Nous rêvons de 600 millions de francophones en Afrique en 2050, mais regardons la réalité en face : dans des pays comme le Sénégal ou le Mali, 10 % de la population tout au plus sait lire et écrire le français. Les systèmes éducatifs de ces pays sont exsangues et s’effondrent sous le poids d’une jeunesse qui représente, au sud du Sahara, les deux tiers de la population.
Il faudrait parler de l’agriculture, si essentielle à la sécurité alimentaire du continent ; nous avions un savoir-faire reconnu dans ce domaine, que nous avons trop longtemps délaissé.
La diminution des subventions au titre de notre aide bilatérale ne nous empêche pas de multiplier les promesses, mais l’Afrique n’a pas besoin de belles paroles ! Si nous voulons réinventer notre relation avec les pays africains, il nous faut commencer par clarifier nos engagements, à l’aune de nos moyens, et les tenir.
Il existe une Afrique dynamique, une Afrique qui, dans son développement, a enjambé l’étape du téléphone fixe pour passer directement au portable et à internet. À Accra, à Pretoria et ailleurs, le taux de croissance est de 5 %. Cette Afrique-là est courtisée par les pays émergents ; elle a besoin d’investisseurs et de financements publics et privés sous forme de prêts.
Mais de telles régions côtoient une Afrique de la misère, une Afrique sans eau courante ni électricité, une Afrique dont l’économie de subsistance est plus que jamais soumise aux aléas des saisons, des cours des matières premières et du réchauffement climatique. Des territoires immenses, à l’image du Sahel, ont été désertés par des administrations impuissantes à en assurer le développement.
Cette Afrique-là, dont nous disons faire notre priorité, a besoin de nos subventions. Or nous la délaissons progressivement. Je ne citerai que deux chiffres pour illustrer ce fait : les subventions aux quatorze pays prioritaires sont passées, de 2005 à 2009, de 219 millions d’euros à 158 millions d’euros, soit une baisse de près de 30 %.
En 2010, l’AFD n’a consacré que 8 % de son activité de subventions, de prêts et de garanties à ces pays, dont on a estimé qu’ils étaient le cœur de cible de notre coopération. Je le répète, nous ne sommes pas opposés à la stratégie mondiale de l’AFD, surtout si elle permet de dégager une marge bancaire susceptible d’être réinvestie en Afrique subsaharienne. Mais lorsqu’on constate que, faute de moyens en subventions, l’opérateur pivot de la coopération française déploie 92 % de ses engagements en dehors de la cible prioritaire unanimement définie par les pouvoirs publics, on ne peut être que dubitatif.