La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures dix.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai tous écoutés avec attention et j’ai pris bonne note de vos remarques. Toutefois, la teneur de certaines interventions m’incite à penser qu’il ne serait pas inutile de vous rappeler le contexte dans lequel nous discutons ce projet de loi de finances.
Depuis trois ans, notre pays, comme le reste du monde, vit une crise multiforme : crise bancaire, crise économique, crise des dettes souveraines. Dans ce contexte de crise sans précédent depuis la déroute boursière des années trente, le Gouvernement n’a qu’un seul but : permettre à la France de conserver sa souveraineté sur les plans économique, politique et social.
Le projet de loi de finances préparé par le Gouvernement a subi des ajustements pour tenir compte de la réalité économique, parce que nous devons la vérité à nos compatriotes. Il ne vise qu’un seul objectif : épargner à la France le sort de certains de ses voisins, comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne ou même l’Italie. C’est pourquoi nous avons toujours tenu un cap, depuis le début du quinquennat : rationnaliser et redéfinir les missions de l’État, pour en faire un État fort, qui dépense moins, mais qui dépense mieux !
Depuis quatre ans, vous le savez, le redressement des finances publiques est une priorité absolue pour le Gouvernement : permettez-moi de vous rappeler la révision générale des politiques publiques, que certains ont parfois critiquée, y compris dans cette assemblée, le non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite dans la fonction publique, la réforme des retraites, qui n’est pas toujours bien comprise par nos compatriotes ni par un certain nombre de parlementaires, alors qu’elle constitue un enjeu essentiel de cette politique de redressement, de même que la progression strictement limitée des dépenses de santé.
La trajectoire que nous traçons est claire : le déficit public sera ramené de 5, 7 % du PIB en 2011 à 4, 5 % en 2012 et à 3 % en 2013, avec un retour à l’équilibre budgétaire en 2016. Ces engagements seront tenus, quelle que soit l’évolution de la conjoncture.
Le Gouvernement a fait preuve de réactivité et de sincérité, en s’adaptant à l’évolution de la situation économique.
Dès le 24 août dernier, François Fillon a révisé la perspective de croissance pour 2012 à 1, 75 % et annoncé de nouvelles économies à hauteur de 12 milliards d’euros. Le 28 septembre dernier, François Baroin et Valérie Pécresse ont présenté le projet de loi de finances qui prévoit un effort de 45 milliards d’euros en 2012. Le 27 octobre dernier, Nicolas Sarkozy a annoncé que la France, comme l’Allemagne, ramènerait sa prévision de croissance pour 2012 à 1 % et que le Gouvernement prendrait des mesures tendant à réduire les dépenses et à augmenter les recettes fiscales afin de réaliser un effort supplémentaire de 6 milliards d’euros à 8 milliards d’euros.
Je tiens à rappeler que ces perspectives de croissance se fondent, notamment, sur les dernières enquêtes de l’INSEE qui, malgré le contexte actuel, montrent que les entreprises tablent sur une croissance de 4 % de leurs investissements en 2012, soit une performance très honorable.
C’est la raison pour laquelle j’ai eu l’occasion d’annoncer la mise en œuvre d’un certain nombre de mécanismes de soutien : je vous ai d’ailleurs adressé un courrier à ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs. Par exemple, le dispositif « Soutien TPE-PME » permettra à ces petites entreprises, si elles rencontrent une difficulté de crédit, de prendre directement contact, grâce à un numéro de téléphone – le 0810 00 12 10 –, avec les services du médiateur du crédit aux entreprises ou avec le correspondant des PME, en cas de blocage administratif. De la même façon, il a été décidé que René Ricol coordonnerait l’ensemble des outils de financement, afin de mieux « coller » à la réalité économique de notre pays.
En effet, notre objectif est le soutien à la croissance et notre devoir est de nous mobiliser pour qu’elle soit au rendez-vous.
De surcroît, une réserve de 6 milliards d’euros est prévue, comme François Baroin et Valérie Pécresse l’avaient annoncé, afin d’affronter toutes les situations qui pourraient se présenter. C’est aussi cela, la prudence et la vérité.
Je veux cependant insister sur un point : nous devons, les uns et les autres, continuer à être volontaristes, dynamiques, aux côtés des acteurs économiques. Trois fois par semaine, je parcours la France à leur rencontre, et je constate que beaucoup d’entre eux sont audacieux, veulent investir et attendent un soutien, notamment en matière de financement, comme le confirment les chiffres de l’INSEE que j’ai cités.
François Fillon a présenté, le 7 novembre dernier, une série de décisions qui s’ajoutent aux précédentes. Ce nouveau plan représente un effort supplémentaire de 17, 4 milliards d'euros d’ici à 2016, dont 7 milliards d'euros dès 2012. Grâce à ces économies, la dette sera allégée de 65 milliards d'euros d’ici à 2016. Au total, l’effort de redressement de nos finances publiques programmé jusqu’en 2016 sera de 115 milliards d'euros, dont les deux tiers portent sur les dépenses.
Le présent projet de budget n’est évidemment pas épargné. Certains dénoncent la diminution des crédits de tel ou tel programme, mais l’effort auquel nous avons appelé nos compatriotes doit être partagé et il est parfaitement normal que l’État s’impose une réduction de sa dépense. Ce qui importe, c’est le soutien à la croissance, qui doit en permanence être privilégié.
Nous avons veillé à préserver les secteurs créateurs d’emplois. Les services à la personne, vous le savez, ne sont pas affectés. Les allégements de charges sur les bas salaires, fortement créateurs d’emplois, sont maintenus. L’impôt sur les sociétés pour les PME reste identique. Dans la restauration et le bâtiment, nous avons fait le choix de maintenir un taux réduit de TVA et de ne pas revenir au taux de 19, 6 %, comme beaucoup nous le suggéraient, y compris dans cet hémicycle.
Comme je vous le disais, tous les ministères sont mis à contribution : les crédits de la mission « Économie » n’y échappent donc pas. Toutefois, avec ce projet de budget, les conditions restent remplies pour que nous maintenions une politique efficace en faveur des acteurs économiques de notre pays, mais aussi au bénéfice de tous les Français.
Contrairement à ce qu’a indiqué M. Michel Teston dans son rapport pour avis, l’approche du Gouvernement en matière budgétaire n’est pas étroitement comptable ; elle est, au contraire, économiquement responsable.
J’ai précédemment rappelé, en réponse à Christian Bourquin, rapporteur spécial, comment le Gouvernement avait fondé ses perspectives de croissance, notamment sur l’étude de l’INSEE montrant que les perspectives d’investissement des acteurs économiques augmentaient de 4 % en 2012.
L’attitude de responsabilité du Gouvernement dans ce projet de loi de finances pour 2012 se vérifie aussi bien en matière de développement touristique, de politique en faveur des consommateurs, de soutien aux TPE et aux commerces qu’en matière de commerce extérieur ou d’industrie.
J’évoquerai tout d’abord le tourisme, secteur clef pour l’économie et le rayonnement international de notre pays, sur lequel beaucoup d’entre vous sont intervenus.
Ce secteur regroupe 235 000 entreprises, soit 1 million d’emplois directs, et représente, en termes de valeur ajoutée, 7, 1 % du PIB, voire 9, 1 % du PIB si l’on tient compte de l’impact indirect. Les ministres du tourisme du G20, rassemblés à l’occasion du T20, présidé par la France, ont acté ces chiffres.
La valeur ajoutée du tourisme est supérieure à celle de nombreux autres secteurs. M. André Ferrand, rapporteur spécial, le sait bien. Ainsi, le montant de la valeur ajoutée est de 30 milliards d'euros pour l’énergie, de 11, 5 milliards d'euros pour l’automobile et de plus de 41 milliards d'euros pour le tourisme. C’est dire combien nous devons soutenir ce secteur !
Nous nous glorifions trop souvent d’être la première destination touristique au monde. En termes de fréquentation, nous accueillons, il est vrai, 20 millions de touristes de plus que les Américains, mais nous devons fournir un effort en matière de durée de séjour, afin de construire un tourisme plus créateur de valeur.
Nous avons été amenés à réviser à la baisse les crédits de l’opérateur Atout France, ce qui entraîne des efforts de réorganisation de notre politique du tourisme. Comme l’a souligné André Ferrand, il faut procéder à des changements de stratégies, nouer de nouveaux partenariats avec les collectivités locales, afin de défendre le tourisme de manière moins dispersée. Observons ce que fait l’Espagne, qui a bien réussi en la matière.
Les crédits de fonctionnement d’Atout France subissent certes un coup de rabot de 4 %, mais ils doivent être comparés, comme l’ont relevé André Ferrand et Pierre Hérisson, à ceux dont disposent les acteurs économiques concurrents : en Espagne, les crédits de l’institut du tourisme Turespaña ont diminué de 24 %, et ils ont été divisés par deux en trois ans en Italie.
Dans ce contexte, il est essentiel, comme l’a souligné André Reichardt, de renforcer les coopérations avec les différents acteurs institutionnels compétents en matière de tourisme. Je rappelle que les collectivités locales consacrent environ 850 millions d'euros au tourisme, dont 280 millions d'euros à la promotion.
Plusieurs sénateurs ont salué la démarche de transparence du Gouvernement, qui a rassemblé pour la première fois dans un document l’ensemble des crédits destinés à valoriser le tourisme dans notre pays, lesquels ne se limitent pas, bien évidemment, aux seuls crédits de mon ministère. Nous disposons ainsi d’une vision globale.
Tel est le sens des conventions que j’ai signées en Île-de-France, en Rhône-Alpes et en Corse. Je souhaite poursuivre de tels partenariats, notamment avec les régions et les départements du Val de Loire, avant la fin de l’année. J’ai bien entendu, cher André Reichardt, vos propositions pour l’Alsace.
Je tiens également à rappeler que le programme « Tourisme » n’est pas le seul levier budgétaire, comme vous avez été plusieurs à le rappeler.
Je confirme à Pierre Hérisson que le Gouvernement a décidé, dans le nouveau plan de rétablissement des finances publiques, de ne pas cumuler la taxe de 2 % sur les nuitées d’hôtel supérieures à 200 euros avec le relèvement du taux réduit de TVA dans le secteur de l’hôtellerie et de l’hébergement touristique.
Il s’agit simplement de faire preuve de logique. La taxe spécifique de 2 % sur le chiffre d’affaires des établissements hôteliers dont le prix de la nuitée est supérieur à 200 euros, née à l’Assemblée nationale, s’ajoutait à la TVA. Dès lors que l’augmentation générale du taux réduit de TVA est prévue, il est normal que le dispositif spécifique ne soit pas maintenu.
C’est la même logique de préservation des emplois qui prévaudra en matière d’application des normes d’accessibilité aux hôtels des personnes handicapées, comme nous l’avons fait pour les normes de sécurité et d’incendie. Telles qu’elles étaient définies, elles pouvaient en effet menacer l’équilibre économique de nombreux petits établissements. Je confirme à André Reichardt et à Yves Chastan que le Gouvernement a revu de manière pragmatique ces dispositions par un arrêté du 26 octobre 2011.
Une nouvelle catégorie de petits hôtels, d’une capacité d’accueil maximale de vingt personnes, est recréée. Les dispositions de sécurité seront adaptées à ce format. L’entrée en vigueur de ces nouvelles normes est progressive, à compter du 4 novembre 2011. Les responsables d’établissements ont d’ailleurs jusqu’au 1er janvier pour transmettre un échéancier de travaux de mise en sécurité à la commission locale de sécurité. Enfin, le responsable d’établissement pourra proposer des mesures alternatives fondées sur une analyse de risques.
Nous devons être pragmatiques et coller à la réalité économique : c’est tout le sens de l’action que je conduis.
Parmi les actions que j’ai définies pour assurer une croissance durable des recettes touristiques, j’ai souhaité poursuivre l’amélioration de la qualité de l’offre d’hébergement touristique.
Pour répondre aux observations d’André Reichardt et de Pierre Hérisson, de nombreuses initiatives avaient été expérimentées pour tenter d’apporter une solution au problème des « lits froids », sans toutefois obtenir à ce jour des résultats significatifs et durables.
C'est pourquoi j’ai installé, le 23 février 2011, un groupe de travail sur le sujet, en réunissant les opérateurs et les élus des stations de montagne et du littoral qui sont confrontés à cet enjeu.
Nous devons, j’en suis convaincu, nous inspirer autant que possible des pratiques de rénovation urbaine. Beaucoup reste à faire sur ce sujet, mais il faut avancer. J’ai donc décidé de confier à Atout France la réalisation d’une boîte à outils. L’agence expérimentera ces derniers à partir du mois de février prochain sur le terrain.
S'agissant de la volonté du Gouvernement de faire du tourisme social l’une de ses priorités, je veux dire à M. Yves Chastan que, contrairement à ce qu’il a indiqué, le taux de départ a augmenté cet été de 0, 8 point, pour atteindre 57, 2 %. Je voudrais souligner à cet égard l’action exemplaire de l’Agence nationale pour les chèques-vacances, l’ANCV : en 2012, ses aides au départ mobiliseront 21, 2 millions d'euros, contre 6, 9 millions d'euros en 2008.
Je ne reviendrai pas sur ce qu’a très bien dit M. Ferrand concernant la stratégie en matière de tourisme. Le rapport qu’il a publié sur ce sujet fait d’ailleurs référence.
J’en viens maintenant à la politique en faveur des consommateurs.
Le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs caractérise la politique en matière de consommation que j’ai mise en œuvre depuis que j’appartiens au Gouvernement : c’est une politique qui apporte des solutions concrètes aux préoccupations des consommateurs.
Une telle politique ne saurait se faire sans une Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – la DGCCRF – renforcée – j’insiste sur ce terme– et modernisée. Nul doute que Mme Didier et M. Lefèvre partagent comme moi cette appréciation. Toutefois, il faut ensuite discuter des moyens d’y parvenir. Je sais que cette question suscite un certain nombre d’interrogations.
Cette consolidation et cette modernisation sont en marche depuis 2010, dans le cadre de la réforme de l’administration territoriale de l’État, laquelle a permis, tant à l’échelon de la région qu’à celui du département, de rationaliser les structures et de rendre plus efficiente l’action de la DGCCRF : les indicateurs de performance présentés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 en témoignent. J’insiste, madame Didier, sur ce point.
En dépit des réductions de ses effectifs, la DGCCRF a fixé de grandes priorités à ses services déconcentrés : présence sur le terrain et effectivité des suites données aux contrôles. Plaçons-nous une fois encore du point de vue du terrain et des consommateurs : le volume de contrôles est resté stable entre 2010 et 2011 : près de 660 000 points de réglementation ont été contrôlés dans 125 000 établissements, soit des chiffres voisins de ceux de 2010, alors que l’année 2011 n’est pas encore terminée.
Les suites données aux contrôles, si elles sont moins nombreuses, sont plus rapides et mieux ciblées. La DGCCRF fait ainsi un usage de plus en plus fréquent des nouveaux pouvoirs qui lui ont été confiés en matière de suites administratives.
Tel était bien l’objectif que nous visions ensemble. Nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs que nous examinerons prochainement, en commission d’abord, en séance publique ensuite.
Le temps gagné grâce à des procédures administratives plus souples et plus rapides permettra d’économiser autant d’équivalents temps plein travaillés. Ces agents seront redéployés sur toutes les nouvelles missions dont nous serons amenés à discuter lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs.
Entre 2009 et 2011, j’insiste sur ce point, le nombre des réclamations traitées en moins de deux mois a augmenté, madame Didier, madame Schurch, de 3, 2 %. Les réponses aux demandes d’information se font maintenant en moins de dix jours dans 93 % des cas. Vous voyez qu’il ne faut pas être dogmatique et que l’on peut revoir crédits et effectifs : si on réorganise, si on renforce les pouvoirs, si on simplifie les procédures, les résultats sont au rendez-vous.
Le deuxième chantier de modernisation de la DGCCRF est celui que j’ai engagé dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.
J’évoquerai maintenant le soutien au commerce de proximité. Dans ce domaine, l’enjeu dépasse le strict cadre de l’économie.
Soutenir le commerce de proximité, c’est répondre à une attente forte de nos compatriotes. Je suis aux côtés des commerçants, des artisans – j’effectue, je l’ai dit, trois déplacements par semaine, sur tout le territoire – et je mesure l’impact et l’efficacité du FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, que vous avez, les uns et les autres, salué lors de vos interventions, …
… quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.
Les commerces de proximité sont un rempart contre l’exclusion sociale, notamment dans les quartiers sensibles ou les zones menacées par la désertification rurale. Ils sont un vivier d’emplois pour la jeunesse, mais également des lieux de convivialité et de sociabilité.
Je me souviens des débats auxquels a donné lieu l’examen de la loi de modernisation de l’économie. Beaucoup craignaient que le petit commerce et le commerce de proximité ne soient affaiblis, et ils en faisaient le reproche au Gouvernement.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Or c’est tout l’inverse qui s’est produit, comme en attestent les statistiques.
Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
C’est une chance pour le commerce dans notre pays, qui doit nous amener les uns et les autres à continuer de préparer l’avenir avec ces outils. Voilà pourquoi nous avons réorienté les actions du FISAC en direction de leur mission originelle : encourager le commerce de proximité.
À cet égard, je salue le rapport détaillé sur le FISAC de Gérard Cornu, qui connaît bien ce sujet, comme il l’a montré au cours des années passées. Je veux lui dire, ainsi qu’à tous ceux – Christian Bourquin, Nathalie Goulet, Jean-Claude Lenoir, Renée Nicoux – qui se sont exprimés sur ce sujet, que la procédure administrative définie dans la circulaire que j’ai signée peu de temps après ma prise de fonctions en décembre 2010 réduit les délais de traitement des dossiers et vise précisément à renforcer l’efficacité du FISAC.
Si l’action du FISAC est plus efficace, c’est aussi parce qu’on l’a recentrée sur les missions les plus favorables aux petits commerces, auxquels sont désormais consacrés 88 % des crédits du fonds, contre 80 % en 2010 et 70 % en 2009.
J’ai demandé à l’EPARECA, l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, qu’a évoqué tout à l’heure Christian Bourquin, de se mobiliser en faveur des villages d’artisans, notamment.
J’ai visité dans l’Eure l’un des premiers villages d’artisans, qui a pu être mis en place en 2006 grâce au FISAC. Dans le Nord, où je me suis rendu il n’y a pas très longtemps, un nouveau village d’artisans a pu être inauguré grâce à l’EPARECA. Le FISAC et l’EPARECA concentrent aujourd'hui leur action sur le commerce de proximité et sur l’artisanat.
Nous devons chercher des réponses efficaces, car nous sommes contraints de participer à l’effort national engagé du fait de la situation économique. Je reviendrai plus longuement sur cette question tout à l’heure lorsque nous examinerons un amendement visant à augmenter les crédits du FISAC, et je montrerai que ceux-ci, en réalité, ont déjà été considérablement accrus par rapport à ce qui était initialement prévu.
L’environnement juridique des entreprises s’est amélioré. Par ailleurs, le Gouvernement travaille inlassablement depuis le début du quinquennat à faciliter la vie quotidienne de nos entrepreneurs. À cet égard, je souscris totalement aux propos de Nathalie Goulet : il faut « donner de l’air et simplifier l’environnement règlementaire » des entreprises. J’en ai même fait une priorité.
J’ai ainsi annoncé 80 décisions, dont 25 trouveront une traduction concrète dans la proposition de loi de Jean-Luc Warsmann, laquelle sera soumise à l’examen du Sénat, sans doute dans la première quinzaine du mois de janvier.
Vous avez raison, Antoine Lefèvre, de dire que cette démarche de simplification doit être un processus continu, à mesure de l’élaboration des textes législatifs et réglementaires. Tel est l’objet d’un certain nombre de nouvelles mesures de simplification que j’annoncerai le 6 décembre prochain à l’occasion des deuxièmes « Assises de la simplification au service de la compétitivité ». Un certain nombre de ces mesures seront applicables immédiatement ou rapidement, car elles relèvent du domaine réglementaire. D’autres sont de nature structurelle, car il nous faut aller beaucoup plus loin.
La création de l’auto-entrepreneur, grâce à la simplicité de ce statut, a donné un nouveau souffle entrepreneurial. Toutefois, un certain nombre d’éléments de ce statut devaient être corrigés, afin d’éviter toute concurrence déloyale. André Reichardt le sait, je procède à ces modifications depuis un an. Si une certaine souplesse est nécessaire, il faut également veiller à préserver l’équité et à ne pas créer d’injustice. Au 31 août 2011, l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, dénombrait 738 400 comptes d’auto-entrepreneurs.
J’ajoute que la création de l’EIRL, le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, très attendue des artisans, à un moment où la situation économique, du fait du caractère multiforme de la crise, fait peser sur eux un certain nombre de risques, permet de protéger le patrimoine personnel de l’entrepreneur.
Je vous invite, les uns et les autres, à l’expliquer autour de vous aux acteurs économiques. C’est pour eux que nous mettons en place ce statut, qui était demandé depuis plus de vingt ans. Le Président de la République avait pris un engagement en 2009 ; cette mesure est entrée en vigueur le 1er janvier de cette année.
J’ajoute que j’ai pris mon bâton de pèlerin et que j’ai signé un accord avec OSEO et la SIAGI afin que les prêts puissent être garantis à hauteur de 70 %. J’ai ensuite signé un accord avec les réseaux bancaires afin qu’ils ne prennent pas de sûreté supplémentaire sur les 30 % restants. Enfin, la neutralité fiscale, que les acteurs du secteur réclamaient en cas de changement de régime, a été votée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Le dispositif est donc aujourd'hui opérationnel.
Je précise à Antoine Lefèvre que les derniers décrets d’application ont été pris très récemment et que le décret définissant les biens nécessaires est actuellement en cours d’examen par le Conseil d’État.
En période de crise et d’inquiétude, ce dispositif permet aux acteurs économiques, notamment aux plus petits d’entre eux – les artisans et les commerçants – de continuer à prendre des risques sans en faire prendre à leurs familles, car tel est bien pour eux le danger majeur.
Je tiens à dire à Nathalie Goulet que, contrairement à l’idée qu’elle s’en fait, l’ouverture de l’économie française est source de croissance et d’emploi, puisque plus de deux millions de salariés sont employés par des entreprises étrangères implantées dans notre pays.
Le Gouvernement est particulièrement actif à « doper » l’attractivité de notre territoire. En dix ans, l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, a contribué à la création de 300 000 emplois suscités par des implantations étrangères.
Il faut certes, chacun en est d’accord, aller plus loin et continuer de se mobiliser. Toutefois, j’indique que, dans une période difficile, le nombre moyen de projets engagés en France par des entreprises étrangères s’est maintenu depuis 2008. Il a même augmenté entre 2009 et 2010, passant de 639 à 782. Le nombre d’emplois créés ou protégés par ces investissements s’est maintenu aux alentours de 30 000 chaque année, y compris durant la crise.
Je vais maintenant évoquer la politique française en matière de commerce extérieur et répondre aux observations d’André Ferrand. La situation que décrit Nathalie Goulet en matière d’appui au commerce extérieur ne correspond plus à la réalité depuis longtemps. En particulier, la terminologie « poste d’expansion économique » n’est plus utilisée depuis une dizaine d’années.
Au-delà des mots, c’est une réforme en profondeur qui a été lancée en 2007 par Christine Lagarde dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Une véritable politique publique de l’accompagnement des PME à l’international a été mise en place. Pour la première fois, la décision a été prise de doter la France d’une agence chargée de l’internationalisation des PME, UBIFRANCE, dont André Ferrand a d’ailleurs salué l’action.
En trois ans, en dépit d’une conjoncture économique très difficile, UBIFRANCE a remporté tous ses paris. Elle a d’abord réussi le pari de la réforme de l’État : sans heurts, plus de 1 000 collaborateurs sont passés de l’État à l’agence. Elle a ensuite réussi celui de la productivité : le nombre des opérations à l’étranger a été multiplié par deux et celui des clients par trois. Enfin, elle a réussi le pari de la qualité : l’agence dispose aujourd’hui d’un réseau très professionnel de 66 missions économiques dans 46 pays.
Dans son contrat d’objectifs et de performance 2012-2014, UBIFRANCE, comme l’a relevé Jean-Claude Lenoir, s’est engagée à ce que plus d’une entreprise cliente sur trois transforme l’essai et suscite un véritable courant d’affaires à l’issue de la prestation de l’agence.
Le partage des rôles est donc très clair entre les missions économiques d’UBIFRANCE, qui réalisent les prestations commerciales facturées, et les services économiques des ambassades, désormais concentrés sur les tâches régaliennes. J’espère que cela ravira Nathalie Goulet.
Sourires.
Ce même travail d’optimisation du dispositif public a été mené en France grâce à la Charte nationale des partenaires de l’export, qui prévoit la création dans chaque région d’un guichet unique rassemblant l’État, le conseil régional, le réseau consulaire, OSEO, la Coface, UBIFRANCE et les conseillers du commerce extérieur.
J’aborderai enfin les questions soulevées dans le domaine industriel et numérique par Michel Teston et Nathalie Goulet.
En ce qui concerne la mission de transport et de distribution de la presse de La Poste, l’État s’est engagé, monsieur Teston, à compenser les surcoûts de la mission de service public de transport postal de la presse entre 2009 et 2015 dans le protocole d’accord signé le 23 juillet 2008 – les accords Schwartz – entre l’État, la presse et La Poste.
Ces accords prennent en compte les baisses prévisionnelles de trafic du transport de presse, lesquelles sont estimées à environ 5 % sur la période considérée. La contribution de l’État a été diminuée peu à peu, conformément aux prévisions initiales. L’engagement de l’État est donc bien respecté, monsieur Teston.
En ce qui concerne la mission d’accessibilité bancaire, le code monétaire et financier prévoit que « dans les domaines bancaire, financier et des assurances, La Poste propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le Livret A ».
Les modalités de partage du financement du coût net de la mission d’accessibilité bancaire de la Banque postale résultent des engagements conjoints de l’État et de La Poste figurant dans le contrat de service public 2008-2011 et dans l’avenant à ce contrat qui sera signé très prochainement.
Depuis 2009, le mode de rémunération de la Banque postale pour la gestion du livret A a été modifié : au lieu d’une rémunération de 1, 3 % sur les encours, une commission de 0, 75 % a été fixée pour 2011. Le montant prévu de cette rémunération additionnelle, pour tenir compte du coût net de la mission d’accessibilité bancaire, sera de 250 millions d’euros en 2012. C’est donc un montant significatif, monsieur Teston.
S’agissant de la présence postale, le montant de l’allégement de fiscalité directe locale pour La Poste en 2011 sera de l’ordre de 170 millions d’euros. Il est établi en cohérence avec la prévision du montant des ressources du Fonds postal national de péréquation territoriale figurant dans le contrat tripartite de la présence postale territoriale, signé le 26 janvier 2011 entre l’État, l’Association des maires de France et La Poste.
Dans un contexte budgétaire pourtant difficile, cette compensation a été substantiellement accrue, puisqu’elle passe à 170 millions d’euros en 2011, contre près de 140 millions d’euros en moyenne par an au cours de la période précédente.
Par ce soutien accru à La Poste, le Gouvernement a souhaité répondre au besoin du maintien de la présence postale exprimé par nos concitoyens et relayé par tous les sénateurs, sur quelque travée qu’ils siègent.
La compensation accordée par l’État à La Poste, à hauteur de 170 millions d’euros, constitue bien une dépense fiscale de l’État, puisque les impôts directs locaux acquittés par La Poste sont affectés au budget général de l’État.
Cette compensation, monsieur Teston, est donc neutre pour le budget des collectivités locales. Vous avez également appelé mon attention sur la desserte en 4G, dont vous jugez la mise en œuvre excessivement longue. Je vous rappelle qu’il aura fallu près de vingt ans aux opérateurs pour atteindre le niveau de couverture demandé en quinze ans – 99, 6 % de la population – pour la bande 800 mégahertz. Le déploiement d’un réseau de téléphonie mobile est une opération de grande ampleur, qui nécessite la mobilisation de moyens financiers et humains considérables.
Les obligations et le calendrier imposés aux opérateurs de réseaux 4G sont en réalité très ambitieux au regard de l’ampleur du travail à accomplir.
Vous savez également que le déploiement de nouvelles antennes se heurte parfois à la réticence de certains élus et de certains riverains, qui s’inquiètent des risques d’exposition aux ondes radio. Ce sont les mêmes élus qui, quelque peu contradictoirement, réclament un déploiement rapide de la 4G ! Ces contradictions, que nous gérons, ne remettent pas en cause notre engagement déterminé.
Michel Teston et Mireille Schurch ont évoqué le financement du plan national « très haut débit ». Le Gouvernement a ouvert le 27 juillet 2011 le guichet destiné à cofinancer les projets de déploiement de fibre optique des collectivités territoriales. Ce guichet est doté de 900 millions d’euros du Fonds national pour la société numérique.
Il s'agit d’une somme importante, qui permettra de soutenir, pendant les premières années, les investissements des collectivités intervenant en complémentarité avec l’initiative privée.
