Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 28 novembre 2011 à 15h10
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique

Pierre Lellouche, secrétaire d'État :

Nous l’avons fait !

La deuxième priorité est la différenciation, point soulevé par M. Aymeri de Montesquiou, c’est-à-dire le choix d’adapter nos outils d’intervention à la situation de plus en plus hétérogène des pays récipiendaires de l’aide. Les écarts de richesse n’ont en effet cessé de se creuser parmi les pays en développement. Le G77 n’est plus qu’un regroupement de circonstance, derrière lequel s’abritent les grands pays émergents pour conserver encore quelques années le bénéfice politique et financier d’un statut qui ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. La Chine, le banquier de la planète, n’est pas le Burkina Faso.

Ces derniers mois, je n’ai cessé, dans mes fonctions de secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, d’inciter à plus de différenciation – aussi bien en interne qu’à Bruxelles – dans la politique commerciale européenne. Cette démarche trouve une application très concrète dans les accords commerciaux de l’Union européenne : il s’agit de réserver les préférences tarifaires aux pays les plus démunis ou les moins bien intégrés dans les échanges mondiaux. Il en va en matière d’APD comme en matière commerciale : en d’autres termes, il faut concentrer les volumes d’aide, l’effort budgétaire et les préférences tarifaires en direction des pays qui en ont le plus besoin.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de différenciation, il faut se féliciter que les nouveaux prêts d’APD que nous faisons à la Chine à travers l’AFD ne coûtent désormais plus un centime au contribuable français. On ne peut plus aujourd’hui accorder les mêmes libéralités aux pays les moins avancés d’Afrique et à leur bailleur chinois, par ailleurs créancier de l’Europe, fort de ses 10 % de croissance par an et de ses 3 200 milliards de dollars de réserves de change.

Au-delà du seul cas de la Chine, le nouveau contrat d’objectifs et de moyens liant l’État à l’AFD pour 2011-2013 prévoit que 90 % au minimum de l’effort financier de l’État en matière d’APD soit consacré aux pays en développement de l’Afrique et de la Méditerranée et aux pays en crise. Nous faisons même mieux puisque, aujourd’hui, cet effort est à 93 % orienté vers les pays qui en ont le plus besoin.

Enfin, la troisième priorité est le ciblage géographique de notre aide. Il faut se féliciter que l’Afrique subsaharienne – je remercie M. Cambon de l’avoir noté –, qui est devenue la première région d’intervention de la coopération française avec près de 1, 5 milliard d’euros de décaissements et 2, 5 milliards d’euros d’engagements en 2010, concentre plus de 60 % de notre effort budgétaire à titre bilatéral.

De même, il faut se féliciter que la Méditerranée et le Moyen-Orient absorbent près d’un cinquième de l’effort financier de l’État en 2010, conformément à l’objectif fixé par le document-cadre de coopération au développement.

Monsieur Hue, vous avez critiqué le manque de cohérence. Or ce ciblage sur le Maghreb, sur le monde musulman, qui est en pleine évolution, est parfaitement cohérent avec notre effort diplomatique pour accompagner les transitions dites du printemps arabe.

Cette région, je l’ai sillonnée tout au long de l’année dans son intégralité avec les entreprises françaises. Chacun a compris que la stabilité de l’Europe dépendait du succès des transitions démocratiques dans le monde arabe, au-delà des péripéties électorales. Chacun a compris que la finalité de ces transitions, c’est le développement économique, comme l’a justement noté M. Cambon. Entre 40 % et 70 % des habitants ont moins de vingt-cinq ans ; c’est donc la cause principale de ces mouvements démocratiques, et tout l’objet de l’effort que nous devons faire est de trouver un emploi, une stabilité pour ces pays.

Oui, la Méditerranée mérite de figurer parmi les grandes priorités de notre politique d’aide au développement ! C’est tout le sens de l’initiative qu’avait lancée le Président de la République, dès 2008, avec l’Union pour la Méditerranée et qui a été amplifiée par le partenariat de Deauville, qu’il faut également mettre au crédit de Nicolas Sarkozy.

Le partenariat de Deauville, c’est 38 milliards de dollars mobilisés conjointement par les principales banques de développement sur la période 2011-2013, y compris la BERD, en faveur de la croissance et de la démocratie dans le monde arabe. C’est aussi un plan d’intégration économique ambitieux que j’ai porté à Bruxelles, au nom de la France, auprès de mes collègues européens le 26 septembre dernier et qui a d’ailleurs été adopté par le Conseil européen. J’ai ainsi proposé la création d’un espace économique commun entre l’Union européenne et les pays de la Méditerranée. Plus d’intégration commerciale, à travers des accords de libre-échange complets et approfondis, et plus de convergence au niveau des normes, voilà ce que l’Union européenne, sur l’initiative de la France, propose aux pays de la Méditerranée !

Enfin, troisième axe, il nous faut aussi avoir le courage d’affronter un autre volet sur lequel des progrès restent à faire : les retombées économiques de notre aide pour les entreprises françaises. Je suis heureux d’ouvrir ce débat avec vous. Ce n’est pas un sujet tabou, et je remercie MM. de Montesquiou et Cambon d’y avoir allusion.

Je sais bien que certains, comme Mme Eva Joly, présidente de la commission du développement du Parlement européen, soutiennent que l’aide publique au développement est une fin en soi, …

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