Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 7 novembre 2011 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2012 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au travers du PLFSS pour 2012, le Gouvernement fait, de toute évidence, le choix de l’aggravation des inégalités sociales plutôt que celui d’une véritable politique de santé publique axée sur la prévention et la diminution des risques environnementaux.

Mme la ministre a souligné que l’heure n’était pas à la facilité, qu’il fallait maîtriser les dépenses et avoir le courage d’engager des réformes de fond : nous sommes d’accord, mais lesquelles ?

Ce PLFSS nous semble beaucoup trop timide dans le domaine de la prévention et de la diminution des risques environnementaux. Il faudrait, sur ce point, conduire une politique de santé publique ambitieuse, qui anticipe les problèmes et ne considère pas cette question de la prévention comme relevant d’un ensemble de mesures périphériques secondaires.

En 2010, les deux tiers des dépenses d’assurance maladie ont été consacrées au traitement des maladies chroniques et des affections de longue durée telles que le cancer, le diabète, l’obésité ou les maladies cardio-vasculaires. Par exemple, l’épidémie de diabète coûte environ 12, 5 milliards d’euros par an. La simple stabilisation du nombre de cas permettrait d’économiser 1 milliard d’euros en agissant sur certaines causes de cette maladie, comme la sédentarité, la mauvaise alimentation ou certaines formes de pollution.

Les maladies chroniques, qui touchent 20 % de la population française, pourraient être largement contenues si une réelle politique de santé publique était enfin mise en place. Il nous paraît impérieux d’agir sur les causes des maladies plutôt que de se contenter d’en traiter les symptômes a posteriori.

Ces traitements représentent un poids considérable pour l’assurance maladie et, par conséquent, pour la population française, qui la finance. Ainsi, les dépenses de médicaments atteignent 17 milliards d’euros par an. Il est temps de mettre un frein à la surconsommation et à la surfacturation des médicaments, qui ne font qu’assurer une rente aux industriels de la santé.

Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par une meilleure diffusion de l’information à destination de tous. En effet, 80 % des problèmes de santé résultent de facteurs non médicaux – hygiène, environnement ou alimentation – et pourraient être évités si l’on mettait en place une réelle éducation à la santé.

Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par une action pour juguler l’épidémie de cancers que nous connaissons actuellement, le nombre de nouveaux cas ayant doublé en trente ans. On le sait, le cancer est désormais la première cause de mortalité en France.

Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par la réduction de l’emploi des pesticides ainsi que par l’interdiction de certains produits chimiques et de perturbateurs endocriniens révélés par les désastres du distilbène ou du bisphénol A.

Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par une meilleure alimentation et une meilleure hygiène de vie. Aujourd’hui, un enfant sur cinq est touché par l’obésité ou le surpoids, et la plupart d’entre eux souffrent ou souffriront de pathologies qui y sont associées : maladies cardio-vasculaires, diabète, etc.

L’obésité est deux fois plus répandue chez les ouvriers que chez les cadres, dont l’espérance de vie est supérieure de dix ans, ce qui ajoute l’injustice sociale à la crise sanitaire.

L’éducation à l’équilibre alimentaire, la généralisation des aliments sains, issus de l’agriculture biologique, une réglementation drastique de la publicité à destination des enfants sont des questions urgentes qu’il faut, selon nous, impérativement traiter.

Une politique de santé publique centrée sur la prévention passe par la lutte contre un certain nombre de lobbies – pharmaceutique, chimique, agroalimentaire ou encore du sucre ou de l’alcool –, ainsi que par la protection des lanceurs d’alerte.

Ce n’est donc pas un comportement dépensier, voire irresponsable, des malades qui est la cause fondamentale de la hausse des dépenses de l’assurance maladie et des énormes difficultés financières que nous évoquons aujourd'hui. La raison première de cette situation est bel et bien l’environnement dégradé dans lequel nous vivons. L’expansion des maladies chroniques doit être considérée comme un élément de la crise environnementale, au même titre que l’épuisement des ressources naturelles ou encore l’érosion de la biodiversité.

