Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’hôpital est en crise ! C’est la conséquence d’une politique libérale qui tend à appliquer aux hôpitaux publics les méthodes, organisations et financements du secteur privé lucratif. Si ce dernier est rentable, les hôpitaux publics doivent l’être également : c’est ainsi qu’on leur a imposé les mêmes critères de rendement avec la tarification à l’activité, la T2A, mode de rémunération visant à réduire la dépense hospitalière.
Or, aujourd’hui, la T2A apparaît plus que jamais comme une mesure catastrophique. Certes, la dotation globale n’était pas pleinement satisfaisante, et il était nécessaire de valoriser l’activité des hôpitaux pour assurer une plus grande équité entre les établissements publics de santé. Mais encore fallait-il leur accorder des ressources nouvelles pour leur permettre de répondre aux exigences de leurs missions, afin d’éviter les dérives productivistes que le professeur Grimaldi a fort justement dénoncées.
Vous avez donc décidé de faire converger les tarifs des hôpitaux publics avec ceux du secteur privé, niant ainsi la spécificité du secteur public et de ses dépenses. Comment peut-on faire un tel parallèle, quand on sait que les tarifs des actes réalisés dans les établissements privés n’intègrent pas la rémunération des médecins, les éventuels dépassements, les frais hôteliers ou encore un certain nombre d’actes techniques réalisés en médecine ambulatoire – je pense notamment aux analyses médicales ? Cela n’est pas concevable !
À cela s’ajoutent les dépenses spécifiques du secteur public auxquelles ne sont pas confrontées les cliniques privées lucratives : je pense aux dépenses liées aux soins non programmés, particulièrement coûteux, aux pathologies donnant lieu à des actes « non rentables », celles dont les cliniques ne veulent pas, ou encore à la prise en charge, si lourde, des personnes en situation de précarité. Ce mode de financement, couplé à des évolutions successives d’un ONDAM qui reste bien en deçà de l’augmentation des dépenses contraintes des hôpitaux publics – c’est encore le cas dans ce PLFSS –, explique pourquoi ces établissements sont déficitaires et ont été contraints de souscrire à des emprunts toxiques auprès de Dexia. Et que dire du gel des crédits des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, ces crédits dédiés au financement des services publics ? Leur gel, le redéploiement de 150 millions d’euros au titre de la convergence ciblée ou encore les économies imposées sur les plans d’achat permettent au Gouvernement de prélever plus de 800 millions d’euros sur les hôpitaux, afin de réduire considérablement l’ONDAM. Cette réduction, ce sont évidemment les établissements qui vont la supporter.
Au final, les deux tiers des hôpitaux sont en déficit et n’ont d’autre choix que de réduire la masse salariale, c’est-à-dire de supprimer des emplois, en alourdissant la charge de travail des agents restants.
Des services spécialisés entiers ont également fermé un peu partout dans le pays : endocrinologie, réanimation, anesthésie, pneumologie, chirurgie osseuse, urgences de nuit, soins intensifs, maladies infectieuses… Sans la lutte des personnels de l’hôpital Henri-Mondor, vous auriez aussi fermé le seul service public de chirurgie cardiaque de la banlieue parisienne. De même, toujours au nom de la réduction des dépenses publiques, de nombreuses maternités et des centres d’IVG ont fermé ou sont menacés de fermeture. Quel gâchis, quelle inconséquence pour notre santé ! La maternité des Lilas est devenue un symbole du refus de ces fermetures imposées, mais je pourrais aussi citer celles de Lannemezan, de la Seyne-sur-Mer ou de Valréas. De nombreux départements et territoires sont touchés. Entre 2000 et 2006, quatre-vingt-dix centres d’IVG ont fermé. Là aussi, quel recul scandaleux pour le droit et le choix d’avorter dans de bonnes conditions ! Sans la lutte des professionnels, des usagers et des élus, le centre d’IVG de l’hôpital Tenon aurait également fermé.
Pour nous, santé doit avant tout rimer avec proximité et égalité, et non avec rentabilité. Il faut en finir avec cette casse systématique de la santé publique. L’hôpital va mal, les personnels également et la situation ne risque pas de s’améliorer, compte tenu du manque d’investissement dans les hôpitaux publics. Du fait de la mise en œuvre du plan « Hôpital 2007 », les hôpitaux ont tellement dû emprunter pour investir que l’encours de la dette a augmenté de 88 %, au point que la charge de celle-ci représente dorénavant, en moyenne, 75 % de la capacité d’autofinancement des hôpitaux : autant dire que leurs marges de manœuvre sont réduites !
Pourtant, malgré cette situation extrêmement préoccupante, vous trouvez le moyen de réduire la dotation du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, au prétexte qu’il serait insuffisamment utilisé.
La loi HPST, en voulant faire des hôpitaux des entreprises et de leurs directeurs des patrons, vise à supprimer la notion de service public hospitalier et à transférer la partie la plus rentable de l’activité vers le privé. Ce mouvement a pour objectif la privatisation des hôpitaux, au détriment des patients, comme en témoigne la part grandissante du secteur privé dans les soins hospitaliers. Votre projet de loi de financement de la sécurité sociale ne fait qu’amplifier cette même logique, en imposant aux hôpitaux publics une rigueur dévastatrice.
En vérité, protection sociale et hôpitaux souffrent d’un même mal : l’application d’une politique volontariste de destruction du secteur public et de la solidarité, par un sous-financement organisé, au profit de la rentabilité et du secteur privé.