Intervention de Yves Chastan

Réunion du 28 novembre 2011 à 10h00
Loi de finances pour 2012 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Photo de Yves ChastanYves Chastan :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la durée de mon intervention – quelques minutes, conformément au temps de parole qui m’a été accordé – sera proportionnelle à la portion congrue que le Gouvernement attribue à un secteur économique majeur pour la France : le programme 223 « Tourisme » est doté, dans le projet de loi de finances, de moins de 2, 5 % des crédits de la mission « Économie ».

Par rapport à l’année précédente, ce budget est en baisse de 12 % en crédits de paiement et de 18 % en autorisations d’engagement. En montant, environ 44 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour le tourisme, sur 2 milliards d’euros pour l’ensemble de la mission « Économie ». À titre de comparaison, 44 millions d’euros correspondent au budget de certains départements pour l’entretien des routes !

Autant dire que ce budget n’est absolument pas à la hauteur des enjeux que représente le tourisme, qui constitue le poste excédentaire le plus élevé de la balance des paiements, avec un solde positif de près de 7 milliards d’euros, et totalise plus d’un million d’emplois non délocalisables ! Je regrette d’autant plus le mauvais traitement budgétaire du tourisme que celui-ci est, lui aussi, soumis aux aléas climatiques ou économiques – je pense notamment à la baisse du pouvoir d’achat – : pour la troisième année consécutive, le Gouvernement diminue de plus de 10 % les crédits consacrés au tourisme, à sa promotion internationale et à son développement.

C’est d’autant plus regrettable que la position de la France régresse dans le tourisme international en termes de recettes globales : nous ne sommes plus qu’au troisième rang, après les États-Unis et l’Espagne, et nous devons faire face à la montée en puissance de nouvelles destinations et aux efforts fournis par certains de nos concurrents directs.

Dans un récent rapport d’information du Sénat, daté de juin 2011, nos deux collègues UMP André Ferrand et Michel Bécot constatent d’ailleurs très justement qu’« il manque encore [en France] une “grande politique du tourisme” et les moyens nécessaires pour la mettre en œuvre ».

La loi de 2009 de développement et de modernisation des services touristiques n’aurait-elle donc eu comme objectif que de préparer ce désengagement de l’État ?

Présenté comme une « carte maîtresse », Atout France, l’opérateur unique chargé du développement et de la promotion de la destination France, voit sa dotation baisser de 4 % à la suite de l’examen du budget à l’Assemblée nationale, alors que ses missions avaient été renforcées et continuent à l’être.

Je souhaite, à cet égard, qu’un bilan de l’action d’Atout France puisse nous être présenté, après deux années de fonctionnement, pour que nous puissions également apprécier son rôle et l’adéquation de ses moyens avec les objectifs qui lui sont assignés.

J’insisterai sur deux points en particulier.

Le premier concerne la très coûteuse mise aux normes, en matière d’incendie et d’accessibilité, pour les petits établissements hôteliers, notamment dans les zones rurales.

Monsieur le secrétaire d’État, dans un rapport, le Contrôle général économique et financier, le CGEF, a alerté sur cette situation, sur laquelle je vous ai moi-même interpellé en avril dernier par un courrier resté sans réponse à ce jour.

Dans ce rapport, le CGEF révèle que les mesures sur la sécurité, couplées aux dispositions relatives à l’accessibilité aux handicapés des lieux recevant du public, applicables avant 2015 – mesures que nous approuvons par ailleurs – pourraient entraîner la disparition de 3 000 à 4 000 établissements familiaux en cinq ans, soit 30 % du parc hôtelier indépendant.

Certes, un arrêté du 26 octobre dernier rétablit la catégorie précédemment supprimée des très petits hôtels pouvant accueillir au maximum vingt personnes, pour lesquels certaines normes de sécurité, comme l’encloisonnement des escaliers, ne s’appliqueront pas ; ce texte offre également la possibilité de déposer un échéancier des mises en conformité. Toutefois, cela ne résoudra pas toutes les difficultés.

Plutôt que de baisser la TVA dans la restauration, mesure qui coûte 3 milliards d’euros par an aux recettes de l’État, il aurait été plus pertinent de prévoir un plan de soutien, ne serait-ce que de quelques millions d’euros par an, pour l’hôtellerie indépendante, de même d'ailleurs que pour les résidences de tourisme… Un tel plan aurait eu en outre une incidence positive sur le secteur du BTP et sur l’emploi.

J’en viens à mon second point.

J’évoquerai un dernier chiffre, attristant et alarmant : cette année, en France, trois millions de personnes supplémentaires ne sont pas parties en vacances, du fait de la crise et de la baisse du pouvoir d’achat. En réponse, le Gouvernement a réduit de plus de 16 % l’action n° 3 du programme « Tourisme », Politiques favorisant l’accès aux vacances, via l’ANCV et les chèques-vacances : le nombre prévisionnel de personnes bénéficiaires passerait ainsi de 300 000 à 240 000, ce qui bat en brèche la dimension sociale et familiale du tourisme et des loisirs.

Vous comprendrez donc que je sois déçu par le projet de budget du tourisme pour 2012 : un secteur aussi important en termes économiques, créateur d’emplois et pourvoyeur de devises pour notre balance commerciale très mal en point mériterait une politique plus ambitieuse et plus cohérente.

Privilégier les économies sur le court terme pour satisfaire les agences de notation aura des conséquences sur la santé de ce secteur essentiel pour la France.

En outre, à moyen terme, plusieurs milliers d’emplois sont menacés. Votre stratégie ne s’en soucie guère, pas plus qu’elle ne se préoccupe du service rendu, ni même des vertus économiques, sociales et culturelles du tourisme : c’est la raison pour laquelle nous voterons contre les crédits de cette mission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion