Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission qui nous occupe ne regroupe qu’un tiers des crédits que la France consacre à l’aide publique au développement, l’APD, soit 3, 3 milliards d’euros en crédits de paiement. À cet égard, la non-transmission dans les délais, une fois encore, du document de politique transversale retraçant l’ensemble des crédits concourant à l’aide publique au développement n’a pas facilité les travaux des rapporteurs spéciaux et a contrevenu au nécessaire effort de transparence du Gouvernement en ce domaine.
Ce document nous est en effet parvenu sous format électronique le 4 novembre, c’est-à-dire deux jours après l’examen des crédits par la commission des finances. L’an dernier déjà, les rapporteurs spéciaux et pour avis du Sénat avaient protesté contre la communication très tardive de cette annexe au projet de loi de finances ; manifestement en vain !
Avec une APD évaluée à 9, 7 milliards d’euros en 2010, la France est loin d’être sur la voie de respecter les engagements pris lors du sommet du G8 de Gleneagles, en 2005, de consacrer 0, 7 % de son revenu national brut à l’APD en 2015.
Dans cette perspective, un rendez-vous avait été fixé par les pays européens : ils devraient, en 2010, allouer 0, 56 % de leur revenu national brut à l’aide publique au développement. Or, cette année-là, ce ratio n’a atteint que 0, 50 % pour notre pays, et la stabilité des crédits consacrés à l’APD dans la programmation pluriannuelle des finances publiques ne permet guère d’envisager de dépasser ce niveau en 2013. Pourtant, d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou la Belgique, ont accompli un effort significatif pour atteindre, quant à eux, le seuil de 0, 56 % à l’échéance prévue. En 2010, le Royaume-Uni a ainsi remplacé la France à la deuxième place du classement des plus forts contributeurs au titre de l’APD.
S’agissant de la mission « Aide publique au développement », le montant des crédits de paiement est stable pour 2012, à 3, 33 milliards d’euros. Ces crédits retracent les actions de trois ministères : le ministère de l’économie, pour le programme « Aide économique et financière au développement », le ministère des affaires étrangères et européennes, pour le programme « Solidarité à l’égard des pays en développement », enfin le ministère de l’intérieur, pour les actions du programme « Migrations et développement solidaire », dont les crédits, modestes et en net recul, soulèvent la question de l’existence d’une vraie politique française de développement solidaire, considérant mieux l’apport des étrangers originaires des pays en développement à la formation de notre richesse nationale.
S’agissant des crédits de personnel de la mission, la correction technique du plafond d’emplois pour 2012 porte sur 3 % des effectifs. Le ministère des affaires étrangères et européennes connaît-il donc précisément le nombre de ses agents travaillant dans le domaine de la coopération ? M. le ministre nous répondra certainement sur ce point.
La logique de maîtrise comptable des dépenses a parfois des effets particulièrement défavorables au rayonnement international de notre pays, surtout eu égard au montant des sommes en jeu, dont le poids dans la réduction du déficit public est somme toute marginal. Je pense notamment aux crédits consacrés à la francophonie, qui ont régressé de 64 millions à 61 millions d’euros entre 2007 et 2012, et plus encore à la diminution drastique des contributions volontaires de notre pays aux agences des Nations unies : leur montant, qui était de 86 millions d’euros en 2007, a connu un point bas à 49 millions d’euros en 2011, avant de s’établir à 51, 4 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances.
Par ailleurs, une grande partie de notre APD transite par un quasi-opérateur de l’État, l’Agence française de développement, l’AFD. J’ai l’honneur de représenter la commission des finances du Sénat au sein de son conseil d’administration. À cet égard, comme les autres membres de celui-ci, j’ai reçu, le 7 juillet dernier, une lettre ouverte des syndicats traduisant un malaise tangible des personnels. L’AFD est engagée dans une importante opération de maîtrise de ses dépenses, ayant conduit en 2010 à une forte réduction des frais généraux. Si cet effort doit être salué, les mesures mises en œuvre ne peuvent l’être qu’en étroite concertation avec le personnel et ses organisations représentatives.
Toujours en ce qui concerne l’AFD, je souhaiterais connaître le lien existant entre le résultat financier annuel et les dividendes versés à l’État par l’AFD, estimés à 220 millions d’euros en 2010.
De même, je m’interroge, monsieur le ministre, sur la suppression, l’an dernier, d’une niche fiscale, sur l’initiative de la commission des finances du Sénat : je veux parler du dispositif attaché au compte épargne co-développement, qui, selon le Gouvernement, ne concernait que 31 souscripteurs. Or le projet de loi de finances pour 2012 fait état de 625 ménages bénéficiaires ! Qu’en est-il exactement ? Par ailleurs, où en est l’élaboration de l’instruction fiscale prévue suite à la disparition de ce dispositif ?
Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les opérations liées aux prêts pratiqués par l’État en faveur de l’aide au développement et, depuis mai 2010, celles qui s’inscrivent dans le cadre du soutien financier européen décidé en faveur de la Grèce, à hauteur de 3, 89 milliards d’euros en crédits de paiement.
La première section du compte retrace les versements et les remboursements des prêts consentis à des États émergents en vue de faciliter la réalisation d’infrastructures. Les montants alloués, relativement faibles, traduisent l’insuffisante présence industrielle de la France dans les pays émergents.
La deuxième section porte sur les prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes des pays pauvres très endettés. Je me félicite aujourd’hui de ce que, sur les quarante États éligibles, trente-deux aient franchi le point d’achèvement autorisant le traitement de leur dette.
La troisième section du compte retrace des prêts octroyés à l’AFD afin que celle-ci consente des prêts à des conditions préférentielles aux pays pauvres très endettés.
Enfin, la quatrième section du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » correspond à la deuxième année de mise en œuvre du plan de soutien européen à la Grèce. Pour les nouvelles tranches de prêts dont bénéficie la Grèce, ainsi que pour les appels à la solidarité européenne en faveur de l’Irlande et du Portugal, un autre instrument financier a été utilisé : le nouveau Fonds européen de stabilité financière.
Je voudrais enfin évoquer la mission de contrôle budgétaire que j’ai effectuée en Haïti en juillet dernier. J’ai pu apprécier, à l’occasion de ce déplacement, l’effort remarquable conduit sur place par notre ambassadeur et ses services, mais aussi l’engagement efficace de l’équipe de l’AFD, après le terrible séisme qui a touché ce pays. Néanmoins, si la France a répondu présente, le taux d’engagement des crédits n’est à l’évidence pas satisfaisant, puisqu’il n’atteignait que 20 % à la mi-juin 2011. L’action de la France retirerait un grand bénéfice d’une coordination accrue, et sans doute encore plus étroite, entre le directeur local de l’AFD et notre ambassadeur.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat quant à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes spéciaux « Prêts à des États étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».