des déficits [de la sécurité sociale] ne s’explique que partiellement par la crise économique ». En effet, « les facteurs structurels expliquent environ 0, 7 point d’un déficit qui a représenté 1, 2 point de PIB en 2010 », soit plus de la moitié du déficit. C’est en effet avec un handicap de près de 10 milliards d’euros que notre système de protection sociale a dû affronter la crise économique.

Pour 2012, un nouvel effort important – plus de 6 milliards d’euros – nous est proposé concernant les recettes.

Près de la moitié de ces recettes ont d’ores et déjà été prévues dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2011 de septembre dernier, qu’il s’agisse du doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance à laquelle sont assujettis les contrats de santé « solidaires et responsables », de l’augmentation de 12, 3 % à 13, 5 % du taux des prélèvements sociaux sur les revenus du capital ou de la réforme du régime des plus-values immobilières hors résidence principale.

Le reste des recettes sera introduit dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans le projet de loi de finances pour 2012 – comme la taxe sur les boissons sucrées – ou fera l’objet de mesures réglementaires.

Comme les années passées, les mesures de recettes proposées consistent principalement en des réductions timides de niches sociales ou de comportements d’optimisation fiscale, comme la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul du coefficient des allégements généraux sur les bas salaires – je reconnais que cette mesure va dans le bon sens –, l’augmentation du forfait social ou l’homogénéisation de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Elles sont également complétées par d’assez nombreuses révisions ou introductions de taxes dites « comportementales » : révision du barème de la taxe sur les véhicules de société, relèvement des droits sur les boissons alcoolisées, hausse du prix du tabac, création d’une taxe sur les boissons sucrées.

Si l’on ne peut que partager les objectifs de santé publique affichés, il est néanmoins patent et que ces augmentations de taxes comportementales ne sont que des mesures d’urgence destinées à redresser les comptes sociaux. Et il est tout à fait regrettable que le Gouvernement fasse l’économie d’une politique de prévention, laquelle serait pourtant nécessaire.

Outre que certaines de ces mesures ne me semblent pas acceptables en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, elles ne constituent aucunement des mesures structurelles susceptibles de permettre la maîtrise des déficits dans les années qui viennent.

Il convient en effet de noter que, malgré ces recettes nouvelles et un effort sur les dépenses portant essentiellement sur l’assurance maladie – à hauteur de 2 milliards d’euros –, effort qui sera augmenté dans le projet de loi de financement rectificative, de l’ordre de 500 millions d’euros si j’ai bien compris, le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV atteindra près de 19 milliards d’euros en 2012, soit plus du double de celui qui a été constaté en 2007.

Quant aux projections pluriannuelles annexées au présent PLFSS, soit avant intégration des mesures annoncées ce matin, elles ne laissent entrevoir qu’une stabilisation de ce même déficit autour de 14 milliards d’euros à l’horizon 2015, contre 8, 9 milliards d’euros en 2007.

Certes, le Gouvernement a révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2012, l’hypothèse retenue étant désormais de 1 %, au lieu de 1, 75 % initialement. Il a également révisé à la baisse l’hypothèse de progression de la masse salariale, fixée à 3 % au lieu de 3, 7 %.

Cependant, malgré cette révision à la baisse, les hypothèses de progression de la masse salariale à moyen terme paraissent très incertaines. Or chacun connaît la très grande sensibilité du solde du régime général à l’évolution de la masse salariale : comme l’a rappelé tout à l’heure M. le rapporteur général, une variation d’un point de cette dernière modifie le solde du régime général d’environ 2 milliards d’euros, dont près de la moitié pour l’assurance maladie. Cela donne une idée de l’ampleur des efforts supplémentaires qui devront être accomplis.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que cette situation s’inscrit au lendemain d’importantes mesures prises en 2011, lesquelles ont modifié en profondeur le financement de notre régime de protection sociale.

À l’automne dernier, la loi organique relative à la gestion de la dette sociale et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont en effet procédé à l’opération de reprise de dette la plus importante depuis la création de la CADES en 1996.

Cette reprise de dette est exceptionnelle à trois égards. Elle l’est d’abord par son ampleur : au total, ce sont 130 milliards d’euros qui seront transférés à la Caisse entre 2011 et 2018, soit quasiment l’équivalent des déficits qui lui ont été transmis depuis sa création. Elle l’est ensuite par son étalement dans le temps. Elle est enfin exceptionnelle par son mode de financement, ses ressources ayant été fortement accrues et diversifiées.

