Malgré des délais très courts, vous avez su, en outre, associer pleinement le Parlement à l’élaboration de ces documents ; nous savons que vous y êtes très attaché.
Mes chers collègues, les temps ont changé : nous n’en sommes plus à l’époque du forage des puits, même s’il est évident que beaucoup doivent encore être construits. Aujourd’hui, notre politique de coopération cherche à créer des coalitions d’acteurs, bilatéraux et multilatéraux, publics et privés, pour obtenir, avec nos partenaires africains, des résultats concrets dans des secteurs fondamentaux comme ceux des infrastructures, de l’éducation, de l’économie, de la santé ou de l’agriculture.
Bien sûr, nous aurions souhaité une France plus riche, un déficit et une dette moindres. Nous aurions voulu pouvoir être à la tête d’une coalition capable de financer un véritable « plan Marshall » des infrastructures régionales africaines et de créer les conditions d’un renouveau de l’agriculture, pour faire face au défi alimentaire. Nous aurions voulu être les acteurs d’une éradication des épidémies qui tuent encore des millions d’Africains et d’un renforcement des systèmes éducatifs francophones, qui doivent faire face à un doublement de la population africaine.
Mais voilà, il nous faut faire avec ce que nous sommes devenus : un pays endetté. Dans ce contexte, la sanctuarisation du budget de la coopération est un soulagement. Puisque nous ne pouvons pas poursuivre tous nos objectifs avec autant d’intensité que nous l’aurions souhaité, il nous faut concentrer notre action selon quelques priorités.
Pour ma part, j’en distingue trois : le développement du Sahel, l’accompagnement des printemps arabes et l’essor d’une coopération triangulaire avec les pays émergents.
Les pays du Sahel sont confrontés à des défis économiques, démographiques et alimentaires majeurs. Certaines régions sont en train de devenir des zones de non-droit, où prolifèrent des trafics en tout genre et un nombre croissant de cellules terroristes. Notre politique de coopération doit apporter un soutien aux populations de ces pays. Il nous faut aider au rétablissement des services essentiels et conforter les États de cette région dans l’exercice de leurs missions régaliennes. Nous ne pouvons pas laisser le Sahel s’enfoncer dans un sous-développement qui fait le lit du terrorisme. Une solution uniquement militaire ne serait pas viable et risquerait même d’être contre-productive.
S’agissant de l’accompagnement des printemps arabes, il n’est nul besoin de souligner combien la réussite de ce processus historique est importante pour tous. Parce que la clé en sera la capacité des pays du Maghreb à favoriser la création d’emplois, nous devons les accompagner dans leur développement industriel : c’est notre intérêt commun. Le décollage économique d’un Maghreb démocratique peut être une chance pour l’Europe ; son échec ferait peser une menace sur la stabilité de notre continent.
Dans ces pays, nous intervenons essentiellement sous la forme de prêts ; il nous faudra aussi verser des subventions pour accompagner la réforme de la gouvernance. Les majorités qui ont remporté les élections en Tunisie et au Maroc et celles qui, demain, pourraient les remporter en Égypte et en Libye suscitent évidemment des inquiétudes. Mais nous n’avons pas à dicter leur conduite à des pays qui ont pris leur destin en main !
Nous pouvons, en revanche, grâce à la coopération, les aider à conforter leur démocratie. De ce point de vue, monsieur le ministre, on ne peut que se féliciter des résultats du sommet de Deauville. Sur le plan de la méthode, le partenariat de Deauville constitue un modèle de coordination entre bailleurs de fonds, nationaux et multilatéraux, publics et privés. C’est un exemple de ce que notre diplomatie peut faire de meilleur ! Toutefois, concernant le montant des financements annoncés, le Parlement devra rester vigilant, pour que les promesses soient tenues.