Cette enveloppe de 900 millions d’euros préfigure le Fonds d’aménagement numérique des territoires.
Par ailleurs, le Gouvernement a commandé une étude pour préciser, au vu des premiers projets, les évaluations du coût des déploiements d’un réseau à très haut débit. Avec cette étude et l’expérience acquise avec le Fonds national pour la société numérique, nous pourrons définir les conditions optimales de l’abondement du Fonds d’aménagement numérique des territoires.
S’agissant de l’articulation entre réseaux d’initiative publique et réseaux d’initiative privée, il faut savoir que, en vertu du droit communautaire sur les aides d’État, une subvention publique à un projet de déploiement est possible dans les zones où l’on constate une absence de projet de déploiement privé à un horizon de trois ans.
Je dirai un mot sur la situation d’Honeywell à Condé-sur-Noireau.
Nous avons obtenu qu’Honeywell participe à un groupe de travail, dont vous êtes membre, madame Goulet, pour déterminer les conditions d’un réinvestissement sur le site.
Le Gouvernement souhaite que le groupe identifie, de façon loyale et transparente, des fabrications capables de succéder aux productions actuelles. En tout état de cause, Honeywell devra contribuer au maintien d’une activité industrielle – je l’ai dit ici même voilà quelques jours en réponse à une question orale – pour protéger les emplois des 323 salariés concernés.
L’avenir du site Honeywell de Condé-sur-Noireau est suivi de très près par le ministre de l’industrie, qui organisera très prochainement une table ronde sur le sujet avec l’ensemble des parties prenantes, notamment les syndicats et les parlementaires concernés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez constaté, malgré les contraintes budgétaires, nous menons une politique ambitieuse en faveur des secteurs qui sont les moteurs de notre économie.
Cette politique, faite de réalisme et de sincérité, permettra de sauvegarder notre économie et de protéger l’ensemble des Français en les mettant à l’abri d’une explosion de la dette. Sachez que nous maintiendrons ce cap durant les mois à venir.
Deux vertus cardinales animent notre action : la réduction des déficits publics et la relance de l’économie. Prochainement, nous mettrons en place un certain nombre de plans dans le domaine des services – notamment le télétravail – et de l’artisanat.
L’objectif de croissance est une obsession du Gouvernement. §Ce budget sous-tend des choix qui sont la traduction de cette action en faveur du développement économique, de la croissance et de l’investissement.
C’est la raison pour laquelle j’espère que chacun ici aura à cœur de voter les crédits de la mission « Économie ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Économie
Développement des entreprises et de l’emploi
Dont titre 2
415 296 541
415 296 541
Tourisme
Statistiques et études économiques
Dont titre 2
374 378 749
374 378 749
Stratégie économique et fiscale
Dont titre 2
148 500 201
148 500 201
L'amendement n° II-85, présenté par M. Teston, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et de l’emploi Dont Titre 2
Tourisme
Statistiques et études économiquesDont Titre 2
Stratégie économique et fiscaleDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Michel Teston, rapporteur pour avis.
Le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce est incontestablement la grande victime de la réduction des crédits de l’action n° 2 du programme 134 « Moyens des politiques du tourisme et actions en faveur des PME, du commerce, de l’artisanat et des services ».
Ces crédits se montent, pour 2012, à 40, 9 millions d’euros, contre 64 millions d’euros en 2011 et 78 millions d’euros en 2010. C’est dire si la coupe budgétaire est sévère.
Pourtant, chacun reconnaît que le FISAC est un outil précieux et efficace pour maintenir une offre commerciale et artisanale dans les zones rurales et dans les zones urbaines sensibles.
Aussi, sur l’initiative de Daniel Raoul, j’ai déposé cet amendement, qui a pour objet d’abonder de 9 millions d’euros l’action n° 2 du programme 134, en prélevant une somme de même montant sur l’action n° 1, Définition et mise en œuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen, du programme 305 « Stratégie économique et fiscale ».
Comme vient de l’expliquer M. Teston, cet amendement vise à abonder de 9 millions d’euros les crédits alloués au FISAC au moyen d’une ponction de même montant sur l’action n° 1.
Sur le fond, je partage entièrement la préoccupation exprimée par notre collègue et les membres de la commission de l’économie. Comme je l’ai rappelé au cours de mon intervention, la dotation au FISAC, aux termes du texte qui nous est présenté par le Gouvernement, enregistre une baisse de 36 %, soit 23 millions d’euros de moins qu’en 2011 – 40, 9 millions d’euros au lieu de 64 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d'État, l’an dernier, le Sénat, qui disposait d’une autre majorité, avait pris l’initiative de relever de 21 millions d’euros la dotation au FISAC pour la porter, donc, à 64 millions d’euros.
Nos collègues de l’Assemblée nationale, pour « limiter la casse », ont ponctionné 1, 8 million d’euros sur les crédits de l’INSEE, ce qui n’est pas satisfaisant.
Cet amendement étant avant tout un amendement d’appel, puisque les crédits de la mission seront certainement rejetés, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat, mais, à titre personnel, j’émets un avis favorable.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, le contexte économique actuel s’impose à tous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le sentiment qu’un certain nombre d’entre vous pensent que le FISAC est l’unique outil permettant de soutenir l’artisanat dans notre pays. Or je rappelle que, sur l’ensemble du triennal, le Gouvernement a accru l’effort de l’État et de ses opérateurs en faveur du commerce et de l’artisanat.
En 2010, grâce aux interventions d’OSEO, dans ses solutions à la fois de prêts et de garanties, plus de 20 % des garanties accordées, soit 2, 6 millions d’euros, concernent des PME et TPE commerciales et artisanales. Cet engagement a été multiplié par deux en trois ans.
Les chambres de métiers et de l’artisanat bénéficient pour mener leurs actions d’une fiscalité affectée dynamique – 302 millions d’euros en 2010 et 338 millions d’euros estimés pour 2012 – et des subventions publiques de l’État et des collectivités territoriales, qui agissent au quotidien au côté des artisans.
Le Gouvernement a multiplié les dépenses fiscales au profit de certains secteurs de l’artisanat. Je pense évidemment au bâtiment et à la restauration, dont le Gouvernement n’a pas souhaité remettre en cause le taux réduit de TVA.
Ainsi, les efforts consentis en direction de l’artisanat sont très importants, même si l’on n’en retrouve pas la traduction directe dans les crédits de la mission « Économie ».
La réforme du FISAC, intervenue en 2008, a eu pour objet de mettre ce dernier au service d’un meilleur exercice des activités commerciales, artisanales et de services de proximité dans les communes rurales et dans les villes.
Elle a orienté de manière prioritaire les interventions du fonds en milieu rural, dans les zones de montagne, dans les halles et marchés, ainsi que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Cette réforme – et j’ai en tête les propos qu’a tenus tout à l’heure Gérard Cornu – a fortement amélioré les modalités d’intervention du fonds au bénéfice des opérations territoriales, au titre desquelles le FISAC alloue des aides aux collectivités locales et aux petites entreprises de proximité afin de créer, de fortifier ou de conserver un environnement favorable aux activités commerciales et artisanales.
J’ai souhaité que les actions du FISAC soient réorientées en direction de sa mission originelle, à savoir encourager le commerce de proximité : 57 millions d’euros y seront consacrés en 2011, contre 51 millions d’euros en 2010, soit respectivement 88 % et 80 % des crédits ouverts en loi de finances.
Comme l’a rappelé Gérard Cornu, l’année dernière, alors même que cette augmentation n’était pas programmée, les crédits alloués au FISAC ont connu une hausse sensible.
L’effort de recentrage et de sélectivité des actions aidées devra être poursuivi et même accru en 2012. L’année prochaine, le budget permettra de réaliser près de cinq cents opérations territoriales. J’ai demandé que l’ensemble de ces actions territoriales, sauf circonstances exceptionnelles, concernent le commerce de proximité, car nous le devons à nos compatriotes, me semble-t-il.
Certes, les crédits du FISAC diminuent globalement cette année, mais un recentrage de l’action du fonds pour le commerce de proximité a été engagé voilà deux ans. J’ai accéléré ce mouvement cette année et j’entends bien qu’il se poursuive l’an prochain.
La commission des finances s’en étant remise à la sagesse du Sénat, peut-être n’est-il pas inutile d’éclairer ce dernier sur la contrepartie proposée par l’auteur de l’amendement pour compenser l’augmentation des crédits du FISAC.
M. le rapporteur spécial a dit le peu de bien qu’il pensait de la décision prise par les députés de réduire les crédits de l’INSEE. Moi-même, avec des arguments identiques, je leur ai affirmé qu’il n’était pas raisonnable de procéder ainsi. Pareillement, je veux dire à M. Teston qu’il n’est pas raisonnable non plus de réduire de 9 millions d’euros les crédits prévus au titre du remboursement par l’État de missions exercées pour son compte par la Banque de France, essentiellement la gestion des commissions de surendettement.
Si l’on considère que le surendettement doit être combattu – je ne doute pas que j’entendrai encore ce discours lorsque sera examiné ici le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs –, alors cette proposition soulève un grave problème de cohérence. En effet, réduire le surendettement, c’était tout l’objet de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde ».
Puisque ce sont des dépenses, de surcroît, obligatoires, la minoration en loi de finances initiale devra nécessairement être compensée par des ouvertures de crédits en gestion 2012 et contribuera à dégrader le déficit public, ce qui n’est pas responsable.
En écoutant la fin de votre propos, monsieur le rapporteur spécial, j’ai cru comprendre que, de toute façon, cet amendement n’avait pas vraiment lieu d’être, puisque vous entendiez repousser la totalité des crédits. Donc, même si vous étiez amenés à adopter ces dispositions, vous voteriez contre elles dans quelques minutes en vous opposant aux crédits dans leur globalité !
Comme vous m’avez tendu la perche en disant que la commission appelait à la sagesse du Sénat, je pense que tous ces éléments sont de nature à rendre plus sages les uns et des autres dans cet hémicycle.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Une proposition comme celle-ci pourrait recueillir l’unanimité, puisque tout le monde semble d’accord pour qu’une enveloppe supplémentaire de 9 millions d’euros soit affectée au FISAC. Toutefois, l’année dernière, dans cet hémicycle, nous n’avons pas déshabillé Paul pour habiller Pierre ; nous avons demandé, tous ensemble, 21 millions d’euros pour abonder le FISAC, mais sans retirer quelque crédit que ce soit à cette mission.
Il faut être raisonnable : la situation de l’année dernière n’est pas la même que celle que l’on connaît à l’échelon international.
Les propos que vient de tenir M. le rapporteur spécial de la commission des finances sont éloquents : il parle d’amendement d’appel. C’est le bal des faux-culs ici !
Vous savez très bien, car vous venez de le dire dans toutes vos interventions, que vous ne voterez pas les crédits. Par conséquent, vous présentez ces trois amendements en sachant qu’ils peuvent être adoptés sans risque, puisqu’ils seront « retoqués » plus tard.
Cela revient à déposer des amendements sur un article tout en sachant que, même s’ils sont adoptés, l’article sera rejeté. Franchement, ce n’est même plus de l’appel, c’est presque de l’hypocrisie !
Nous devons tous être responsables et ne pas dénaturer l’institution. Personne n’avait jamais agi de la sorte au Sénat.
Nous avons tous le devoir de valoriser l’institution. Or, en l’occurrence, ce n’est pas ce que vous faites.
C’est pourquoi, pour tous les principes que j’ai évoqués, nous voterons contre cet amendement.
Je voudrais réagir aux propos que je viens d’entendre, et en premier lieu à ceux de Gérard Cornu.
J’étais présent en séance l’an dernier, comme cette année, lors de l’examen des crédits de cette mission, et il m’étonnerait fort que les crédits supplémentaires affectés au FISAC n’aient pas été gagés en se servant sur un autre poste budgétaire. Ou alors je n’ai rien compris à la LOLF !
En second lieu, j’ai entendu l’argumentation de M. le secrétaire d’État, mais il nous l’avait déjà présentée lors de son audition récente devant la commission de l’économie, et il ne nous avait pas convaincus.
Pour ces raisons, je maintiens le présent amendement et j’appelle le Sénat à le voter.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-18, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et de l’emploi
Dont Titre 2
Stratégie économique et fiscale
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de le dire, le Sénat va examiner un projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.
Les usagers et les consommateurs ont une réelle attente en ce domaine. Il est nécessaire et urgent de renforcer leurs droits et de leur donner les moyens de se défendre et de faire valoir ces droits renforcés.
Je ne reviendrai pas sur la DGCCRF, que ma collègue Évelyne Didier a évoquée.
Par cet amendement, nous soulevons une incohérence du Gouvernement qui affiche de nouveaux droits protecteurs du consommateur. En effet, alors que l’information et la défense de ce dernier sont mises en avant par le Gouvernement, l’un des principaux organes actifs en la matière, 60 millions de consommateurs, se trouve, lui, complètement abandonné par les pouvoirs publics.
Ce journal, conçu par des professionnels indépendants, remplit une mission de service public et fait partie intégrante de l’Institut national de la consommation. Si l’on adosse les activités de presse de l’INC au secteur privé, le journal perdra inévitablement son indépendance.
Par cet amendement, nous vous proposons donc, mes chers collègues, de renforcer de 3 millions d’euros le programme 134 de la mission « Économie » en direction de l’action n° 17, Protection économique du consommateur, afin que les comptes de la revue 60 millions de consommateurs puissent revenir dès 2012 à des résultats positifs.
Pour assurer durablement l’équilibre financier de l’INC, il faut atteindre 150 000 abonnés, ce qui représente un investissement de 4 millions d’euros en campagne d’abonnements.
Je rappelle que le nombre d’abonnés du journal est actuellement descendu à 94 000 abonnés, contre 136 000 en 2009. Pour cette publication, qui dispose de quelques réserves mobilisables, ce serait une chance de continuer à remplir ses missions dans des conditions satisfaisantes et en garantissant une réelle information des consommateurs.
Le journal 60 millions de consommateurs participe à un service public et peut, à ce titre et de manière ponctuelle, bénéficier d’une telle dotation. D’ailleurs, ses ventes étaient venues compléter la subvention destinée aux missions de service public de l’INC à hauteur de 97 756 euros en 2006 et de 23 256 euros en 2007.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de voter cet amendement.
Cet amendement, qui tend à modifier le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », vise à abonder de 3 millions d’euros les crédits alloués à l’action n° 17.
Soyons clairs, monsieur le secrétaire d’État : il s’agit d’un amendement d’appel.
Nos collègues souhaitent notamment augmenter les ressources allouées à l’Institut national de la consommation. Or j’observe que, même si la dotation globale de l’action n° 17 baisse de 2 millions d’euros entre 2011 et 2012, le montant des dépenses d’intervention affectées à l’Institut national de la consommation, au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, et aux associations de consommateurs est maintenu au même niveau que cette année, soit 11, 8 millions d’euros.
Compte tenu de ces éléments, un tel transfert de crédits n’apparaît pas justifié.
M. Cornu a été assez véhément en affirmant lors de l’examen du précédent amendement que nous dénaturions l’institution en prévoyant 9 millions d’euros pour financer le FISAC. Or je lui dirai que, l’année passée, ces 21 millions d’euros ont bien dû être pris quelque part. Je préciserai même, puisque je dispose du rapport de l’an dernier, que leur source est identique à celle de ces 9 millions d'euros.
Par conséquent, l’affaire est close. Si j’ai répondu à M. Cornu alors que je ne le devais pas, c’est pour éviter à celui-ci de nous répéter le même propos incohérent.
Il pourra lire ma réponse dans le compte rendu des débats.
Ne m’en veuillez pas, madame Schurch, mais j’agis en cohérence avec la position de la commission des finances. C’est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
Je remercie M. le rapporteur spécial d’avoir demandé à Mme Schurch de bien vouloir retirer son amendement, qui est inutile, puisque les crédits ont été maintenus.
J’ajoute que la dotation de la DGCCRF permet à cette direction d’assurer les missions qui lui incombent et que ces crédits ont été épargnés par les rabots intervenus récemment dans le cadre des plans anti-déficit qui ont été annoncés par le Gouvernement, comme vient de le rappeler M. le rapporteur spécial de la commission des finances.
De surcroît, la contrepartie proposée, qui est toujours aussi peu opérationnelle que pour l’amendement précédent, viendrait alourdir encore la note, puisque le gage porte toujours sur les crédits prévus pour le remboursement, par l’État, des missions exercées pour son compte par la Banque de France, telles que la gestion des commissions de surendettement. D'ailleurs, si j’ai compris les propos réaffirmés par M. le rapporteur spécial, il s'agit d’amendements d’appel.
Par conséquent, il ne faudrait pas que quelqu’un dans cet hémicycle ait le sentiment que ces propositions auront des conséquences : en réalité, même si ces amendements sont adoptés, ils seront immédiatement rejetés du fait du vote global sur l’ensemble des crédits.
M. Jean-Louis Carrère s’exclame.
Je tiens à préciser ce point parce que Jean-Claude Lenoir, par exemple, est intervenu très brillamment tout à l’heure sur la question du FISAC, en expliquant en détail combien ce dispositif était essentiel. Or chacun ici aura à cœur de ne pas laisser croire qu’une disposition votée, mais qui n’aura en réalité aucune suite, pourrait changer la situation. La clarté s’impose !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je ne sais pas si Mme Schurch retirera cet amendement sur la DGCCRF, mais M. le rapporteur spécial était convaincant. Madame Schurch, vous l’avez compris, il a convaincu le Gouvernement.
Mme Mireille Schurch rit.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Malheureusement, monsieur le secrétaire d’État, vous ne m’avez pas convaincue, moi. Je demande ces trois millions d’euros parce que cette somme pourrait susciter un effet de levier en faveur de ce journal d’intérêt public, qui est très utile aux consommateurs.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
J’ai bien entendu M. le rapporteur spécial Christian Bourquin, ainsi que M. le secrétaire d’État. Néanmoins, pour les raisons qui ont été invoquées par Mireille Schurch, le groupe socialiste soutiendra cet amendement.
On fait comme si tout avait changé. Bien sûr, la majorité sénatoriale s’exprime, mais il y a bien un gouvernement qui propose le budget et une opposition à ce gouvernement qui exprime, à travers un certain nombre de positions et d’amendements, son idée sur la question. Je ne vois vraiment pas, de ce point de vue, pourquoi la démarche qui était tout à fait naturelle l’an dernier ne le serait plus aujourd'hui.
Nous exprimons des positions à travers les amendements que nous proposons, mais ils n’ont pas trouvé grâce et ont été rejetés. Ce sera encore le cas cette fois. Je ne vois pas où est le changement !
Si j’ai bien compris, il s’agit d’éponger quelque 3 millions d’euros de déficit de la revue 60 millions de consommateurs.
Je voudrais simplement interroger mes collègues siégeant sur les travées de gauche : envisagez-vous aussi de nous demander d’éponger les éventuels déficits des autres organes de presse ?
Je suis obligée de répondre, cher collègue, parce que nous ne parlons pas de n’importe quelle revue : le magazine 60 millions de consommateurs est intégré dans l’Institut national de la consommation. Il s’agit donc d’un service public.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-171, présenté par MM. Mézard, C. Bourquin, Collin, Fortassin, Baylet et Bertrand, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et de l’emploi Dont Titre 2
Tourisme
Statistiques et études économiquesDont Titre 2
Stratégie économique et fiscaleDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
La mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2012 est caractérisée par une diminution générale des crédits d’intervention.
Il s’agit d’un choix pour le moins paradoxal, puisque cette baisse porte sur les seules dépenses susceptibles de relancer la croissance. Or cette dernière, faut-il le rappeler, fait cruellement défaut dans notre pays. Actuellement, malgré un léger rebond de 0, 4 % au troisième trimestre de 2011, la croissance prévue pour le quatrième trimestre est nulle et le Gouvernement a revu à la baisse ses prévisions pour 2012.
Ces diminutions de crédit touchent également les dotations allouées au FISAC, qui joue un rôle essentiel dans le soutien de l’artisanat local.
Or l’Assemblée nationale, visiblement inquiète de ces évolutions, a décidé de suppléer indirectement à la diminution des crédits du FISAC en abondant la subvention de l’EPARECA, l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. Cette décision, a priori louable, n’en résulte pas moins d’une opération qu’il convient de rectifier.
En effet, la somme de 1, 842 million d’euros destinée à abonder le budget de cet organisme a été prélevée sur le budget de l’INSEE, qui a cruellement besoin de ces fonds pour mener à bien ses missions.
L’Assemblée nationale a justifié cette ponction par l’augmentation que le budget de l’INSEE aurait connue entre 2011 et 2012. Il ne s’agit pourtant que d’une illusion comptable, les calculs en question incluant des crédits spéciaux destinés à des opérations exceptionnelles, tels que les recensements de Polynésie française et de Mayotte, ou encore l’installation de l’INSEE à Metz.
Par ailleurs, la population française ayant cru, ainsi que le nombre de logements, la dotation que l’INSEE verse aux communes au titre du recensement a également augmenté.
En réalité, une fois pris en compte ce prélèvement supplémentaire de 1, 842 million d’euros, il apparaît que les crédits de fonctionnement dont dispose l’INSEE pour financer ses missions diminuent de 12 % entre 2011 et 2012 ; ces restrictions font suite à une baisse de 5 % intervenue entre 2010 et 2011.
Ces coupes successives remettent directement en cause la capacité de l’INSEE à assumer l’ensemble de ses attributions.
Or, mes chers collègues, je vous rappelle le caractère essentiel des missions régaliennes confiées à cette institution – telles que l’élaboration des indices de prix, le recensement de la population, l’établissement de l’état-civil ou du fichier électoral –, ainsi que de la réalisation d’enquêtes permettant d’analyser les évolutions économiques et sociales de notre pays et qui éclairent d’un jour indispensable les décisions des pouvoirs publics, particulièrement en période de crise économique.
Afin de permettre à l’INSEE d’assumer l’ensemble de ses attributions, la grande majorité des membres du groupe RDSE vous propose d’adopter le présent amendement, qui tend à rétablir l’état antérieur des comptes de l’institut, en diminuant de 1, 842 million d’euros les crédits de l’EPARECA, et en inscrivant de nouveau cette somme au budget de l’INSEE.
M. Yvon Collin applaudit
L’amendement n° II-171 tend à réparer une profonde injustice organisationnelle : en effet, l’Assemblée nationale a frustré l’INSEE de plus d’1, 8 million d’euros, tout simplement, m’a-t-on dit, parce que la ligne budgétaire de cet établissement était voisine de celle de l’EPARECA ! À mon sens, la République ne peut se satisfaire de semblables méthodes.
Monsieur le secrétaire d’État, en écoutant votre intervention, j’ai cru comprendre que vous en admettiez l’augure. J’ignore par quel artifice vous parvenez à justifier une telle position. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, il me semble juste de rétablir ces crédits et de témoigner, ce faisant, notre confiance à l’INSEE.
Je suis, ainsi que M. Requier, cosignataire de l’amendement n° II-171. Comme je l’ai évoqué à la tribune il y a quelques instants, l’INSEE a déjà été fortement déstabilisé par son déménagement. La Nation a réalisé de fausses économies en délocalisant son siège à Metz, tout en maintenant à Paris les personnels qui ne souhaitaient pas s’y rendre ; chacun en est conscient, et chacun peut déplorer l’important déséquilibre financier qui en résulte.
M. Requier vient de le rappeler, l’INSEE a dû consentir un effort de 5 % l’an passé ; aujourd’hui, le Gouvernement souhaite renouveler ces coupes sombres sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 12 %. À ce rythme, cette institution sera bientôt hors service !
Monsieur le secrétaire d’État, sans vouloir vous provoquer, je crains que le Gouvernement ne cherche à casser ce thermomètre qui, il est vrai, depuis quelque temps, indique de mauvais chiffres, qu’il s’agisse de l’indice des prix ou du chômage.
M. André Trillard s’exclame.
L’INSEE a toute sa place dans notre République, car cet organisme est nécessaire à chacun des Français. De surcroît, il s’est vu confier cette année des missions supplémentaires, notamment le recensement en Polynésie française, qui représente un travail considérable. Or les documents de base, tels que les plans cadastraux, n’existent pas dans ces territoires, et leur établissement coûte très cher. À moins de renoncer à ces travaux, il convient donc d’attribuer à l’INSEE les moyens nécessaires à leur réalisation.
Monsieur le secrétaire d’État, vous constatez au passage que je suis apte à distinguer les nuances de la situation !
Mes chers collègues, au nom de la commission, j’émets un avis de sagesse, mais, à titre personnel, je suis très favorable à l’amendement n° II-171.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’éprouve parfois quelques difficultés à vous suivre, je vous l’avoue.
En effet, nous venons d’examiner l’amendement n° II-18 tendant à augmenter de 9 millions d’euros les crédits du FISAC, que vous avez adopté. Et voilà qu’à présent M. Requier nous suggère de réduire les fonds alloués au FISAC !
Permettez-moi de vous exposer la situation, puisque vous semblez en ignorer les tenants et les aboutissants.
Si, précisément, monsieur le rapporteur spécial. En effet, l’amendement dont vous êtes cosignataire tend à préserver les moyens de l’INSEE, objectif auquel je souscris, car, comme je l’ai affirmé devant l’Assemblée nationale, il serait inopportun de déshabiller cette institution à l’heure où elle doit partir pour Metz.
L’Assemblée nationale a adopté un dispositif destiné à augmenter d’1, 8 million d’euros les crédits destinés au FISAC au titre de l’EPARECA ; il s’agit en effet d’une sous-enveloppe, que j’ai distinguée dans mon intervention.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai du reste fourni des éléments précis concernant mes déplacements des dernières semaines. Récemment encore, j’ai visité un village d’artisans dans l’Eure, puis j’en ai inauguré un second dans le Nord…
Ainsi, vous proposez de réduire d’1, 8 million d’euros les crédits destinés aux artisans et commerçants, dans le cadre de l’EPARECA.
Or, il y a quelques instants, vous proposiez d’augmenter cette enveloppe de 9 millions d’euros.
Certes, monsieur le rapporteur spécial, mais, quoi qu’il en soit, ces fonds ne seront jamais alloués, puisque le Sénat devrait rejeter l’ensemble de ces crédits.
Il ne s’agit pas du Gouvernement, mais du Parlement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite simplement attirer votre attention sur la cohérence de ce débat.
Car la droite est experte en la matière, n’est-ce pas, monsieur Hérisson !
À mes yeux, chacun d’entre vous doit veiller à la cohérence de ses positions et de ses votes.
Ainsi, il me semble difficile de défendre l’artisanat tout en proposant de réduire les crédits qui lui sont attribués…
Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, ces amendements seront sans conséquences, puisque vous vous apprêtez à rejeter les crédits de la mission tout entière !
Vous confondez les amendements, monsieur le secrétaire d’État : prononcez-vous sur l’INSEE !
Concernant l’INSEE, je répéterai ce que j’ai affirmé devant l’Assemblée nationale.
J’en conviens, monsieur le rapporteur spécial. Toutefois, je veille avant tout à rester cohérent.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur spécial, c’est la raison pour laquelle je souligne la nécessaire lisibilité des votes au sein de cet hémicycle !
M. Jean-Louis Carrère manifeste son impatience.
Ainsi, M. Jean-Claude Lenoir s’est expliqué, comme M. André Ferrand d'ailleurs, au sujet d’UBIFRANCE. Répondant aux critiques, il a souligné que cet organisme menait une action exemplaire sur le terrain. Par ailleurs, il a déclaré que le FISAC constituait un outil indispensable, qu’il ne fallait en aucun cas fragiliser. Pour ma part, j’ai invoqué le nécessaire recentrage des crédits.
M. Michel Teston s’exclame.
Monsieur Teston, vous-même avez souligné avec beaucoup de talent et d’efficacité que le FISAC était indispensable afin de soutenir nos compatriotes artisans. Or le présent amendement tend à priver ces derniers de nombreux crédits.
J’ignore les votes des uns et des autres, mais j’imagine que vous avez voté en faveur de cet amendement que vous avez présenté, monsieur Teston.
Telle est la simple mise au point à laquelle je souhaitais procéder.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas de leçons de cohérence à recevoir, et vous savez d’ailleurs que, par définition, nous sommes tous cohérents dans cet hémicycle.
Cet amendement tend certes à restituer à l’INSEE une somme qui lui a été retirée à tort, au profit du FISAC. L’amendement n° II-18, adopté précédemment, ne vise pas moins à augmenter de 9 millions d’euros les crédits dudit fonds.
Mes chers collègues, il semble logique que l’INSEE puisse disposer des moyens suffisants pour accomplir ses missions ; c’est la raison pour laquelle le groupe socialiste-EELV est favorable à l’adoption de l’amendement n° II-171.
Je formulerai trois remarques.
