Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 28 novembre 2011 à 10h00
Loi de finances pour 2012 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour le programme « Développement des entreprises et de l’emploi » :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, la commission des lois a décidé de se saisir pour avis des crédits du programme « Développement des entreprises et de l’emploi » de la mission « Économie ».

En effet, notre commission a souhaité, par cet avis, vérifier l’emploi des crédits correspondant à son domaine traditionnel de compétences en matière d’amélioration et de simplification de l’environnement juridique des entreprises, de protection et de sécurité des consommateurs, de régulation des marchés et de mise en œuvre du droit de la concurrence.

Je ne reviendrai pas sur la réduction forte, déjà évoquée, des crédits du programme. Dans ce contexte budgétaire difficile, qui appelle, bien sûr, des mesures fortes de la part du Gouvernement, je souhaite néanmoins vous faire part de notre inquiétude quant à la capacité des administrations concernées à continuer à exercer leurs missions correctement, en particulier en matière de protection des consommateurs, c’est-à-dire notre protection à tous.

À cet égard, je tiens à saluer le travail accompli par les agents de l’État qui sont chargés de cette mission.

Monsieur le secrétaire d’État, en ces temps de crise, ce programme budgétaire apporte beaucoup à nos entreprises, en particulier à nos PME. Aussi, plutôt que de m’appesantir sur ce qui fonctionne, je pense par exemple à l’efficacité économique de l’accompagnement de nos entreprises par OSEO, vous me permettrez de présenter trois observations sur les sujets qui nous préoccupent.

Premièrement, dans le sillage de la révision générale des politiques publiques, la réforme de l’administration territoriale de l’État a profondément transformé l’organisation des services déconcentrés au sein de nouvelles directions régionales, aux compétences plus larges, et surtout au sein de vastes directions départementales interministérielles placées sous l’autorité des préfets, au nombre de deux ou trois par département.

Ainsi, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, ne dispose plus de ses propres services déconcentrés, mais doit s’adresser aux préfets pour transmettre ses instructions en matière de contrôle, par exemple. Comme l’a souligné ma collègue Évelyne Didier, les missions des anciennes directions régionales et surtout départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent paraître diluées, voire délaissées par manque d’effectifs, au sein des nouvelles directions. Nous éprouvons des inquiétudes à ce sujet.

Le consommateur victime de comportements condamnables de la part d’un professionnel saura-t-il trouver, au sein de la nouvelle direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, les fonctionnaires chargés de le défendre ?

Deuxièmement, la commission des lois a souhaité dresser un premier bilan du nouveau statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’EIRL, créé par la loi du 15 juin 2010 dont Jean-Jacques Hyest était rapporteur.

Ce nouveau statut, qui s’ajoute aux statuts existants, permet à un entrepreneur individuel de séparer son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel, sans avoir à créer de société, de sorte qu’en principe seul son patrimoine professionnel est appelé à supporter ses dettes professionnelles. Ainsi, une défaillance économique ne menace plus ses biens personnels ni la vie de sa famille.

Ce texte était réclamé et attendu depuis très longtemps par les milieux de l’artisanat. Le dispositif est opérationnel depuis le mois de janvier et a donné lieu à une intense campagne de communication, même si tous les décrets d’application ne sont pas encore parus. Or, au 30 octobre 2011, on ne recensait que 4 908 EIRL. Je rappelle que, selon l’étude d’impact du projet de loi, la prévision était de 100 000 EIRL pour la fin de 2012, hypothèse jugée réaliste. Au rythme actuel, il est particulièrement douteux que nous atteignions ce chiffre. Cette situation rappelle le modeste succès de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, l’EURL, créée en 1985.

Quand bien même le cumul des deux régimes est possible, le statut de l’auto-entrepreneur, dont le succès ne se dément pas, ne freine-t-il pas le développement de l’EIRL en le rendant moins attractif, en dépit de la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés ? Sur le fond, la multiplication des statuts ne rend-elle pas plus difficile le choix de l’entrepreneur ? La simplification véritable ne consisterait-elle pas à rationaliser le paysage ?

Enfin, troisièmement, la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a procédé au regroupement auprès de l’Institut national de la consommation de la Commission des clauses abusives, de la Commission de la sécurité des consommateurs et de la nouvelle Commission de la médiation de la consommation.

Ce regroupement est très positif, car il mutualise les moyens et les effectifs, ce qui permet de réaliser des économies, tout en donnant à chaque organisme des capacités d’action et d’expertise démultipliées, grâce à la mise en place de services communs.

Or, à ce jour, plus d’un an après la publication de la loi, le regroupement de ces instances n’est toujours pas effectif, car les crédits de personnel correspondant au fonctionnement des commissions n’ont, semble-t-il, toujours pas été transférés à l’Institut national de la consommation. Il n’y a donc toujours pas de services communs. Cette situation d’incertitude fragilise nécessairement les missions exercées par ces instances. Je ne doute pas que le Gouvernement saura rapidement prendre les décisions administratives nécessaires pour y remédier.

Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous sommes tous ici attachés à ce que la législation que nous votons soit correctement et réellement appliquée. Je vous remercie donc, monsieur le secrétaire d'État, de nous fournir les réponses qui, je l’espère, sauront rassurer le Sénat et sa commission des lois. Celle-ci a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de cette mission, mais, à titre personnel, je les voterai.

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