Compte tenu de la situation actuelle, de nouvelles dettes devront très certainement être transférées prochainement à la CADES. En effet, le schéma esquissé à l’automne dernier n’apporte pas, contrairement aux déficits de la branche vieillesse, de solutions aux déficits à venir des branches maladie et famille. Or, selon les annexes du présent projet de loi de financement, après les mesures proposées dans le PLFSS, mais avant celles qui ont été annoncées ce matin – la plupart d’entre elles ne valant que pour 2012 –, le déficit cumulé des branches maladie et famille du régime général sur la période 2012-2015 devrait dépasser les 20 milliards d’euros.

Il convient également de rappeler que des réformes ont été reportées, comme celle sur la perte d’autonomie des personnes âgées, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

et que d’autres, quand elles ont été engagées, demeurent inabouties d’un point de vue financier, à l’instar de la réforme des retraites, que le Gouvernement met beaucoup en avant.

J’en veux pour preuve que, dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes estime que l’impact de la réforme sur le solde des régimes de retraite a été largement surévalué par le Gouvernement, compte tenu notamment des hypothèses optimistes prises en compte pour établir les projections d’évolution des comptes des régimes de retraite, lesquelles étaient fondées sur un abaissement à 4, 5 % du taux de chômage en 2024.

Je note, en outre, que bien que la réforme des retraites soit présentée comme entièrement financée, des mesures nouvelles à destination de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, à hauteur de 949 millions d’euros pour 2012, sont proposées, ce qui laisse perplexe sur le bouclage financier de la réforme. Et je ne parle pas, bien évidemment, des mesures annoncées ce matin, puisque nous n’en connaissons pas encore le chiffrage. Nous ne découvrirons que lors de l’examen du PLFSS rectificative leur impact sur les comptes de la branche vieillesse.

Enfin, je souligne, ou plutôt je rappelle, que nous ne connaissons pas l’impact à moyen et à long terme sur la branche vieillesse de la mesure d’âge annoncée ce matin.

Indépendamment de ce nouveau train de mesures d’austérité, vous comprendrez, madame la ministre, que la commission des finances n’ait pu avaliser votre projet et qu’elle ait souhaité le modifier par un certain nombre d’amendements, dans une perspective à la fois d’efficacité économique et de justice sociale.

À ce stade, je n’en commenterai que deux.

Le premier de ces amendements a pour objet la suppression du doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance à laquelle sont assujettis les contrats de santé solidaires et responsables, une imposition que n’ont guère évoquée, sauf erreur de ma part, les ministres qui se sont succédé à la tribune tout à l’heure.

Tout indique que cette mesure est inique.

Tout d’abord, personne ne remet en cause cette dépense fiscale, certainement pas le comité chargé d’évaluer l’ensemble des dépenses fiscales et des niches sociales, dit « comité Guillaume », qui lui a attribué la note maximale en termes d’efficacité. Ensuite, l’alourdissement de cette taxe se répercuterait inévitablement sur les adhérents des mutuelles, en écartant encore un peu plus de la protection contre la maladie les plus démunis de nos concitoyens. Enfin, cette mesure pose plus largement la question de l’architecture de notre système de protection sociale, lequel repose d’un côté sur l’assurance maladie de base et, de l’autre, sur l’assurance maladie complémentaire ; la question de l’accès à cette dernière est d'ailleurs plus particulièrement encore posée.

Mes chers collègues, je vous proposerai donc un autre moyen de dégager 1, 1 milliard d’euros, qui ne pèsera pas sur les assurés, à savoir une hausse de trois points du forfait social et une hausse de 0, 5 point des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le second amendement vise sans doute l’une des mesures les plus coûteuses et les moins efficaces votées dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat du 21 août 2007 : il s’agit des exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires, qui représentent aujourd’hui pour les finances publiques un coût total de 4, 9 milliards d’euros, dont 3, 4 milliards d’euros pour les organismes de sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé en effet dans un rapport que « l’efficience du dispositif semble très limitée, le gain en PIB étant en tout état de cause inférieur au coût de la mesure ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Quant à l’étude du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

une instance associant la majorité et l’opposition, elle conclut à l’inefficacité de ce dispositif, marqué par un fort effet d’aubaine, et recommande la suppression au moins de la partie employeur des exonérations de cotisations sociales, avant sa disparition totale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Pour conclure, la commission des finances portant un jugement négatif sur ce PLFSS, tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, elle aura à cœur de le modifier en profondeur.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, nous serons naturellement appelés à poursuivre le dialogue que nous venons d’engager à l’occasion de l’examen du PLFSS rectificative que nous déposerons dans les semaines qui viennent. Le débat sur les mesures annoncées ce matin par le Premier ministre, nous l’aurons donc en temps et en heure.