Premièrement, nous sommes prisonniers du carcan de la LOLF, que notre groupe dénonce depuis longtemps et qui, à vous entendre, chers collègues de l’opposition, nous empêcherait de présenter le moindre amendement sur le projet de loi de finances ! Pour augmenter les crédits d’un programme, il faut réduire d’autant ceux d’un autre... Cet exercice ridicule rend tout choix politique impossible.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, si nous ne servons à rien, dites-le clairement et nous nous en irons ! Dans le cas contraire, souffrez que les sénateurs s’opposant au Gouvernement puissent s’exprimer par le biais des amendements qu’ils présentent !
Deuxièmement, lors de l’examen de la première partie du budget, nos collègues de la majorité sénatoriale ont formulé des propositions et ont dégagé des crédits supplémentaires. Monsieur le secrétaire d’État, acceptez-les et ce problème sera résolu !
Troisièmement, aux adeptes de la concurrence libre et non faussée, dont on nous chante la louange sur tous les tons, je réponds que, sans les instruments de mesure mis au point par l’INSEE, dont 60 millions de consommateurs se charge de diffuser les résultats, il ne reste plus rien aux consommateurs !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mesdames, messieurs les sénateurs, devant la commission de l’économie, j’ai déjà répondu en détail à chacune des questions posées et chacun s’en était félicité.
Madame Didier, je conçois tout à fait que votre remarque concernant la LOLF s’adresse non à moi mais aux sénateurs de la majorité présidentielle.
Par ailleurs, je comprends parfaitement que chacun dépose des amendements et que vous en présentiez au sujet de l’INSEE ou de 60 millions de consommateurs.
Comme je l’ai souligné devant la commission, je suis le plus acharné défenseur du pluralisme dans l’expression des consommateurs. Je défends donc l’indépendance de cet organe, madame Didier : vous connaissez parfaitement les décisions que j’ai été conduit à adopter, qui n’obèrent en rien l’avenir de 60 millions de consommateurs, bien au contraire. Nous souhaitons bien sûr que ce journal conserve son indépendance, mais force est de tenir compte de sa situation commerciale.
De telles décisions sèmeraient la pire des confusions dans l’esprit de nos compatriotes.
En outre, en votant contre les crédits de la mission « Économie », comme vous l’avez d’emblée annoncé, vous allez vous-mêmes faire tomber les amendements.
De toute façon, ils auraient été supprimés en commission mixte paritaire !
Il est important de souligner ces contradictions, que nos compatriotes ne manqueront pas d’apprécier.
L'amendement est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Ces crédits ne sont pas adoptés.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État
Prêts pour le développement économique et social
Prêts à la filière automobile
Prêts et avances au Fonds de prévention des risques naturels majeurs
La commission des finances appelle le Sénat à adopter ces crédits, monsieur le président.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 28 novembre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-219 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
La parole est à M. Yvon Collin, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission qui nous occupe ne regroupe qu’un tiers des crédits que la France consacre à l’aide publique au développement, l’APD, soit 3, 3 milliards d’euros en crédits de paiement. À cet égard, la non-transmission dans les délais, une fois encore, du document de politique transversale retraçant l’ensemble des crédits concourant à l’aide publique au développement n’a pas facilité les travaux des rapporteurs spéciaux et a contrevenu au nécessaire effort de transparence du Gouvernement en ce domaine.
Ce document nous est en effet parvenu sous format électronique le 4 novembre, c’est-à-dire deux jours après l’examen des crédits par la commission des finances. L’an dernier déjà, les rapporteurs spéciaux et pour avis du Sénat avaient protesté contre la communication très tardive de cette annexe au projet de loi de finances ; manifestement en vain !
Avec une APD évaluée à 9, 7 milliards d’euros en 2010, la France est loin d’être sur la voie de respecter les engagements pris lors du sommet du G8 de Gleneagles, en 2005, de consacrer 0, 7 % de son revenu national brut à l’APD en 2015.
Dans cette perspective, un rendez-vous avait été fixé par les pays européens : ils devraient, en 2010, allouer 0, 56 % de leur revenu national brut à l’aide publique au développement. Or, cette année-là, ce ratio n’a atteint que 0, 50 % pour notre pays, et la stabilité des crédits consacrés à l’APD dans la programmation pluriannuelle des finances publiques ne permet guère d’envisager de dépasser ce niveau en 2013. Pourtant, d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou la Belgique, ont accompli un effort significatif pour atteindre, quant à eux, le seuil de 0, 56 % à l’échéance prévue. En 2010, le Royaume-Uni a ainsi remplacé la France à la deuxième place du classement des plus forts contributeurs au titre de l’APD.
S’agissant de la mission « Aide publique au développement », le montant des crédits de paiement est stable pour 2012, à 3, 33 milliards d’euros. Ces crédits retracent les actions de trois ministères : le ministère de l’économie, pour le programme « Aide économique et financière au développement », le ministère des affaires étrangères et européennes, pour le programme « Solidarité à l’égard des pays en développement », enfin le ministère de l’intérieur, pour les actions du programme « Migrations et développement solidaire », dont les crédits, modestes et en net recul, soulèvent la question de l’existence d’une vraie politique française de développement solidaire, considérant mieux l’apport des étrangers originaires des pays en développement à la formation de notre richesse nationale.
S’agissant des crédits de personnel de la mission, la correction technique du plafond d’emplois pour 2012 porte sur 3 % des effectifs. Le ministère des affaires étrangères et européennes connaît-il donc précisément le nombre de ses agents travaillant dans le domaine de la coopération ? M. le ministre nous répondra certainement sur ce point.
La logique de maîtrise comptable des dépenses a parfois des effets particulièrement défavorables au rayonnement international de notre pays, surtout eu égard au montant des sommes en jeu, dont le poids dans la réduction du déficit public est somme toute marginal. Je pense notamment aux crédits consacrés à la francophonie, qui ont régressé de 64 millions à 61 millions d’euros entre 2007 et 2012, et plus encore à la diminution drastique des contributions volontaires de notre pays aux agences des Nations unies : leur montant, qui était de 86 millions d’euros en 2007, a connu un point bas à 49 millions d’euros en 2011, avant de s’établir à 51, 4 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances.
Par ailleurs, une grande partie de notre APD transite par un quasi-opérateur de l’État, l’Agence française de développement, l’AFD. J’ai l’honneur de représenter la commission des finances du Sénat au sein de son conseil d’administration. À cet égard, comme les autres membres de celui-ci, j’ai reçu, le 7 juillet dernier, une lettre ouverte des syndicats traduisant un malaise tangible des personnels. L’AFD est engagée dans une importante opération de maîtrise de ses dépenses, ayant conduit en 2010 à une forte réduction des frais généraux. Si cet effort doit être salué, les mesures mises en œuvre ne peuvent l’être qu’en étroite concertation avec le personnel et ses organisations représentatives.
Toujours en ce qui concerne l’AFD, je souhaiterais connaître le lien existant entre le résultat financier annuel et les dividendes versés à l’État par l’AFD, estimés à 220 millions d’euros en 2010.
De même, je m’interroge, monsieur le ministre, sur la suppression, l’an dernier, d’une niche fiscale, sur l’initiative de la commission des finances du Sénat : je veux parler du dispositif attaché au compte épargne co-développement, qui, selon le Gouvernement, ne concernait que 31 souscripteurs. Or le projet de loi de finances pour 2012 fait état de 625 ménages bénéficiaires ! Qu’en est-il exactement ? Par ailleurs, où en est l’élaboration de l’instruction fiscale prévue suite à la disparition de ce dispositif ?
Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les opérations liées aux prêts pratiqués par l’État en faveur de l’aide au développement et, depuis mai 2010, celles qui s’inscrivent dans le cadre du soutien financier européen décidé en faveur de la Grèce, à hauteur de 3, 89 milliards d’euros en crédits de paiement.
La première section du compte retrace les versements et les remboursements des prêts consentis à des États émergents en vue de faciliter la réalisation d’infrastructures. Les montants alloués, relativement faibles, traduisent l’insuffisante présence industrielle de la France dans les pays émergents.
La deuxième section porte sur les prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes des pays pauvres très endettés. Je me félicite aujourd’hui de ce que, sur les quarante États éligibles, trente-deux aient franchi le point d’achèvement autorisant le traitement de leur dette.
La troisième section du compte retrace des prêts octroyés à l’AFD afin que celle-ci consente des prêts à des conditions préférentielles aux pays pauvres très endettés.
Enfin, la quatrième section du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » correspond à la deuxième année de mise en œuvre du plan de soutien européen à la Grèce. Pour les nouvelles tranches de prêts dont bénéficie la Grèce, ainsi que pour les appels à la solidarité européenne en faveur de l’Irlande et du Portugal, un autre instrument financier a été utilisé : le nouveau Fonds européen de stabilité financière.
Je voudrais enfin évoquer la mission de contrôle budgétaire que j’ai effectuée en Haïti en juillet dernier. J’ai pu apprécier, à l’occasion de ce déplacement, l’effort remarquable conduit sur place par notre ambassadeur et ses services, mais aussi l’engagement efficace de l’équipe de l’AFD, après le terrible séisme qui a touché ce pays. Néanmoins, si la France a répondu présente, le taux d’engagement des crédits n’est à l’évidence pas satisfaisant, puisqu’il n’atteignait que 20 % à la mi-juin 2011. L’action de la France retirerait un grand bénéfice d’une coordination accrue, et sans doute encore plus étroite, entre le directeur local de l’AFD et notre ambassadeur.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat quant à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes spéciaux « Prêts à des États étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV. – M. Jacques Legendre applaudit également
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer quelques éléments de réflexion, en complément de l’intervention très claire et très étayée de M. Yvon Collin. Je souligne d’emblée que je fais pleinement miennes ses observations sur la nécessité, pour notre pays, d’élever le niveau de son aide publique au développement, afin de respecter les engagements pris lors du sommet du G8 de Gleneagles. Cela étant, je me réjouis que les crédits de cette mission aient été sanctuarisés.
En ce qui concerne le compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », créé par l’article 63 de la loi de finances initiale pour 2011, il vise à financer des actions dans les pays en développement pour la gestion durable de la forêt et la lutte contre la déforestation. Son financement est couvert par la cession de « quotas carbone » sous forme d’unités de quantité attribuées à notre pays, telle que prévue par le protocole de Kyoto.
Or l’absence de ventes de « quotas carbone » n’a pas permis, à ce jour, d’engager les actions prévues dans le cadre de ce compte d’affectation spéciale, en matière d’imagerie satellite pour les pays d’Afrique centrale, de gestion forestière durable en Indonésie et de coopération régionale sur le plateau des Guyanes. Alors que s’ouvre aujourd’hui la conférence de Durban, cette situation nous interpelle quant au fonctionnement des mécanismes du protocole de Kyoto.
S’agissant des financements innovants, le succès de la contribution de solidarité sur les billets d’avion, dont d’aucuns s’étaient moqués quand elle avait été annoncée, plaide aujourd’hui pour la création d’une taxe sur les transactions financières.
Je rappelle que, depuis son entrée en vigueur, la contribution de solidarité sur les billets d’avion, gérée par l’AFD, a rapporté 707 millions d’euros. Elle finance UNITAID, dont on connaît le rôle en matière de promotion de l’accès aux vaccins et aux médicaments dans les pays en développement.
En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, je voudrais souligner combien le Président de la République s’est placé à l’avant-garde sur ce thème, en l’inscrivant à l’ordre du jour de la présidence française du G20.
Le 28 janvier 2011, le Président de la République a mandaté M. Bill Gates pour réaliser un rapport qui a été remis voilà quelques jours, lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays du G20 qui s’est tenu à Cannes.
Le 14 juin 2011, sur l’initiative de plusieurs de nos collègues, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de résolution relative à l’introduction d’une taxe sur les transactions financières.
Fin septembre 2011, la Commission européenne a adopté une proposition en vue de la création d’une telle taxe, en évaluant son rendement à 55 milliards d’euros.
Je voudrais plaider en faveur de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Que le secteur financier, dont les dérives secouent le monde et ont provoqué la crise, soit ainsi sollicité répond d’abord à une nécessité sur le plan moral. En outre, créer cette taxe devient désormais nécessaire pour les marchés financiers eux-mêmes : les obliger à déclarer le volume et la nature des flux financiers permettra la mise en place de régulations internationales d’ordre public.
Enfin, cette taxe est indispensable au financement de l’aide au développement et de la lutte contre le changement climatique, dont les pays du Sud subissent les conséquences alors qu’ils n’y ont que très marginalement contribué.
Un consensus se dégage dans notre assemblée sur la création d’une telle taxe à un taux faible et avec une assiette large. Je me félicite du dépôt de nombreux amendements à cette fin, notamment ceux de la commission des affaires étrangères, de M. Yvon Collin et des membres de son groupe, du groupe socialiste-EELV. Il est politiquement important que nous portions tous ensemble ce projet.
En ce qui concerne la coopération décentralisée, le ministère des affaires étrangères et européennes intervient pour des cofinancements, à hauteur de 9, 8 millions d’euros. Je voudrais plaider pour cette forme moderne de coopération technique qui mobilise les compétences dans les collectivités territoriales. Il serait souhaitable qu’une synergie accrue puisse s’établir avec l’action de l’État. On estime aujourd’hui l’investissement des collectivités territoriales à environ 60 millions d’euros, mais les dépenses de personnel sont largement sous-évaluées.
En particulier, la loi relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l’eau, dite « loi Oudin », permet aux communes de financer l’aide au développement, dans la limite de 1 % de leurs budgets alloués aux services publics de l’eau et de l’assainissement.
J’aborderai enfin la question de l’accompagnement des changements politiques intervenus dans le Maghreb arabe. Ces mutations exigent une réponse politique qui soit à la hauteur des enjeux. Le Président de la République a évoqué ce sujet majeur lors du sommet du G8 de mai 2011. Un plan de soutien à l’Égypte et à la Tunisie a été annoncé à cette occasion. La France y contribuera à hauteur de 1 milliard d’euros sur trois ans. Les États membres du G8 ont également appelé à l’extension du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, à la rive sud de la Méditerranée, en décidant la création d’un fonds dédié au sein de cette banque.
Notre pays a évidemment, pour des raisons historiques et culturelles, un rôle essentiel à jouer dans les révolutions arabes.
Cependant, les opérateurs de l’État ne disposent pas toujours de ressources à la hauteur des attentes placées en notre pays.
Je pense en particulier à l’opérateur de la coopération audiovisuelle du ministère des affaires étrangères et européennes, Canal France International, dont la dotation continue de s’éroder alors qu’il a été en première ligne lors du printemps arabe.
Pour conclure, mes chers collègues, je dirai que le maintien de l’aide publique au développement française dans un contexte de sobriété budgétaire doit être salué, sans que nous puissions toutefois nous satisfaire de la reconduction de l’existant.
Si la commission des finances a décidé, comme l’a indiqué M. Yvon Collin, de s’en remettre à la sagesse du Sénat, je voterai pour ma part les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’ont dit les orateurs précédents, ce projet de budget prévoit une stabilisation de l’effort de la France en faveur du développement. C’est bien, cependant cet effort risque de ne pas permettre à notre pays de tenir un des engagements majeurs pris par la communauté internationale voilà cinq ans, celui d’atteindre, en 2015, un taux d’effort de 0, 7 % du revenu national brut. Passer de 10 milliards d’euros en 2013 à 17 milliards d’euros en 2015 semble, en effet, hors de portée.
Que dire, dès lors, de l’attitude de l’administration des finances, qui a jugé qu’il valait mieux ne publier le document de politique transversale qu’après le sommet du G20 ? Ce n’est pas correct ! L’information du Parlement ne doit pas dépendre de l’appréciation de l’administration sur le caractère satisfaisant ou non des prévisions. D’ailleurs, en ces temps difficiles, nous ne recevrions plus beaucoup de documents budgétaires s’il ne fallait publier que ceux qui annoncent de bonnes nouvelles…
Comme l’a souligné l’évaluation à mi-parcours de la France par le Comité d’aide au développement de l’OCDE, le CAD, nous aurions dû établir, dès 2007, une feuille de route budgétaire permettant de définir une stratégie crédible pour atteindre cet objectif. C’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne, qui ne manque d’ailleurs pas de le faire savoir, ainsi que d’autres pays, comme le souligne le rapport de M. Bill Gates aux États membres du G20.
Cet engagement n’est pas le seul qui a été pris par la France ces dernières années, toutes majorités confondues. Nous retraçons, dans notre rapport écrit, l’ensemble de ces engagements, dont le bilan est inégal, pourrait-on dire sous forme de litote !
Si l’on tient compte des engagements de financements additionnels pris ces deux dernières années, notamment par le Président de la République, à Copenhague, à Muskoka, à New York ou à Londres, on atteint 680 millions d’euros annuels additionnels… et tout cela sans recettes supplémentaires ! Comment diable va-t-on financer tout cela ?
Nous déclarons à l’OCDE 10 milliards d’euros d’aide au développement. Plus de 20 % de cette somme correspond à des dépenses qui n’ont qu’un rapport très indirect avec l’aide au développement ; en particulier, de 10 % à 30 %, selon les années, du montant de l’aide au développement consiste en annulations de dettes. Par ailleurs, il faut souligner la part croissante des prêts. Notre aide au développement comporte deux fois plus de prêts que celle des autres bailleurs de fonds en moyenne. Notre coopération prête de plus en plus et donne de moins en moins, et c’est moins la croissance de ces prêts qui nous préoccupe que la diminution des dons.
Les dons programmables pour les quatorze pays prioritaires au titre de notre aide publique au développement ont baissé de 30 % entre 2006 et 2009. Cette diminution est en contradiction avec nos objectifs de concentration sur l’Afrique subsaharienne et sur les quatorze pays prioritaires de la coopération française, dont la capacité d’endettement est faible.
On se trouve ainsi devant une situation très paradoxale : les quatorze pays dits prioritaires ne représentent que 8 % de l’activité de l’Agence française de développement. Autrement dit, l’opérateur pivot de la coopération française exerce 92 % de son activité ailleurs que dans les pays qui ont été considérés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, comme la cible prioritaire de notre coopération.
Vous nous l’avez dit, monsieur le ministre, l’objectif de l’État est de concentrer 60 % de l’effort budgétaire sur l’Afrique subsaharienne et d’accorder 50 % des subventions aux quatorze pays prioritaires, mais l’enveloppe des subventions bilatérales est tellement faible que ces derniers n’ont que 150 millions d’euros à se partager, soit environ 10 millions d’euros par pays, ce qui est trop peu pour être significatif. Sur les 10 milliards d’euros d’APD déclarés, ces pays dits prioritaires représentent en fait un centième de notre aide.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous souhaiterions que notre action dans ces pays constitue un des volets de l’évaluation biennale dont vous nous avez proposé de définir ensemble le contenu.
Ces critiques ne sont pas minces. Elles doivent conduire le Parlement à être très vigilant pour l’année budgétaire à venir et à veiller à la mise en œuvre des évolutions positives que nous appelons de nos vœux.
En attendant, certains signes permettent de penser que nous sommes sur une bonne – ou une meilleure – voie. En particulier, nous nous félicitons de la sanctuarisation des crédits de la mission, dans un contexte financier extrêmement difficile. C’est le point positif essentiel de ce projet de budget.
Par ailleurs, la part de l’aide bilatérale devrait passer de 56 % en 2009 à 64 % en 2012. Il faut s’en féliciter, car cela permettra de dégager des crédits de subventions pour financer notre action bilatérale dans ces zones.
Enfin, les événements qui se déroulent dans nombre de pays que nous aidons, en particulier parmi ceux de la rive sud de la Méditerranée, et l’attente que suscite notre aide, même si elle est trop faible, nous incitent à ne pas envoyer un signal négatif qui pourrait être mal interprété.
Telles sont les trois raisons qui ont conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces arméesà émettre unavis favorable à l’adoption des crédits de la mission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC. – M. Jacques Legendre applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, au nom de la commission des affaires étrangères, j’aurais voulu pouvoir, à la suite de M. Peyronnet, résumer les 250 pages de notre rapport commun…
Monsieur le ministre, nous avons examiné les crédits de cette mission en cherchant, à budget constant, à redéployer de 300 millions à 500 millions d’euros vers des crédits de subventions à destination des quatorze pays prioritaires désignés dans le document-cadre de coopération au développement. Force est de constater, malheureusement, que les marges de manœuvre sont particulièrement étroites.
Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une diminution des contributions multilatérales et une augmentation des subventions au titre de l’aide bilatérale. Nous nous en félicitons, car nous l’avions demandé il y a un certain nombre d’années déjà.
Nous aurions pu, certes, amplifier le mouvement, mais il faut avoir à l’esprit que le montant de nos contributions détermine notre place dans les conseils d’administration des institutions multilatérales. Les efforts consentis pour limiter nos contributions multilatérales se sont déjà traduits, ces dernières années, par un recul de la position de la France à la Banque mondiale, à la Banque africaine de développement et dans de nombreuses organisations dépendant de l’Organisation des Nations unies. Si nous voulons conserver notre influence sur la programmation de ces institutions, si nous voulons maintenir notre statut à l’ONU, il faut veiller à ne pas trop rogner sur ces contributions. Notre latitude en la matière est d’autant plus limitée, à court terme, que la France a déjà participé à de nombreuses reconstitutions de fonds, qui nous engagent jusqu’en 2013, voire au-delà.
Si l’on se penche sur l’aide bilatérale, qui représente environ 1 milliard d’euros pour les deux programmes, les marges de manœuvre ne sont pas beaucoup plus importantes. Nous pourrions réduire le nombre des pays dans lesquels nous intervenons, mais il faut bien distinguer l’ensemble des zones géographiques dans lesquelles l’AFD intervient en tant que banque et les pays où l’AFD dépense de l’argent public.
Il est vrai qu’il est parfois étrange de voir l’Agence française de développement s’investir en Chine, en Inde et bientôt en Asie centrale. Mais il faut comprendre aussi que, dans ces zones géographiques, l’Agence française de développement exerce une activité de « banque d’influence », fait de la coopération d’intérêt mutuel plus que du développement. Nous croyons même comprendre qu’elle y gagne de l’argent : nous avons beaucoup de mal à savoir combien, mais c’est un point important. De fait, l’effort budgétaire bilatéral est relativement concentré sur l’Afrique subsaharienne et sur les quatorze pays prioritaires.
Dans les grandes masses, il est difficile de trouver des marges de manœuvre. Il faudrait en vérité entrer dans l’examen détaillé de chaque volet de notre coopération pour mieux distinguer ce qui marche de ce qui marche moins bien.
C’est là que l’évaluation doit jouer un rôle central. Il nous faut un budget de la coopération suffisamment souple pour pouvoir être redéployé dans le temps en fonction des priorités, sur la base d’éléments d’évaluation. On nous dit que c’est complexe ; certes, mais l’aide au développement n’a pas le monopole de la complexité.
Nous sommes comptables devant les citoyens et les contribuables des sommes que nous discutons ici. Des outils, des organismes, des évaluations existent. La difficulté est tout autant d’évaluer que de tirer des leçons de l’évaluation et d’adapter nos instruments en fonction des résultats.
Vous nous avez proposé, monsieur le ministre, de nous associer à un exercice d’évaluation de l’ensemble de la politique de coopération. Nous y sommes plus que favorables, et souhaitons même que les choses avancent à un rythme plus soutenu.
La France consacre, proportionnellement, deux fois moins de crédits à l’évaluation que la moyenne des autres bailleurs de fonds bilatéraux. Il faut progresser dans ce domaine, pour produire des évaluations de résultats. On ne peut se contenter d’évaluer le bon déroulement des procédures ou le respect d’objectifs de moyens. On ne peut pas manier des milliards sans mesurer les effets de cet argent public dans les pays que nous aidons.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous souhaiterions que vous vous engagiez à mettre en œuvre, en 2012, des évaluations dans les trois domaines suivants.
Concernant les quatorze pays prioritaires, quels sont les moyens mis en œuvre, et pour quels résultats ?
Quelle est la place de la France par rapport aux autres bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ? Quel est notre degré de coordination avec eux ?
Par ailleurs, concernant les pays émergents, quels sont nos objectifs ? Quel est le bilan non seulement politique, mais aussi financier, de notre action ?
Enfin, quelle est la cohérence des politiques nationales et des politiques européennes avec les objectifs de notre coopération ? Il faut restituer l’aide publique au développement dans le cadre plus global des politiques et des initiatives ayant une incidence sur le développement.
Voilà trois thèmes que la commission des affaires étrangères souhaite voir traités dans les évaluations décennales et biennales.
Il y aurait évidemment bien d’autres sujets à aborder, notamment la question de la transparence, avec l’adhésion souhaitable de la France à l’initiative internationale pour la transparence de l’aide ou à l’initiative pour la transparence des industries extractives, les questions climatiques, la conférence de Durban débutant aujourd’hui, ou encore la lutte contre la fragmentation de l’aide aux échelons international et communautaire, mais le temps de parole qui m’a été imparti ne me permet pas de le faire…
En conclusion, je vous propose, mes chers collègues, à l’instar de M. Peyronnet, d’adopter ce projet de budget, dans la mesure où il prend en compte les orientations que nous avions formulées quant à la sanctuarisation des crédits et au redressement de l’aide bilatérale. §
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, mes chers collègues, la présence conjointe parmi nous du ministre chargé de la coopération et du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur signifierait-elle enfin la reconnaissance d’une corrélation entre le développement et les entreprises ?
L’aide publique au développement s’est engagée, à bien des égards, dans un processus de mutations qui concerne tant les intervenants institutionnels que la structure de nos interventions.
À l’issue de ce processus de mue, l’enveloppe traditionnelle, faite de dons et de subventions, fait place à une peau plus neuve et plus souple, où les activités de prêt ont une part importante. Néanmoins, je ne suis pas sûr que cette nouvelle peau soit déjà confortable…
Comment cette évolution est-elle ressentie au sein de l’Agence française de développement ?
Se comportant à la fois en organisme donateur et en banque de développement, l’AFD subit les convulsions mondiales, qui lui imposent de respecter l’exigence de solidarité internationale et de gérer les biens publics mondiaux.
Dans ces conditions, l’aide publique au développement française perd une grande part de sa spécificité. Son découplage de la stratégie économique nationale à l’égard des grands pays émergents et du monde en développement perd également de sa légitimité, car ni les ministères techniques ni les forces vives de notre pays ne participent aux organes de direction de l’agence.
Je suis heureux, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, de pouvoir vous poser directement la question suivante : allons-nous prendre acte de ces évolutions majeures et engager une réflexion sur la gouvernance de l’AFD, afin de l’intégrer comme opérateur de la politique économique nationale ?
Par ailleurs, le poids économique des pays émergents et la forte croissance enregistrée par certains pays africains donnent une importante dimension commerciale à la problématique de l’AFD, outre la contribution de celle-ci aux objectifs du Millénaire, orientant ses financements vers des infrastructures marchandes comme celles de l’eau, de l’assainissement, de l’énergie.
Je prendrai l’exemple de l’énergie, domaine dans lequel l’AFD intervient au titre notamment de la lutte contre le changement climatique.
L’AFD alloue des prêts, mais d’autres acteurs comme l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, la DGT, la direction générale du Trésor, parfois desinfrastructures, qui seront, à terme, payées par les usagers. Où est la frontière entre commerce extérieur et aide au développement ?
Je prendrai un autre exemple : les problématiques énergétiques sont-elles à ce point différentes en Chine, au Kazakhstan et en Russie pour qu’elles relèvent toutes les trois de situations différentes au regard de l’AFD, et donc d’intervenants et de logiques d’intervention différents ? Seule la Chine voit coopérer la DGT, l’ADEME et l’AFD ; en Russie sont présentes l’ADEME et la DGT, mais non l’AFD ; au Kazakhstan, l’AFD et la DGT sont appelées à coopérer depuis le mois de juin dernier, l’ADEME étant hors jeu : tout cela est-il bien cohérent ?
La réflexion engagée par l’Allemagne a conduit à une intégration plus poussée de son dispositif institutionnel, lui-même traditionnellement plus interministériel que le nôtre. Il est temps, pour la France, d’engager les réformes nécessaires.
Soyons lucides et concrets : l’AFD travaille trop peu en lien avec les entreprises. Or une telle collaboration est absolument indispensable, au regard du pragmatisme et de l’efficacité économique, pour contribuer à combler l’abyssal déficit de notre balance commerciale.
Parmi les quatre priorités retenues par le Gouvernement, je voudrais mettre en exergue l’action en direction des pays émergents.
Les incompréhensibles prêts à la Chine, l’évaluation des marges bancaires en Inde, l’ouverture de l’expérimentation à des pays trop riches pour être éligibles aux prêts de l’AFD sont à l’origine de bien des interrogations. Pourtant, cette priorité donnée aux pays émergents à enjeux planétaires, dont la croissance constitue un élément significatif de la préservation des biens publics mondiaux, est pertinente. Je partage votre analyse, monsieur le secrétaire d’État : c’est en effet un moyen pour réduire des inégalités et insérer ces pays dans le commerce mondial.
De plus, les prêts aux États n’entraînent aucun coût budgétaire pour la France et permettent un fort effet de levier. Je me réjouis de l’expérimentation de l’intervention de l’AFD dans certains pays de l’Asie centrale, région stratégique économiquement et politiquement en raison de ses richesses et de sa proximité avec l’Afghanistan.
