Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette période de crise économique et financière, la tentation pouvait être forte d’utiliser l’aide publique au développement comme variable d’ajustement. Aussi est-ce une vraie satisfaction que de constater la préservation de ces crédits dans le projet de loi de finances pour 2012 et le respect des engagements du cycle triennal budgétaire.
Je tiens à saluer la détermination du président Nicolas Sarkozy, qui, notamment lors du sommet du G20 de Cannes, a souligné que la crise ne devait pas être une excuse pour diminuer notre aide publique au développement mais que, au contraire, elle rendait la coopération avec les pays en développement plus nécessaire et urgente que jamais, tant dans leur intérêt que dans le nôtre. Monsieur le ministre, je tiens également à vous remercier de votre grande vigilance sur ce sujet.
Ainsi, l’aide publique au développement est en hausse depuis 2007 et la France est le troisième pourvoyeur mondial d’aide au développement, même si on ne peut que regretter que l’objectif d’y consacrer 0, 7 % du revenu national brut, déjà dépassé par certains pays du nord de l’Europe, soit encore loin d’être atteint.
Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur deux dimensions qui me semblent avoir été quelque peu laissées de côté dans le présent projet de loi de finances, alors même qu’elles sont au cœur de la stratégie française pour la coopération au développement, telle que définie dans le document-cadre d’avril 2011 : il s’agit, d’une part, de la prise en compte des questions de genre, et, d’autre part, des engagements français au titre de l’initiative pour un socle universel de protection sociale.
« Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes » est le troisième des huit objectifs du Millénaire pour le développement adoptés sous l’égide de l’ONU. La création d’ONU Femmes atteste aussi de l’importance croissante accordée à cette question.
Le document-cadre sur la stratégie française de coopération qualifie quant à lui la promotion du statut de la femme de « haute priorité », soulignant que « celui-ci se révèle un puissant moteur de développement ».
Mais cette priorité doit encore trouver réellement sa traduction en termes de choix opérationnels et budgétaires. À cet égard, je constate que la dimension du genre est cruellement absente de la planification budgétaire pour 2012. Hormis le soutien à l’initiative Muskoka, la prise en compte de cette thématique n’est spécifiée dans aucun des axes prioritaires de coopération présentés dans les documents budgétaires, alors même que les enjeux en matière de lutte contre la pauvreté, de gouvernance ou de codéveloppement appelleraient à des actions spécifiques en faveur du renforcement de la participation des femmes. Cette omission surprend, à l’heure où le rôle des femmes dans les printemps arabes est unanimement salué, y compris par le jury du prix Nobel.
Je me réjouis, bien sûr, que, sur le plan multilatéral, dans le cadre de l’initiative de Muskoka sur la santé maternelle et infantile, la France ait joué un rôle important pour que des financements internationaux soient consacrés à l’amélioration de la santé des jeunes filles et des jeunes mères. Je salue également la dotation de 25 millions d’euros en faveur de cette cause au titre de notre coopération bilatérale.
Toutefois, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité de prendre en compte la dimension du genre au-delà de la seule question de la santé des mères et des jeunes filles.
Déjà, en 2007, le document d’orientation stratégique sur le genre réalisé sous l’égide du Quai d’Orsay soulignait la difficulté de la France à prendre en considération, dans son aide au développement, la question du genre en dehors des secteurs de l’éducation, de la santé et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Quatre ans plus tard, où en sommes-nous ?
Nous ne pouvons plus considérer les femmes comme un groupe « vulnérable » qu’il conviendrait de protéger. Il est essentiel de voir aussi en elles des actrices stratégiques pour le développement et, en conséquence, de leur donner les moyens d’apporter leur contribution non seulement dans les sphères de la famille et du social, mais aussi dans les choix économiques, politiques et environnementaux.