Toutefois, ce qui est d’ores et déjà au cœur de nos discussions, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont les déficits récurrents dont souffre depuis trente-cinq ans notre sécurité sociale. La conviction du Gouvernement, et sur ce point, monsieur le rapporteur général, nos philosophies semblent diamétralement opposées, c’est ce que ces déficits ont été creusés par la hausse incontrôlée des dépenses et non par un manque de recettes.

J’en veux pour preuve la période 1998-2002, …

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… que vous avez vous-même citée, monsieur le rapporteur général, et qui a été marquée par un dérapage historique des dépenses sociales, …

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… un dérapage, disais-je, qui a plongé dans le rouge les comptes de la sécurité sociale à l’instant même où la croissance a ralenti.

Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, de souligner que la crise de 2008 a aggravé et non créé les déficits. Toutefois, ces derniers, nous les avons largement hérités de ces cinq années d’inflation permanente de la dépense.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Ce n’est pas de votre faute ! Ce n’est jamais de votre faute…

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Le simple dépassement de l’ONDAM entre 1998 et 2002, permettez-moi de vous le rappeler, représentait 13 milliards d’euros de déficits cumulés.

Notre conviction est donc que si nous ne maîtrisons pas les dépenses, nous ne parviendrons jamais à rétablir l’équilibre. Notre objectif, vous le savez, est de ramener le déficit public à zéro en 2016. Sur le chemin qui nous y conduit, il y a le retour à l’équilibre de l’assurance maladie, grâce aux efforts structurels que nous accomplissons en matière de dépenses.

Or, comme je l’ai souligné devant l’Assemblée nationale, le retour à l’équilibre de l’assurance maladie peut clairement être atteint dès 2015.

Nous empruntons ce chemin du retour à l’équilibre grâce à des réformes que vous avez toutes combattues, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, et qui toutes, pourtant, étaient structurelles. Je pense notamment, madame Demontès, à la réforme des retraites, qui se traduira par des économies de 5, 5 milliards d’euros dès 2012.

Mesdames, messieurs les rapporteurs, vous affirmez partager l’objectif de retour à l’équilibre : j’en suis très heureuse, car je pense qu’il devrait tous nous rassembler. Mais alors, joignez les actes à la parole, et faites au Gouvernement des propositions d’économies concrètes !

La prévention est certes une priorité. Nous proposons justement, dans ce PLFSS, la création du fonds d’intervention régionale, qui permettra à chaque agence régionale de santé, ou ARS, de renforcer sa politique de prévention. Néanmoins, tout cela ne produira ses effets qu’à long terme. Dès lors, ma question est simple : quelles économies proposez-vous pour 2012 ?

J’ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’une augmentation de 2, 8 % de l’ONDAM signifie que les dépenses progresseront de 4, 8 milliards d’euros. Avec une hausse de 2, 5 % prévue par le futur projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, l’ONDAM couvrira 4, 3 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Cela signifie que les dépenses de santé continuent à augmenter et que notre effort de solidarité s’accroît toujours, même si nous maîtrisons la dépense.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Nous ne cessons, en effet, d’intensifier l’effort de solidarité. Je vous rappelle que quelque 80 % de l’augmentation de la dépense publique en 2011 et 2012 s’expliquent par la hausse des dépenses sociales ainsi que par notre souci de développer des filets de protection.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Sur le plan des recettes, monsieur le rapporteur général, votre amendement est effectivement très clair : il remet en cause une partie des allégements de charges liés aux 35 heures. C’est ce que vous appelez un « recentrage ». Toutefois, réduire de 20 % les allégements pour les entreprises employant plus de 25 % de salariés à temps partiel est une « vraie-fausse » bonne idée.

En effet, une telle augmentation des prélèvements pour les entreprises se traduirait inévitablement par une hausse du coût du travail, qui pénaliserait in fine les salariés qui sont parmi les moins qualifiés et les plus précaires, qu’ils soient ou non employés à temps partiel.

Je voudrais répondre, monsieur le rapporteur général, monsieur Caffet, à vos propos concernant la suppression de la niche fiscale sur les contrats solidaires et responsables des complémentaires santé, qui ne figure pas dans ce PLFSS puisqu’elle a été adoptée par la Haute Assemblée en septembre dernier. Cet avantage fiscal ne nous semblait plus justifié dès lors que les contrats solidaires et responsables représentent plus de 90 % des contrats des complémentaires santé. Nous avions accordé cette défiscalisation aux complémentaires santé afin de promouvoir un type de contrat spécifique. Dès lors que ce dernier représente plus de 90 % des contrats des complémentaires santé, l’avantage fiscal est-il encore justifié ?