La coopération décentralisée peut être un outil fondamental de l’aide publique au développement si elle prend la forme d’une coopération technique. C’est à ce niveau que les projets très importants pour les populations doivent se mettre en place. Il suffit de considérer, par exemple, les actions en matière de santé en Géorgie que vous avez mises en œuvre, monsieur le ministre. Vous l’avez-vous-même relevé à juste titre, la coopération décentralisée est une part essentielle de l’action extérieure de la France.
Enfin, les financements sont devenus plus difficiles, comme dans toutes les missions. La France maintient difficilement l’objectif européen de 0, 7 % du revenu national brut consacré à l’APD à l’horizon de 2015. Cette année, notre effort sera de 0, 46 % du RNB.
Comme je l’ai souligné à propos d’autres missions, il est vital d’être novateur et audacieux. Je suis convaincu de la pertinence des financements innovants, que l’on s’accorde à considérer comme une dimension déterminante de l’effort international consacré au développement. À cet égard, je citerai la taxe sur les billets d’avion mise en place par certains pays, les dividendes tirés des ventes de quotas de CO2, hélas ! non encore totalement opérationnels en raison des difficultés financières des États, la taxe sur les transactions financières qui fait son chemin et qui a un été un peu plus qu’évoquée lors du G20 « développement ».
Enfin, au-delà de ces financements innovants, je suis persuadé que les fondations philanthropiques, donc privées, vont jouer un rôle de plus en plus important.
Ainsi, la fondation Clinton œuvre en faveur de la santé et des vaccins et la fondation Gates, qui concentre son action sur les innovations en matière de santé, s’ouvre à l’agriculture et à l’alimentation. En effet, nourrir les quelque 7 milliards de Terriens est le défi majeur que nous avons à relever. Le G20 « agriculture » a abordé les questions de la production agricole mondiale, de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la volatilité des prix agricoles.
La fondation de l’Aga Khan, exemple emblématique de ces fondations privées, est très présente en Asie centrale. Malgré les difficultés rencontrées dans la stratégie et la gestion de l’aide au développement, l’Aga Khan a pu constater, dans des pays qui se considéraient comme abandonnés par la communauté internationale, la réalisation effective de ses projets dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la santé, du développement rural et économique, mais aussi de l’énergie. Comme il a pu l’affirmer, « le développement, ça marche » ! Oui, mais à condition de rendre plus lisible, plus cohérente et plus forte notre aide publique au développement.
En conclusion, je citerai ces propos tenus à Davos par le Premier ministre canadien, M. Stephen Harper : « J’ai pu voir le leadership mondial à son meilleur. L’aperçu d’un avenir plein d’espoir, où nous agissons ensemble pour le bien de tous. […] C’est la “souveraineté éclairée”. »
Le groupe de l’UCR votera ce projet de budget.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d’emblée souligner la qualité du rapport de M. Yvon Collin et de Mme Fabienne Keller et, plus particulièrement encore, celle du rapport de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon. Je serai plus sévère en évoquant les choix proposés par le Gouvernement…
En ce qui concerne le budget de l’aide publique au développement, les années se suivent et, malheureusement, se ressemblent. Derrière les grands discours et les promesses empreints de générosité, on découvre une triste réalité : l’action de la France n’est pas à la hauteur des enjeux, et surtout de ses engagements.
Alors que la crise enfonce encore un peu plus les pays les plus pauvres dans le chaos, il faut bien admettre que la France considère souvent, à bien des égards, l’aide publique au développement comme une variable d’ajustement de son propre budget.
Au plan mondial, même si notre pays a été, en 2010, le troisième bailleur de fonds, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni, les professionnels du secteur s’inquiètent de la diminution, depuis dix ans, de la part de la France.
En 2010, l’aide publique française au développement a difficilement atteint 0, 5 % du revenu national brut, retrouvant ainsi tout juste le niveau des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. En 2011, notre aide ne représentera que 0, 46 % du RNB et, pour 2012, vous envisagez « audacieusement », monsieur le ministre, de la porter à 0, 5 % du RNB.
Ces chiffres illustrent parfaitement les choix du gouvernement actuel : ils sont sans ambition et emportent des conséquences douloureuses pour les pays concernés.
À de nombreuses reprises, et de façon solennelle, la France s’est pourtant engagée à porter son APD à 0, 7 % du revenu national brut en 2015. En raison d’une absence de volonté politique et faute d’une programmation budgétaire adaptée, notre pays, sauf à prendre des orientations sensiblement différentes dans les années qui viennent, n’atteindra pas cet objectif en 2015.
L’excellent rapport de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est d’ailleurs très clair sur ce point. Pour tenir l’engagement pris, il faudrait porter l’APD française à plus de 17 milliards d’euros en 2015, ce qui suppose une augmentation annuelle de l’APD de 17 % de 2012 à 2015 : disons-le, les politiques de rigueur imposées par le Gouvernement rendent cet objectif inatteignable.
Pour avoir une chance de remplir ces engagements, à l’instar du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou de la Suède, il aurait surtout fallu, dès 2007, établir un plan budgétaire progressif, en clair une feuille de route !
En privilégiant la visibilité médiatique plutôt que la cohérence, la politique française de l’aide au développement a parfois perdu de sa crédibilité. On constate un manque de cohérence du fait des promesses successives non tenues, mais également un manque de cohérence et de clarté en raison de la dispersion de l’aide française.
D’une part, cette année encore, c’est un véritable projet de budget « fourre-tout » qui nous est soumis, comportant des crédits certes importants et nécessaires, comme ceux qui sont destinés à l’accueil d’étudiants étrangers ou à l’hébergement des demandeurs d’asile, mais qui n’ont sans doute pas leur place dans le budget de l’aide au développement.
D’autre part, la moitié de notre aide transitant par des organismes multilatéraux et européens, la France perd de sa visibilité et compromet son influence. En effet, pour peser dans les nouveaux rapports de force mondiaux, notre pays doit illustrer sa crédibilité par ses engagements financiers. De plus, en abandonnant petit à petit l’aide bilatérale, nous délaissons un élément essentiel de notre rayonnement international.
Je veux également insister sur la mystification que représente une large part de nos crédits.
En effet, la légère hausse de notre APD pour 2012 s’explique par de nouvelles annulations de dettes, lesquelles ont très peu d’incidence sur le développement. Certes, cela constitue une perte de créances pour l’État français, mais, dans la plupart des cas, ces dettes étaient considérées comme irrécouvrables. Par conséquent, je regrette que l’on présente sans nuance ces annulations de dettes comme une aide au développement.
Le Gouvernement a également choisi de poursuivre sa politique, à mon sens dangereuse, de prêts accordés par l’Agence française de développement. En confiant la mise en œuvre de son action en matière de coopération à une agence qui se comporte d’abord comme un établissement bancaire, la France ne démontre-t-elle pas son manque d’ambition, d’autant que certains prêts sont proposés à des conditions de taux et de durée proches de celles du marché ? On peut ainsi légitimement s’interroger sur le caractère d’« aide » de ces prêts et sur le risque qu’ils représentent au regard de la crise du surendettement des pays bénéficiaires de l’aide au développement.
Alors que l’Agence française de développement a élargi ses zones d’intervention de 30 % depuis 2005, je regrette qu’à aucun moment le Parlement n’ait été associé à ces choix stratégiques. Plus généralement, je m’interroge à mon tour sur les moyens que nous nous donnons en matière d’évaluation et de contrôle de l’utilisation et de l’efficacité de l’aide. Ne pourrions-nous pas prendre en compte la méthode pratiquée par d’autres pays – je pense, par exemple, au Royaume-Uni – et adapter nos critères, voire corriger nos éventuelles défaillances, afin de répondre efficacement aux immenses besoins ?
En ces temps d’austérité budgétaire, la France doit montrer l’exemple et encourager la mise en œuvre de financements innovants, plus indépendants des budgets nationaux. La taxe sur les transactions financières est, de ce point de vue, une solution qu’avec d’autres nous préconisons, ici et ailleurs, depuis des années. Les revenus de cette taxe permettraient aussi de compenser en partie les effets d’une mondialisation aujourd’hui dominée par les marchés.
Monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale, vous vous êtes réjoui que le communiqué consécutif au sommet du G20 de Cannes fasse, pour la première fois, référence à une taxe sur les transactions financières.
Il est plus que temps de passer des déclarations aux actes ; cette taxe ne doit surtout pas devenir un serpent de mer que l’on met à toutes les sauces !
Je conclurai mon propos en évoquant l’Afrique.
Si la coopération française fait toujours de l’Afrique subsaharienne une zone prioritaire, il n’en demeure pas moins que, dans les faits, les objectifs ont été difficiles à atteindre ces dernières années, en raison de la diminution des crédits de subventions de l’aide bilatérale.
La vérité, c’est que la France – j’entends par là son gouvernement – ne se donne pas les moyens de financer une politique de coopération à la hauteur de ses ambitions. À un moment où l’Afrique noue des partenariats de plus en plus importants avec les pays émergents, il n’est pas compréhensible que la France et l’Europe soient en retrait.
Au final, je constate que ce projet de budget de l’aide publique au développement pour 2012 cache, derrière une sanctuarisation qui ne doit pas faire illusion, un nouveau recul. Ces crédits ne nous permettront pas de respecter nos engagements du Millénaire ni de répondre à des besoins décuplés par une crise financière, climatique et alimentaire gravissime.
Voilà autant de raisons, pour mon groupe, de ne pas voter les crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste -EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette période de crise économique et financière, la tentation pouvait être forte d’utiliser l’aide publique au développement comme variable d’ajustement. Aussi est-ce une vraie satisfaction que de constater la préservation de ces crédits dans le projet de loi de finances pour 2012 et le respect des engagements du cycle triennal budgétaire.
Je tiens à saluer la détermination du président Nicolas Sarkozy, qui, notamment lors du sommet du G20 de Cannes, a souligné que la crise ne devait pas être une excuse pour diminuer notre aide publique au développement mais que, au contraire, elle rendait la coopération avec les pays en développement plus nécessaire et urgente que jamais, tant dans leur intérêt que dans le nôtre. Monsieur le ministre, je tiens également à vous remercier de votre grande vigilance sur ce sujet.
Ainsi, l’aide publique au développement est en hausse depuis 2007 et la France est le troisième pourvoyeur mondial d’aide au développement, même si on ne peut que regretter que l’objectif d’y consacrer 0, 7 % du revenu national brut, déjà dépassé par certains pays du nord de l’Europe, soit encore loin d’être atteint.
Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur deux dimensions qui me semblent avoir été quelque peu laissées de côté dans le présent projet de loi de finances, alors même qu’elles sont au cœur de la stratégie française pour la coopération au développement, telle que définie dans le document-cadre d’avril 2011 : il s’agit, d’une part, de la prise en compte des questions de genre, et, d’autre part, des engagements français au titre de l’initiative pour un socle universel de protection sociale.
« Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes » est le troisième des huit objectifs du Millénaire pour le développement adoptés sous l’égide de l’ONU. La création d’ONU Femmes atteste aussi de l’importance croissante accordée à cette question.
Le document-cadre sur la stratégie française de coopération qualifie quant à lui la promotion du statut de la femme de « haute priorité », soulignant que « celui-ci se révèle un puissant moteur de développement ».
Mais cette priorité doit encore trouver réellement sa traduction en termes de choix opérationnels et budgétaires. À cet égard, je constate que la dimension du genre est cruellement absente de la planification budgétaire pour 2012. Hormis le soutien à l’initiative Muskoka, la prise en compte de cette thématique n’est spécifiée dans aucun des axes prioritaires de coopération présentés dans les documents budgétaires, alors même que les enjeux en matière de lutte contre la pauvreté, de gouvernance ou de codéveloppement appelleraient à des actions spécifiques en faveur du renforcement de la participation des femmes. Cette omission surprend, à l’heure où le rôle des femmes dans les printemps arabes est unanimement salué, y compris par le jury du prix Nobel.
Je me réjouis, bien sûr, que, sur le plan multilatéral, dans le cadre de l’initiative de Muskoka sur la santé maternelle et infantile, la France ait joué un rôle important pour que des financements internationaux soient consacrés à l’amélioration de la santé des jeunes filles et des jeunes mères. Je salue également la dotation de 25 millions d’euros en faveur de cette cause au titre de notre coopération bilatérale.
Toutefois, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité de prendre en compte la dimension du genre au-delà de la seule question de la santé des mères et des jeunes filles.
Déjà, en 2007, le document d’orientation stratégique sur le genre réalisé sous l’égide du Quai d’Orsay soulignait la difficulté de la France à prendre en considération, dans son aide au développement, la question du genre en dehors des secteurs de l’éducation, de la santé et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Quatre ans plus tard, où en sommes-nous ?
Nous ne pouvons plus considérer les femmes comme un groupe « vulnérable » qu’il conviendrait de protéger. Il est essentiel de voir aussi en elles des actrices stratégiques pour le développement et, en conséquence, de leur donner les moyens d’apporter leur contribution non seulement dans les sphères de la famille et du social, mais aussi dans les choix économiques, politiques et environnementaux.
Pour éviter un saupoudrage lié à des intentions louables, mais parfois purement incantatoires, il est indispensable d’adopter une budgétisation tenant compte du genre. Celle-ci permettrait de contrôler la façon dont les budgets de la coopération française répondent aux besoins prioritaires des femmes et des filles, non seulement en matière de santé publique et de réduction de la pauvreté, mais aussi en termes d’égalité des droits et d’accès des femmes aux responsabilités économiques et politiques.
Les instruments pour ce faire existent. Le Fonds de développement des Nations unies pour la femme, l’UNIFEM, a élaboré un manuel en ce sens et un gros travail a déjà été réalisé en lien avec le Comité d’aide au développement de l’OCDE. Mais il reste à appliquer systématiquement le mainstreaming et ces « marqueurs de l’égalité des sexes » à tous nos projets de coopération, tant en amont, lors de la planification des interventions, qu’a posteriori, au moment de leur évaluation.
Un tel effort d’amélioration de la lisibilité des financements liés au genre s’inscrirait parfaitement dans l’esprit de la déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement de 2005 et du quatrième forum sur l’efficacité de l’aide, qui commence demain à Busan. Il faudrait aussi l’appliquer à notre aide bilatérale, notamment celle qui est octroyée sous forme de subventions. Ne serait-il ainsi pas possible qu’une part du budget de la division du partenariat avec les organisations non gouvernementales de l’Agence française de développement soit affectée aux actions de lutte contre les discriminations subies par les femmes et les filles ?
Le service du ministère des affaires étrangères et européennes chargé des questions de genre réalise déjà un formidable travail de coordination, mais il est essentiel de dégager un budget spécifique pour ces questions.
La dotation de 3 millions d’euros accordée en 2009 à un fonds de solidarité prioritaire triennal « genre et économie » a constitué un véritable progrès vers une meilleure intégration des questions de genre dans notre aide publique au développement. La participation de douze ONG françaises et de leurs partenaires du Sud, ainsi que la concertation étroite avec les postes diplomatiques, semblent particulièrement exemplaires en termes de pilotage et d’implication de la société civile. Trois ans plus tard, peut-on tirer des leçons de cette expérience ? Une capitalisation de cette expérimentation à plus grande échelle sur le plan des orientations stratégiques en faveur de l’égalité entre femmes et hommes est-elle prévue ?
Le second sujet sur lequel je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, est celui du socle universel de protection sociale. La présidence française du G20 a réellement joué un rôle moteur pour placer cette thématique au cœur de l’ordre du jour international. C’est pourquoi je m’étonne que cette priorité stratégique nouvelle semble quelque peu oubliée des prévisions budgétaires.
Depuis le sommet de Pittsburgh, en 2009, sous l’impulsion de l’Organisation internationale du travail et de la commission Bachelet, la communauté internationale reconnaît l’importance des systèmes de protection sociale, en matière tant d’assurance santé que de garantie d’un revenu minimum.
La protection sociale n’est pas un luxe de pays développés ; c’est un instrument essentiel de lutte contre la pauvreté, d’amortissement des conséquences sociales des crises économiques et de stabilité sociale. La coopération française œuvre à la mise en place de systèmes de santé plus efficaces. C’est excellent, mais il est indispensable, en parallèle, d’aider les gouvernements à mettre en place des dispositifs de protection sociale rendant l’accès aux soins réellement possible pour les populations.
La mise en place de socles de protection sociale dans chaque pays est rendue plus urgente encore par l’évolution démographique. De nombreux pays en développement vont devenir « vieux » avant d’être devenus « riches ». La proportion des plus de soixante ans va doubler en Chine d’ici à 2020 ! De plus, la mise en place d’allocations sociales ou familiales conditionnées, par exemple, à la scolarisation des enfants ou à leur suivi médical peut jouer un rôle de levier considérable.
L’instauration de dispositifs de protection sociale plus étoffés dans les pays en développement ne répond pas qu’à des préoccupations humanistes, que certains pourraient juger naïves ; elle s’inscrit dans une logique gagnant-gagnant pour les pays du Nord.
D’abord, elle contribuerait à résorber les déséquilibres du commerce mondial en élevant les coûts salariaux dans les pays du Sud et en favorisant l’émergence d’un marché intérieur dans ces derniers : en résumé, moins de dumping social et plus de débouchés commerciaux à l’étranger pour nos entreprises.
L’amélioration de l’accès aux systèmes de santé limiterait aussi les phénomènes de tourisme médical. Il me semblerait donc souhaitable de renforcer sur ces sujets les budgets d’assistance technique et de convaincre nos partenaires internationaux d’en faire autant. Monsieur le ministre, un appui au développement de réseaux internationaux sur cette thématique est-il prévu ?
À l’heure où, enfin, la réflexion sur les financements innovants prend de l’importance dans le débat public, avec, notamment, la taxe sur les transactions financières, qu’il me semble bien sûr indispensable de créer, le champ de la protection sociale offre des occasions de promouvoir les bonnes pratiques. Je pense notamment à l’initiative du groupe Danone pour garantir une couverture en matière de santé à l’ensemble de ses salariés dans le monde, quelle que soit leur nationalité. Mais une réflexion est aussi à mener en termes de fiscalité des fondations, afin d’encourager les donateurs privés à investir dans ces programmes.
Je terminerai en rappelant la principale conclusion du rapport Bachelet : oui, il possible de bâtir un socle de protection sociale de bonne qualité avec un investissement modeste. Il suffirait pour cela à un pays en développement dont le taux de croissance est de 5 % d’y consacrer 0, 5 % des fruits de cette croissance pendant une décennie. Un « coup de pouce » de notre part serait alors décisif pour accélérer le processus. La mobilisation de l’aide publique au développement selon cette thématique pourrait devenir le modèle d’une coopération réussie, dans laquelle l’aide internationale jouerait un rôle de catalyseur avant que les gouvernements du Sud ne prennent le relais. Ce serait là un moyen plus efficace et réaliste que la « démondialisation » pour lutter contre les délocalisations et la perte de compétitivité de nos entreprises, tout en améliorant le bien-être et la dignité des populations des pays en développement.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si la France est une puissance moyenne à vocation universelle, c’est parce qu’elle est capable d’avoir une vision du monde qui dépasse ses propres intérêts. Notre aide au développement est là pour en témoigner.
Ce fut longtemps l’honneur de la France que d’être à la tête de la lutte contre le sous-développement, d’agir sans relâche pour l’égalité d’accès aux droits fondamentaux, à la vie, à la santé, à l’éducation, qu’on soit né à Paris, à Ziguinchor ou à Ndjamena.
C’est également l’intérêt des Français que de contribuer à l’avènement d’un monde plus sûr. La persistance du terrorisme, la résurgence de la piraterie, le retour des pandémies ont bien montré que le sous-développement constituait un terreau favorable à des menaces qui touchent les pays du Sud aussi bien que ceux du Nord et dont nul ne sera à l’abri.
Pourtant, les ambitions de la France en matière d’aide au développement ont significativement faibli.
Nous sommes fiers de déclarer à l’OCDE 10 milliards d’euros d’aide publique au développement, mais nous savons tous ici que ce chiffre ne correspond aucunement à la réalité des financements véritablement disponibles pour des projets de coopération sur le terrain au Tchad, au Mali ou au Niger. Je ne vous parlerai pas des centaines de millions d’euros que nous déclarerons au titre de l’accueil des réfugiés ou des étudiants étrangers en France, du loyer de la Maison de la francophonie ou des subventions à des territoires d’outre-mer français : tout cela est connu.
Prenons simplement l’exemple des prêts que nous octroyons à la Chine. Le Gouvernement nous assure que ceux-ci ne comportent plus de bonification et qu’ils contribuent à la défense des entreprises françaises, lesquelles devraient donc se redresser ! Voilà plusieurs centaines de millions d’euros qui sont déclarés au titre de l’aide publique au développement, alors qu’il ne s’agit ni d’une aide, ni d’un effort public, ni même de développement. C’est dire si nous mesurons notre générosité au moyen d’un thermomètre largement faussé !
Je crois que les autorités françaises, toutes majorités confondues, ont fini par croire elles-mêmes à ces chiffres, alors que, en réalité, depuis une dizaine d’années, nos moyens d’intervention en subventions dans les zones prioritaires de la coopération française – je veux parler de l’Afrique subsaharienne et des quatorze pays prioritaires – sont en diminution, comme l’a souligné Jean-Claude Peyronnet.
La réalité, c’est que notre coopération s’est éloignée, sans le dire, de son « cœur de métier », de l’Afrique subsaharienne et des secteurs traditionnels de l’éducation et de la santé. Entendons-nous bien : je me félicite de ce qu’elle se soit émancipée des pays qui composaient ce qu’on appelait le « champ », pour ne pas dire les ex-colonies. Il est important de tisser des partenariats durables avec de nouveaux pays émergents. L’Agence française de développement le fait avec professionnalisme, et à un coût budgétaire très limité.
Ce qui nous inquiète, c’est la diminution des moyens budgétaires pour intervenir sous forme de subventions dans des pays dont la capacité d’endettement est limitée, voire nulle.
Les exemples à cet égard sont nombreux ; je prendrai celui de l’éducation.
Alors que la France a joué un rôle moteur dans la mise en place des fonds internationaux « fast track » destinés à la scolarisation primaire universelle, la diminution des crédits de subventions consacrés à l’éducation ne permettra pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de tenir les engagements pris en faveur de la scolarisation de 8 millions d’enfants d’Afrique subsaharienne. Nous sommes en train d’abandonner notre soutien au système éducatif de ces pays, qui sont pourtant l’espoir de la francophonie.
Nous rêvons de 600 millions de francophones en Afrique en 2050, mais regardons la réalité en face : dans des pays comme le Sénégal ou le Mali, 10 % de la population tout au plus sait lire et écrire le français. Les systèmes éducatifs de ces pays sont exsangues et s’effondrent sous le poids d’une jeunesse qui représente, au sud du Sahara, les deux tiers de la population.
Il faudrait parler de l’agriculture, si essentielle à la sécurité alimentaire du continent ; nous avions un savoir-faire reconnu dans ce domaine, que nous avons trop longtemps délaissé.
La diminution des subventions au titre de notre aide bilatérale ne nous empêche pas de multiplier les promesses, mais l’Afrique n’a pas besoin de belles paroles ! Si nous voulons réinventer notre relation avec les pays africains, il nous faut commencer par clarifier nos engagements, à l’aune de nos moyens, et les tenir.
Il existe une Afrique dynamique, une Afrique qui, dans son développement, a enjambé l’étape du téléphone fixe pour passer directement au portable et à internet. À Accra, à Pretoria et ailleurs, le taux de croissance est de 5 %. Cette Afrique-là est courtisée par les pays émergents ; elle a besoin d’investisseurs et de financements publics et privés sous forme de prêts.
Mais de telles régions côtoient une Afrique de la misère, une Afrique sans eau courante ni électricité, une Afrique dont l’économie de subsistance est plus que jamais soumise aux aléas des saisons, des cours des matières premières et du réchauffement climatique. Des territoires immenses, à l’image du Sahel, ont été désertés par des administrations impuissantes à en assurer le développement.
Cette Afrique-là, dont nous disons faire notre priorité, a besoin de nos subventions. Or nous la délaissons progressivement. Je ne citerai que deux chiffres pour illustrer ce fait : les subventions aux quatorze pays prioritaires sont passées, de 2005 à 2009, de 219 millions d’euros à 158 millions d’euros, soit une baisse de près de 30 %.
En 2010, l’AFD n’a consacré que 8 % de son activité de subventions, de prêts et de garanties à ces pays, dont on a estimé qu’ils étaient le cœur de cible de notre coopération. Je le répète, nous ne sommes pas opposés à la stratégie mondiale de l’AFD, surtout si elle permet de dégager une marge bancaire susceptible d’être réinvestie en Afrique subsaharienne. Mais lorsqu’on constate que, faute de moyens en subventions, l’opérateur pivot de la coopération française déploie 92 % de ses engagements en dehors de la cible prioritaire unanimement définie par les pouvoirs publics, on ne peut être que dubitatif.
Même à l’échelon de l’Afrique, les quatorze pays prioritaires ne représentent que 24 % des engagements de l’AFD. Cela signifie que notre coopération préfère travailler dans les pays africains les plus développés, qui sont souvent les moins francophones…
Certes, l’aide au développement ne peut pas tout. Mais, entre risques et opportunités, elle peut faire pencher le fléau de la balance du bon côté. Il revient aux Africains de décider pour eux-mêmes. Les mieux intentionnés de leurs amis ne pourront se substituer à leurs choix d’investissements, à leur combat pour la démocratie et la croissance.
Dans un monde dont le centre stratégique est en train de se déplacer vers l’Asie, l’Europe a autant besoin du développement de l’Afrique que l’Afrique de notre aide au développement.
Monsieur le ministre chargé de la coopération, vous avez hérité d’une situation budgétaire dont vous n’êtes guère responsable. Nous avons noté, depuis votre entrée en fonctions en 2011, une tentative de redressement de l’aide bilatérale et des moyens en subventions allant dans le sens des préconisations de la commission. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, malgré un regard critique sur les équilibres financiers de la coopération, a voté ce projet de budget, estimant qu’il reflétait le début d’un redressement.
Toutefois, il faut regarder la situation en face : compte tenu de l’état de nos finances publiques, nous ne pourrons pas honorer nos engagements pour 2015 et financer l’effort en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique si nous ne développons pas de nouvelles sources de financement. C’est notre conviction, c’est la vôtre, c’est aussi celle du Président de la République, qui, lors du sommet du G20, avait jugé que la mise en place d’une taxe sur les transactions financières était « techniquement possible, financièrement indispensable et moralement incontournable ».
De ce point de vue, je ne peux que m’étonner que ni le Gouvernement ni le groupe UMP n’aient approuvé l’amendement que le Sénat a adopté sur l’initiative de la commission des affaires étrangères et de celle des finances. Nous avons tous nos contradictions, mais, avouez-le, vous aviez là l’occasion de faire avancer l’idée de créer une taxe à l’assiette très large et au taux très bas, ce qui permettrait à la France de montrer l’exemple sans prendre de risques excessifs en matière de délocalisations. Il est dommage, monsieur le ministre, qu’il y ait loin des paroles aux actes !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conditions d’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » me laissent perplexe.
Le document de politique transversale destiné à éclairer le Parlement sur l’ensemble des orientations globales de la politique de coopération de la France ne nous a pas été transmis en temps utile. Au-delà, je note que les deux rapporteurs spéciaux, M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, n’ont pu obtenir de l’Agence française de développement les données actualisées nécessaires à l’examen approfondi des crédits de la mission. Ce que je dis crument, Yvon Collin l’a exprimé avec élégance tout à l’heure.
Sur le fond, comment ne pas être perplexe devant le maintien de Mayotte, devenue département français le 1er janvier dernier, sur la liste des bénéficiaires de l’aide bilatérale dispensée par notre pays ?
En matière d’aide publique au développement, force est de constater que le Gouvernement a emprunté, depuis 2007, une voie radicalement différente de celle qui prévalait auparavant, en faisant relever d’un même ministère immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire. Nous sommes nombreux, sur ces travées, à ne pas regretter la disparition de ce ministère…
Désormais placée sous la triple tutelle de Bercy, de la place Beauvau et du Quai d’Orsay, l’aide publique au développement semble toutefois subir l’influence de plus en plus marquée des deux premiers de ces ministères : elle tend à privilégier, en effet, des considérations marchandes et sécuritaires. C’est la philosophie même de l’aide au développement qui a été ainsi pervertie. Sa finalité a changé : il s’agit davantage, dorénavant, de limiter les flux migratoires que de tenir compte de considérations humanistes.
C’est bien ce nouveau paradigme qui sous-tend les actions de la mission « Aide publique au développement », avec le conditionnement du versement des aides à la signature d’accords de retour au pays, l’octroi de prêts bonifiés plutôt que de subventions, le délaissement des pays les plus pauvres au profit de ceux qui, parce qu’ils sont émergents, offrent des perspectives commerciales plus alléchantes !