Nous ne résoudrons la crise de notre système de soins et de son financement que si nous agissons aussi à la source sur les causes des grandes maladies chroniques actuelles : le stress, la pollution, les conditions de travail, la mauvaise qualité de l’alimentation…

Notre système de santé ne peut plus se borner à traiter les conséquences de la dégradation de l’environnement : nous devons passer d’une logique uniquement curative à un système alliant soins, prévention et éducation à la santé.

« Mieux vaut prévenir que guérir » : cet adage simple devrait être au cœur de notre politique de santé et de solidarité sociale. En effet, maintenir une population en bonne santé n’a pas de prix, et surtout une population en mauvaise santé a un coût ! Ce coût est très important, comme nous pouvons le constater aujourd'hui. Il en résulte que nos raisonnements doivent se fonder sur des calculs qui ne soient pas simplement de court terme.

La seconde partie de mon intervention sera plus brève que la première, dans la mesure où elle traite de questions qui ont déjà été largement développées par certains de mes collègues.

Sous de nombreux aspects, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 accentue les inégalités sociales et les inégalités en matière d’accès aux soins. À cet égard, je citerai quelques exemples criants.

Le Gouvernement propose de doubler la taxe sur les contrats solidaires et responsables des complémentaires santé. Cette mesure va se répercuter sur le coût des contrats des mutuelles pour les usagers et accentuera les difficultés d’accès aux soins que la politique de « responsabilisation des malades » a déjà particulièrement amplifiées.

Le taux de remboursement de l’assurance maladie est, en moyenne, d’un peu moins de 77 %, contre plus de 80 % voilà trente ans. La part des dépenses de santé qui incombe aux complémentaires et aux usagers ne fait donc qu’augmenter. Cela est particulièrement vrai pour les soins courants, tels que les consultations des médecins généralistes ou les médicaments : le niveau de remboursement par l’assurance maladie est tombé à un peu plus de 60 %.

L’accès à une mutuelle pour toutes et tous et l’augmentation du taux de remboursement passent notamment par la suppression des franchises médicales et l’interdiction des dépassements d’honoraires. Le montant de ces derniers atteint, chaque année, 2 milliards d’euros, les deux tiers de cette somme pesant directement sur les ménages après intervention des organismes d’assurance complémentaire. Cette situation est totalement injuste.

Permettez-moi d’évoquer aussi une autre forme d’inégalité, à savoir l’inégalité en matière d’accès aux soins, due en particulier à l’existence de déserts médicaux. En effet, il y a aujourd'hui un certain nombre de territoires, tant dans des zones rurales que dans des zones densément urbanisées, où l’on manque de médecins. En tant que sénatrice de Seine-Saint-Denis, je peux vous dire que nous connaissons en la matière des situations aiguës, extrêmement préoccupantes, qui exigent des mesures incitatives fortes.

Enfin, lorsque vous proposez de diminuer les indemnités journalières pour lutter contre les prétendus abus des salariés, vous créez un autre type d’inégalité.

Nous assistons à une explosion du nombre des maladies professionnelles et des accidents du travail, liée à la dégradation des conditions de travail, à la pression subie constamment par les salariés et à l’individualisation des modes de gestion. Il est inconcevable de taxer les travailleurs et de ne pas mettre en place un meilleur système de prévention des accidents et des maladies au travail, ainsi qu’une réelle prise en compte de la pénibilité, y compris environnementale. À cet égard, mon collègue Jean-Pierre Godefroy a insisté sur le problème de l’amiante, qui est loin d’être réglé.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ne répond pas aux grands enjeux de santé publique et de solidarité. Il s’appuie sur une vision comptable à court terme, il ne prévoit pas d’investir dans la prévention, il alourdit les dépenses de santé pour les plus modestes, il limite l’accès aux soins pour ceux de nos concitoyens qui sont le plus en difficulté.

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