Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 28 novembre 2011 à 15h10
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’ont dit les orateurs précédents, ce projet de budget prévoit une stabilisation de l’effort de la France en faveur du développement. C’est bien, cependant cet effort risque de ne pas permettre à notre pays de tenir un des engagements majeurs pris par la communauté internationale voilà cinq ans, celui d’atteindre, en 2015, un taux d’effort de 0, 7 % du revenu national brut. Passer de 10 milliards d’euros en 2013 à 17 milliards d’euros en 2015 semble, en effet, hors de portée.

Que dire, dès lors, de l’attitude de l’administration des finances, qui a jugé qu’il valait mieux ne publier le document de politique transversale qu’après le sommet du G20 ? Ce n’est pas correct ! L’information du Parlement ne doit pas dépendre de l’appréciation de l’administration sur le caractère satisfaisant ou non des prévisions. D’ailleurs, en ces temps difficiles, nous ne recevrions plus beaucoup de documents budgétaires s’il ne fallait publier que ceux qui annoncent de bonnes nouvelles…

Comme l’a souligné l’évaluation à mi-parcours de la France par le Comité d’aide au développement de l’OCDE, le CAD, nous aurions dû établir, dès 2007, une feuille de route budgétaire permettant de définir une stratégie crédible pour atteindre cet objectif. C’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne, qui ne manque d’ailleurs pas de le faire savoir, ainsi que d’autres pays, comme le souligne le rapport de M. Bill Gates aux États membres du G20.

Cet engagement n’est pas le seul qui a été pris par la France ces dernières années, toutes majorités confondues. Nous retraçons, dans notre rapport écrit, l’ensemble de ces engagements, dont le bilan est inégal, pourrait-on dire sous forme de litote !

Si l’on tient compte des engagements de financements additionnels pris ces deux dernières années, notamment par le Président de la République, à Copenhague, à Muskoka, à New York ou à Londres, on atteint 680 millions d’euros annuels additionnels… et tout cela sans recettes supplémentaires ! Comment diable va-t-on financer tout cela ?

Nous déclarons à l’OCDE 10 milliards d’euros d’aide au développement. Plus de 20 % de cette somme correspond à des dépenses qui n’ont qu’un rapport très indirect avec l’aide au développement ; en particulier, de 10 % à 30 %, selon les années, du montant de l’aide au développement consiste en annulations de dettes. Par ailleurs, il faut souligner la part croissante des prêts. Notre aide au développement comporte deux fois plus de prêts que celle des autres bailleurs de fonds en moyenne. Notre coopération prête de plus en plus et donne de moins en moins, et c’est moins la croissance de ces prêts qui nous préoccupe que la diminution des dons.

Les dons programmables pour les quatorze pays prioritaires au titre de notre aide publique au développement ont baissé de 30 % entre 2006 et 2009. Cette diminution est en contradiction avec nos objectifs de concentration sur l’Afrique subsaharienne et sur les quatorze pays prioritaires de la coopération française, dont la capacité d’endettement est faible.

On se trouve ainsi devant une situation très paradoxale : les quatorze pays dits prioritaires ne représentent que 8 % de l’activité de l’Agence française de développement. Autrement dit, l’opérateur pivot de la coopération française exerce 92 % de son activité ailleurs que dans les pays qui ont été considérés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, comme la cible prioritaire de notre coopération.

Vous nous l’avez dit, monsieur le ministre, l’objectif de l’État est de concentrer 60 % de l’effort budgétaire sur l’Afrique subsaharienne et d’accorder 50 % des subventions aux quatorze pays prioritaires, mais l’enveloppe des subventions bilatérales est tellement faible que ces derniers n’ont que 150 millions d’euros à se partager, soit environ 10 millions d’euros par pays, ce qui est trop peu pour être significatif. Sur les 10 milliards d’euros d’APD déclarés, ces pays dits prioritaires représentent en fait un centième de notre aide.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous souhaiterions que notre action dans ces pays constitue un des volets de l’évaluation biennale dont vous nous avez proposé de définir ensemble le contenu.

Ces critiques ne sont pas minces. Elles doivent conduire le Parlement à être très vigilant pour l’année budgétaire à venir et à veiller à la mise en œuvre des évolutions positives que nous appelons de nos vœux.

En attendant, certains signes permettent de penser que nous sommes sur une bonne – ou une meilleure – voie. En particulier, nous nous félicitons de la sanctuarisation des crédits de la mission, dans un contexte financier extrêmement difficile. C’est le point positif essentiel de ce projet de budget.

Par ailleurs, la part de l’aide bilatérale devrait passer de 56 % en 2009 à 64 % en 2012. Il faut s’en féliciter, car cela permettra de dégager des crédits de subventions pour financer notre action bilatérale dans ces zones.

Enfin, les événements qui se déroulent dans nombre de pays que nous aidons, en particulier parmi ceux de la rive sud de la Méditerranée, et l’attente que suscite notre aide, même si elle est trop faible, nous incitent à ne pas envoyer un signal négatif qui pourrait être mal interprété.

Telles sont les trois raisons qui ont conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces arméesà émettre unavis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

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