Au total, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a clairement fait le choix de conduire, en matière d’aide au développement, une politique aussi tiède dans les actes qu’elle est opportuniste dans les annonces.
C’est ainsi que le Président de la République a profité de la tenue du sommet du G20 à Cannes, au début du mois de novembre, pour organiser une réunion des États membres consacrée au développement. Si l’initiative est louable, elle ne saurait faire oublier que, de toute évidence, les engagements qu’il a pris à Doha voilà trois ans ne seront pas tenus. Sur ce point, invoquer la crise économique ne saurait camoufler ce qui relève, en réalité, d’un choix politique.
La preuve en est que des pays comme la Belgique et le Royaume-Uni ont su se donner les moyens de remplir leurs objectifs en matière d’aide au développement, en respectant le ratio entre l’aide accordée et le revenu national brut fixé comme seuil transitoire à atteindre en 2010.
En l’état actuel des choses, les sénateurs du groupe RDSE, prenant acte de la relative stabilité des crédits de la mission « Aide publique au développement », s’abstiendront.
Pour ma part, eu égard au revirement récent opéré par le Président de la République, qui a fini par faire sienne l’idée d’instaurer une taxation sur certaines transactions financières, …
… dont « une partie à définir, majoritaire », pour reprendre ses propres termes, du produit devrait être affectée au développement, je veux espérer que ce qui pour l’instant demeure de l’ordre du slogan trouvera bientôt une traduction dans les actes.
L’appel à la recherche de solutions complémentaires innovantes que le Président de la République a lancé lors de la réunion du G20 à Paris, le 21 octobre dernier, mériterait également de ne pas rester sans suite. Une fois encore, c’est du côté de nos expériences locales que certaines de ces solutions peuvent être trouvées.
Nos régions, par exemple, sont aujourd’hui engagées dans des projets de coopération décentralisée partout dans le monde. Il en a été question, tout à l’heure, lors de l’examen des crédits du programme « Tourisme ». Malgré la crise, elles n’ont pas cessé d’investir. Elles n’ont pas non plus déserté les pays soumis à des épisodes de grande violence : le maintien de leur présence à Madagascar est une illustration exemplaire de ce fait.
Le mode opératoire des régions en matière de coopération est particulièrement intéressant : agissant, bien entendu, dans le droit fil de notre politique étrangère et dans le respect des droits de l’homme, elles interviennent, dans le cadre de leurs compétences, sur une demande économique. Elles dialoguent avec les collectivités ou les villes bénéficiaires, sans exercer de rapport de force ; leur intervention repose sur la recherche de partenariats dont chaque partie prenante tire bénéfice. Parler de « gabegie » à ce propos serait leur faire offense !
Pour les aider à développer leur action, il serait bon que le Gouvernement agisse auprès de l’Union européenne afin de faire reconnaître la particularité de leurs interventions – mais je doute, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous soyez persuadés de l’utilité d’une telle démarche –, qu’il faut distinguer de celles des organisations non gouvernementales. Il faudrait obtenir qu’une plus grande place soit donnée aux collectivités territoriales au titre du programme européen « acteurs non étatiques et autorités locales dans le développement », dont seulement 20 % des crédits leur sont destinés à l’heure actuelle.
Mes chers collègues, sur le fondement de ce constat mitigé, je m’abstiendrai, comme mes collègues du groupe RDSE, lors du vote des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste -EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le contexte nouveau que connaît le Sénat depuis près de deux mois, il pourra sembler paradoxal que je salue, en préambule à mon intervention, le nouveau président de la commission des affaires étrangères, M. Carrère, mais cet hommage est parfaitement sincère. Depuis son élection, il a fait preuve d’un esprit d’ouverture tout à fait républicain dans l’organisation de nos travaux, en reprenant, pour l’amplifier, la pratique des doubles rapporteurs, l’un appartenant à la droite, l’autre à la gauche, qu’avait introduite le président de Rohan et qui rend notre travail plus intéressant et certainement plus efficace.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, laissons un instant les chiffres et prenons une carte…
Lorsque l’on considère le sud de la planète, on observe que le monde dit « en développement » est, en réalité, en effervescence.
Je ne parlerai pas des pays émergents, dont l’essor économique et diplomatique est en train de modifier les équilibres géopolitiques du monde. Laissons aussi de côté, avant d’y revenir tout à l’heure, les printemps arabes, qui constituent, pour le Maghreb, un tournant historique.
Concentrons-nous plutôt sur le continent africain. Nous voyons que, à côté de la famine sévissant dans la Corne de l’Afrique et de la déliquescence d’un certain nombre d’États du Sahel, il y a des pays, des régions qui, depuis plus de dix ans, bénéficient d’une croissance très largement supérieure à la nôtre. Plus que jamais, l’Afrique est un continent de contrastes ; plus que jamais, la notion de « pays en développement » est dépassée.
Devant ces évolutions, notre politique de coopération n’est, fort heureusement, pas restée inactive ; elle a même fait preuve d’une grande capacité d’adaptation, par un renouvellement de ses structures, de ses modes d’intervention et de sa stratégie.
À cet égard, il faut vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour avoir fait adopter coup sur coup, en l’espace de deux ans, un document-cadre de coopération au développement qui renouvelle complètement notre stratégie pour les dix prochaines années et le nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française de développement, qui constitue sa déclinaison opérationnelle.
Malgré des délais très courts, vous avez su, en outre, associer pleinement le Parlement à l’élaboration de ces documents ; nous savons que vous y êtes très attaché.
Mes chers collègues, les temps ont changé : nous n’en sommes plus à l’époque du forage des puits, même s’il est évident que beaucoup doivent encore être construits. Aujourd’hui, notre politique de coopération cherche à créer des coalitions d’acteurs, bilatéraux et multilatéraux, publics et privés, pour obtenir, avec nos partenaires africains, des résultats concrets dans des secteurs fondamentaux comme ceux des infrastructures, de l’éducation, de l’économie, de la santé ou de l’agriculture.
Bien sûr, nous aurions souhaité une France plus riche, un déficit et une dette moindres. Nous aurions voulu pouvoir être à la tête d’une coalition capable de financer un véritable « plan Marshall » des infrastructures régionales africaines et de créer les conditions d’un renouveau de l’agriculture, pour faire face au défi alimentaire. Nous aurions voulu être les acteurs d’une éradication des épidémies qui tuent encore des millions d’Africains et d’un renforcement des systèmes éducatifs francophones, qui doivent faire face à un doublement de la population africaine.
Mais voilà, il nous faut faire avec ce que nous sommes devenus : un pays endetté. Dans ce contexte, la sanctuarisation du budget de la coopération est un soulagement. Puisque nous ne pouvons pas poursuivre tous nos objectifs avec autant d’intensité que nous l’aurions souhaité, il nous faut concentrer notre action selon quelques priorités.
Pour ma part, j’en distingue trois : le développement du Sahel, l’accompagnement des printemps arabes et l’essor d’une coopération triangulaire avec les pays émergents.
Les pays du Sahel sont confrontés à des défis économiques, démographiques et alimentaires majeurs. Certaines régions sont en train de devenir des zones de non-droit, où prolifèrent des trafics en tout genre et un nombre croissant de cellules terroristes. Notre politique de coopération doit apporter un soutien aux populations de ces pays. Il nous faut aider au rétablissement des services essentiels et conforter les États de cette région dans l’exercice de leurs missions régaliennes. Nous ne pouvons pas laisser le Sahel s’enfoncer dans un sous-développement qui fait le lit du terrorisme. Une solution uniquement militaire ne serait pas viable et risquerait même d’être contre-productive.
S’agissant de l’accompagnement des printemps arabes, il n’est nul besoin de souligner combien la réussite de ce processus historique est importante pour tous. Parce que la clé en sera la capacité des pays du Maghreb à favoriser la création d’emplois, nous devons les accompagner dans leur développement industriel : c’est notre intérêt commun. Le décollage économique d’un Maghreb démocratique peut être une chance pour l’Europe ; son échec ferait peser une menace sur la stabilité de notre continent.
Dans ces pays, nous intervenons essentiellement sous la forme de prêts ; il nous faudra aussi verser des subventions pour accompagner la réforme de la gouvernance. Les majorités qui ont remporté les élections en Tunisie et au Maroc et celles qui, demain, pourraient les remporter en Égypte et en Libye suscitent évidemment des inquiétudes. Mais nous n’avons pas à dicter leur conduite à des pays qui ont pris leur destin en main !
Nous pouvons, en revanche, grâce à la coopération, les aider à conforter leur démocratie. De ce point de vue, monsieur le ministre, on ne peut que se féliciter des résultats du sommet de Deauville. Sur le plan de la méthode, le partenariat de Deauville constitue un modèle de coordination entre bailleurs de fonds, nationaux et multilatéraux, publics et privés. C’est un exemple de ce que notre diplomatie peut faire de meilleur ! Toutefois, concernant le montant des financements annoncés, le Parlement devra rester vigilant, pour que les promesses soient tenues.
S’agissant enfin des partenariats triangulaires avec les pays émergents, le sommet du G20 n’a pas été le succès que nous attendions en matière de développement, même s’il y a eu des résultats concrets, exagérément passés sous silence, comme la mise en place d’un système de réserves alimentaires humanitaires d’urgence ou le financement de projets d’infrastructures régionales exemplaires.
D’autres questions, qui n’ont pas donné lieu à des mesures concrètes, s’imposent aujourd’hui de manière incontournable dans l’agenda du G20 : c’est le cas de la production agricole, de la sécurité alimentaire, de la mise en place d’un filet minimal de protection sociale et de la taxe sur les transactions financières.
L’un des enseignements du G20 est évidemment que nous n’avancerons pas sans construire de véritables partenariats avec les pays émergents. Ces pays ont une formidable expérience d’un développement économique rapide et disposent d’une capacité de financement qui nous fait aujourd’hui défaut. De notre côté, du fait de l’histoire et de la géographie, nous avons avec l’Afrique une relation d’intimité. Multiplier, sur le terrain, les expériences de coopération triangulaire est donc une nécessité stratégique.
Le projet de budget qui nous est présenté permet-il de répondre à ces trois priorités ?
Je le répète, nous devons nous féliciter de ce que, dans leur ensemble, les moyens de la coopération soient préservés. Pour avoir de l’aide au développement une vision plus approfondie, il faut considérer trois grandes masses : les contributions multilatérales et leur répartition, l’enveloppe des subventions et celle des bonifications des prêts de l’AFD.
M’étant déjà exprimé, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, sur la question des contributions multilatérales, je n’y reviendrai pas.
C’est assurément pour l’enveloppe des subventions qu’il faudrait trouver des moyens supplémentaires, afin d’être plus en phase avec nos priorités géographiques. Je me félicite du mouvement de redressement de l’aide bilatérale opéré depuis 2011 ; les membres du groupe UMP estiment qu’il devra être prolongé. Des gains budgétaires peuvent sans doute être réalisés par le biais d’une optimisation du réseau et du partage des compétences entre l’AFD et les ministères. C’est une question qu’il faudra sûrement aborder en 2012, à l’occasion de l’évaluation décennale de la coopération française.
Mais parce que les marges de manœuvre susceptibles d’être dégagées au sein des crédits de cette mission sont malheureusement faibles, deux voies sont à explorer.
La première est celle de l’approfondissement de la coopération européenne : nous devons progresser, au moyen de programmations conjointes, vers une meilleure coordination de l’action des bailleurs de fonds européens et de celle des instances communautaires, de façon à mutualiser les efforts ; tel est le sens de la construction européenne.
La seconde voie est celle de la mise en place d’une taxe sur les transactions financières. Nous nous trouvons, d’une certaine façon, devant une impasse budgétaire, d’autant plus préoccupante que nous nous sommes engagés, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, dans un processus international qui exigera des financements considérables.
Nous avons entendu la réponse du Gouvernement au sujet de l’amendement présenté par la commission des affaires étrangères. Nous espérons qu’un consensus se dégagera sur ce sujet prochainement. L’adhésion d’autres pays à ce dispositif est naturellement nécessaire.
Ces constats nous ont conduits à considérer que seuls des financements innovants pourraient desserrer la forte contrainte budgétaire que connaît la France, et lui permettre d’honorer ses engagements.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, telles sont les observations que je souhaitais faire au nom du groupe UMP, qui votera ce projet de budget sans réserve.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 63 % des Français « soutiennent la poursuite de l’aide publique au développement », malgré les difficultés budgétaires que connaît la France. Fantastique, me direz-vous ; certes, mais ils sont, dans le même temps, 66 % à demander plus d’informations sur cette aide, en particulier sur les projets financés par la France. Cette adhésion globale ne masque donc pas le besoin des Français d’être convaincus par l’action de leur pays, ni leur attente d’une meilleure visibilité en la matière. Oserais-je parler de méfiance ? Il semble qu’il le faille : les Français refusent qu’on leur jette de la poudre aux yeux, et ils ont raison de vouloir juger sur pièces.
Or qu’en est-il cette année des crédits de la mission « Aide publique au développement » ?
Comme je le dénonçais déjà l’année passée, à l’instar de nombre de mes collègues, ce budget, certes « stabilisé », selon l’expression consacrée, demeure parfaitement insincère. L’entreprise de camouflage se poursuit au titre de l’exercice 2012, notamment avec le développement des prêts aux pays émergents, plus solvables et offrant les perspectives commerciales les plus intéressantes, et le désengagement simultané du financement des projets bilatéraux par des dons.
La simple comparaison de la liste des premiers bénéficiaires de l’aide publique au développement bilatérale française avec celle des quatorze pays pauvres prioritaires établie par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement témoigne de cette approche utilitaire et instrumentalisée de la France.
L’analyse de l’aide publique au développement dans le secteur de l’eau et de l’assainissement est à cet égard particulièrement révélatrice. La spectaculaire croissance de l’aide bilatérale depuis 2001 dont se targue la France résulte essentiellement de l’augmentation massive des prêts bancaires, à l’encontre des recommandations du Comité d’aide au développement de l’OCDE et des pratiques de nos voisins européens, par exemple le Royaume-Uni, qui alloue la totalité de son aide dans le secteur de l’eau sous forme de dons.
Pourtant, l’accueil par la France du sixième Forum mondial de l’eau, en mars prochain, n’aurait-il pas dû l’inciter à faire preuve d’exemplarité ? À moins que celui-ci ne se résume à une « foire commerciale », comme le craignait Danielle Mitterrand, cette grande dame à qui je rends ici hommage.
M. Jean-Jacques Mirassou applaudit
Les manipulations auxquelles se livre l’État se manifestent encore à travers l’instrumentalisation des annulations de dettes, dont le montant s’élève cette année à quelque 1, 8 milliard d’euros, soit le double de l’an passé, ou la désormais traditionnelle prise en compte de dépenses au lien pour le moins distendu avec l’aide publique au développement, tels les dépenses pour l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile ou les frais d’écolage des étudiants étrangers.
La francophonie multilatérale me fournira un autre exemple de cet ordre. Nul ne peut nier, me semble-t-il, que la francophonie est bien plus l’une des armes de la France dans son combat en faveur de la diversité culturelle qu’un outil au service de la coopération multilatérale. Or, ses crédits sont inscrits au programme 209 de la mission « Aide publique au développement » et viennent ainsi gonfler le budget que la France est censée consacrer à celle-ci, dont ils dévoient la philosophie.
Qu’ajouter, lorsque l’on constate que, malgré ces manipulations, le respect de l’engagement pris par la France au sommet de Gleneagles, en 2005, de parvenir à un effort en matière d’aide publique au développement de 0, 7 % de son revenu national brut en 2015 est une perspective qui s’éloigne inexorablement ? Pour que cet engagement soit tenu, il faudrait que les crédits de l’aide publique au développement française augmentent de 17 % d’ici à 2015 !
Cette politique d’affichage menée par la France est d’ailleurs déplorée de toutes parts. Elle a été justement stigmatisée par nos collègues Christian Cambon et André Vantomme dans leur rapport d’information de mai dernier intitulé « L’AFD, fer de lance de la coopération française ». Selon eux, la France a « les ambitions des États-Unis avec le budget du Danemark ». De son côté, la rapporteure pour avis de la mission « Aide publique au développement » à l’Assemblée nationale, Mme Martinez, ne s’y trompe pas non plus lorsque, évoquant le poids des prêts et des annulations de dettes, elle s’inquiète de l’image de la politique française en matière d’APD sur la scène internationale.
Pour terminer, je souhaite aborder un sujet qui me tient particulièrement à cœur : la situation en Haïti, notamment depuis le séisme, et l’aide que la France apporte à ce pays, dans le cadre tant bilatéral qu’européen et multilatéral.
Je m’étais rendue en Haïti lors de l’été 2010 avec mon collègue Richard Yung. Le dévouement et l’engagement des personnels de l’ambassade, de l’AFD, des militaires, des gendarmes français et des nombreuses ONG qui travaillaient sur place dans des conditions extrêmement difficiles m’avaient particulièrement touchée. J’avais d’ailleurs relevé que la partie humanitaire des opérations était conduite avec efficacité.
Dans le même temps, je regrettais déjà, à l’époque, la lenteur avec laquelle les projets et programmes de coopération se mettaient en place, qui induisait un fort sentiment d’inefficacité et était très mal perçue par la population locale.
Le compte rendu de la récente mission en Haïti du rapporteur spécial, M. Collin, ne me rassure malheureusement pas. Il me conforte au contraire dans la crainte que cet immobilisme n’entrave encore davantage la reconstruction du pays. M. Collin nous indique que, à la mi-2011, seulement 19, 3 % des 57, 1 millions d’euros alloués à Haïti dans le cadre de douze conventions avaient été attribués, 46, 1 millions d’euros restant à verser. L’argent ne manque pas, mais il n’est pas utilisé !
La reconstruction d’un pays passe certes, au premier chef, par une solide planification et une concertation sérieuse. De multiples raisons, tenant à la communauté internationale ou à l’État haïtien, peuvent engendrer des retards. Je partage l’analyse de M. Collin quand il estime qu’un réexamen de certains projets trop mal engagés serait peut-être souhaitable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier les différents orateurs de leurs interventions particulièrement documentées. Connaissant depuis longtemps l’intérêt du Sénat pour la politique d’aide publique au développement, je ne suis pas surpris de la qualité de ce débat. Je voudrais saluer plus particulièrement l’acuité de l’analyse des rapporteurs, qui permet, aujourd'hui comme hier, de faire émerger des idées et des perspectives dans un univers complexe et multiforme.
Nous pouvons globalement être fiers de ce que la France accomplit en matière d’aide publique au développement. Certes, on peut toujours faire mieux, mais quand je me livre à des comparaisons sur ce thème avec d’autres pays, je pose sur notre effort un regard quelque peu différent de celui de certains intervenants. Au sein des enceintes internationales, la voix de la France, en matière d’aide publique au développement, est particulièrement attendue et entendue. En effet, dans ce domaine, et depuis déjà longtemps, notre pays a fait la démonstration de sa détermination, de son efficacité et de son humanité à l’égard de populations souvent accablées par des malheurs ne leur permettant pas de bénéficier des évolutions auxquelles elles aspirent légitimement.
La politique française d’aide publique au développement est menée, me semble-t-il, avec une certaine continuité par les gouvernements et les majorités successifs, ce dont je me réjouis.
Je voudrais, en préambule, vous renouveler toutes mes excuses pour le retard avec lequel, encore une fois, le document de politique transversale a été publié et vous a été remis.
Le niveau de notre aide publique au développement pour 2012 ne constitue pas une surprise, puisqu’il était déjà annoncé dans le document de politique transversale de l’année dernière. Le passage de 0, 5 % à 0, 46 % du RNB est dû, pour une large part, au fait que le montant des annulations de dettes a diminué cette année, ce qui a une répercussion immédiate sur ce taux, qui remontera l’année prochaine à environ 0, 5 %.
Cela a été rappelé, la France a pris l’engagement de consacrer 0, 7 % de son RNB à l’aide publique au développement en 2015. Nous n’y sommes pas, certes, mais 0, 5 %, ce n’est pas si mal !
C’est votre appréciation, monsieur Néri !
L’effort d’aide publique au développement des États-Unis ne s’élève qu’à 0, 3 % de leur RNB. Quant au Royaume-Uni, je suis assez étonné que l’on en fasse un modèle en la matière. Je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à examiner dans le détail la configuration de la politique d’aide publique au développement britannique, sur le plan géographique et par programmes. Vous verrez alors que si le Royaume-Uni a effectivement fait des efforts, les bénéficiaires de ces derniers sont beaucoup plus ciblés, si je puis dire, que ceux de la politique d’aide publique au développement de la France. Des coupes drastiques ont été pratiquées, ce qui permet aux Britanniques de manifester une grande générosité lorsque survient un événement fâcheux. Cela est plus difficile quand on a, comme nous, maintenu les crédits alloués à l’aide publique au développement ! On pense toujours que l’herbe est plus verte chez les voisins, mais, en la matière, nous pouvons aisément soutenir la comparaison.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur les crédits de la mission, tous les chiffres ayant déjà été détaillés. Certains orateurs ont critiqué ce projet de budget, que Mme Lepage a même qualifié, me semble-t-il, d’insincère. Or il est totalement sincère et transparent. Les critères de déclaration au titre de l’aide publique au développement sont ceux qu’a établis l’OCDE et qui s’appliquent à l’ensemble des pays.
Par ailleurs, nous nous sommes engagés à sanctuariser sur une période triennale les crédits de l’aide publique au développement. Le projet de budget pour 2012 traduit cet engagement. À ceux qui trouveraient que ce n’est pas suffisant, je rappellerai que trois missions seulement voient cette année leurs crédits maintenus : tous les autres budgets sont marqués par une baisse des dépenses.
Je confirme que l’aide publique au développement est affectée à 60 % à l’Afrique subsaharienne. En outre, même si l’on est en droit de considérer que leur niveau n’est pas assez élevé, je souligne que 50 % de nos subventions sont destinées aux quatorze pays définis comme prioritaires.
Voilà quelques éléments factuels très simples sur la composition de ce budget qui ne peuvent être contestés.
Un certain nombre d’entre vous ont évoqué notre engagement en matière de promotion de la santé. Notre aide à ce titre s’élève à près de 1 milliard d’euros et s’adresse pour l’essentiel aux populations africaines.
En ce qui concerne l’éducation, monsieur Carrère, il s’agit d’une priorité absolue. Cependant, en l’état actuel de nos capacités d’intervention, nous ne sommes pas en mesure de faire en sorte que tous les petits enfants africains aillent à l’école. Les scolariser tous représenterait un effort de 16 milliards d’euros par an, et les crédits de la mission « Aide publique au développement » n’y suffiraient pas. On peut le regretter, mais c’est une réalité qui s’impose à nous. C’est une des raisons pour lesquelles nous militons ardemment, avec d’autres, pour la mise en œuvre de financements innovants.
Notre pays souhaite, avec ses partenaires européens, promouvoir davantage encore les droits de l’homme, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Nous agissons avec détermination, par exemple, pour instaurer la transparence dans le secteur des industries extractives. C’est aussi suivant cette logique d’équilibre et de clarté que nous renouvelons, en ce moment même, tous les accords de défense nous liant à nos partenaires africains.
De nombreux orateurs ont évoqué l’intervention de l’AFD dans les pays émergents. Cette orientation a un coût budgétaire très faible, s’agissant de prêts qui ne coûtent quasiment rien au budget, voire qui rapportent. À nos yeux, cette politique est utile. J’admets tout à fait que l’on puisse le contester, mais selon nous elle favorise une croissance plus équitable et surtout plus respectueuse de l’environnement. De plus, elle permet de placer les pays émergents au cœur d’une politique planétaire de développement. C’est cette logique qui nous a conduits, lors du dernier G20, à les associer le plus possible à la mise en œuvre d’une nouvelle politique mondiale de développement.
Je ne reviendrai pas sur la coopération décentralisée, à laquelle le Gouvernement est sans réserve favorable. Elle se révèle en effet très efficace et nous n’avons aucune critique à formuler à son encontre.
En ce qui concerne la problématique du genre et de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, madame Garriaud-Maylam, le document-cadre « genre et développement » de 2007 nous engage à la prendre en compte dans l’ensemble de notre politique. Cette dimension est donc présente dans l’évaluation de tous nos projets. Par ailleurs, nous avons mis en place des outils spécifiques, comme le fonds de solidarité prioritaire « Genre et économie, femmes actrices du développement », qui permettra de soutenir, jusqu’à fin 2012, les femmes d’Afrique de l’Ouest, très largement impliquées dans de nombreux secteurs, en particulier dans l’agriculture et le commerce.
Je remercie M. Cambon d’avoir relevé que la politique française d’aide publique au développement était aujourd’hui formalisée dans un certain nombre de documents à l’élaboration desquels le Parlement avait été associé. L’évaluation est la clé de toute politique publique efficace et économe des deniers publics. L’aide publique au développement ne doit pas y échapper. Je m’engage ce soir devant le Sénat à ce que l’action à destination des quatorze pays prioritaires, l’intervention dans les pays émergents et la cohérence de notre APD avec la politique européenne soient prises en compte ainsi que vous l’avez demandé, monsieur Cambon.
Vous avez également évoqué le partenariat de Deauville. La France contribuera à hauteur de 2, 7 milliards d’euros d’ici à 2013, mais sous forme de prêts. Cette action n’aura donc pour nous pas de poids budgétaire.
S’agissant des transitions africaines, nous mobiliserons 3, 5 milliards d’euros au bénéfice de la Côte d’Ivoire. Nous n’oublions pas non plus le Niger et les pays voisins, qui ont de grands besoins en matière de sécurité et de développement.
Le bilan du G20 « développement », qui s’est réuni pour la première fois à Cannes, est très largement positif, puisqu’il a repris les conclusions présentées sur les quatre thèmes prioritaires par les ministres des finances et du développement à Washington, au mois de septembre dernier.
Je laisse le soin à mon collègue Pierre Lellouche d’évoquer la taxe sur les transactions financières, à la création de laquelle le Président de la République est très attaché. Nous partageons la volonté manifestée par le Sénat de dégager des financements innovants, non pas pour les substituer à l’aide publique au développement telle qu’elle existe aujourd’hui, mais pour faire face à des besoins nouveaux, qu’il s’agisse d’agriculture, d’éducation, de santé ou de lutte contre le changement climatique. Il serait tout à fait moral et éthique que le secteur financier, qui est l’un de ceux qui profitent le plus de la mondialisation, apporte sa contribution.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réponse que je voulais vous apporter. Je vous remercie une fois encore de tout le travail que vous accomplissez. Soyez assurés que le Gouvernement entend continuer à œuvrer avec vous pour aider les pays bénéficiaires de l’aide publique au développement et leurs habitants à connaître un meilleur destin : ils le méritent, et nous le leur devons.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, permettez-moi de souligner que le projet de budget que nous avons l’honneur de vous présenter cet après-midi est bien plus transparent et lisible que les années précédentes, contrairement à ce qu’a dit Mme Lepage, en raison d’un certain nombre de modifications dans la préparation des documents de synthèse qui vous ont été remis.
En effet, il existe désormais un document-cadre de coopération au développement qui identifie les grandes priorités de notre aide, autour de quatre partenariats et de cinq secteurs clefs : la santé, l’éducation et la formation professionnelle, l’agriculture et la sécurité alimentaire, le développement durable et le soutien à la croissance.
Au document de politique transversale, nous avons ajouté de nouvelles données rétrospectives, mais aussi et surtout des données prévisionnelles permettant de mesurer précisément la réalisation de nos objectifs géographiques et sectoriels. Ce travail a notamment permis de faire ressortir des éléments de pilotage intéressants. Pour ne prendre qu’un exemple, nous avons pu constater que l’aide distribuée par les institutions financières internationales était, dans les faits, conforme à nos priorités. Nous avons donc confirmé que 50 % des engagements de l’Association internationale de développement, l’AID, qui est le fonds concessionnel de la Banque mondiale, sont orientés vers l’Afrique subsaharienne, cette part représentant près de 75 % des engagements concessionnels du FMI. La France ne peut que s’en réjouir.
Je ne reviendrai pas sur les masses budgétaires qui vous ont été exposées par M. de Raincourt et les rapporteurs. J’ai entendu exprimer à la fois des critiques et la reconnaissance d’un effort de la part du Gouvernement. Les chiffres reflètent l’attachement continu de la France à la politique d’aide publique au développement, dans un contexte où la consolidation des finances publiques est non plus un luxe, mais un impératif. Contrairement à ce qu’a affirmé M. Robert Hue, la France est à la hauteur des enjeux. Cela a été souligné, ce budget est l’un des rares à avoir échappé aux réductions de dépenses. L’effort de notre pays est donc à la mesure de ses ambitions et des valeurs qu’il porte depuis toujours.
La première caractéristique du projet de budget pour 2012 de la mission « Aide publique au développement » est de maintenir les grands équilibres qui permettent à la France de tenir son rang de troisième bailleur mondial, monsieur Hue, et de respecter ses engagements internationaux, tout en renforçant l’efficacité et le ciblage de son aide et en adaptant sa « boîte à outils » à un monde qui change.
