Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 28 novembre 2011 à 10h00
Loi de finances pour 2012 — Politique des territoires

Photo de Ronan DantecRonan Dantec, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en période de crise, la politique des territoires est un enjeu essentiel pour aider ceux-ci à affronter les difficultés, pour accompagner les mutations et pour éviter que les inégalités ne se creusent entre les mieux armés et les plus défavorisés.

Le rapport pour avis que nous vous présentons aujourd’hui a donc pour objet de traiter cette question : la politique des territoires répond-elle aujourd’hui à cette mission essentielle de cohésion nationale dans une période de crise économique dont il n’est pas nécessaire, ici, de souligner la gravité ?

Nous avons donc examiné tant les crédits de la mission elle-même que, plus généralement, les crédits rassemblés dans le document de politique transversale, en resituant cette politique dans le cadre de la réforme de la politique européenne de cohésion.

Nous nous sommes enfin penchés sur les actions menées dans le cadre des PITE. Faute de temps, ce matin, pour développer ce point dans cette enceinte, mes chers collègues, je vous renvoie à mon rapport écrit.

Les crédits de la mission elle-même diminuent pour 2012 de 4, 6 % en autorisations d’engagement, mais augmentent de 5, 9 % en crédits de paiement.

L’évolution pourrait paraître contrastée, mais, si nous additionnons ces chiffres à ceux de l’évolution entre 2010 et 2011, soit une baisse de 5, 1 % en autorisations d'engagement et de 11, 1 % en crédits de paiement, on voit se préciser une réduction incontestable des moyens de l’aménagement du territoire en France, que le coup de rabot de l’Assemblée nationale – une baisse de 3 millions d’euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement – ne fait que confirmer.

Cette réduction se retrouve aussi dans les moyens humains de la DATAR, avec douze équivalents temps plein travaillé de moins en deux ans, soit une baisse de 8 % des effectifs.

Il est une autre illustration de cette absence de signal de l’État sur l’importance accordée à l’aménagement du territoire : aucun comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire n’a été organisé en 2011, le dernier remontant maintenant à mai 2010.

Nous serons évidemment attentifs aux conclusions de la réflexion engagée dans le cadre de la prospective « Territoires 2040 », mais nous pouvons déjà regretter l’absence d’intervention de la DATAR sur la hiérarchisation des projets inscrits au schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT.

Nous savons pourtant qu’il ne sera pas possible de financer la totalité d’un tel catalogue – cela a été dit dans cet hémicycle ces derniers jours – et que la responsabilité de l’État serait justement d’établir une priorité parmi les projets en fonction de leur impact sur les territoires et de limiter ainsi le gaspillage de financement entre des infrastructures et des modes de transport souvent en concurrence – autoroutes, lignes à grande vitesse et nouveaux aéroports.

Ce manque d’engagement pour une politique volontariste d’aménagement du territoire se retrouve plus généralement dans la réduction forte de l’effort budgétaire global en faveur de l’ensemble des politiques contribuant à l’aménagement du territoire, rassemblées dans le document de politique transversale.

Entre 2010 et 2012, le total des autorisations d’engagement est passé à 5, 87 milliards d’euros – une diminution de 8, 8 % –, soit 500 millions d’euros de moins investis sur nos territoires.

Je ne détaillerai pas ici ces baisses, faute de temps ; le rapporteur pour avis que je suis s’étonne cependant que le document présenté par l’État ne permette guère de se faire une idée précise des raisons de ces diminutions, parfois spectaculaires : baisse de 29, 6 % des crédits consacrés à l’accompagnement des mutations économiques et au développement de l’emploi, baisse des deux tiers des crédits consacrés aux infrastructures de services de transport, pour ne prendre que ces deux exemples.

Monsieur le ministre, nous serions intéressés par des explications sur de telles réductions, s’agissant de politiques publiques pour le moins essentielles.

Quelques lignes de mon rapport écrit traite également du financement de l’action culturelle. Je ne citerai qu’un seul exemple : les moyens consacrés au développement culturel des territoires les moins favorisés – périphéries des zones urbaines, ou zones rurales isolées – passent de 4 millions d’euros, somme déjà modeste, à 343 000 euros, soit une baisse record de 91, 4 %.

Quel signal terrible et inquiétant, monsieur le ministre, lorsque l’on sait l’enjeu que représente la culture pour la cohésion sociale et pour l’attractivité des territoires les moins développés ou en mutation !

Permettez-moi de vous livrer en conclusion un sentiment sur cette « errance administrative » de l’aménagement du territoire, pour reprendre un terme entendu lors des auditions. Aujourd’hui accolé à l’agriculture, sans même un secrétaire d’État spécifique – vous avez exprimé ce regret lors de votre audition au Sénat voilà quelques semaines –, l’aménagement du territoire a perdu de sa lisibilité et de son importance. Nous n’avons par exemple guère fait entendre la voix de la France sur la réforme des fonds structurels concernant des points aussi intéressants que la création des régions intermédiaires, en préférant, si je reprends la réponse gouvernementale au cinquième rapport de la Commission européenne, privilégier la préservation des budgets de la politique agricole commune. Nous ne pouvons que le regretter, et serons vigilants à la réponse qu’apportera le Gouvernement aux nouvelles propositions de la Commission.

En tout état de cause, au vu de la baisse sensible des budgets tant de la mission « Politique des territoires » que de la politique transversale, et de l’absence de lisibilité générale de la politique d’aménagement du territoire, le rapporteur pour avis que je suis a proposé d’émettre un avis défavorable, lequel a été confirmé par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire le 15 novembre dernier. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion