Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 28 novembre 2011 à 10h00
Loi de finances pour 2012 — Politique des territoires

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

… cumule aussi certains handicaps tels qu’une agriculture peu demandeuse de main-d’œuvre et donc peu pourvoyeuse d’emplois, un habitat dispersé – ce que l’on appelle le « mitage » –, très apprécié des habitants mais coûteux en services, un éloignement des grandes métropoles ou encore l’absence de TGV, couplée à une desserte ferroviaire précaire et cahotante qui fait les frais de la démarche de rentabilité de la SNCF.

Alors oui, il faut trouver les moyens de revitaliser ces territoires fragiles où il fait bon vivre, de leur ouvrir de nouvelles perspectives, d’y créer de nouvelles filières pour que les emplois s’y installent.

J’admets que nous avons bénéficié d’initiatives intéressantes comme les pôles de compétitivité, les grappes d’entreprises ou les pôles d’excellence rurale, pour lesquels des moyens significatifs ont été dégagés.

Ces actions ont eu plusieurs vertus, dont la première est d’avoir redonné confiance et fierté aux territoires, de leur avoir permis de révéler et d’exprimer des talents et, ainsi, d’avoir su créer des dynamiques positives. Il faut aujourd’hui les inscrire dans les politiques régionales européennes, dont les fonds, en particulier ceux qui sont issus du Fonds européen de développement régional, le FEDER, sont trop peu mobilisés. Il faut dire que les procédures sont complexes, qu’il faut jongler avec axes, mesures et autres sous-mesures, et attendre bien longtemps l’arrivée des financements européens.

Cependant, vous le savez bien, la réussite de ces initiatives dépend de la combinaison de multiples facteurs.

Le maintien des services de l’État et des services publics est évidemment essentiel, en particulier pour les territoires les plus isolés et à faible densité démographique. Je peux comprendre l’intérêt de mutualiser les moyens des opérateurs, mais, au-delà du problème de la formation des agents, soyons clairs, la mise en place des points relais multiservices ne doit pas conduire, une fois encore, à une concentration des services dans quelques villes.

L’accès aux soins est aussi un point incontournable. Les solutions de la loi Bachelot-Narquin ne correspondent pas à la réalité de ce que nous vivons sur le terrain. Il faut attendre parfois cinq ou six mois pour avoir accès à un spécialiste, contre deux ou trois semaines dans la région parisienne ou certaines villes du sud-est de la France. Le Lot, par exemple, n’a plus de pédiatres.

Les mesures incitatives comme le contrat d’engagement de service public ou le contrat santé solidarité sont, à l’évidence, insuffisantes. La loi Fourcade, adoptée en juillet dernier, a d’ailleurs enterré ce dernier contrat en supprimant la pénalité qui s’y attachait.

Quant aux maisons de santé pluridisciplinaires, c’est sans doute l’initiative qui répond le mieux aux aspirations des professionnels, notamment des jeunes et des femmes qui ne veulent plus exercer dans l’isolement. Cela étant, l’objectif de 250 maisons de ce type est loin de couvrir les besoins. Ayez aussi la franchise de reconnaître que ces créations sont possibles parce que les collectivités locales jouent le jeu, en les finançant presque autant que l’État.

Je crains que nous ne puissions à l’avenir faire l’économie de mesures plus directives, voire coercitives, qui dépasseront, nécessité oblige, la liberté d’installation. Les patients attendent des médecins ! Or, sur un plan strictement financier, ces derniers peuvent très bien vivre à la campagne. Leur présence confortera les pharmacies rurales et rassurera les populations.

L’accès aux nouvelles technologies constitue un autre enjeu de taille. En matière de téléphonie mobile, on nous dit que les fameuses zones blanches sont en voie de résorption. Certes, mais encore faut-il s’entendre sur la notion de couverture ! Je vous invite, monsieur le ministre, à venir dans le Lot : vous verrez qu’il y subsiste de nombreuses zones grises… Dans certaines communes, la réception varie, pouvant être nulle à certains endroits alors qu’elle est satisfaisante à proximité. Il faut alors héler un passant et lui demander où passe le mobile : ce peut être en haut du bourg, devant l’église ou même dans le cimetière. §En outre, les calculs de couverture sont effectués à l’extérieur des bâtiments et sans déplacement, les téléphones n’ayant alors de mobiles que le nom.

Quant à Internet, 95 % de la population aurait accès au haut débit. Là encore, il faut nuancer ! Vous avez fixé l’objectif du très haut débit pour tous d’ici à 2025, avec 900 millions d’euros destinés aux territoires ruraux dans le cadre de ce plan. C’est bien, mais je crois qu’un engagement plus substantiel serait bienvenu pour accélérer le processus et rapprocher l’échéance. Vous le savez, certaines zones moins rentables pour les opérateurs privés sont laissées à la charge des collectivités.

Bien d’autres aspects mériteraient des commentaires. En particulier, le maintien d’une agriculture forte et diversifiée apparaît comme la condition de la vitalité des territoires ruraux, de même que le développement des infrastructures de transport. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de dire vendredi ce que je pensais du schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT.

Sur tous ces sujets, le Gouvernement doit tenir ses engagements. Le malaise des territoires est réel. Il faut aujourd’hui renouveler le pacte de confiance entre les collectivités et l’État. Pour les territoires les plus fragiles, la solidarité nationale est plus que jamais nécessaire et le groupe du RDSE, dans la tradition radicale et républicaine, milite plus que jamais pour un État péréquateur et aménageur.

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