Malgré la crise économique, les crédits d’aide au développement ont non seulement été maintenus, mais ils ont continué leur progression régulière depuis 2005, conformément à nos engagements.
L’APD de la France a atteint 10, 85 milliards d’euros en 2010. C’est, tout simplement, la première fois de notre histoire que nous dépassons le seuil des 10 milliards d’euros ! Je veux dire à M. Carrère, qui a critiqué la dispersion et le caractère parfois hétéroclite de certains crédits, que nous avons appliqué les critères établis par l’OCDE. Il n’est pas juste de critiquer l’affectation des crédits à l’APD par la France, puisque nous ne faisons rien d’autre que ce que font tous nos partenaires internationaux.
Pour 2012, les crédits de la mission sont stabilisés à 3, 34 milliards d’euros, soit 10 milliards d’euros au total sur le triennum budgétaire. Les crédits de paiement du programme 110 resteront ainsi à leur niveau de l’an passé, seules les autorisations d’engagement variant en fonction des reconstitutions triennales des fonds multilatéraux.
Contrairement à ce que certains orateurs ont tout à l’heure affirmé, les annulations de dettes coûtent à notre budget et contribuent au développement, car elles allègent les charges pesant sur les pays concernés.
À l’heure où l’ensemble des dépenses de l’État doivent faire l’objet d’une modération sans précédent, vous conviendrez avec moi que la stabilité budgétaire a été un effort majeur consenti par le Gouvernement et par notre pays.
De cela découle le deuxième message qu’il me paraît important de vous délivrer : à l’heure où chaque euro public se mérite, la politique d’aide publique au développement doit, elle aussi, faire des choix. Des choix d’efficacité et d’équité ont été définis autour de trois priorités.
La première est le rééquilibrage qui a été réalisé en faveur de l’aide bilatérale, et je remercie Jean-Claude Peyronnet de l’avoir noté. Cette dernière a augmenté de près de 840 millions d’euros en 2010 par rapport à 2009, principalement grâce aux prêts concessionnels de l’AFD et à nos dons bilatéraux. L’ensemble des membres de la Haute Assemblée avaient appelé de leurs vœux un tel rééquilibrage l’an dernier.
Nous l’avons fait !
La deuxième priorité est la différenciation, point soulevé par M. Aymeri de Montesquiou, c’est-à-dire le choix d’adapter nos outils d’intervention à la situation de plus en plus hétérogène des pays récipiendaires de l’aide. Les écarts de richesse n’ont en effet cessé de se creuser parmi les pays en développement. Le G77 n’est plus qu’un regroupement de circonstance, derrière lequel s’abritent les grands pays émergents pour conserver encore quelques années le bénéfice politique et financier d’un statut qui ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. La Chine, le banquier de la planète, n’est pas le Burkina Faso.
Ces derniers mois, je n’ai cessé, dans mes fonctions de secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, d’inciter à plus de différenciation – aussi bien en interne qu’à Bruxelles – dans la politique commerciale européenne. Cette démarche trouve une application très concrète dans les accords commerciaux de l’Union européenne : il s’agit de réserver les préférences tarifaires aux pays les plus démunis ou les moins bien intégrés dans les échanges mondiaux. Il en va en matière d’APD comme en matière commerciale : en d’autres termes, il faut concentrer les volumes d’aide, l’effort budgétaire et les préférences tarifaires en direction des pays qui en ont le plus besoin.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de différenciation, il faut se féliciter que les nouveaux prêts d’APD que nous faisons à la Chine à travers l’AFD ne coûtent désormais plus un centime au contribuable français. On ne peut plus aujourd’hui accorder les mêmes libéralités aux pays les moins avancés d’Afrique et à leur bailleur chinois, par ailleurs créancier de l’Europe, fort de ses 10 % de croissance par an et de ses 3 200 milliards de dollars de réserves de change.
Au-delà du seul cas de la Chine, le nouveau contrat d’objectifs et de moyens liant l’État à l’AFD pour 2011-2013 prévoit que 90 % au minimum de l’effort financier de l’État en matière d’APD soit consacré aux pays en développement de l’Afrique et de la Méditerranée et aux pays en crise. Nous faisons même mieux puisque, aujourd’hui, cet effort est à 93 % orienté vers les pays qui en ont le plus besoin.
Enfin, la troisième priorité est le ciblage géographique de notre aide. Il faut se féliciter que l’Afrique subsaharienne – je remercie M. Cambon de l’avoir noté –, qui est devenue la première région d’intervention de la coopération française avec près de 1, 5 milliard d’euros de décaissements et 2, 5 milliards d’euros d’engagements en 2010, concentre plus de 60 % de notre effort budgétaire à titre bilatéral.
De même, il faut se féliciter que la Méditerranée et le Moyen-Orient absorbent près d’un cinquième de l’effort financier de l’État en 2010, conformément à l’objectif fixé par le document-cadre de coopération au développement.
Monsieur Hue, vous avez critiqué le manque de cohérence. Or ce ciblage sur le Maghreb, sur le monde musulman, qui est en pleine évolution, est parfaitement cohérent avec notre effort diplomatique pour accompagner les transitions dites du printemps arabe.
Cette région, je l’ai sillonnée tout au long de l’année dans son intégralité avec les entreprises françaises. Chacun a compris que la stabilité de l’Europe dépendait du succès des transitions démocratiques dans le monde arabe, au-delà des péripéties électorales. Chacun a compris que la finalité de ces transitions, c’est le développement économique, comme l’a justement noté M. Cambon. Entre 40 % et 70 % des habitants ont moins de vingt-cinq ans ; c’est donc la cause principale de ces mouvements démocratiques, et tout l’objet de l’effort que nous devons faire est de trouver un emploi, une stabilité pour ces pays.
Oui, la Méditerranée mérite de figurer parmi les grandes priorités de notre politique d’aide au développement ! C’est tout le sens de l’initiative qu’avait lancée le Président de la République, dès 2008, avec l’Union pour la Méditerranée et qui a été amplifiée par le partenariat de Deauville, qu’il faut également mettre au crédit de Nicolas Sarkozy.
Le partenariat de Deauville, c’est 38 milliards de dollars mobilisés conjointement par les principales banques de développement sur la période 2011-2013, y compris la BERD, en faveur de la croissance et de la démocratie dans le monde arabe. C’est aussi un plan d’intégration économique ambitieux que j’ai porté à Bruxelles, au nom de la France, auprès de mes collègues européens le 26 septembre dernier et qui a d’ailleurs été adopté par le Conseil européen. J’ai ainsi proposé la création d’un espace économique commun entre l’Union européenne et les pays de la Méditerranée. Plus d’intégration commerciale, à travers des accords de libre-échange complets et approfondis, et plus de convergence au niveau des normes, voilà ce que l’Union européenne, sur l’initiative de la France, propose aux pays de la Méditerranée !
Enfin, troisième axe, il nous faut aussi avoir le courage d’affronter un autre volet sur lequel des progrès restent à faire : les retombées économiques de notre aide pour les entreprises françaises. Je suis heureux d’ouvrir ce débat avec vous. Ce n’est pas un sujet tabou, et je remercie MM. de Montesquiou et Cambon d’y avoir allusion.
Je sais bien que certains, comme Mme Eva Joly, présidente de la commission du développement du Parlement européen, soutiennent que l’aide publique au développement est une fin en soi, …
… qu’elle relève exclusivement de l’aide humanitaire et qu’elle n’a aucune retombée, ni politique ni économique.
Je ne partage pas ce point de vue, car je considère que les retombées économiques de l’aide doivent être prises en compte, d’autant que la France est, statistiques à l’appui, pratiquement la championne du monde du déliement, c’est-à-dire des aides accordées sans contrepartie directe pour ses entreprises. Notre aide bilatérale est déliée à 87 % depuis 2006, contre 75 % pour l’Allemagne, 71 % pour l’Espagne, 69 % pour les États-Unis et 63 % pour l’Italie !
En ce qui me concerne, avec un déficit commercial programmé de 75 milliards d’euros en 2011, je ne me résous pas à ce que la France accorde plus de 10 milliards d’euros par an de financements d’aide publique au développement sans même se demander comment nos entreprises, c’est-à-dire nos emplois, pourraient mieux en tirer profit. Voilà une question qu’il me semble légitime de poser devant l’ensemble des parlementaires des deux assemblées.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
J’ai justement demandé à l’Inspection générale des finances de me remettre un rapport sur le sujet dans le courant du mois de février 2012 afin de comprendre les raisons de cette différence avec nos partenaires. En effet, à côté de l’argument idéologique sur la nécessité de délier les aides – il faut être pur et humanitaire, n’est-ce pas ? –, il y a l’argument des retombées économiques et de l’emploi, qui mérite aussi d’être considéré sans naïveté.
Ce sont les mêmes questions que nous nous posons à propos de nos financements d’aide liée. La France fait beaucoup d’études en amont dans le cadre du Fonds d’études et d’aide au secteur privé, le FASEP, mais ces financements n’ont de sens que s’ils servent de tremplin à nos entreprises pour remporter de grands contrats d’équipement dans les pays en voie de développement. Croyez-moi, je veille à cela attentivement. La France mérite mieux que de devenir un simple guichet d’aide ou un grand bureau d’études gratuit au profit des firmes étrangères et sans lendemains commerciaux pour nos entreprises.
Pour conclure, je veux vous convaincre que le Gouvernement fait le meilleur usage des crédits qui vous sont demandés pour accroître l’influence de notre pays. L’année 2011, avec la présidence française du G8 et du G20, l’atteste, je le crois, avec éclat.
Le G8 a assumé pleinement ses responsabilités, dans un contexte dramatique, marqué par la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon. À l’occasion des vingt-cinq ans de la catastrophe de Tchernobyl, 740 millions d’euros ont ainsi pu être mobilisés pour sécuriser pleinement et définitivement le sarcophage du réacteur de cette centrale nucléaire. Aux côtés des principaux donateurs que sont la BERD, les États-Unis, l’Allemagne et la Russie, la France a contribué pour plus de 51 millions d’euros à la reconstitution de ces fonds nucléaires.
En ce qui concerne le G20, Henri de Raincourt a parlé du plan d’actions en faveur du développement adopté lors du sommet de Cannes au début du mois de novembre. Je voudrais moi aussi insister sur le fait que c’est la première fois que le G20 se penchait sur la question du financement du développement ; la première fois aussi que les pays émergents ont pris l’engagement d’accroître leur soutien aux autres pays en développement, juste retour des responsabilités nouvelles qu’ils assument sur la scène internationale.
Le G20 a en effet reconnu que des financements innovants devaient être trouvés pour répondre aux besoins du développement. Les chefs d’État et de gouvernement ont discuté d’un menu de financements innovants, tels que les garanties d’achats futurs, l’émission d’obligations pour les diasporas, la taxation des soutes des navires ou des avions, la taxation du tabac et toute une panoplie de taxes financières, et se sont engagés à en mettre en œuvre certains. Pour la première fois dans un communiqué du G20 a été inscrit le principe d’une taxe sur les transactions financières visant à soutenir le développement.
Il ne fait désormais plus de doute que la mise en œuvre de cette taxe est une option techniquement crédible, et le Président de la République a encore accru le soutien à une telle taxation.
À ce sujet, je précise à M. Christian Bourquin que le Président de la République est partisan de cette taxe depuis fort longtemps.
J’ouvre par ailleurs une petite parenthèse pour signaler à M. Bourquin que Mayotte ne fait pas partie du périmètre de l’AFD.
À Cannes, outre la France, la Commission européenne, l’Allemagne, l’Espagne, l’Argentine, l’Union africaine, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud, le Secrétaire général des Nations unies et le Brésil ont exprimé leur intérêt pour une telle taxe. Sans aller aussi loin, le Président des États-Unis lui-même a exprimé sa disponibilité sur le principe de la contribution du secteur financier à la résolution de la crise.
La discussion, au début de 2012, du projet de directive de la Commission européenne – sur l’initiative de la France, je le rappelle – visant à instaurer un « système commun de taxe sur les transactions financières » constitue la prochaine étape dans ce combat.
Nous sommes repartis de Cannes avec beaucoup d’espoir. Je sais qu’il y a un large consensus dans cette assemblée en faveur de cette taxe. Lors de l’examen du projet de loi de finances la semaine dernière devant la Haute Assemblée, j’ai redit que votre soutien était essentiel, que le Gouvernement souhaitait procéder, comme à l’Assemblée nationale, par voie de résolution plutôt que par le vote d’un texte qui, au fond, serait contre-productif dans la mesure où il amènerait à disperser le consensus entre les nations.
La taxe sur les transactions financières ne peut exister que si l’ensemble des nations, à commencer par les Européens, la prépare ensemble. Il ne sert à rien de légiférer de façon dispersée. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous remercie de votre soutien sur cette taxe et vous engage à travailler par voie de résolution.
Des progrès importants ont également été enregistrés lors du G20 sur la mobilisation des ressources nationales pour le développement : le G20 a demandé aux entreprises multinationales d’améliorer la transparence, en particulier dans le domaine des industries extractives. Lors des travaux du B20 sur ces sujets, que j’ai présidés, à la veille du sommet de Cannes, j’ai pu constater que les entreprises des pays du G20 avaient réellement pris conscience des enjeux existant en matière de transparence et de lutte contre la corruption et qu’elles s’engageaient à des efforts véritables.
Le G20 s’est également engagé à contribuer à réduire le coût moyen des transferts des migrants de 10 % à 5 % d’ici à 2014, contribuant ainsi à libérer chaque année 15 milliards de dollars supplémentaires au profit des familles bénéficiaires.
Comme Henri de Raincourt, je pense honnêtement que ce budget est le meilleur possible dans la situation que connaît actuellement notre pays. Je remercie les sénateurs, sur l’ensemble des travées, de l’avoir reconnu explicitement.
Je crois que la France fait du bon travail, que c’est l’image qu’elle renvoie à travers le monde, et que cela dépasse les clivages politiques existant entre nous. L’essentiel est de maintenir l’effort, d’ouvrir les yeux sur un certain nombre de choses. J’insiste sur la différenciation, sur les retombées économiques de l’aide, qui sont de véritables enjeux pour l’avenir.
Au total, nous sommes fiers, Henri de Raincourt et moi-même, de vous présenter ce budget et nous vous remercions par avance de bien vouloir l’approuver.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Aide publique au développement
Aide économique et financière au développement
Solidarité à l’égard des pays en développement
Dont titre 2
222 400 283
222 400 283
Développement solidaire et migrations
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Prêts à des États étrangers
Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France
Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers
Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce
Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre vote, auquel Pierre Lellouche et moi-même sommes extrêmement sensibles.
Le développement est une belle et noble cause. Faisons en sorte que ce bel idéal auquel nous souscrivons tous contribue à l’édification d’un monde meilleur.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 61 et 61 bis).
La parole est à M. Éric Bocquet, rapporteur spécial.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » rassemble des programmes hétéroclites : lutte contre la pauvreté, actions en faveur des familles, handicap et dépendance, égalité entre les hommes et les femmes ou encore un programme « support » des ministères sociaux.
Cette variété nous montre en réalité la diversité des situations de fragilité et de détresse sociale auxquelles la puissance publique doit apporter son secours. Je dis bien « puissance publique », car l’intervention de l’État, qui n’est d’ailleurs pas entièrement comprise dans cette mission, est complétée, parfois suppléée, par les organismes de sécurité sociale, les collectivités territoriales ou même des acteurs privés. La vision que nous offre la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » n’est donc pas exhaustive.
Cette mission comprend 12, 75 milliards d’euros de crédits de paiement, parmi lesquels 11 milliards d’euros, soit près de 90 %, sont des dépenses d’intervention, pour la plupart des dépenses des guichets : le RSA activité, l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation supplémentaire d’invalidité, etc.
Au-delà du budget, l’État met également en œuvre une politique fiscale de solidarité. Les dépenses fiscales rattachées à la mission représentent un coût de 12, 5 milliards d’euros, soit un montant quasi équivalent à celui des crédits. Nous examinons par conséquent une politique publique dont le substrat est autant budgétaire que fiscal.
À cet égard, nous disposons désormais du rapport de l’Inspection générale des finances sur l’évaluation des dépenses fiscales, dit rapport Guillaume. Or nous constatons que, sur trente-deux niches étudiées, dix-huit sont notées 0 ou 1, pour un montant total de 9 milliards d’euros.
En réalité, les dispositifs se sont empilés, sans cohérence et sans réflexion d’ensemble. Il est regrettable, compte tenu de l’état de nos finances publiques, que les outils fiscaux en matière sociale n’atteignent pas ou mal leur objectif.
La solution de facilité serait bien sûr de trancher d’un coup net, définitif, ce nœud gordien et de supprimer ainsi l’ensemble des niches jugées inefficaces. Pourtant, je ne crois pas à cette solution. Le droit fiscal est constitué d’un embrouillamini de dispositions qui supportent mal toute révolution en forme de big-bang. Appliquée aux dépenses fiscales de solidarité, une telle méthode aurait des conséquences désastreuses avec des effets de bord qui léseraient de nombreux foyers fragiles.
Avant toute chose, nous devons affiner le diagnostic et avoir une vision exhaustive de nos dispositifs d’aide, qu’ils soient sociaux, budgétaires ou fiscaux, et cela pour chaque catégorie de bénéficiaires : les familles, les personnes âgées, handicapées ou invalides. Nous devrons tendre vers deux objectifs : assurer un montant de redistribution au moins équivalent à celui d’aujourd’hui – et encore, nous constatons, au quotidien, qu’il est bien insuffisant – et assurer une plus grande redistributivité des mécanismes fiscaux.
J’en viens maintenant aux considérations plus strictement budgétaires.
Je l’ai dit, la mission rassemble plus de 12, 75 milliards d’euros de crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 3, 14 % par rapport à l’an passé. En réalité, cette augmentation résulte du très fort dynamisme de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, en hausse de 6 %, et dissimule la réduction, souvent inappropriée, des dotations des autres programmes.
Je me limiterai ici à quelques rapides observations.
Le programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » porte, à titre principal, la dotation d’équilibre du Fonds national des solidarités actives, le FNSA, qui finance le RSA activité, c’est-à-dire le complément de revenus versé aux « travailleurs pauvres ». Eh oui, aujourd’hui, dans notre pays, une activité salariée ne protège ni de la pauvreté ni de la précarité !
Par le passé, du fait d’une lente montée en charge du RSA activité, le FNSA a accumulé les excédents de trésorerie, jusqu’à 1, 3 milliard d’euros à la fin de 2010.
Pour 2012, la dotation du fonds est fixée à 535 millions d’euros, contre 700 millions d’euros en 2011. Néanmoins, sa trésorerie devrait toujours s’établir autour de 488 millions d’euros à la fin de 2011 et de 277 millions d’euros à la fin de 2012.
Par conséquent, je n’ai pas d’inquiétude sur la dotation destinée à financer le revenu de solidarité active, le RSA. Je regrette simplement que l’État accumule les excédents sur le RSA activité pendant que les départements ont de plus en plus de mal à financer le RSA socle et les dispositifs d’insertion qui en sont le corollaire indispensable.
Les années passées, le Gouvernement a profité des excédents disponibles du FNSA pour financer la prime de Noël. Celle-ci devrait être inscrite de manière pérenne dans le budget, ce qui serait plus conforme aux règles budgétaires et qui, de surcroît, permettrait de lever l’hypocrisie selon laquelle la prime ne serait qu’un dispositif exceptionnel, alors même qu’elle a été renouvelée chaque année depuis 1998.
Le prochain collectif budgétaire devrait néanmoins nous apporter pleinement satisfaction puisque le Gouvernement a enfin décidé de pérenniser la prime de Noël. Je regrette simplement que cette dépense passe par l’intermédiaire du FNSA, alors qu’elle devrait relever du budget de l’État. Il manquera d’ailleurs au moins 80 millions d’euros pour financer la prime de Noël de 2012. Madame la ministre, comment comptez-vous remédier à cette difficulté ?
En ce qui concerne le programme « Actions en faveur des familles vulnérables », je constate une absence de dotation du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, le FNPE, laissant les conseils généraux supporter une charge croissante en matière d’aide sociale â l’enfance. Une fois de plus, le Gouvernement marque son refus d’appliquer les obligations issues de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Combien de fois encore faudra-t-il que l’État soit condamné pour qu’il assume ses responsabilités ?
Par ailleurs, le programme porte, très majoritairement, des crédits destinés à financer la protection juridique des majeurs, à hauteur de 216 millions d’euros. Nous aurons bientôt l’occasion d’étudier en détail ce chapitre lors de la présentation d’une enquête que la Cour des comptes vient de remettre à notre commission.
En ce qui concerne le programme « Handicap et dépendance », le plus important de la mission, les crédits de l’AAH représenteront, en 2012, la somme substantielle de 7, 5 milliards d’euros. Et encore, il devrait manquer près de 200 millions d’euros à la fin de l’année ! Nous savons que cette dépense progresse de près de 8 % par an sous l’action d’un « effet-prix », la revalorisation du montant de l’AAH de 25 % sur cinq ans, et d’un « effet-volume », la hausse du nombre de bénéficiaires, qui est, en réalité, mal comprise.
Le Gouvernement nous annonce son intention de réaliser 100 millions d’euros d’économies sur cette prestation. J’en prends acte, mais permettez-moi d’en douter ! En commission, nous nous sommes notamment interrogés sur les modalités d’harmonisation des pratiques des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Combien de personnes vont-elles être exclues de l’allocation aux adultes handicapés de ce fait ?
Sur un tout autre sujet, je note avec satisfaction la création de 1 000 places dans les établissements et services d’aide par le travail, ESAT, à compter du 1er décembre 2012. Je reste néanmoins inquiet car je sais que certaines places demeurent inoccupées faute de moyens de transport appropriés. Madame la ministre, comment pourrions-nous agir pour remédier à ces difficultés que rencontrent au quotidien les familles concernées ?
Quant au programme « Égalité entre les hommes et les femmes », il n’est, à mon sens, pas réellement à sa place dans cette mission. La politique d’égalité entre les hommes et les femmes relève non pas d’une logique de solidarité, mais d’un véritable projet de société ! Je note d’ailleurs avec regret que vous n’avez pas cru bon de maintenir un secrétariat d’État dédié.
L’examen des crédits confirme que cette politique ne constitue plus l’une de vos priorités puisque vous avez réduit la dotation du programme de 5 %. Est-ce bien à la hauteur de l’engagement nécessaire sur un sujet aussi fondamental que celui de la condition féminine ?
À qui cet argent va-t-il manquer ? Aux associations ! Ce sont les rouages essentiels de cette politique sur le terrain au quotidien. Les chargées de mission départementales et régionales, prises dans le rouleau compresseur de la RGPP, vont également se sentir bien seules. Notre collègue de la commission des finances Michèle André pourrait en dire long à ce sujet.
Bref, vous avez choisi de faire des économies de bout de chandelle, qui représentent un peu plus de 1 million d’euros. Il faut craindre que, in fine, cette charge doive être assumée par les collectivités territoriales, dont vous réduisez par ailleurs les budgets, si nous voulons maintenir l’activité de ces indispensables associations.
Enfin, en ce qui concerne le programme support « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », je me limiterai à une observation.
Les crédits de personnel représentent 1, 2 milliard d’euros, en baisse de près de 5 %. Le Gouvernement nous vante régulièrement les mérites du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui est effectivement mis en œuvre. Mais, en l’espèce, la diminution des crédits s’explique surtout par le transfert de personnels vers d’autres missions du budget général et non par la maîtrise de la dépense.
En conclusion, je constate, d’abord, que l’État accumule des excédents sur le RSA pendant que les départements ont de plus en plus de mal à financer leurs dépenses sociales et d’insertion.
Ensuite, le Gouvernement refuse délibérément de doter le FNPE et, là encore, fait peser sur les départements une charge croissante en matière d’aide sociale à l’enfance.
Par ailleurs, la politique du handicap fait l’objet d’un effort, certes méritoire, de budgétisation par rapport aux années passées, mais nous savons déjà qu’il ne sera pas suffisant.
Enfin, en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, les choix d’économies sont dérisoires au regard du déficit public, mais particulièrement brutaux pour les associations concernées.
Pour l’ensemble de ces raisons, je ne peux adhérer au budget qui nous est proposé : il reflète une politique qui prend insuffisamment en compte nos concitoyens parmi les plus fragiles et les plus modestes dans un contexte de crise aggravée, que nous ne manquons pas d’évoquer ici même régulièrement.
Mes chers collègues, la commission des finances vous propose de rejeter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et d’adopter, sans modification, les articles rattachés 61 et 61 bis. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette mission, composée de cinq programmes au poids budgétaire très inégal, est assez hétéroclite puisqu’elle traite aussi bien de la politique du handicap, de la lutte contre la pauvreté que de l’égalité entre les hommes et les femmes ou du financement des administrations sociales.
Les crédits demandés pour 2012, d’un montant de 12, 75 milliards d’euros, sont globalement en hausse de 3, 14 %, mais cette évolution favorable ne se retrouve pas dans tous les programmes. En réalité, seul le programme « Handicap et dépendance » voit ses crédits progresser, tandis que les autres enregistrent une baisse très nette, et pour certains très grave, révélatrice d’un désengagement de l’État en matière de politique sociale.
Le programme « Handicap et dépendance » est doté de près de 10, 5 milliards d’euros pour 2012, soit une augmentation de 6 % par rapport à cette année. Ces moyens significatifs sont majoritairement destinés à l’achèvement du plan de revalorisation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés pour la période 2008-2012, conformément aux engagements pris par le Président de la République. À l’issue de ce plan, l’AAH atteindra 776, 59 euros par mois et bénéficiera à près de 950 000 personnes.
Cet effort financier ne doit cependant pas nous aveugler : en même temps que le Gouvernement revalorise le montant de l’AAH, il en restreint, sous prétexte de clarifier les règles juridiques et d’harmoniser les pratiques entre départements, les conditions d’octroi.
Jusqu’à présent, en effet, chaque « maison du handicap » disposait d’une certaine marge de manœuvre pour apprécier la « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi » des personnes présentant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 %. Or, faute de définition claire de cette notion, l’interprétation varie selon les MDPH, d’où un risque d’inégalité de traitement entre les personnes sur l’ensemble du territoire.
Un décret et une circulaire, publiés cet été, sont venus préciser les choses. Désormais, pour apprécier la « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi », seul le handicap, sous son aspect médical, est pris en compte. L’environnement économique et social du demandeur – par exemple, sa chaîne de déplacement ou le bassin d’emploi dans lequel il vit – ne fait plus partie des critères d’appréciation. Cette approche pose problème et risque de diminuer le nombre d’allocataires. Il a aussi décidé de ramener de cinq ans à deux ans le délai de réexamen de la situation de ces mêmes bénéficiaires, ce qui, compte tenu de la charge de travail qui incombe aux MDPH et du fait qu’il leur faut, en moyenne, plus de huit mois pour traiter un dossier, paraît tout à fait irréaliste.
Le programme finance également, à hauteur de 2, 6 milliards d’euros, le fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail. Là encore, je déplore que cet effort budgétaire méritoire soit affecté par la mise en œuvre de la convergence tarifaire, qui pose de réelles difficultés aux ESAT. Nous pourrons peut-être l’aborder plus précisément dans le débat.
J’en viens maintenant au programme « Lutte contre la pauvreté », qui regroupe les crédits destinés au financement de la partie « activité » du revenu de solidarité active et ceux de l’économie sociale et solidaire. Ce programme phare de la mission accuse un recul spectaculaire : de 692 millions d’euros en 2011, les crédits passent à 535 millions d’euros en 2012, soit une baisse de 22, 7 %.
Cela a déjà été dit, le RSA est composé de deux prestations : le RSA socle, financé par les départements, et le RSA activité, pris en charge par l’État via le FNSA. Ce fonds est alimenté, notamment, par une recette fiscale qui lui est intégralement affectée.
Depuis sa création en 2009, le RSA activité a connu une montée en puissance beaucoup plus faible qu’envisagé, avec 731 000 bénéficiaires prévus pour 2012, alors que la cible attendue était de 1, 6 million d’allocataires. Ainsi, d’importants excédents de trésorerie ont été engrangés ces trois dernières années. Or, au lieu de rediriger les crédits non consommés du RSA activité vers des actions destinées, par exemple, à renforcer l’information et l’accompagnement des bénéficiaires potentiels de cette allocation ou vers des politiques d’insertion dont toutes les associations et entreprises d’insertion nous indiquent avoir grand besoin compte tenu de la gravité de la situation sociale, le Gouvernement s’en est servi pour financer la prime de Noël ou pour soutenir la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.
Plus grave encore, une ponction de 211 millions d’euros doit être opérée en 2012 sur les réserves de trésorerie du fonds, soit une diminution de 23 % de la contribution du Gouvernement au RSA activité. Autrement dit, le FNSA est devenu une cagnotte pour financer diverses promesses du Gouvernement. Je pense notamment à l’aide exceptionnelle aux services d’aide à domicile, d’un montant de 50 millions d’euros sur deux ans, votée récemment à l’Assemblée nationale.