Cela dit, j’entends bien votre questionnement : les mutuelles ont-elles les moyens de ne pas répercuter cette hausse de fiscalité sur les sociétaires et les assurés ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

La réponse est évidemment oui ! Tout simplement parce que nous maintenons la croissance de l’ONDAM en dessous de 3 % depuis trois ans, ce qui nous a permis de faire réaliser 11 milliards d’euros d’économies à l’assurance maladie. Vous le savez bien, monsieur Caffet, vous qui êtes un des meilleurs connaisseurs du sujet : l’augmentation de la dépense sociale est essentiellement due aujourd'hui aux affections de longue durée, les ALD. Or, qui paie le coût de ces dernières ? L’État, à 100 %, et non pas les mutuelles.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Quand nous maîtrisons la croissance des dépenses d’assurance maladie, nous la rendons bien moindre qu’elle ne devrait être. Et quand, en plus, 80 % de cette croissance sont liés aux ALD, prises en charge à 100 % par l’État, vous voyez que les mutuelles, grâce au Gouvernement, font chaque année des économies par rapport à la tendance naturelle de croissance de la dépense d'assurance maladie (M. Roland Courteau s’exclame.). Celle-ci est de 4, 4 %, notre pays ayant la chance de voir s’allonger l’espérance de vie de ses habitants et d’avoir un système de santé de plus en plus perfectionné. Voilà la réalité ! Les complémentaires santé ont aujourd'hui les moyens de ne pas répercuter cette hausse.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

J’en veux pour preuve que certaines d’entre elles ont d’ores et déjà annoncé qu’elles ne le feraient pas. Nous avons eu un débat assez houleux à l’Assemblée nationale sur les frais de gestion des mutuelles. Vous n’êtes pas sans savoir que les caisses d’assurance maladie affichent des frais de gestion de l’ordre de 3 à 4 % du montant des prestations, alors que les mutuelles, malheureusement – certains, parmi vous, en ont d’ailleurs géré, mesdames, messieurs les sénateurs –, affichent des frais de gestion d’un montant bien supérieur. Il y a donc des économies de gestion à faire un peu partout dans le système. Permettez-moi de penser que tout le monde, en la matière, peut balayer devant sa porte.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur Godefroy, permettez-moi de vous contredire, avec tout le respect que je dois à la représentation nationale : il n’y a eu aucun transfert à la CADES de la dette de la branche AT-MP. J’ajoute que la situation d’équilibre de cette branche est structurelle, comme vous l’avez très bien dit, grâce en particulier à la hausse du taux de cotisation de 0, 1 point effective depuis le début de l’année 2011. Selon nos projections, cette branche sera excédentaire tout au long de la période de programmation, c’est-à-dire jusqu’à 2016 et au-delà.

Monsieur Kerdraon, vous vous inquiétez de la mise en réserve de crédits médico-sociaux. Je vous rappelle qu’il s’agit d’une mesure de précaution, qui concerne l’ensemble des sous-objectifs de l’ONDAM, et non pas seulement les crédits médico-sociaux, pour un total de 545 millions d’euros.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Nous avons créé cette ceinture de sécurité dans le droit fil du rapport Briet, que vous connaissez, pour nous permettre de réagir rapidement et efficacement en cas de risque de dépassement de l’objectif. C’est une mesure de prudence, parfaitement légitime, qui va évidemment de pair avec la création du comité d’alerte et avec une gestion beaucoup plus prudente et vigilante de l’évolution de l’ONDAM, que nous devons évidemment poursuivre.

Comme l’a souligné Isabelle Pasquet, l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui décale au 1er avril la date de revalorisation des prestations familiales.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Il s’agit, madame la sénatrice, d’une mesure de cohérence avec le régime applicable aux pensions de retraite, qui permettra d’harmoniser les différents calendriers de revalorisation et de prendre réellement en compte les évolutions des années précédentes.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Elle se traduira par une économie en 2012 de l’ordre de 160 millions d’euros.

J’évoquerai à présent l’accès aux soins. Nous pouvons naturellement en débattre, mais encore faut-il partir des faits. Or, monsieur le rapporteur général, le reste à charge est passé de 9, 6 % en 2000 à 9, 4 % en 2010. Il n’a donc pas augmenté, mais diminué au cours des dix dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

C’est dû aux ALD ! C’est un effet de structure !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Il s'agit d’un point essentiel. Il prouve, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’on peut maîtriser les dépenses tout en renforçant notre protection sociale. Mais pour cela, il faut avoir le courage de conduire des réformes de fond.

C’est l’honneur du Gouvernement d’avoir pris, hier comme aujourd’hui, toutes ses responsabilités.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales m’a fait connaître qu’elle avait procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je tiens à rappeler que la commission des affaires sociales se réunira immédiatement après la suspension de la séance, afin de commencer l’examen des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.