Il faudrait s’interroger sur les raisons de la faible montée en puissance du RSA activité. Je n’ai pas le temps d’évoquer ce point maintenant ; peut-être pourrai-je le faire au moment de l’examen des amendements.
Permettez-moi de prononcer encore quelques mots sur l’extension du RSA aux jeunes, effective depuis le 1er septembre 2010. Les conditions d’accès à cette allocation sont beaucoup trop restrictives et ne tiennent pas compte de la réalité sociale vécue actuellement par les jeunes, quels qu’ils soient, puisque, pour toucher ce RSA, ces derniers doivent avoir travaillé deux ans à temps complet dans les trois années précédant la demande.
Les résultats sont sans appel : à ce jour, un peu plus de 10 000 personnes seulement en bénéficient.
Le financement de l’économie sociale et solidaire me paraît pour sa part devoir être extrêmement renforcé.
Je n’ai plus le temps d’évoquer les crédits alloués à la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes ni ceux destinés aux familles vulnérables et à la protection de l’enfance ; peut-être pourrai-je y faire allusion dans la suite du débat.
En conclusion, le projet de loi de finances n’est pas à la hauteur des enjeux qui se posent en matière de solidarité, d’insertion et d’égalité des chances. Aussi, vous comprendrez, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que je propose de voter contre les crédits de la mission.
S’agissant des articles rattachés, je suis favorable à leur adoption, même si ces deux mesures ne sont pas entièrement satisfaisantes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois cette année, la commission des lois s’est saisie pour avis des crédits du programme 137, « Égalité entre les hommes et les femmes », de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Les violences faites aux femmes, quelles qu’elles soient – violences conjugales, agressions sexuelles, mariages forcés, … –, comme les inégalités dont sont victimes les femmes dans l’ensemble des sphères de la société – face au marché de l’emploi, face aux responsabilités dans les entreprises et la fonction publique ; question de la parité, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne progresse pas – sont autant de sujets de préoccupation pour la commission des lois.
J’évoquerai deux sujets d’inquiétude majeure.
Le premier concerne la diminution des subventions accordées aux associations.
Les crédits du programme 137 diminueront de 5 % en 2012, passant de 21, 16 millions d’euros à 20, 10 millions d’euros.
Ces « économies de bout de chandelle », comme les appelle le rapporteur spécial Éric Bocquet, risquent de déstabiliser des associations menant pourtant un travail remarquable sur le terrain, …
… alors même que la crise économique qui traverse notre pays affectera au premier chef les femmes, comme c’est malheureusement toujours le cas.
Je tiens d’ailleurs à souligner que la promotion des droits des femmes ne constitue pas nécessairement une charge budgétaire. Par exemple, le Sénat examinera très prochainement un projet de loi sur la fonction publique. Or, à ma connaissance, au titre de la promotion de la parité, celui-ci n’inclut en tout et pour tout que la simple remise d’un rapport. En ces temps de crise économique et de réductions budgétaires, l’État se doit d’être exemplaire. Pourtant, seul un quart des postes à responsabilité dans la fonction publique sont aujourd’hui occupés par des femmes.
Madame la ministre, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il proposer pour remédier à cette situation ?
J’en viens à notre second sujet de préoccupation.
Nous avons voté, il y a bientôt un an et demi, une importante loi sur les violences conjugales : la loi du 9 juillet 2010.
Or la mise en œuvre de cette loi est encore très largement insuffisante.
Je rappelle qu’on a recensé 232 morts et un peu plus de 56 000 faits de violences non mortelles au sein du couple en 2009. Ces chiffres sont pourtant bien en deçà de la réalité : il est en effet établi que plus de 80 % des victimes de violences conjugales ne se déplacent ni à la police ni à la gendarmerie. Sans doute des efforts notables ont-ils été accomplis par ces deux services pour améliorer l’accueil des victimes. Sans doute les politiques pénales des parquets – du moins de certains d’entre eux – sont-elles également mieux coordonnées. Mais l’ordonnance de protection – dispositif introduit par la loi de 2010 – est très mal connue des professionnels et elle est, de ce fait, appliquée de façon très inégale par les juridictions.
En outre, l’expérimentation du dispositif électronique de rapprochement n’a pas encore débuté.
Par ailleurs, le cursus de formation de certains professionnels – en particulier celui des personnels de santé – n’inclut toujours aucune formation au caractère spécifique des violences conjugales, notamment la notion de violence psychologique dans le couple, dont on mesure mieux maintenant le caractère insidieux et particulièrement dévastateur pour les victimes.
Enfin, le nombre de places d’hébergement spécialisé à destination des femmes victimes est largement insuffisant. Il n’existe ainsi que 3 000 places, alors que, d’après les associations, il en faudrait 6 000.
Et je ne m’en tiens ici qu’aux principales observations m’ayant été adressées lors des auditions !
Par ailleurs, aucun des trois rapports prévus par la loi du 9 juillet 2010 n’a été remis au Parlement.
Tout cela me conduit à douter de la réalité de l’engagement du Gouvernement à mieux lutter contre les violences conjugales.
M. Roland Courteau approuve.
Madame la ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous mettre en œuvre pour permettre aux outils créés par la loi du 9 juillet 2010 de fonctionner ?
Comme l’ont observé plusieurs des personnes que j’ai entendues dans le cadre de la préparation de ce rapport, la lutte contre les violences faites aux femmes ne nécessite pourtant pas de mobiliser des moyens financiers considérables. Il est possible de faire beaucoup mieux, pour peu qu’un réel travail de coordination des acteurs soit mené et que la détermination des pouvoirs publics soit totale. Or, d’une part, la diminution de 5 % des crédits et, d’autre part, les retards pris dans la mise en œuvre de la loi du 9 juillet 2010 nous font craindre une détérioration de la situation des femmes dans les mois qui viennent.
Vous le comprendrez, pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 137 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », permettez-moi, avant d’entrer dans le vif du sujet, de saluer le travail, l’implication et le dévouement sans faille des associations et des bénévoles qui s’engagent quotidiennement auprès des plus démunis et des plus fragiles.
« Dormir sur un quai de métro au milieu de la foule ou sur une bouche d’aération pour se réchauffer ; vivre dans sa voiture parce que son salaire ne permet pas de payer un loyer ; chercher tous les soirs un abri pour passer la nuit : c’est cette réalité terrible que certains de nos concitoyens affrontent chaque jour. […] Cette réalité est incompatible avec notre conception de la République. » Peut-être aurez-vous reconnu, madame la ministre, l’auteur de ces propos : ils sont extraits du discours que vous avez prononcé il y a tout juste un an, lors de la cérémonie de clôture de l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
Nous aurions aimé que votre budget se fasse l’écho de cette déclaration.
Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont, pour 2012, en hausse de 3, 14 %. Nous devrions nous en réjouir. Hélas ! Il ne s’agit en fait que d’une augmentation en trompe-l’œil, résultant de la seule progression du programme « Handicap et dépendance », progression que je ne remets bien sûr pas en cause.
L’examen des ressources que le projet de loi de finances alloue notamment à la solidarité démontre, s’il en était encore besoin, que le Gouvernement se détourne des plus démunis. Pourtant, dès 2007, le Président de la République s’était fixé comme objectif de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans. Mais encore aurait-il fallu s’en donner les moyens !
Le constat est implacable : les crédits octroyés au programme « Lutte contre la pauvreté » ont baissé de 22, 7 % par rapport à l’année dernière. En outre, je note que le programme consacré aux familles vulnérables subit lui aussi une baisse importante. Dans cette période de crise économique et sociale particulièrement difficile, qui frappe de plein fouet nos concitoyens, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle diminution. A-t-on le droit de laisser des hommes, des femmes et des enfants ne pas manger à leur faim ou dormir dans la rue ? Devons-nous rester indifférents aux maux qui rongent notre société ?
Madame la ministre, comme vous le savez, huit millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Lors de la vingt-septième collecte de denrées, qui a eu lieu vendredi et samedi derniers, le réseau des banques alimentaires a reçu 12 500 tonnes de nourriture, ce qui représente l’équivalent de vingt-cinq millions de repas, soit un million de plus qu’en 2010. Pour mémoire, les banques alimentaires sont venues en aide à près de 750 000 personnes l’année dernière.
Si nos concitoyens les plus défavorisés peuvent compter sur le formidable élan de générosité des Français, même en période de crise, que peuvent-ils attendre du Gouvernement ?
Madame la ministre, quelles garanties pouvez-vous notamment nous apporter sur le maintien à terme, à savoir après 2013, du Programme européen d’aide aux plus démunis ?
Faire de la solidarité un levier central de la politique sociale : telle était pourtant la mission que vous vous étiez fixée. À cet égard, il me semble particulièrement regrettable que les crédits destinés à financer le RSA activité accusent un recul de 23 %. Si la France devait connaître une reprise économique, nous pourrions comprendre cette décision. Mais nous savons tous que nous en sommes très loin !
Vous nous soutenez que la demande de crédits s’adapte au rythme de la montée en puissance du RSA activité. Certes, le nombre d’allocataires est inférieur à ce qui était attendu. En fait, la raison est simple : la complexité du dispositif et le manque d’informations ont conduit bon nombre de bénéficiaires potentiels du RSA activité à ne pas le réclamer.
Je voudrais également dire un mot des jeunes, de plus en plus touchés par la précarité. En France, aujourd’hui, une partie de la jeunesse vit en dessous du seuil de pauvreté : le taux de chômage des jeunes est deux fois supérieur au taux de chômage de l’ensemble de la population.
Si, jusqu’alors, les jeunes diplômés étaient relativement épargnés par la précarité, réservée aux moins diplômés, tel n’est plus le cas. Ils n’échappent pas au cercle vicieux de l’enchaînement des stages, des contrats à durée déterminée, du chômage, puis à nouveau des CDD. Il leur est donc de plus en plus difficile, dans ces conditions, d’accéder à une relative indépendance financière.
Les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans représentent aujourd’hui la classe d’âge la plus pauvre de France : ils éprouvent des difficultés à trouver un emploi, à se loger, à se soigner. Cette situation de détresse n’est pas acceptable.
Pour les aider, vous nous avez proposé d’étendre le RSA aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans qui ont travaillé à temps complet au cours de deux des trois dernières années. Malheureusement, cette mesure ne permettra pas d’endiguer ce phénomène, car la condition posée est en effet beaucoup trop restrictive pour nombre de jeunes qui alternent des périodes de petits boulots, de stages non rémunérés ou de travail à temps partiel. C’est la raison pour laquelle un peu plus de 10 000 personnes seulement bénéficient du RSA jeunes. C’est très peu, trop peu ! Pourquoi ne pas étendre cette allocation à l’ensemble des jeunes de moins de vingt-cinq ans afin qu’ils puissent connaître un réel changement dans leur vie quotidienne ?
Avant de conclure, je voudrais aborder un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
Je regrette profondément que le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » ait subit une baisse de 5 % de ses crédits, alors que des discriminations existent toujours dans la vie privée et dans le milieu professionnel.
La violence faite aux femmes a été déclarée « grande cause nationale » en 2010. Pour autant, les violences conjugales perdurent : cent quarante-six femmes sont décédées en 2010 sous les coups de leur compagnon et, chaque année, trois millions de femmes sont victimes de violences. Ces chiffres sont terrifiants. Madame la ministre, nous ne pouvons pas, nous ne devons pas rester indifférents à la détresse de ces femmes.
S’agissant de l’égalité professionnelle, tout le monde s’accorde à reconnaître que la situation des femmes n’a pas connu d’évolution. Les inégalités persistent : différences de traitement entre les hommes et les femmes, parmi lesquelles l’augmentation des formes d’emplois précaires et des écarts de rémunération au détriment des femmes ; maintien du « plafond de verre » pour les femmes qui tentent d’accéder aux instances de décision dans l’entreprise ; par ailleurs, près de trois femmes sur dix attendent d’atteindre soixante-cinq ans pour liquider leur retraite, faute de n’avoir pu rassembler les trimestres nécessaires, contre un homme sur deux. Il est grand temps, madame la ministre, de favoriser la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle pour faire progresser l’égalité au travail et dans l’emploi.
Pour toutes ces raisons, la majorité des sénateurs du groupe du RDSE ne pourra pas voter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent budget montre que le Gouvernement poursuivra en 2012 une politique volontariste en faveur de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances. Les crédits de cette mission s’élèvent à 12, 7 milliards d’euros, et progressent ainsi de 3, 1 %. Cet effort consenti au nom de la solidarité nationale est d’autant plus remarquable que la crise financière pèse sur les comptes publics. La présentation de cette mission par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ne reflète donc pas la réalité selon moi, car les chiffres sont là !
Le programme « Handicap et dépendance », qui concentre 80 % des crédits de la mission, augmente de 6 %, après avoir enregistré une hausse de 8, 5 % en 2011, de 5, 5 % en 2010 et de 6, 5 % en 2009. Je pense que le traitement de la question du handicap lors de cette législature mérite un satisfecit.
La loi du 11 février 2005 a donné un nouveau cadre à notre politique du handicap. De plus, des objectifs ambitieux ont été fixés par le Président de la République devant la Conférence nationale du handicap du 10 juin 2008 et le présent budget permet de les respecter. Étaient ainsi prévues la revalorisation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés d’ici à 2012, la création sur cinq ans de 50 000 nouvelles places en établissements spécialisés pour personnes handicapées, une orientation plus systématique des bénéficiaires de l’AAH vers l’emploi.
L’allocation aux adultes handicapés a été revalorisée au rythme nécessaire, pour atteindre 25 % d’augmentation entre 2008 et 2012. Ainsi, l’AAH s’élèvera à 776 euros à la fin de 2012, contre 621 euros en 2007.
Pour notre rapporteur pour avis, cet effort financier ne devrait pas « nous aveugler ». Selon elle, en même temps que le Gouvernement revalorise le montant de l’AAH, il restreindrait ses conditions d’octroi, afin de diminuer le nombre de bénéficiaires. Je lui ferai cependant remarquer que, d’après la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le nombre d’allocataires augmente : la prévision d’évolution annuelle devrait être de 3, 4 % en 2011 et de 2, 5 % en 2012. Le décret du 16 août 2011 soumet à conditions l’accès à l’AAH, dans le but de limiter les risques de divergence d’appréciation entre les territoires et non pour exclure qui que ce soit.
L’insertion des personnes handicapées constitue un autre sujet important, car l’intégration professionnelle des personnes handicapées joue un rôle essentiel dans leur participation à la société et leur accès à une vie autonome.
Le budget de l’enseignement scolaire révèle une augmentation de 60 % du nombre d’enfants handicapés scolarisés par rapport à 2007. Le nombre d’assistants scolaires pour accompagner ces élèves a doublé entre 2007 et 2010.
L’insertion par l’emploi doit également se réaliser en priorité en milieu ordinaire. On peut se réjouir, sur ce point, de l’évolution de cette question depuis la loi du 11 février 2005, même s’il faut rester très exigeant dans ce domaine. N’oublions pas que la loi fixait pour objectif un taux d’emploi de 6 % de personnes handicapées dans les entreprises d’au moins vingt salariés et que le taux d’emploi des personnes handicapées atteint d’environ 4 % dans la fonction publique et 3 % dans le secteur privé.
Dans la fonction publique, on est déjà à 5 % !
La formation professionnelle joue un rôle essentiel pour lutter contre le chômage des personnes handicapées. Aujourd’hui, plus de 70 000 personnes handicapées entrent en formation chaque année, contre 50 000 environ avant l’entrée en vigueur de la loi de 2005.
Lorsque le travail en milieu ordinaire n’est pas possible, la maison départementale des personnes handicapées peut décider d’orienter la personne handicapée vers le milieu de travail protégé, c’est-à-dire les établissements et services d’aide par le travail. Une enveloppe de plus de 1, 4 milliard d’euros permettra de financer les 118 000 places existantes dans les établissements et services d’aide par le travail et de créer 1 000 nouvelles places. L’augmentation du nombre de places en établissement constitue une évolution bienvenue, compte tenu du retard de la France en la matière. J’espère que nous pourrons ainsi combler les disparités territoriales et résorber les listes d’attente des personnes orientées vers ces établissements.
Je tiens enfin à souligner le rôle essentiel joué par les maisons départementales des personnes handicapées, guichets uniques d’accès aux droits et aux prestations, qui évaluent les besoins de la personne sur la base de son « projet de vie ».
La dotation aux maisons départementales des personnes handicapées a fortement augmenté. Les crédits s’établissent à 57 millions d’euros en 2012, contre 47 millions d’euros en 2011 et 21, 7 millions d’euros en 2010. Il s’agit de contribuer au fonctionnement général des MDPH et également de compenser les vacances d’emplois au titre des personnels initialement mis à disposition par l’État qui ont pris leur retraite ou réintégré leur administration d’origine sans être remplacés par des personnels de même statut.
Je pense que la dynamique créée par la loi du 11 février 2005 doit être poursuivie et approfondie en permanence, et je me réjouis qu’une loi résultant d’une initiative sénatoriale, puisqu’elle fut l’œuvre de notre ancien collègue Paul Blanc, ait permis, cette année, de traiter trois types de questions : l’instabilité des personnels et la diversité de leurs statuts ; la garantie insuffisante des ressources à court terme ; certaines lourdeurs administratives qui subsistaient dans l’instruction des demandes.
Je souhaiterais maintenant dire quelques mots du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », qui relève également de la mission. L’essentiel des crédits de ce programme correspond à la dotation de l’État au Fonds national des solidarités actives, chargé de mettre en œuvre le dispositif du revenu de solidarité active.
Je rappelle que, parmi les personnes en situation de pauvreté, on compte autant de personnes exclues de l’emploi que de travailleurs pauvres. C’est en partant de ce constat que le Gouvernement a engagé la révolution sociale que constitue le RSA, afin de sortir d’une logique de statut au profit d’une logique de revenu.
Généralisé en 2009, le revenu de solidarité active poursuit quatre objectifs : offrir des moyens d’existence convenables à toute personne privée de ressources – il reprend en cela les objectifs assignés au revenu minimum d’insertion, ou RMI – ; permettre que toute heure travaillée se traduise effectivement par une augmentation du revenu ; compléter les ressources des personnes exerçant une activité pour réduire la pauvreté laborieuse ; simplifier les mécanismes de solidarité.
Le RSA activité a permis d’augmenter le pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens à revenus faibles, faisant en sorte que le travail soit toujours plus avantageux que l’assistance.
Une contribution additionnelle sur les revenus du patrimoine a été affectée au Fonds national des solidarités actives, dont les ressources sont complétées par une subvention d’équilibre de l’État. Celle-ci, certes, est en baisse, mais cela n’aura aucune répercussion sur le FNSA, dans la mesure où, la subvention 2011 s’étant révélée légèrement surcalibrée, le fonds pourra mobiliser une fraction de son excédent.
La crise économique est venue contrarier l’efficacité du dispositif, en poussant mécaniquement à la hausse le nombre de bénéficiaires du RSA socle et en freinant la montée en charge du RSA activité, faute d’offres d’emplois. On peut discuter les résultats de cette politique, car il n’est pas facile de disposer de chiffres en ce domaine, mais je suis certain qu’en alliant solidarité et reprise de l’emploi, le dispositif du RSA constitue un bon principe, permettant de remettre à l’honneur la valeur travail et de moderniser les dispositifs d’assistance sociale.
Concernant les attaques contre le dispositif du RSA jeunes, je tiens à préciser que l’existence de conditions d’obtention – travail au moins deux ans au cours des trois dernières années – montre qu’il s’agit bien d’une incitation au travail, dans la logique voulue par le Président de la République, et non d’une mesure d’assistanat.
Le Président de la République a confié une mission à Marc-Philippe Daubresse en avril dernier, pour faire le point sur la mise en œuvre du RSA et renforcer le « volet insertion » du dispositif. Vingt-deux recommandations ont été formulées, dont la mise en place de contrats uniques d’insertion d’une journée par semaine. Je salue cette expérimentation qui permet de ne pas laisser de côté ceux qui rencontrent des difficultés sociales ou de santé ni ceux qui sont éloignés du marché du travail depuis trop longtemps.
Enfin, je veux dire quelques mots sur un sujet ayant trait à l’aide sociale à l’enfance : il s’agit de la prise en charge des mineurs étrangers isolés. Cette année, près de 6 000 mineurs étrangers isolés ont en effet dû être pris en charge, sur notre territoire, au titre de l’aide sociale à l’enfance. Je tiens à relayer auprès de vous, madame la ministre, l’inquiétude des départements.
Je citerai un passage du rapport que notre collègue Isabelle Debré a consacré à cette question, et qui résume parfaitement la situation.
M. Lorrain dépasse son temps de parole, monsieur le président, et vous avez interrompu notre rapporteur pour avis !
Elle explique que les départements « considèrent que l’État devrait exercer son rôle de chef de file dans le dispositif d’accueil des mineurs isolés étrangers, le contrôle des flux migratoires relevant de sa compétence régalienne, et que c’est en raison de la carence étatique qu’une réponse a dû être organisée localement. Les élus départementaux considèrent en outre que leur compétence générale en matière de protection de l’enfance ne saurait être mise en avant par l’État pour justifier sa propre absence de réponse à un phénomène qu’ils disent subir largement ».
Sur cette question, j’aurai l’occasion de présenter tout à l’heure un amendement que je soutiens à titre personnel.
Mes chers collègues, malgré les contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement reste fidèle à son engagement aux côtés de nos concitoyens les plus fragiles. Or, s’il est un domaine où l’effort de la nation ne doit pas faiblir, c’est bien celui de la solidarité. Avec le groupe de l’UMP, j’apporterai mon soutien et ma voix à cette politique.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est en période de crise, comme celle que nous traversons aujourd’hui, que la solidarité doit trouver toute sa signification. Elle est essentielle pour le maintien d’une cohésion sociale.
Force est de constater que les écarts entre les Français se creusent et que les inégalités se développent. Le nombre de nos concitoyens en situation d’exclusion ne cesse de progresser. Ce constat, je le faisais déjà, devant vous, il y a deux ans. J’observe malheureusement qu’il s’est encore aggravé.
Une première lecture de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dont nous débattons ce soir pourrait nous faire croire, cette année, à un effort. En effet, l’allocation aux adultes handicapés, principale dépense de la mission, connaît une évolution dynamique. Cependant, les crédits alloués au titre des programmes « Actions en faveur des familles vulnérables » et « Égalité entre les hommes et les femmes » ne connaissent pas la même progression, loin s’en faut.
S'agissant des actions en faveur des familles vulnérables, une lecture plus approfondie de la mission met en évidence le peu d’ambition du Gouvernement et, bien souvent, son désengagement face à l’ampleur des enjeux et de la situation dramatique de ces familles.
Certes, l’État n’est pas le seul à financer la solidarité nationale. Les départements, les régions et les communes prennent à leur charge une large part de sa mise en œuvre et de sa redistribution. Les collectivités territoriales suppléent l’État, voire se substituent à lui lorsqu’il manque à ses obligations. Le soutien de l’État, en recul, se fait de plus en plus à la marge.
Voilà quelques jours, Mme la secrétaire d’État chargée de la santé a annoncé un nouveau plan d’aide à la parentalité. Les « maisons pour les familles », au cœur de ce nouveau dispositif qui regroupe les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents et les Points Info Famille, pourraient permettre une meilleure visibilité. Toute amélioration pour prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leur responsabilité éducative doit être accompagnée.
Derrière ce discours, toutefois, la réalité de l’engagement de l’État est tout autre. Car, concrètement, les crédits de l’action n° 1 du programme sont en diminution de 17 % par rapport à 2011. Une éventuelle subvention supplémentaire des caisses d’allocations familiales ne suffira pas à compenser ce net recul.
L’annonce de ce nouveau plan n’aurait-elle pas pour objectif de masquer la baisse de 1, 9 million d’euros réalisée sur les Points Info Famille et les Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents ?
Ce décalage entre les discours et la réalité est tout aussi sensible concernant le soutien apporté par l’État à la protection de l’enfance. Aucune dotation du Fonds national de financement de la protection de l’enfance n’est prévue cette année.
L’État persiste dans son refus de se soumettre à ses obligations légales en la matière. Créé après une longue bataille juridique, ce fonds trouve son origine dans la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Il devait être doté de 150 millions d’euros sur trois ans, afin de compenser, pour les départements, les charges induites par cette loi. Il aura fallu plusieurs recours de conseils généraux devant le Conseil d’État et une menace d’astreinte journalière pour que l’État publie enfin le décret créant ce fonds, décret qui a lui-même été l’objet de nombreuses insatisfactions du fait du montant, ridiculement bas, alloué au fonds et de l’absence de compensation des dépenses engagées par les départements depuis 2007.
À ce jour, il n’est provisionné que de 40 millions d’euros, une partie provenant d’un abondement de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, l’autre d’un transfert des excédents du RSA activité voté par le Parlement.
Les départements ne peuvent supporter cette charge, à laquelle vient s’ajouter la question de plus en plus sensible de l’accueil des mineurs étrangers isolés. Notre collègue Jean-Louis Lorrain a commencé à aborder cette question avant de devoir conclure son intervention, ayant épuisé son temps de parole.
Faute de dispositif d’accueil, l’État, une fois encore, se décharge sur les départements sans aucune compensation financière. Cette question doit faire l’objet d’un partage des missions, des responsabilités et des charges entre l’État et les conseils généraux. Il y a une réelle urgence.
Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes », dont la dotation est déjà très modeste, voit ses crédits baisser de 5 % par rapport à 2011. L’essentiel de la réduction concerne la nouvelle action n° 11 dont les crédits sont consacrés à la promotion de la place de la femme dans la sphère professionnelle ou publique.
Les constats sont édifiants : absence de parité, sous-emploi, précarité, inégalité des salaires. Les discriminations et inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel perdurent, malgré la loi de 2005. De surcroît, en période de crise économique, les femmes sont les plus touchées par les fins de contrat ou par leur non-renouvellement.
La loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle a certes permis d’augmenter le nombre de femmes dans les conseils d’administration, mais nous sommes loin de l’objectif de 40 % assigné par la loi, comme l’a rappelé M. le rapporteur spécial.
Par ailleurs, les femmes sont toujours faiblement représentées aux postes d’encadrement. Selon les chiffres de l’INSEE, dans le secteur privé, seul un poste d’encadrement sur quatre est occupé par une femme.
Dans la fonction publique, très féminisée, puisque 60 % des fonctionnaires sont des femmes, seuls 16 % des emplois publics de dirigeants d’administration sont occupés par des femmes. On ne compte que 9, 9 % de préfètes, 11 % d’ambassadrices… Où est l’exemplarité de l’État ?
Le même constat prévaut en politique : la parité régresse, les dernières élections sénatoriales en sont le triste exemple, et la réforme sur les collectivités locales, si elle était appliquée, aggraverait encore la situation.
Comment peut-on croire à une réelle volonté du Gouvernement d’agir, alors que les crédits consacrés à ces actions baissent ?
La nouvelle action n° 12, quant à elle, est consacrée à la promotion des droits, à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes.
La loi du 9 juillet 2010 constitue une avancée ; elle accentue les mesures de prévention et de protection des femmes.
Les violences faites aux femmes – qu’il s’agisse d’agressions au sein du couple, d’agressions dans le milieu professionnel, de viols, de mutilations sexuelles, de mariages forcés, de prostitution – ne sont pas une fatalité. Nous ne pouvons nous y résigner ; nous devons y mettre fin par une politique volontariste.
Aujourd’hui, seuls 40 % des départements sont dotés d’un référent violence unique, comme le prévoyait la loi.
Faute de formation spécifique des personnels judiciaires, les plaintes n’aboutissent pas toujours et les ordonnances de protection des victimes sont trop peu nombreuses.
Alors que la lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée « grande cause nationale » en 2010 par le Gouvernement et que celles-ci ont augmenté de 13% cette même année, le Gouvernement diminue ou supprime les subventions attribuées aux associations, qui sont pourtant des acteurs de terrain indispensables. Je citerai, pour exemple, la suppression de la subvention à l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail.
Aurait-on affaire, une fois encore – une fois de trop ! – à une simple politique d’affichage ?
En conclusion, cette mission n’est pas à la hauteur des ambitions qu’elle affiche. Je rejoins nos rapporteurs en considérant que c’est bien le désengagement qui la caractérise : désengagement et renoncement du Président de la République, puisque l’objectif de réduction de la pauvreté ne fait plus partie du projet annuel de performances pour l’année 2012.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la note de présentation stratégique de la mission indique que « la construction d’une société davantage sur l’inclusion sociale et l’égalité des chances est une priorité essentielle du Gouvernement ». Qu’en est-il réellement ?
Dans un article du quotidien Leen date du 30 août 2011, Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français, confiait son inquiétude face au tableau de la pauvreté, en réaction à l’étude publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques. En effet, selon cette étude, 13, 5 % de la population de France métropolitaine était considérée comme pauvre, c'est-à-dire vivant avec moins de 954 euros par mois, contre 13 % en 2008. Il y avait, en France, 8, 2 millions de pauvres en 2009, contre 7, 8 millions l’année précédente.
L’inquiétude est d’autant plus importante que la situation s’est considérablement aggravée depuis, comme le souligne le Secours catholique dans son rapport annuel de 2010, rendu public mardi 8 novembre dernier.
L’association constate une hausse régulière des personnes ayant eu recours à ses services, dont une majorité de familles. Près de 1, 5 million de personnes ont bénéficié en 2010 de l’aide du Secours catholique, soit une progression de 2, 3 % par rapport à 2009, dont 702 000 enfants. Les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans sont les plus touchés par la pauvreté. Par ailleurs, plus de 30 % d’entre eux sont sans ressource et plus de 40 % au chômage.
Voilà, à grands traits, les défis que nous avons à relever avec cette mission. Les Restos du Cœur, qui démarrent aujourd'hui leur vingt-septième campagne, n’y parviendront pas seuls !
Certes, les crédits de la mission progressent de 3, 14 %, mais cette hausse masque des évolutions contradictoires entre les différents programmes. En effet, seule l’enveloppe du programme « Handicap et dépendance » progresse de 6, 04 % pour 2012.
Cette mesure est évidemment une bonne chose. Toutefois, je mettrai un bémol en raison du décret pris le 16 août 2011 par le Gouvernement concernant l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés. En effet, le décret réduit la durée d’attribution de l’AAH de cinq ans à deux ans maximum. En conséquence, les personnes handicapées seront en situation de demandeur permanent, nuisible à l’indemnisation, dans la mesure où il faut compter en moyenne trois mois pour remplir un dossier d’AAH et un délai réel de neuf à dix-huit mois pour que les MDPH et les CAF l’instruisent.
Par ailleurs, de nombreuses associations dénoncent la modification de la notion de « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, compte tenu du handicap ». En clair, pour les personnes en situation de handicap, le ministre donne la consigne aux autorités de ne retenir que les contraintes liées directement au handicap. C’est une négation totale des situations handicapantes que l’on pourrait qualifier de « surhandicaps ».
En ce qui concerne le revenu de solidarité active, on constate que la montée en charge du RSA activité est bien plus faible que celle du RSA socle. Le contexte économique n’est guère propice à l’embauche des travailleurs les moins qualifiés. C’est donc très logiquement que la part du budget consacrée au RSA activité baisse.
Le RSA devrait susciter un vrai débat. Celui-ci ne joue pas suffisamment son rôle en matière d’insertion professionnelle. On peut même craindre, avec le maintien de la crise, l’explosion des dépenses sociales des départements, financeurs du RSA socle, avec le risque que ces derniers ne compensent ces dépenses nouvelles par la réduction d’autres actions en faveur de la réduction des inégalités ou de l’insertion professionnelle.
Dans son avis rendu le 16 mai 2011, le CNLE, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, estime indispensable le développement du volet insertion du RSA. Il rappelle que, pour lutter efficacement contre la pauvreté, l’exclusion et les discriminations, il est indispensable d’avoir pour levier une véritable détermination politique et pour instrument une stratégie d’action globale, multidimensionnelle et multipartenariale.
Enfin, pour ce qui est de la protection de l’enfance, sans revenir sur l’historique de la création du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, chargé principalement de compenser les charges des départements, je me permets de rappeler que ses ressources sont constituées d’un versement de la CNAF, arrêté par la loi de financement de la sécurité sociale, et par un versement de l’État, arrêté par la loi de finances. Or ni l présent projet de loi de finances ni le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ne prévoient de dispositions relatives à l’abondement du FNPE. Nous ne pouvons que dénoncer cette situation dans laquelle les départements sont contraints de financer des mesures à la place de l’État, dans un sens contraire aux engagements pris par le Gouvernement.
En conclusion, d’autres ambitions sont nécessaires : stopper la révision générale des politiques publiques, mettre l’homme, la femme, l’enfant au cœur de toutes les politiques, instaurer une nouvelle répartition des richesses, pour que cette mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se donne réellement les moyens de ses attributs. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous attendions avec d’autant plus d’impatience l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion, et égalité des chances » que les chiffres du chômage augmentent, que la crise financière, économique et sociale prend de l’ampleur, que les économies des pays voisins vacillent et que la dette, le manque de solidarité européenne et internationale conduisent les pays les plus fragiles à s’effondrer, tels des châteaux de cartes.
Nous l’attendions, madame la ministre, parce que nous ne voulons pas que la France, à l’image de la Grèce ou de l’Italie, sombre à son tour dans une crise structurelle et qu’elle se retrouve au bord du gouffre.
Nous l’attendions, madame la ministre, parce que nous pensons que c’est non pas l’austérité qui sauve les pays de la faillite, mais une politique à long terme de redistribution des richesses et un État en bonne santé faisant office de parachute sans dorure, mais efficace.
La Grèce, incapable de lever l’impôt, s’est placée dans l’œil du cyclone. Elle ne s’est pas donné les moyens de mettre en œuvre une politique redistributive autrement qu’en s’endettant dans des proportions insoutenables.
Les derniers chiffres de l’INSEE sont parlants et sans ambiguïté : 50 % des richesses de notre pays appartiennent à 10 % des Français. La redistribution n’est pas au rendez-vous en France. Les inégalités sociales, tels des termites invisibles, rongent petit à petit la cohésion nationale. Or, on le sait maintenant, la crise financière de 2008, qui ne cesse de s’aggraver, résulte largement des inégalités existant au sein même des pays riches.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, madame la ministre, les conclusions du rapport sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont pour le moins préoccupantes.
Si les crédits alloués à la réduction des inégalités et à l’insertion sont en légère hausse, cette augmentation est tout entière affectée au programme « Handicap et dépendance ». En clair, cela signifie que les crédits des autres programmes diminuent. Ceux du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » sont en baisse de 5 %, ceux du programme « Actions en faveur des familles vulnérables » connaissent une diminution de 4 % et ceux du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » – et là, c’est le pompon ! – subissent une baisse de 23 %. On croit rêver – que dis-je ? –, on nage en plein cauchemar !
Le RSA, comme je l’ai dit il y a trois ans à M. Hirsch, était au départ une très belle idée : il constituait les prémices d’un revenu universel garanti, destiné à permettre à tous de bénéficier d’une sécurité fondamentale et de retrouver le chemin de l’emploi.
Non seulement le RSA est une bonne idée, mais il est une nécessité face à l’augmentation du chômage de longue durée, du travail discontinu et donc du nombre de personnes sans ressources perdant leur statut social et leur logement. Voilà la réalité contre laquelle il faut lutter !
Amortisseur social, le RSA pourrait aussi être un tremplin permettant à celles et à ceux qui sont au bord du déclassement social de repartir. Aussi baisser le budget dévolu à cette allocation est-il une aberration.
Je rappelle que M. Hirsch avait initialement estimé qu’il était nécessaire de consacrer à la mise en place du RSA une enveloppe de 5 milliards d’euros, mes chers collègues : 5 milliards d’euros ! In fine, le dispositif a été mis en place avec 1, 5 milliard d’euros. Aujourd'hui, telle une peau de chagrin, cette enveloppe est réduite à 535 millions d’euros pour 2012. C’est scandaleux, madame la ministre !
Je ne vois pas d’autre mot pour qualifier cette baisse, à part peut-être « irresponsable ».
Cette baisse intervient alors que votre majorité, madame la ministre, a annulé lors de l’examen du PLFSS le relèvement de 0, 5 point de la contribution sur les revenus du capital que nous avions proposée. Elle intervient alors que les parachutes dorés demeurent d’actualité et que les niches fiscales réservées aux plus riches sont préservées.
Savez-vous que, sans toutes les baisses d’impôt accordées en France depuis 2000 par la droite, le déficit de la France serait seulement de 1 % aujourd’hui ? Ce n’est pas moi qui le dis, mais des parlementaires de l’UMP dans un rapport qu’ils ont publié en juillet 2010 !
Avec les 100 milliards d’euros par an que représentent ces baisses, nous aurions largement les moyens de mettre en place un RSA digne de ce nom et d’entamer une reconversion vers une économie durable. Vous allez me dire, madame la ministre, que c’est là un autre sujet, mais dois-je vous rappeler que le RSA a été voté en même temps que le bouclier fiscal ? Et que l’on ne me dise pas qu’une telle fiscalité pénaliserait l’économie puisqu’elle était de mise en 2000 et que personne n’y trouvait alors à redire !
Par ailleurs, le RSA mériterait d’être revu à la hausse non seulement quantitativement, mais aussi qualitativement, car, depuis le début, il ne permet pas de remplir la mission qui est la sienne. La réalité, madame la ministre, c’est que la mise en œuvre du RSA pose d’immenses problèmes. Le bilan n’est pas bon.
Il y a trois ans, je craignais déjà que cette idée juste ne serve de caution à une politique profondément inégalitaire et que ses effets pervers ne trahissent l’intention louable initiale de M. Hirsch. J’avais alors dit qu’il s’agissait d’un bon concept dans un mauvais contexte.
J’avais expliqué que M. Hirsch avait eu l’intelligence de produire un concept d’assistance dynamique, mais que, compte tenu de la politique menée par le Gouvernement, le RSA ne pouvait être au mieux qu’un palliatif. Il ne constituait pas l’ébauche d’une politique de solidarité, de partage du travail, de justice sociale.
Je soulignais également les effets collatéraux d’un RSA mal mis en œuvre. J’indiquais en particulier qu’il contraindrait ses bénéficiaires à accepter des conditions de travail pénibles, des horaires décalés. Le problème du RMI était qu’il n’incitait pas au retour à l’emploi. Le problème du RSA est qu’il contraint les allocataires à accepter le premier travail venu, parce que « c’est déjà ça ». Toutefois, pour la plupart des allocataires, le petit boulot, les quelques heures effectuées par-ci par-là ne se muent pas en poste à plein temps. Le travailleur pauvre reste un travailleur pauvre.
Ainsi, aucun des objectifs que visaient à atteindre le RSA et son initiateur n’est atteint pour la majorité des allocataires. Pour mémoire, je vais vous les rappeler, en m’appuyant sur l’excellent rapport coordonné par les sociologues Dominique Méda et Bernard Gomel en novembre 2011.
Le premier objectif était de faire en sorte que chaque heure travaillée améliore le revenu final afin que la majorité des bénéficiaires du RSA puisse retrouver un revenu décent. Résultat aujourd'hui : « La grande partie des allocataires se rend compte que pour elle rien n’a changé et qu’elle doit continuer à tenter de survivre avec 467 euros par mois pour une personne seule. S’agit-il vraiment de moyens convenables d’existence? », s’interrogent les deux experts.
Le deuxième objectif était de garantir aux allocataires que, en cas de travail discontinu, leurs ressources globales leur permettraient de franchir le seuil de pauvreté. Résultat aujourd'hui : la lourdeur administrative, le manque de moyens de Pôle emploi, ainsi que des procédures inadéquates, telles que la déclaration trimestrielle, que je dénonçais déjà en 2008, favorisent des ruptures administratives lourdes à contrecarrer pour des personnes qui sont déjà en rupture de ban et financièrement très fragilisées.
Le troisième objectif était de permettre aux familles de disposer de revenus plus prévisibles en rendant le système plus lisible pour tous et en évitant les effets de seuil du RMI. Dès qu’il retravaillait, le bénéficiaire du RMI perdait la plupart de ses allocations. Résultat aujourd'hui : « il semble que les effets de seuil n’ont pas été supprimés mais simplement déplacés [...] », concluent les sociologues.
Le constat est sévère. Les crédits que nous examinons aujourd’hui auraient dû être à la hauteur du défi. Ils ne le sont pas.
Je n’évoquerai même pas le RSA jeunes lancé quelque temps plus tard : le résultat est carrément désastreux. Comme nous l’a indiqué Mme la rapporteure pour avis, à peine 10 000 jeunes en bénéficient. Et pour cause : il est quasiment impossible d’y accéder, car il faut avoir travaillé deux années pleines au préalable. C’est une blague ! Le résultat était couru d’avance.
Pour faire face à l’exclusion des jeunes, en particulier de ceux ayant déjà un pied dehors, il faudrait revoir complètement le dispositif et permettre à tous, dès l’âge de dix-huit ans, de pouvoir accéder dans les mêmes conditions à un revenu garanti. Nous vous l’avions dit, mais vous ne nous avez pas écoutés.
Nous sommes très déçus, madame la ministre, et surtout profondément inquiets. Quand la cohésion sociale sera détruite, il sera trop tard, en tout cas pour celles et ceux qui en auront le plus subi les dommages, c'est-à-dire les plus pauvres.
Chers collègues, vous qui aimez tant les expériences internationales, n’oubliez pas le cas significatif du Brésil : ce n’est pas en imposant des mesures d’austérité, ce n’est pas en mettant en œuvre des politiques de défiscalisation en faveur des plus riches que l’économie de ce pays a décollé. C’est en revalorisant les salaires et en instaurant des prestations sociales que les Brésiliens ont pu relever la tête et se prendre en main.
Qu’attendez-vous, qu’attendons-nous, madame la ministre, pour tirer les leçons d’expériences qui ont permis à tous de réagir ensemble ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les mesures insuffisantes et parfois dangereuses proposées dans cette mission, à l’exception, comme l’indiquait Mme la rapporteure pour avis, des articles 61 et 61 bis, aussi insuffisants soient-ils.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’ensemble des intervenants qui m’ont précédé ayant fourni à notre assemblée des données chiffrées sur les situations de pauvreté dans notre pays, je n’y reviendrai pas.
L’examen attentif des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » nous conduit à porter un regard sur notre pays. Réformer la France suppose d’agir avec discernement et en respectant les équilibres institutionnels de notre République. Or nous sommes las de constater, jour après jour, que le chemin emprunté par le Gouvernement et le Président de la République est celui de l’affrontement avec les collectivités locales.
Parmi elles, les départements vivent une situation spécifique liée au différentiel de plus en plus grand entre ce qu’ils paient pour financer les trois allocations individuelles de solidarité que sont l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap et le RSA, et ce qui leur est remboursé par l’échelon national.
La pression de plus en plus forte de ces dépenses sur les budgets des départements risque de les contraindre à limiter les dépenses dans les domaines de l’éducation et du développement des territoires, ce qui fragiliserait le tissu des acteurs culturels, sportifs, éducatifs et sociaux.
Permettez-moi de citer l’exemple de l’APA. Dans les Pyrénées-Atlantiques, le différentiel entre la dotation de l’État et ce qui était attendu par le département s’élève à 45 millions d’euros par an. La situation est extrêmement tendue.
Au-delà des conséquences budgétaires, le financement des allocations individuelles de solidarité pose une question fondamentale, qui engage notre volonté de vivre ensemble : comment préserver notre modèle de solidarité inspiré de l’héritage du Conseil national de la Résistance ? Pensons-nous que les piliers fondamentaux de notre système de solidarité – la sécurité sociale, les allocations familiales et la retraite – puissent être financés un jour, ne serait-ce qu’en partie, grâce à des impôts locaux basés sur des maisons ou des « bouts de jardin » ? C’est ce qui se passe aujourd’hui pour ces trois allocations.
J’affirme que tout ce qui concerne les allocations de solidarité – le montant des dépenses et des recettes, ainsi que les règles applicables – doit être décidé par le Parlement à l’échelon national afin que l’équité soit garantie pour tous dans tous les départements de la République.
C’est l’échelon départemental qui, dans la proximité et la sérénité financière retrouvée, doit organiser l’accueil et l’accompagnement des allocataires. Cette position est d’ailleurs commune aux départements de droite comme de gauche.
La situation financière des départements va s’aggraver compte tenu de la chute prévisible des droits de mutation et de la non-compensation intégrale de la taxe professionnelle.
Plutôt que d’aborder d’autres points, je préfère m’attarder quelques instants sur le RSA, qui est au cœur de nos débats.
Le RSA socle, ainsi qu’il en avait été décidé en 2004, devait être financé par une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Or le produit de cette taxe est aujourd’hui inférieur à l’évaluation qui avait été faite en 2003. Ainsi, entre 2004 et 2008, après des ajustements complexes et successifs, les départements n’ont reçu que 25 milliards d’euros de TIPP, soit 85, 6 % de dépenses engagées au titre du RSA socle. Nous sommes loin d’un taux de couverture de 100 % et le décalage ne fait que croître.
Un certain nombre de départements connaissent un taux de couverture inférieur à 85 % : le Cher, le Doubs, l’Eure-et-Loir, la Haute-Saône, le Loir-et-Cher, le Loiret, la Moselle, le Bas-Rhin, la Seine-et-Marne, les Yvelines, le Jura, la Meuse, le Val-d’Oise, les Vosges et le Territoire de Belfort. Ces départements sont dirigés tant par des élus de droite que par des élus de gauche.
Les départements subissent donc une perte financière considérable, cependant que la carence de l’État est manifeste pour gérer une situation de pauvreté qui ne cesse de s’aggraver et qui touche de plus en plus de foyers.
Le mot « carence » n’est peut-être pas le bon. En tout cas, c’est la première fois que l’indicateur de performance « réduction de la pauvreté » est supprimé. Je m’interroge sur les raisons d’une telle décision.
Beaucoup a été dit sur le programme « Handicap et dépendance ». La loi de finances pour 2011 avait inscrit 1 million d’euros de crédits pour le financement de nouvelles places dans les établissements et services d’aide par le travail, ce qui était déjà insuffisant. Cette année, vous inscrivez 2, 3 millions d’euros. Dans le projet de loi de finances pour 2013, ce sont donc 8 millions d’euros qu’il faudra inscrire pour mettre en œuvre le dispositif triennal. Cette promesse devra donc être honorée par le futur gouvernement…
Les taux directeurs des conventions tripartites, fixés par l’État, sont trop faibles et rendent inapplicables les conventions collectives. Pour cette raison, l’élaboration des budgets sera extrêmement difficile pour les départements.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de cette mission inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 augmenteront de plus de 327 millions d’euros. Cela traduit la volonté du Gouvernement d’épargner les politiques sociales et les dépenses d’intervention en direction des publics fragiles, puisque, à eux seuls, les crédits de l’allocation aux adultes handicapés représenteront, en 2012, près de 60 % du total des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Vous l’avez presque tous fait remarquer.
En effet, la revalorisation de 25 % de l’AAH entre 2008 et 2012, décidée durant son mandat par le Président de la République, sera bien mise en œuvre et représentera au total une dépense supplémentaire pour l’État de 2, 3 milliards d’euros, dont plus de 924 millions d’euros en 2012.
Si la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » contribue à l’effort de consolidation de notre stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques d’ici à 2016, les dépenses d’intervention portées par les quatre programmes de cette mission – hors programme 124, programme « support » – ne seront réduites que de 60 millions d’euros, soit un plus de 0, 5 % des crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances. Cela reste modeste rapporté au 1, 5 milliard d’économies supplémentaires que porte ce texte. Je reviendrai plus en détail sur la répartition de ces 60 millions d’euros d’économies.
S’agissant des politiques en direction des personnes âgées, conformément à l’engagement du Président de la République, nous proposons dès cette année plusieurs mesures financières d’effet immédiat. J’ai eu l’occasion de présenter les principales d’entre elles lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, en particulier dans le domaine médico-social.
S’agissant du projet de loi de finances pour 2012, je vous indique que j’ai obtenu que l’on apporte une réponse aux difficultés auxquelles sont aujourd’hui confrontées les associations ou les entreprises chargées des services d’aide à domicile.
En 2012, le Gouvernement mobilisera 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25 millions d’euros en crédits de paiement, qui seront placés auprès de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et qui permettront d’accompagner la restructuration des services d’aide à domicile, dont le pilotage sera confié aux agences régionales de santé. Ces dernières seront chargées, en lien avec les conseils généraux, d’instruire les demandes portées par les services d’aide à domicile en difficulté et signeront bien des conventions de retour à l’équilibre à hauteur de 50 millions d’euros. Cette aide sera néanmoins mise à la disposition de ces structures en deux tranches.
Ces crédits seront abondés à partir du budget général de l’État – programme 157 « Handicap et dépendance ». C’est le sens de l’amendement que le Gouvernement a déposé lors de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur l’amendement n° II–163 du groupe socialiste-EELV.
J’en viens maintenant à mon deuxième point, à savoir la mise en place d’une expérimentation d’un contrat d’une journée par semaine pour les bénéficiaires du RSA.
Je souhaite que le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » finance, dès l’année prochaine, et dans la limite de 3 millions d’euros, une expérimentation visant à créer ce nouveau contrat. Il s’agira d’activités rémunérées, sur la base du volontariat, limitées dans un premier temps au secteur non marchand. Les bénéficiaires seront rémunérés sur la base du SMIC, continueront à percevoir le RSA socle et seront éligibles au RSA activité. Dix mille contrats de ce type sont prévus pour 2012.
Plusieurs conseils généraux ont déjà manifesté leur souhait d’expérimenter ce dispositif. À cet égard, je souhaite que leurs présidents bénéficient d’une grande souplesse pour choisir le mode d’organisation le plus approprié. Certains m’ont d’ailleurs exposé des démarches originales très intéressantes. Nous aurons à les évaluer.
Le pilotage de l’expérimentation que je souhaite mettre en place regroupera d’ailleurs, outre les directions centrales concernées, les représentants des départements expérimentateurs.
Si ce contrat à vocation sociale est une réussite, l’expérimentation sera généralisée à l’ensemble des conseils généraux, car toutes les innovations sont les bienvenues dans ce domaine.
Troisième point : la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, qui constitue l’une de nos priorités.
Il faut renforcer la collaboration opérationnelle entre les caisses d’allocations familiales et de nombreuses autres administrations ou organismes « partenaires », à commencer par les conseils généraux. C’est grâce à cette coopération plus étroite que nous détecterons plus tôt les faits générateurs de fraudes les plus répandus. Les prestations qui donnent lieu aux plus de fraudes sont les minima sociaux. C’est précisément pour développer ces coopérations que j’ai lancé, le 4 avril dernier, une expérimentation de coopération renforcée. Elle a été menée durant quatre mois dans quatorze départements.
Je suis en mesure aujourd’hui de vous livrer les résultats définitifs de ces opérations : elles ont permis de doubler le taux de détection des fraudes, qui est passé à 10 %, contre 5 % en 2010, sur le total des prestations.
Le RSA représenterait plus du tiers des fraudes détectées. Le taux de détection rapporté au montant total de RSA « contrôlé » est en progression de 2 % par rapport à 2010, soit un taux de détection de fraudes au RSA de 9 % en 2011.
En retenant cette même base pour 2012, soit un préjudice au titre des fraudes au RSA en progression de 12, 8 millions d’euros, les caisses d’allocations familiales seraient en mesure de recouvrer 70 % de ces indus de RSA dès 2012, soit près de 9 millions d’euros.
En considérant que ces indus portent, pour 75 % d’entre eux, sur le RSA activité, l’État ferait une économie supplémentaire de 6, 6 millions d’euros.
Prenant acte de ces premiers résultats, j’ai décidé de diminuer le montant pour 2012 des crédits dévolus au RSA activité, portés par le programme 304, de 6, 6 millions d’euros.
Les crédits de ce même programme seront diminués de 50 millions d’euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, afin d’aligner le montant des frais de gestion du RSA sur ceux des aides personnalisées au logement supportées par la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, et compensés par l’État, soit une diminution de 19 millions d’euros en retenant, au titre de ces frais de gestion, un taux de 2 % sur le montant des dépenses devant être supportées en 2012 par le Fonds national des solidarités actives, soit un montant proche de 2 milliards d’euros.
Deuxièmement, afin de tenir compte des reprises d’excédents des crédits de l’aide personnalisée de retour à l’emploi versés à Pôle emploi, soit une diminution de 20 millions d’euros.
Troisièmement, afin de retenir une prévision de consommation des crédits prévus pour le financement du RSA jeunes pour 2012 plus en ligne avec la consommation des crédits attendue en 2011, soit une diminution de 11 millions d’euros.
Je précise en outre que les 3, 4 millions d’euros d’économies supplémentaires portent uniquement sur le programme 157 et se répartissent comme suit : une économie de 1, 3 million d’euros au titre de la réduction des opérations d’investissement dans les ESAT – le projet de loi de finances prévoit le financement d’opérations d’investissement dans les ESAT à hauteur de 4 millions d’euros en autorisations d'engagement, tandis que les crédits de paiement s’établissent désormais à 1 million d’euros pour financer ces opérations de modernisation, ce qui ne remet nullement en cause leur effectivité – ; une économie de 2, 1 millions d’euros au titre de l’allocation supplémentaire d’invalidité. Cela ne soulève aucune difficulté dans la mesure où l’ASI connaît depuis plusieurs années une baisse soutenue de ses allocataires en moyenne annuelle. Le projet de loi de finances a retenu une diminution de 3 % du nombre de bénéficiaires, ce qui est tout à fait réaliste.
Quatrièmement, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont abordé le sujet de l’accueil des mineurs étrangers isolés.
Le Gouvernement a parfaitement conscience des difficultés auxquelles plusieurs départements sont confrontés. Il s’agit certes d’une compétence intégralement dévolue aux conseils généraux, mais les pouvoirs publics ne peuvent pas rester insensibles aux évolutions mises en lumière par nombre d’entre vous. C’est pourquoi, avec mon collègue Michel Mercier, garde des sceaux, nous avons décidé de réunir, sous l’égide du Premier ministre, un groupe de travail chargé de réfléchir aux évolutions envisageables concernant la prise en charge des mineurs étrangers isolés par les départements. Ce groupe rendra son avis sur la mobilisation éventuelle d’une partie des moyens du Fonds national de financement de la protection de l’enfance disponibles en 2012, afin d’accompagner les départements les plus concernés par ce phénomène.
En outre, d’autres solutions sont actuellement mises en œuvre par le Gouvernement, notamment afin de répartir d’une manière plus équitable et plus homogène les placements ordonnés par le juge des enfants sur l’ensemble du territoire.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d’accorder un soutien budgétaire aux plates-formes chargées de l’accueil et de l’orientation des mineurs isolés.
Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accueil des mineurs étrangers constitue une préoccupation majeure pour le Gouvernement. Je remercie d’ailleurs M. Lorrain, ainsi que plusieurs autres sénateurs et sénatrices, d’avoir à nouveau appelé mon attention sur ce sujet. En conséquence, je demande aux auteurs des amendements relatifs à ce sujet de bien vouloir retirer leurs textes, au bénéfice de ces explications.
Cinquièmement, enfin, j’évoquerai la compensation par l’État des charges des départements.
Les crédits figurant dans ce projet de loi de finances pour 2012, et tout particulièrement les fonds de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoignent de la volonté du Gouvernement de compenser au mieux les compétences transférées aux collectivités territoriales, en matière de politiques sociales.
Tel est notamment le cas concernant la participation de l’État au fonctionnement des MDPH. Une partie des personnels de l’État qui, à l’origine, a été mise à la disposition de ces établissements, a fait valoir ses droits à la retraite ou a réintégré son administration d’origine. Il est impératif que l’État respecte son engagement de doter ces groupements d’intérêt public des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement.
Ainsi, en 2012, l’augmentation de près de 10 millions d’euros de la contribution de l’État par rapport au dispositif triennal, que j’ai obtenue, permettra de compenser ces vacances d’emplois.
Enfin, le Gouvernement vient de déposer un amendement au présent projet de loi de finances visant à tirer les conséquences sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de la compensation due au titre des transferts de personnels des services des ministères chargés des affaires sanitaires et sociales qui participent à l’exercice des compétences transférées non seulement aux départements au titre du revenu minimum d’insertion, de la lutte antivectorielle, du Fonds d’aide aux jeunes, des centres locaux d’information et de coordination, des comités départementaux des retraités et personnes âgées, du Fonds de solidarité logement, des fonds d’aide concernant l’eau, l’énergie et le téléphone, mais aussi aux régions, au titre des formations paramédicales et de sages-femmes, des formations des travailleurs sociaux, des aides aux étudiants de ces formations.
En 2012, dernier exercice au titre duquel interviendra une compensation en la matière, les transferts de l’État seront très limités : de fait, les deux dernières collectivités bénéficiaires sont les départements des Côtes-d’Armor et des Pyrénées-Atlantiques, à hauteur d’un équivalent temps plein respectivement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nombreux sont ceux qui m’ont interrogée au sujet du programme 137. Toutefois, un grand nombre des critiques résulte d’une mauvaise lecture des documents budgétaires. En effet, le projet de loi de finances pour 2012 prévoit un abondement supplémentaire de près de 2 millions d’euros par rapport au budget triennal 2011-2013. Ce faisant, il permet de remettre en base les 2 millions d’euros que l’amendement de Mme Chantal Brunel, députée, avait permis d’apporter au programme 137 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.
Cette somme devrait permettre de financer le surcoût du nouveau plan triennal de prévention des violences faites aux femmes, dont les fonds seront augmentés de plus de 30 % par rapport au plan précédent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet exemple illustre ma détermination à œuvrer dans ce domaine.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze.